Commission de la défense nationale et des forces armées
Présidence de Mme Patricia Adam, présidente
— Audition, ouverte à la presse, de représentants des syndicats personnels civils de la défense sur le projet de loi de finances pour 2017
La séance est ouverte à neuf heures trente.
Mme la présidente Patricia Adam. Mes chers collègues, nous recevons aujourd’hui les représentants des syndicats des personnels civils de la défense sur le projet de loi de finances pour 2017.
M. Gilles Goulm, secrétaire général de Force Ouvrière Défense. Nous pourrions nous réjouir du projet de loi de finances 2017 pour le ministère de la Défense si nous ne connaissions pas les raisons pour lesquelles une telle inflexion a été décidée au plus haut sommet de l’État.
Même si nous avons dénoncé à maintes reprises les déflations d’effectifs drastiques qu’ont pu connaître notre ministère et les armées, nous sommes conscients que l’arrêt annoncé des déflations et la hausse du budget sont la résultante des attentats sauvages et meurtriers qui ont ensanglanté notre pays et de la lutte contre le terrorisme, qui nécessite que nous ne baissions pas la garde, bien au contraire.
Mais, à Force Ouvrière, nous entretenons notre mémoire, nous n’oublions pas ; et la prise de conscience d’aujourd’hui ne doit pas effacer les années de politiques qui ont entraîné la défense française dans une situation préoccupante. Même si certains ont opportunément la mémoire courte, nous n’oublions pas pour notre part la révision générale des politiques publiques (RGPP), avec son cortège de 54 000 suppressions de postes et la création des bases de défense dont les personnels, civils comme militaires, s’attachent péniblement à améliorer le fonctionnement. Nous n’oublions pas non plus les années pendant lesquelles, quelle que soit la couleur politique du gouvernement en place, l’externalisation était devenue la religion, la quintessence de ce qui se faisait de mieux en matière de bonne gestion des deniers publics, avec, là aussi, les conséquences que l’on connaît – je pense notamment à l’externalisation des véhicules de la gamme commerciale.
Comme il est commode aujourd’hui, a fortiori en période préélectorale, de « taper » sur les organisations syndicales, notamment celles qui, réforme après réforme, n’ont cessé d’alerter sur les risques que de telles politiques faisaient peser sur nos armées et sur leur capacité à assurer leurs missions au service de la République ! Il est en effet plus facile d’expliquer que les permanents syndicaux, dont ceux qui sont face de vous aujourd’hui, sont déconnectés de la réalité – coupés de leur base, plus attachés à défendre leur pré carré que l’avenir des établissements – que de reconnaître s’être lourdement trompé lorsqu’on était aux affaires, ou qu’on y est encore. Voilà pourquoi ce budget 2017 n’appelle de notre part aucun triomphalisme ni joie particulière. Il représente simplement le nécessaire pour que les armées et ceux qui les soutiennent puissent jouer leur rôle, répondre aux ordres que leur dicte la République, et assurer la sécurité et la protection de nos concitoyens.
Quand on dit que les réductions d’effectifs sont annulées d’ici à 2019, encore faut-il affiner la lecture d’une telle annonce et éviter qu’elle ne soit une annonce en « trompe-l’œil ». L’arrêt des déflations est un solde entre créations et suppressions de postes. Et l’objectif, que nous pouvons comprendre, de procéder à une adaptation en renforçant le caractère opérationnel ne doit pas conduire à une désorganisation des services de soutien qui vont supporter la majorité des suppressions de postes. Comme les personnels civils se trouvent dans leur totalité, ce qui est normal, sur des fonctions de soutien, il n’y a qu’un pas à franchir pour en faire la variable d’ajustement de la loi de programmation militaire (LPM) actualisée, pas que certains franchiront allègrement. Bien évidemment, il faut renforcer l’opérationnel, notamment la cyberdéfense et le renseignement, mais nous considérons qu’une des méthodes pour y parvenir consiste à rééquilibrer les effectifs militaires-civils sur les fonctions de soutien. Transformer des postes pour les confier à des personnels civils afin de repositionner certains personnels militaires sur le cœur de leur mission est aussi, selon nous, un axe sur lequel il faut travailler.
Le ministre a eu le courage de commander au contrôle général des armées (CGA) un rapport qui précise – ce sont les chiffres du CGA, pas les nôtres – qu’environ 15 000 postes pourraient être transformés dans ce cadre. Même si je m’éloigne un peu de la problématique du budget 2017 dans la mesure où une telle politique de rééquilibrage se ferait à masse salariale constante, je me permets de préciser les propositions de Force Ouvrière en la matière : 15 000 postes sur dix ans, soit 1 500 par an, sur trois axes : reconversion des militaires selon la procédure de l’article L. 4139-2, concours internes et externes, et plans de requalification pour rajeunir la pyramide des âges et maintenir les compétences.
