Question écrite n° 21072 de M. Pierre Charon (Paris – Les Républicains) publiée dans le JO Sénat du 07/04/2016 – page 1381
M. Pierre Charon interroge M. le ministre de l’intérieur sur les menaces qui pèsent sur les détenteurs légaux d’armes sous couvert de lutte contre le terrorisme. Des contraintes ont été suggérées par la Commission européenne visant les chasseurs, les sportifs et les collectionneurs. Cette mise en cause paraît inappropriée, voire maladroite et stigmatisante. Elle peut même entretenir des amalgames non fondés entre les terroristes et les différents publics qui détiennent légalement des armes. Pourtant, les terroristes recourent très peu à ces armes légales, dont l’efficacité est limitée dans une action terroriste. Les armes utilisées par les terroristes proviennent essentiellement – pour ne pas dire exclusivement – de trafics d’armes de guerres, et non d’acquisitions ou de vols auprès de fournisseurs légaux. Ainsi, les armes de chasse ne sont pas réputées pour une quelconque efficacité dans une entreprise terroriste. À titre d’exemple, le nombre limité de coups des différents fusils et carabines de chasse rend ces armes légales peu opérantes dans le cadre d’actions terroristes, notamment à caractère massif. En outre, la question du trafic d’armes, qui alimente les réseaux terroristes, est totalement indépendante du commerce qui vise à la détention légale d’armes. Aucun lien n’a d’ailleurs été prouvé entre ces deux éléments. Les détenteurs d’armes légales constituent des partenaires bien disposés dans la lutte contre le terrorisme. Les contraintes souhaitées par la Commission européenne ne font que jeter une suspicion sur un public qui n’a rigoureusement aucun rapport avec le terrorisme. La multiplication des contraintes ne serait que d’une très faible utilité dans la mesure où le terrorisme s’inscrit délibérément dans un cadre ouvertement illégal, comme on le voit par les différents trafics. La loi n° 2012-304 du 6 mars 2012 relative à l’établissement d’un contrôle des armes moderne, simplifié et préventif, votée sous la précédente législature, faisait clairement la distinction. Il l’interroge donc sur ce qu’il envisage pour éviter tout amalgame dont pâtiraient les chasseurs et autres détenteurs – respectueux des lois et des règlements – d’armes légales au nom de la lutte contre le terrorisme.
Réponse du Ministère de l’intérieur publiée dans le JO Sénat du 08/12/2016 – page 5391
Le 18 novembre 2015, la Commission européenne a présenté une proposition de directive modifiant la directive 91/477/CEE du Conseil relative au contrôle de l’acquisition et de la détention d’armes.
Cette révision de la directive de 1991 constitue une priorité pour le Gouvernement, initiée et portée par le ministre de l’intérieur depuis plusieurs mois, afin de lutter contre la menace terroriste et le crime organisé dans l’objectif premier de renforcer la protection de nos citoyens.
Lors des dernières attaques terroristes subies sur le territoire français, le Gouvernement a dramatiquement constaté que nombre d’armes utilisées avaient été détournées du marché légal. C’est pourquoi, la France s’est particulièrement investie dans les négociations européennes permettant ainsi de remarquables avancées qui ont déjà abouti à un accord politique au Conseil de l’Union européenne le 10 juin dernier.
En effet, les grandes lignes de la révision sont déjà posées : renforcement de l’encadrement des transactions sur Internet, harmonisation du marquage des armes à feu, inclusion des collectionneurs, interdiction des armes semi-automatiques les plus dangereuses, ou encore possibilité de créer une plateforme européenne automatisée d’échanges d’informations sur les transferts intra-communautaires.
Par ailleurs, le règlement d’exécution 2015/2403 relatif aux standards et règles communes sur la désactivation des armes à feu, adopté en décembre 2015, est applicable depuis avril dernier.
Cependant, dans un souci d’efficacité optimale, celui-ci fait encore l’objet d’un travail d’actualisation, en parallèle de la directive.
Au cours de toutes ces discussions, le Gouvernement ne manque pas de mettre en valeur l’exemplarité de la réglementation française au plan européen qui arrive à concilier de manière équilibrée les impératifs de sécurité publique et les pratiques légales d’utilisation des armes à feu.
En effet, les chasseurs et les tireurs sportifs bénéficient déjà de dérogations spécifiques à leurs pratiques respectives.
La France veille ainsi à ce que les tireurs sportifs fassent toujours l’objet de ces mêmes dérogations, dans la mesure où celles-ci sont strictement encadrées.
La directive est actuellement examinée conjointement par le Parlement européen, la Commission européenne, ainsi que par le Conseil de l’Union européenne au sein des trilogues dans le but de parvenir à un accord final d’ici la fin de l’année.
Source: JO Sénat du 08/12/2016 – page 5391