Question écrite n° 10945 de M. Claude Bérit-Débat (Dordogne – SOC) publiée dans le JO Sénat du 19/11/2009 – page 2677
M. Claude Bérit-Débat attire l’attention de Mme la ministre d’État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés, sur la question de la compétence extraterritoriale des tribunaux français portant sur les crimes contre l’humanité et les crimes de guerre.
Les représentants de la Fédération nationale des déportés et internés résistants et patriotes (FNDIRP), notamment, souhaitent que le processus d’adaptation de la législation française au fonctionnement de la Cour pénale internationale soit le plus abouti possible, dans le sens où la compétence universelle des tribunaux français devienne clairement établie afin que nos juridictions puissent juger les présumés coupables des crimes précités.
En effet, en juin 2008, à travers un projet de loi, le Sénat avait bien reconnu la compétence extraterritoriale, donc universelle, des tribunaux français en la matière mais cette reconnaissance était assortie de restrictions importantes : en particulier, la double incrimination des faits- ces faits reprochés doivent être punis par la législation de l’État où ils ont été commis- et le principe de la subsidiarité au profit de la Cour pénale internationale.
La commission des affaires étrangères de l’Assemblée nationale est, néanmoins, revenue sur ces restrictions estimant que dans le cadre des crimes en cause les tribunaux français pouvaient être compétents, la seule condition étant que les accusés se trouvent sur le territoire national.
Il lui demande si elle souhaite que la législation française évolue dans ce sens afin de mieux poursuivre les criminels de guerre et ceux qui ont commis des actes contre l’humanité et de servir ainsi encore davantage le devoir de mémoire indispensable à toute société.
Réponse du Ministère de la justice publiée dans le JO Sénat du 01/04/2010 – page 831
En adoptant la loi n° 2002-268 du 26 février 2002 relative à la coopération avec la Cour pénale internationale, la France a respecté tous ses engagements au regard de la convention portant statut de la Cour pénale internationale.
En effet, cette convention n’impose aux États qui y sont parties ni la création d’incriminations spécifiques dans leur droit interne pour les crimes qui relèvent de la compétence de ladite cour, ni la reconnaissance d’une compétence juridictionnelle élargie.
Néanmoins, le Gouvernement a soumis au Parlement un projet de loi, adopté à l’unanimité par le Sénat, comportant toutes les dispositions nécessaires pour incriminer, de la manière la plus complète possible, les comportements prohibés par ladite convention, notamment crimes ou délits de guerre, et prévoyant des règles de complicité élargies.
L’avancée réalisée en ce qui concerne l’instauration d’une compétence juridictionnelle élargie pour les tribunaux français est indiscutable : aucune disposition du statut de Rome n’impose aux États parties de se reconnaître compétents pour juger les génocides, crimes contre l’humanité et crimes de guerre commis à l’étranger, par des étrangers, à l’encontre des victimes étrangères.
La France n’a jamais instauré une telle compétence sans y être expressément engagée par une convention internationale.
Néanmoins, le Gouvernement a soutenu l’amendement déposé par le rapporteur du Sénat élargissant la compétence des juridictions pénales françaises au-delà de leur compétence habituelle.
Depuis 2002, en application des articles 627-4 à 627-15 du code de procédure pénale, qui permettent l’arrestation et la remise à la Cour pénale internationale des auteurs de crimes contre l’humanité et de crimes ou délits de guerre qu’elle ne peut juger en raison de la territorialité des faits, de la nationalité de l’auteur et de la victime, la France peut dénoncer de tels faits à la Cour pénale internationale et en arrêter les auteurs qui se seraient refugiés sur le territoire de la République afin de les remettre à cette cour.
En outre, en application des dispositions votées par le Sénat, la France pourrait juger elle-même de tels criminels, dès lors qu’ils résideraient habituellement sur le territoire français.
La législation française est donc, dès à présent, en parfaite conformité avec les obligations résultant du statut de Rome de la Cour pénale internationale.
Source : JO Sénat du 01/04/2010 – page 831