Pour revenir plus précisément au PLF 2017, nous soulignons avec satisfaction l’augmentation des crédits alloués à la condition des personnels civils, qui passent de 1,6 million d’euros en 2016 à 18 millions d’euros en 2017, consacrés à hauteur de 11 millions dans le cadre du protocole « Parcours professionnels, carrières et rémunérations » (PPCR), le reste étant réparti entre le régime indemnitaire tenant compte des fonctions, des sujétions, de l’expertise et de l’engagement professionnel (RIFSEEP) et une mesure salariale pour les ingénieurs cadres technico-commerciaux (ICT). Encore une fois, nous nous en félicitons, bien que nous n’ayons signé ni l’accord PPCR, ni les accords Jacob dont découle le RIFSEEP – non que nous ne voulions pas de ces 18 millions d’euros, qui permettront d’améliorer par exemple le régime indemnitaire des agents sans passer par des usines à gaz inventées par la haute administration de la fonction publique et qui au bout du compte mécontentent tout le monde. Et enfin, même si nous passons de 1,6 million à 18 millions, il manque encore six millions d’euros pour revenir au niveau des crédits de 2012…
Puisque j’évoque ici la haute administration, notamment celle du ministère de la Fonction publique, je ne peux pas ne pas aborder le sujet particulier des ouvriers de l’État. Nous reconnaissons à ce ministre l’opiniâtreté et la constance avec lesquelles il s’est battu et se bat encore sur le sujet du recrutement des ouvriers de l’État – 418 recrutements sont inscrits au budget 2017. Et, alors qu’on reproche souvent aux organisations syndicales de ne pas vouloir négocier, de tout rejeter en bloc, voilà que le cabinet de la ministre de la Fonction publique fait du blocage idéologique, obnubilé qu’il est par son objectif de destruction du statut des ouvriers de l’État. Comment accepter que ce cabinet, par son mutisme, son refus de laisser le ministère de la Défense engager des négociations avec les organisations syndicales sur le sujet, aille jusqu’à nier aux ouvriers de l’État l’application des 0,6 % d’augmentation accordés aux personnels fonctionnaires ? Cet aveuglement est incompréhensible, sauf à considérer qu’il joue la montre, persuadé que le temps joue contre les ouvriers de l’État et qu’à la suite des élections de 2017 il pourra tout à loisir détruire un statut pour lequel il n’a que haine et mépris, face à des agents qui démontrent tous les jours leurs compétences et leur savoir-faire au service des armées.
N’étant pas, en tant que responsable syndical, en charge de la politique de défense de la France et considérant qu’elle relève de la responsabilité du chef de l’État et de la représentation nationale, je ne m’exprimerai sur le volet des équipements que pour évoquer l’importance que Force Ouvrière attache au maintien en condition opérationnelle (MCO) et à sa réalisation par des personnels du ministère de la Défense en général, et par des personnels civils en particulier. La défense de la catégorie des ouvriers de l’État prend ici tout son sens.
Enfin, j’aborderai rapidement la réserve opérationnelle, pour préciser que si son renforcement et l’augmentation des crédits qui y sont dédiés sont compréhensibles, il est nécessaire que son utilisation soit plus exemplaire que jamais. À ce titre, nous insistons sur le fait que l’emploi d’un réserviste opérationnel doit exclusivement être réservé à des tâches opérationnelles, et non, comme nous le constatons encore trop souvent, pour pallier un manque d’effectifs sur des fonctions administratives.
Mme Sophie Morin, secrétaire générale de la CFDT Défense. Madame la présidente, vous nous recevez aujourd’hui pour une audition sur le projet de loi de finances pour l’année 2017 et nous vous en remercions.
Pour le ministère de la Défense, l’année 2017 est dans la suite logique des décisions prises au plus haut niveau de l’État en matière de sécurité et de lutte contre le terrorisme. Le contexte toujours hautement sensible l’exige, l’ennemi pouvant frapper partout et n’importe quand. Nos combattants doivent être en nombre suffisant et toujours mieux équipés et soutenus pour combattre.
Pour les agents civils de l’État que nous représentons, la lecture du PLF 2017 est décevante.
À l’heure où les forces militaires se recentrent sur leur métier de combattant, le rôle et la place des personnels civils devraient croître en proportion dans le soutien et le maintien en condition opérationnelle. Or, nous constatons que le nombre de recrutements est bien loin des besoins pour faire face aux charges de travail et aux très nombreux départs en retraite. C’est le « papy-boom » également au ministère de la Défense !
