Application dans la gendarmerie de la directive européenne sur le temps de travail
M. le président. La parole est à M. Olivier Marleix, pour le groupe Les Républicains.
M. Olivier Marleix. Ma question, à laquelle j’associe mon collègue Guy Teissier, s’adresse au nouveau ministre de l’intérieur.
À l’heure où l’Europe reste confrontée à un niveau de terrorisme inédit, la mission de la gendarmerie nationale est gravement désorganisée par l’application de la directive européenne sur le temps de travail. Cette directive de 2003, qui définit des périodes minimales de repos, excluait pourtant expressément les forces armées et la police. Mais c’était sans compter sur l’intervention de la Cour de justice de l’Union européenne qui a décidé que ces dispositions devaient leur être appliquées. À l’initiative de votre prédécesseur, depuis le 1er septembre, la gendarmerie nationale a donc commencé à transposer en partie cette directive avec l’application d’un repos journalier de onze heures par période de vingt-quatre heures.
Une telle décision pose trois problèmes : tout d’abord, c’est une remise en cause de l’identité de la gendarmerie qui obéit au principe militaire dit « de disponibilité » ; ensuite, c’est un véritable casse-tête administratif pour les commandants de brigade, qui n’arrivent plus à boucler leur planning ; au total, évidemment plus grave encore, il en résulte une baisse considérable de la capacité opérationnelle de la gendarmerie.
Auditionné par la commission de la défense le 18 octobre dernier, le général Lizurey, directeur général de la gendarmerie, a indiqué que cette nouvelle organisation du temps de travail représentait l’équivalent de 5 000 postes en moins. Et le pire reste à venir, monsieur le ministre, puisque si la directive était appliquée intégralement, lorsqu’un gendarme aura assuré une garde à vue de quatre-vingt-seize heures, ce qui est le cas en matière de terrorisme, il devra être obligatoirement placé en repos pour quinze jours !
Monsieur le ministre, dans le contexte actuel de mobilisation des forces de l’ordre face à la menace terroriste, comptez-vous prendre une initiative au niveau européen pour que l’on sorte de cette jurisprudence totalement insensée et que l’on en revienne à la lettre du texte de la directive ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et sur plusieurs bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)
M. Bruno Le Roux, ministre de l’intérieur. Monsieur Olivier Marleix, je vous remercie de cette question qui me permet de m’exprimer pour la première fois en tant que ministre de l’intérieur dans cet hémicycle et de dire le plaisir que j’ai eu à travailler durant ces quatre années avec Christian Jacob, Philippe Vigier, Roger-Gérard Schwartzenberg et André Chassaigne dans le cadre des réunions de présidents de groupe, avec le souci que nous partagions de discuter autant qu’il le fallait pour que les choses se passent bien. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.) Je continuerai à le faire, et avec la préoccupation, dans la période de tensions particulièrement fortes que vous avez rappelée, que nos services de sécurité puissent surmonter toutes les difficultés, mêmes celles créées par des directives européennes qu’il ne faut pas renoncer à essayer de faire évoluer afin qu’elles ne déstabilisent pas le fonctionnement de nos services.
M. Thierry Solère et M. Edouard Philippe. Certes !
M. Bruno Le Roux, ministre. Je rencontrerai dans deux heures le directeur général de la gendarmerie nationale pour évoquer bien entendu ce sujet avec lui.
Le travail a déjà été entamé par Bernard Cazeneuve, mon prédécesseur. Il ne s’agit pas seulement d’un problème de discussions et d’organisation : il faut aussi y répondre par des moyens qui correspondent à la période. Faut-il vous rappeler qu’entre 2007 et 2012, le budget de la gendarmerie avait diminué de 15 % (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains) alors qu’il a augmenté de plus de 12 % depuis 2012 ? (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.) C’est un élément important pour la répartition des forces de gendarmerie sur le territoire.
M. Guy Teissier. Vous avez eu cinq ans !
M. Bruno Le Roux, ministre. J’étais à Cergy hier soir, à leurs côtés. Je peux vous dire que par la façon dont elles ont été prises en considération par Manuel Valls et par Bernard Cazeneuve, en tant que ministres de l’intérieur puis en tant que Premiers ministres, elles ne se plaignent pas des moyens dont elles disposent aujourd’hui, non seulement en termes de crédits et d’équipements mais aussi de personnels, ce qui contraste singulièrement avec ce que vos gouvernements d’alors avaient fait. La question n’est pas uniquement européenne mais relève également de la politique que vous et les vôtres aviez menée jusqu’en 2012. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)
M. Roger-Gérard Schwartzenberg. Très bien !
Source: Assemblée nationale. Compte rendu intégral. Première séance du mercredi 07 décembre 2016