Atteinte à la sûreté de l’État
M. le président. La parole est à M. Georges Fenech, pour le groupe Les Républicains.
M. Georges Fenech. Monsieur le président, je voudrais d’abord rebondir sur la réponse de Mme Rossignol, ministre des familles, de l’enfance et des droits des femmes, pour rappeler la position du groupe Les Républicains. Nous n’avons jamais remis en cause le droit des femmes à l’avortement. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.)
Mme Catherine Quéré. Très bien !
M. Georges Fenech. Cela a encore été rappelé ce matin, publiquement et fortement, par François Fillon. (Applaudissements et « Bravo ! » sur les bancs du groupe Les Républicains.)
Monsieur le Premier ministre, dans le cadre d’entretiens réguliers organisés avec le Président de la République, deux journalistes ont eu accès et ont diffusé des documents classés « secret défense », relatifs à la préparation de frappes françaises en Syrie et à l’autorisation de l’élimination physique de quatre djihadistes. Ces faits, qui portent incontestablement atteinte à la sûreté de l’État et aux intérêts supérieurs de la nation, tombent sous le coup de la violation du secret défense, punie de sept ans d’emprisonnement.
M. Philippe Cochet. En prison !
M. Georges Fenech. Nous avons appris, hier, que sur saisine de notre collègue Éric Ciotti, le procureur de la République de Paris a ordonné l’ouverture d’une enquête préliminaire. Dont acte.
Cependant, monsieur le Premier ministre, parallèlement à la procédure judiciaire se pose la question de la responsabilité politique, car on sait que le chef de l’État bénéficiera de l’immunité présidentielle face à la justice ordinaire. C’est pourquoi, demain, le bureau de notre assemblée doit examiner la recevabilité d’une proposition de résolution initiée par notre collègue Pierre Lellouche, visant la destitution de François Hollande sur le fondement de l’article 68 de la Constitution. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.)
Alors ma question est simple et solennelle : est-ce que, monsieur le Premier ministre, votre majorité politique acceptera d’examiner ce manquement du chef de l’État à ses devoirs, manifestement incompatible avec l’exercice de son mandat et qui justifierait, selon nous, une saisine de la Haute Cour ? (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Guy Geoffroy. Qui n’en pense pas moins.
M. Manuel Valls, Premier ministre. Monsieur le président de l’Assemblée nationale, mesdames et messieurs les députés, monsieur Fenech, je veux être très clair.
M. Guy Geoffroy. Il va défendre l’indéfendable !
M. Manuel Valls, Premier ministre. Dans la période complexe que nous traversons, à la fois à l’échelle internationale, notamment au Levant et au Sahel, et sur le plan intérieur où, comme vient de le rappeler le ministre de l’intérieur, nous faisons face à une menace lourde et persistante, ma conviction profonde, c’est que les Français attendent de leurs responsables politiques une certaine hauteur de vue (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains) et un plus grand respect des institutions qui sont le fondement de notre République.
M. Christian Jacob. C’est bien le sujet !
M. Manuel Valls, Premier ministre. Le Président de la République est le chef de l’État, élu par les Français au suffrage universel,…
M. Pierre Lellouche. Justement !
Mme Claude Greff. Quelle erreur !
M. Manuel Valls, Premier ministre. …et cela que vous le vouliez ou non. C’est ma conception de ce que sont les institutions et je n’admets pas que l’on se prête une nouvelle fois, ici, dans vos rangs, à la mise en cause délibérée et systématique du chef de l’État, de sa personne, et donc des institutions. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain. – Protestations sur les bancs du groupe Les Républicains.) Je sais bien que vous êtes en pleine primaire ; elle a d’ailleurs donné plutôt une belle idée de la responsabilité politique. Mais, monsieur Fenech, cela ne justifie pas tout !
M. Sylvain Berrios. Occupez-vous de Macron !
M. Manuel Valls, Premier ministre. Le Président de la République a toujours pris ses responsabilités pour combattre la menace terroriste à travers les opérations militaires menées par la France, en Irak et en Syrie ou dans la bande sahélo-saharienne, en particulier dans le Nord Mali. Les interventions menées par nos forces armées répondent à une ligne politique et stratégique claire, qui n’a pas varié depuis 2012.
M. Guy Geoffroy. Ce n’est pas le sujet !
M. Manuel Valls, Premier ministre. Il s’agit d’éradiquer la menace terroriste, de protéger les populations locales et les Français, ici comme à l’extérieur, et de défendre les valeurs de la France.
M. Christian Jacob. Il faut protéger nos services aussi !
M. Manuel Valls, Premier ministre. Alors, monsieur Fenech, si vous voulez un débat sur la politique étrangère…,
M. Christian Jacob. Il ne s’agit pas de cela !
M. Manuel Valls, Premier ministre. …sur nos alliances, par exemple sur la relation avec la Russie…
M. Claude Goasguen. Oui !
M. Manuel Valls, Premier ministre. …sur le rôle de notre pays en Europe, en Syrie ou en Irak, nous y sommes prêts.
Voilà le débat que demandent les Français, plutôt que de vous voir remettre en cause, une nouvelle fois, nos institutions. (« Non ! » sur les bancs du groupe Les Républicains.) En tant que chef du Gouvernement, mon rôle est de défendre les institutions et une certaine idée de la France. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)
M. Christian Jacob. Ce n’était pas glorieux comme défense !
Source: Assemblée nationale. Compte rendu intégral.Première séance du mardi 22 novembre 2016