À l’instar de ce que nous vous avions souligné lors de nos précédentes auditions, le manque d’anticipation en recrutements va amener les services de soutien du ministère à ne plus remplir leurs missions que d’une manière de plus en plus dégradée.
L’urgence pour le maintien en condition opérationnelle aéronautique et terrestre a été prise en compte, mais les embauches restent encore insuffisantes pour les années à venir. Aujourd’hui, c’est pour l’administration générale et le soutien commun que nous tirons le signal d’alarme.
Les militaires en opérations extérieures et affectés à la protection du territoire national comptent sur un soutien technique et administratif réactif et de qualité. Les personnels civils en sont les garants indispensables.
Aujourd’hui, c’est un recrutement civil de grande ampleur qu’il convient d’engager dans le soutien. Le sujet est particulièrement sensible dans la filière restauration-hôtellerie-loisirs (RHL), dans les services d’administration du personnel (SAP) des groupements de soutien de base de défense (GSBdD), dans les centres ministériels de gestion (CMG), ou encore au service d’infrastructure de la défense (SID).
Pour la CFDT Défense, il est urgent de reprendre une politique de recrutement ambitieuse, par des concours externes, des concours internes et des requalifications, par l’embauche des apprentis et par le biais des dispositifs de seconde carrière des anciens militaires.
Nous estimons qu’il y a lieu d’établir un plan de recrutement d’urgence sur le reste de la durée de la LPM : 15 000 recrutements de personnels civils seraient nécessaires, afin d’enrayer la déflation naturelle prévisible qui serait préjudiciable au soutien des forces, soit 5 000 par an, 1 700 en rééquilibrage et 3 300 en renouvellement.
Il est également grand temps que les personnels civils de la défense soient enfin reconnus dans leur rôle et à leur juste place, quelle que soit leur catégorie. Pour y arriver, il est indispensable qu’une gestion prévisionnelle des emplois et compétences (GPEC) les concernant voie enfin le jour.
À la suite des recommandations du rapport du contrôle général des armées sur le rôle et la place du personnel civil dans le soutien, le ministre de la Défense a demandé aux organisations syndicales de faire des propositions. La CFDT a pris ses responsabilités et a remis à la direction des ressources humaines du ministère de la Défense (DRHMD) une analyse avec dix-huit revendications, dont nous vous remettrons un exemplaire si vous le désirez. Il reste à définir dans quelle filière et quels établissements certaines d’entre elles pourraient être expérimentées.
S’agissant des industries de défense, si nous reconnaissons le rôle positif du ministre pour obtenir des contrats à l’exportation, il convient de ne pas relâcher les efforts et de regarder d’un œil attentif ces industriels qui dépendent encore largement des crédits défense. Par exemple, Nexter risque de connaître un gros problème de plan de charge à Roanne en 2017 en attendant le début du programme Scorpion et la fabrication du Griffon qui devrait démarrer en 2018 pour remplacer le véhicule de l’avant blindé (VAB). D’où la nécessité d’un contrat export ou d’un transfert de charge de Krauss-Maffei-Wegmann (KMW), société allemande avec laquelle Nexter s’est associée. Mais pour l’instant, force est de constater que cette alliance n’a pas encore apporté le contrat export tant attendu qui permettrait d’assurer la pleine charge de l’entreprise. Attention, là encore, à ne pas perdre des compétences vitales pour l’entreprise.
Pour les industriels, nous voulons également insister sur l’accompagnement de l’État au travers des plans d’étude amont, notamment sur les produits de demain comme la dissuasion et les ruptures technologiques qui vont percuter l’industrie comme la fabrication additive.
Nous dénonçons la frilosité de l’État en matière d’investissement dans les énergies marines renouvelables (EMR), qui seront filialisées au travers de DCNS Énergies. Il serait pour le moins contradictoire, un an après l’engagement lors de la COP21, que l’État soit timide face à ces investissements, les EMR étant créatrices d’emplois.
Enfin, pour les ouvriers de l’État, nous demandons la fin de la suspension de leur bordereau de salaire, qui n’a que trop duré.
Pour conclure sur une note un peu plus positive, nous saluons l’augmentation, même si elle est insuffisante, des mesures catégorielles, qui permettra, grâce à l’application du protocole PPCR, de combler un peu le manque à gagner de ces dernières années.
