L’ADMINISTRATION SERAIT-ELLE PRIVÉE DE RAISON ? (Par Sébastien RONPHE, élève avocat et MDMH AVOCATS)

Parce que l’on n’est jamais trop prudents, MDMH AVOCATS a souhaité profiter de cette fin d’année pour partager à nouveau son article concernant les délais de recours en cas de décision implicite de rejet, considérablement restreints depuis un arrêt du Conseil d’Etat du 13 juillet 2016.

Sans compter l’apparition d’un nouveau décret qui entrera en vigueur à partir du 1er janvier 2017, qui fera l’objet d’un prochain article…

 

Ancien article à lire ci-dessous :

Par Sébastien RONPHE, élève avocat et MDMH AVOCATS

Une décision administrative, sauf en matière de travaux publics, peut faire l’objet d’un recours dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision litigieuse (Article R421-1 Code Justice Administrative (CJA)).

Néanmoins, si ladite décision ne mentionne pas les délais et voies de recours, alors, il ne peut être fait grief à un administré d’exercer un recours postérieurement à ce délai de deux mois (Article R421-5 du CJA).

Cependant, depuis un arrêt rendu par l’Assemblée du contentieux du Conseil d’État, la Haute juridiction considère que, lorsque l’obligation d’information sur les délais et voies de recours n’a pas été respectée, un délai de recours raisonnable d’un an est opposable au destinataire de la décision administrative individuelle (CE, 13 juillet 2016, n°387763).

Ce « délai raisonnable » d’un an n’est pas opposable à l’auteur du recours invoquant des « circonstances particulières » ou un délai de recours supérieur défini par un texte.

Ainsi, un administré privé d’information sur son droit d’exercer un recours n’a le pouvoir d’agir, en dépit de la violation par l’administration des dispositions du CJA, que dans un délai « raisonnable » d’une année.

L’étroitesse de ce délai apparaît particulièrement caractérisée et la différence de traitement entre le justiciable et l’administration criante notamment en matière de contentieux de rémunération des agents de la fonction publique pour lequel l’administration dispose en effet d’un délai de deux années pour récupérer des versements erronés (Article 37-1 de la loi n°2000-321 du 12 avril 2000).

Dès lors, n’est-il pas contestable que, dans un État de droit, un administré privé par l’administration d’information sur son droit au recours voit celui-ci encadré dans un délai raisonnable d’une année, quand l’administration se voit octroyer le pouvoir de récupérer des excès de rémunérations des agents dans un délai deux fois supérieur ?

L’interrogation paraît d’autant plus légitime que l’arrêt du 13 juillet 2016 est en partie fondé sur le principe de sécurité juridique « qui implique que ne puissent être remises en cause sans condition de délai des situations consolidées par l’effet du temps ». (CE, 13 juillet 2016, n°387763).

Il semblerait donc que l’équilibre budgétaire d’un foyer ne paraisse pas, aux yeux du Conseil d’État, une situation consolidée par l’effet du temps, même deux ans après un excès de rémunération.

Pourtant, la moitié de ce délai permettrait de consolider les effets d’une décision administrative et ainsi priver l’exercice d’un recours en justice par un administré après la privation par l’administration d’information sur ce recours, en totale violation de la loi. En quoi cela paraît sécurisant juridiquement ? En quoi un tel déséquilibre parait-il raisonnable ?

L’administration serait-elle privée de la raison que le cœur de ses agents ne saurait ignorer ?

© MDMH – Publié le 22 septembre 2016

Cette publication a un commentaire

  1. Anonyme

    Il semble que votre interprétation de cette jurisprudence aille bien au-délà des considérants du Conseil d’Etat. En effet, ce dernier mentionne que « le principe de sécurité juridique (…) fait obstacle à ce que puisse être contestée indéfiniment une DÉCISION ADMINISTRATIVE INDIVIDUELLE qui a été NOTIFIÉE à son destinataire, ou dont il est établi, à défaut d’une telle notification, que celui-ci a eu connaissance ».

    En d’autres termes, la Haute juridiction vise expressément une décision explicite et non une décision implicite de rejet.

    Rappelons par ailleurs, que, par définition, une décision implicite de rejet (qui n’est qu’une « fiction » juridique et n’existe donc pas formellement) ne comporte nécessairement pas de voies et délais de recours (exception faite du cas des accusés de réception, qui ne sont pas obligatoirement dans le cadre des relations entre l’Etat et ses agents).

    In fine, vous confrontez un délai de recours à un délai de prescription afférent au trop-versé en matière de rémunération, qui est de deux ans…Ces deux délais sont parfaitement distincts, du fait de leur nature.

    Par ailleurs, s’agissant de ladite prescription, force est de constater que l’Etat ne peut, lui, faire valoir une déchéance en matière de créances (c’est-à-dire d’ « impayés » de sa part), qu’à l’issue d’un délai de 4 ans… (loi de 1968).

    Bien à vous,

    M. R. GILLOTIN

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