M. Hervé Baylac, secrétaire général de la Fédération nationale des travailleurs de l’État (FNTE-CGT). Madame la présidente, Mesdames et Messieurs les députés, nous sommes satisfaits de vous rencontrer car, depuis le début du conflit pour le retrait et l’abrogation de la loi « travail », la CGT n’a pas eu beaucoup de contact avec la majorité d’entre vous. D’ailleurs, nous serions curieux de savoir ce que cela fait d’avoir un Premier ministre qui n’entend pas faire voter une loi par les députés, préférant le passage par la voie du « 49-3 ». Pour nous, ce serait une forme de déshonneur. Mais vous le soutenez malgré le fait que trois Français sur quatre sont toujours opposés à cette loi scélérate. Une loi travail qui n’a pas tardé à s’appliquer au sein de la fonction publique puisque des discussions doivent s’ouvrir, notamment sur le CPA.
Il en est de même pour les positions « guerrières » prises par le président Hollande, chef de l’État et des armées. Celui-ci gère les conflits avec un noyau de fidèles sans demander l’avis de la représentation nationale. Drôle de conception de la démocratie ! On comprend mieux dès lors que lui et son ministre de la Défense se gargarisent de vendre des armes à des pays où la démocratie et les libertés ne sont pas les priorités. Les seuls gagnants dans l’histoire sont les dirigeants et les actionnaires des industries de défense, qui n’avaient jusqu’alors connu un tel soutien de la part d’un gouvernement. Mais bon, vous soutenez cette démarche !
À la CGT, nous la condamnons. Vous n’êtes pas sans savoir qu’une des valeurs fondamentales de notre organisation syndicale est la paix. Or aujourd’hui, le chef de l’État, son gouvernement et une majorité de députés cautionnent la guerre pour mettre un terme au terrorisme. Si telle était la recette, vu la multiplication des conflits contre ces terroristes, ceux-ci seraient purement et simplement éradiqués.
Depuis début 2015, notre pays a payé un lourd tribut au travers des attentats barbares qui nous ont tous frappés.
Pour la CGT, rajouter de la guerre à la guerre, de la violence à la violence, de la haine à la haine ne fait qu’amplifier les massacres dont sont victimes chaque jour des milliers de citoyens à travers le monde. Ceux qui en ont les moyens tentent de fuir, les autres sont sacrifiés pour soi-disant éradiquer le terrorisme. À ce sujet, nous vous interpellons, comme nous l’avons fait hier auprès du ministre, sur l’utilisation faite par des militaires de la messagerie interne à notre ministère à des fins politiques pour rejeter l’accueil des réfugiés dans notre pays. De tels individus n’ont pas leur place au sein de notre ministère, de notre République.
Venons-en au PLF 2017 qui, une fois de plus, voit les sommes consacrées à la dissuasion nucléaire augmenter. Un projet de budget qui semble ignorer l’usure des matériels et le manque de personnels civils pour le remettre en état et ainsi assurer la sécurité des militaires en opération. La CGT, comme d’autres organisations syndicales, n’a de cesse de revendiquer des recrutements de fonctionnaires et d’ouvriers de l’État, afin que puissent être réalisées les missions régaliennes. Encore une fois, les effectifs des personnels civils sont en baisse. En baisse avec un chantage inacceptable concernant les ouvriers de l’État. Nous ne développerons pas le sujet, mais sachez que la CGT n’acceptera pas de discuter sous la contrainte.
Des députés ici présents se déplacent parfois dans des établissements et peuvent mesurer le rôle, la place et l’implication de l’ensemble des personnels civils. Il est grand temps, Mesdames et Messieurs, que vous agissiez pour que les recrutements nécessaires soient réalisés à leur juste niveau, soit bien au-delà de ceux proposés – nous pouvons vous donner des chiffres – et aux seuls statuts de fonctionnaires ou d’ouvriers de l’État, pas en version low cost.
Il en est de même pour les salaires. Vous, parlementaires, osez individualiser les salaires. Ce n’était pourtant pas une promesse du candidat Hollande en 2012 ! De toute façon, depuis cette date, il a fait tout l’inverse de ce qu’il avait annoncé.
Plutôt que d’augmenter le point d’indice de manière transparente et de rétablir les bordereaux trimestriels avec le rattrapage des sommes dues, vous préférez, au travers des différentes lois, privilégier le patronat. Quand on fait le ratio entre les milliards versés et le nombre d’emplois créés – et pas forcément, d’ailleurs, en contrat à durée indéterminée (CDI) –, le bénéfice est de plus de 300 000 euros par emploi. C’est purement scandaleux, alors que, dans le même temps, il n’y a pas d’argent pour augmenter le SMIC et que les fonctionnaires de catégorie C de notre ministère vivent à peine au-dessus du seuil de pauvreté. Il en est de même pour l’ensemble des fonctionnaires, des ouvriers de l’État et des salariés sous conventions collectives, qui, pour les uns, se voient accorder une revalorisation ridicule du point d’indice, et, pour les autres, voient leurs salaires gelés depuis six ans et, pour les salariés de droit privé, des augmentations au titre de la négociation annuelle obligatoire (NAO) qui sont toujours au rabais. Il est grand temps que vous réagissiez, car le mécontentement exprimé par la rue pourrait se transformer dans les urnes.
Nous ne pouvons pas conclure notre intervention sans parler de KNDS, issu de la fusion de KMW et Nexter, qui est aujourd’hui dans une situation très inquiétante, notamment pour les sites présents sur notre territoire. Des établissements comme ceux de Roanne, Tulle ou encore Toulouse ne savent pas quel sera leur plan de charge en 2017. À qui la faute ? Au ministre Macron et aux députés qui ont fait le choix de privatiser ce groupe, de casser ce formidable outil industriel qui aujourd’hui pourrait fabriquer les fusils d’assaut, plutôt que de les acheter aux Allemands, et les munitions plutôt que de les acheter à Israël. En plus de brader notre outil industriel, c’est notre indépendance et notre souveraineté que vous êtes en train de détruire.
Il en est de même pour DCNS et le protocole d’accord – Head of Agreement (HOA) – en cours en vue d’une cession du site lorientais à Fincantieri, avec fermeture programmée du site tropézien et abandon de l’activité « torpille ». Avec un PDG roi de la finance mais ne connaissant rien à l’industrie, sa politique étant guidée par l’État actionnaire majoritaire, on est en train de brader nos savoir-faire et nos compétences, préférant le recours à des travailleurs détachés à l’emploi stable et statutaire. Pour ceux qui ne savent pas ici ce que sont les travailleurs détachés, car on n’en voit pas à l’Assemblée nationale, ce sont des hommes et des femmes rémunérés, sur notre territoire, 500 euros par mois. C’est ça l’Europe sociale que vous prônez ! Nous aurions encore beaucoup de choses à dire, mais nos syndicats locaux, avec les salariés, viendront vous en faire part dans vos permanences dès le 18 octobre.
M. Laurent Tintignac, secrétaire général adjoint de l’Union nationale des syndicats autonomes (UNSA Défense). Madame la présidente, Mesdames et Messieurs les députés, nous tenons d’abord à vous remercier de permettre aux organisations syndicales représentatives du ministère de s’exprimer sur le budget 2017 de la défense. Il y a un an tout juste, nous étions ici même pour le même exercice. C’était avant les attentats sanglants qui ont endeuillé notre Nation, et qui ont conduit depuis le président de la République à ralentir, puis à stopper les déflations d’effectifs qui étaient censées s’étaler jusqu’au terme de l’actuelle loi de programmation militaire. L’orientation est clairement le renforcement des quelques fonctions prioritaires : forces spéciales, cyberdéfense et renseignement. Une inflexion liée à l’évolution des menaces et aux besoins de protection des Français.
Le projet de loi de finances pour 2017 prévoit 381 milliards d’euros de dépenses, soit 7,4 milliards de plus que celui de 2016, malgré une prévision de croissance de 1,5 % non stabilisée. Le budget de la Défense nous a été présenté hier, dans ses grandes lignes, par le ministre de la Défense, et une revue de détail sera assurée la semaine prochaine par le directeur des ressources humaines du ministère.
Le budget de la Défense pour 2017 s’établit à 32,7 milliards d’euros. Il est sanctuarisé sans faire appel à des recettes exceptionnelles, aléatoires par définition selon l’UNSA Défense, et sans formaliser non plus le recours aux sociétés de projet, scénario rejeté également par l’UNSA Défense et sur lequel nous nous sommes exprimés à maintes reprises. Un scénario qui, à terme, aurait entraîné la perte de compétence et de souveraineté, ainsi qu’un surcoût à terminaison.
L’UNSA Défense prend acte de la création nette de 464 emplois, dont 64 pour le Service industriel de l’aéronautique (SIAé), du recrutement de 418 ouvriers dans les métiers du MCO, et d’une trajectoire de ressources humaines (RH) qui rompt avec des années de déflation.
Devant votre commission, l’UNSA Défense n’a eu de cesse de demander une pause dans le cycle infernal des restructurations, alors que la défense est le plus gros contributeur à l’effort de réduction des effectifs publics, tout comme la France est le plus gros contributeur – pour ne pas dire le seul – à la protection des populations et des intérêts européens. Il n’est pas concevable que la France, sous prétexte qu’elle serait plus soucieuse de son influence internationale que d’autres, finance seule l’essentiel de la protection antiterroriste de l’Europe. À ce titre, intégrer le budget de la Défense dans l’appréciation du respect des critères de déficit imposés par l’Europe est un non-sens.
Rappelons aussi que sur la mandature, le ministère de la Défense aura perdu 19 851 postes. Le budget qui nous est présenté constitue donc un budget de rupture sur le plan financier et des ressources humaines, mais le passif est là, notamment en ce qui concerne le soutien. Le ministre a confirmé le recrutement dans des domaines très sensibles, et l’UNSA Défense en prend acte, mais nous appelons votre attention sur le fait que ces priorités – ô combien légitimes – ne doivent pas cacher la situation très délicate du soutien où sont employés nombre de personnels civils que nous représentons.
Il y a quelques semaines ou mois, a été remis aux élus du comité technique ministériel (CTM) le rapport du contrôleur général des armées Philippe Hamel, analysant les moyens d’une mesure de rééquilibrage entre les personnels militaires et les personnels civils. Un rapport attendu par tous, tant la situation de la défense est devenue critique à bien des égards.
Un des premiers constats fait par le contrôleur général Hamel est que les deux décennies de restructurations de la défense qui ont précédé l’annonce du président de la République de suspendre les déflations, ont masqué une réalité démographique alarmante pour le ministère de la Défense. Plutôt que l’expression « défi démographique » employée dans ce rapport, nous préférons évoquer, si vous le permettez, l’« état d’urgence démographique » dans lequel se trouve la défense à l’aube des cinq à dix années qui se profilent. Ainsi, 77 % des ouvriers de l’État du ministère, soit un peu moins de 20 000 agents, personnels d’exécution des missions techniques et de soutien, auront quitté l’institution dans la décennie à venir. Pour certains sites particulièrement fragiles, cet horizon est à seulement cinq ans. Et 75 % des personnels fonctionnaires de catégorie B connaîtront le même sort. Inutile de lutter contre le vieillissement de la population : comme tout un chacun ici, nous prenons tous douze mois par an, c’est inéluctable. Les simples bonnes intentions ne suffiront pas, et il est à craindre que ce nouveau rapport vienne grossir la pile des précédents, tous oubliés et soigneusement rangés dans les placards des bonnes idées RH de l’institution Défense.
Aussi l’UNSA Défense a-t-elle déjà évoqué devant votre commission les nécessaires recrutements afin d’éviter des ruptures de compétences, certaines fonctions imposant parfois un apprentissage de plusieurs années. Ce 6 octobre 2016, nous tirons une nouvelle fois le signal d’alarme. Si la défense ne se met pas en capacité de recruter dans les métiers et les fonctions qui font l’efficience du soutien, qu’il soit commun ou opérationnel, le défi n’en sera plus un, les compétences seront perdues ; et garantir les conditions d’un soutien efficace, assurant la sécurité maximale aux femmes et aux hommes qui les utilisent, deviendra une gageure. L’efficacité opérationnelle ne peut exister sans un soutien performant et il revient aux personnels civils d’en assurer cette performance.
Aussi, davantage que la mesure de rééquilibrage indispensable entre militaires et civils sur des postes qui ne justifient en rien un caractère opérationnel, mesure certes indispensable et à propos de laquelle l’UNSA Défense a déjà évoqué devant vous les économies qu’elle serait susceptible de permettre, c’est bien de recrutements, de jeunes recrutements que ce ministère a besoin. Si nous avons pris acte de la prise de conscience des autorités quant à ce renouvellement, il faut maintenant passer aux actes, faute de quoi, le faire-faire sera inévitable, et les externalisations, entraînant pertes de compétences, deviendront la norme. Or vous savez, Mesdames et Messieurs les députés, le coût de ces externalisations, vous qui avez soutenu, par exemple, le rapatriement sur le territoire national de l’entretien de l’avion Hercules C 130, moyen aéroporté des forces spéciales, entretien qui passera donc d’une entreprise industrielle portugaise privée au SIAé.
En conclusion, il convient de prendre en compte rapidement les préconisations du rapport Hamel, grâce à des mesures fortes.
La première est d’atteindre un meilleur équilibre entre personnels militaires et personnels civils, dont la complémentarité est avérée. Enjeu essentiel de la modernisation et gage d’une meilleure efficience du ministère de la Défense.
Il faut ensuite maintenir une capacité à renouveler les équipements, à assurer leur soutien et à engager des actions stratégiques à long terme.
Il convient de clarifier le rôle et la place de chacun, les fonctions à vocation militaire et celles à vocation civile.
La représentation nationale doit se pencher sur les modalités des concours de fonctionnaires, notamment sur les périmètres géographiques, en particulier pour les concours de catégories C et B.
Il est nécessaire également d’ouvrir la communication, comme savent si bien le faire les états-majors, sur les recrutements de personnels civils par tous les moyens modernes.
Il faudra ouvrir les postes au recrutement pour les apprentis formés par le ministère, afin de ne pas perdre ces compétences.
Il conviendra en outre de mettre un terme aux abus dans la politique des réserves opérationnelles.
Enfin, nous estimons indispensable d’élargir les recrutements ouvriers au-delà des 17 professions ouvrières identifiées par le ministère, sur les 62 que compte la nomenclature. Il importe d’identifier les professions les plus critiques et celles à la sociologie la plus défavorable, et d’élaborer sur cette base une stratégie de recrutement.
L’analyse issue du rapport Hamel rappelle le chiffre de 15 000 agents sans charge opérationnelle, et en fait un périmètre de travail, mais non un objectif de rééquilibrage. Pour l’UNSA, justement si : il faut définir un objectif de rééquilibrage, sans quoi les réticences seront toujours plus fortes et les arguments toujours plus recevables.
Sur le plan plus général des statuts et rémunérations des personnels, l’UNSA Défense a pris acte des mesures de revalorisation indiciaire et, plus généralement, des avancées – fussent-elles insuffisantes – du protocole PPCR, dont nous demandons la mise en application totale avant la fin 2016. Nous appelons toutefois votre attention sur l’absence de mesures dans le budget 2017 pour les ouvriers de l’État, dont le bordereau est gelé depuis six ans et qui ne sont concernés ni par les avancées du protocole PPCR, ni par la revalorisation du point d’indice – ce qui, hélas, est trop facilement compréhensible.
M. Philippe Vitel. Il est dommage que la représentation nationale n’ait pas eu le rapport en même temps que les représentations syndicales !
Mme la présidente Patricia Adam. Nous ne sommes pas obligatoirement destinataires de ces rapports internes du contrôle général des armées. Il faut les demander ; j’ai donc envoyé un courrier au ministre en ce sens. Vous en aurez connaissance dès que nous l’aurons reçu.
M. Patrick Pradier, président de la CFTC Défense. Madame la présidente, Mesdames et Messieurs les députés, la fédération CFTC Défense vous remercie de votre invitation. Nous accueillons avec satisfaction ce projet de loi de finances qui se traduit par une hausse de 600 millions d’euros par rapport au PLF 2016. Toutefois, la CFTC Défense n’oublie pas le contexte sécuritaire qui a orienté les décisions du président de la République lors du conseil de défense du 6 avril 2016.
Notre propos sera articulé en trois points : les mesures financières en faveur du personnel civil, les effectifs, la modernisation des matériels.
Les mesures financières en faveur du personnel civil, d’abord.
Ce budget intègre la hausse du point d’indice de la fonction publique. Les 110 millions d’euros affectés à cette mesure ne comblent pas le manque à gagner des six années de gel de salaire pour les agents et leur famille. De surcroît, nous rappelons que les ouvriers de l’État attendent toujours le dégel du bordereau de salaire ouvrier.
La mise en œuvre du protocole PPCR, signé par la CFTC, se traduit par une augmentation de 18 millions d’euros du plan catégoriel.
La revalorisation des grilles indiciaires et le transfert primes-points gageront 11 millions d’euros.
Dans le cadre du régime indemnitaire de fonctions, de sujétions, d’expertise et de l’engagement professionnel (RIFSEEP), trois millions d’euros sont affectés au profit du complément indemnitaire annuel (CIA). Nous rappelons notre opposition au CIA, qui se traduira par un mécontentement de la majorité des agents ; nous aurions préféré une indemnité de fonction, de sujétions et d’expertise (IFSE) plus conséquente.
Les effectifs, ensuite.
La fin des déflations dans le cadre de l’adaptabilité, le redéploiement de 10 000 postes vers les missions prioritaires – cyberdéfense, protection du territoire national et renseignement – et l’augmentation nette de 782 emplois sur la durée de la LPM, soit entre 2017 et 2019, ne sont qu’une étape. La CFTC Défense reste vigilante quant à la mise en œuvre des plans de transformation du ministère de la Défense et à la place du personnel civil dans les unités de soutien – MCO terrestre et service du commissariat des armées.
La CFTC prend acte du recrutement de 418 ouvriers de l’État et de sa mise en œuvre dès le projet de loi de finances, mettant fin au dispositif du contingentement.
La modernisation des matériels, enfin.
Les moyens financiers accordés aux crédits d’équipement – 17,3 milliards d’euros – sont encourageants, mais il ne faudrait pas que, « faute de combattants », la maintenance de l’outil de défense soit confiée au monde industriel. La CFTC souligne la nécessité de recruter les bons agents au bon endroit, au bon moment, sous le meilleur statut.
L’effort consacré aux infrastructures est de 96 millions d’euros en tenant compte de la condition de vie des personnels engagés dans le cadre de l’opération Sentinelle. Nous pensons qu’il s’agit là d’une priorité et qu’il conviendra de pérenniser cette dotation dans les années à venir.
En conclusion, depuis plus de vingt ans, le ministère de la Défense se restructure ; il aura fallu une recrudescence des menaces sur le territoire national pour enfin stopper ces déflations infernales.
Au sein de l’Union européenne, ce sont la Grèce, le Royaume-Uni et la France qui consacrent la plus importante part de leur produit intérieur brut aux dépenses militaires : 2,2 % pour ces trois pays. Sur les 28 États membres, huit dépensent moins de 1 % de leur PIB pour la défense : l’Espagne, la Hongrie, la Lettonie, l’Autriche, la Lituanie, Malte – ainsi que l’Irlande et le Luxembourg, qui se partagent la dernière place avec 0,5 %.
Compte tenu de ces éléments, nous pensons que la France devrait être exonérée de la règle des 3 % de déficit budgétaire dans le domaine de la défense.
M. Patrick Onado, secrétaire territorial Île-de-France de Défense CGC. Madame la présidente, Mesdames et Messieurs les députés, Défense CGC vous remercie de cette invitation.
Nous reconnaissons l’importance de la décision du président de la République d’interrompre toute diminution des effectifs du ministère de la Défense jusqu’en 2019. Il fallait effectivement que la France puisse renforcer ses unités opérationnelles, ses capacités de renseignement et les moyens de la cyberdéfense et de la lutte antiterroriste, tout en continuant d’appartenir au cercle très restreint des pays capables d’entrer en premier en territoire ennemi. Pour ce faire, nos forces armées doivent disposer de la meilleure technologie d’armement, avec un MCO parfaitement maîtrisé.
Défense CGC s’inquiète des perspectives annoncées pour les prochaines années au niveau du MCO et des compétences métier qui vont mécaniquement échapper au ministère, contrairement à la démonstration contenue dans les 114 pages du rapport sur le projet de loi de finances pour 2017.
Je vais revenir plus précisément sur les mesures relatives au personnel civil.
Une logique de redéploiement des effectifs est mise en œuvre pour renforcer les moyens alloués aux nouvelles priorités du ministère. L’annonce de recrutements en 2017 pourrait paraître importante au niveau de la fonction publique, mais il faut relativiser cette information en la rapportant au nombre de recrutements de personnels civils, qui reste insuffisant pour compenser les départs en retraite de ces personnels. Le ministère a besoin de ces compétences pour poursuivre ses missions, comme toutes les organisations syndicales l’ont souligné aujourd’hui.
La reprise des recrutements dans l’ensemble des métiers est donc indispensable pour maintenir les compétences. Ainsi, dans les dix prochaines années, ce sont au moins 2 000 recrutements par an qui seront nécessaires pour compenser ces départs. Le recrutement externe et le recrutement sur concours sont donc nécessaires.
Sur le rééquilibrage des personnels civils et militaires, environ 15 000 postes pourraient être transférés aux personnels civils, selon le rapport Hamel. Ce sont donc 1 500 personnels qu’il faudrait recruter par an sur une dizaine d’années.
Au sujet des mesures catégorielles pour 2017, ce budget n’est pas satisfaisant pour les personnels civils. En effet, on annonce 11 millions d’euros pour le PPCR, qui est une mesure interministérielle obligatoire, et donc une mesure faussement nouvelle. Le montant des mesures nouvelles à prendre en compte serait donc seulement de 7 millions d’euros.
Concernant le RIFSEEP, la partie constituée par le complément indemnitaire annuel (CIA) représente, pour l’ensemble des fonctionnaires, environ 2,5 millions d’euros, soit à peu près 80 euros par agent en 2017. Il ne s’agit pas, en outre, d’une mesure pérenne. C’est une enveloppe d’indemnité de fonction, de sujétions et d’expertise (IFSE) qui aurait été nécessaire pour commencer à corriger certaines anomalies. Par exemple, sur la filière technique, la faiblesse du montant alloué va, dès 2017, induire une inversion au niveau de la rémunération. Encore une fois, on ne bâtit pas une administration pérenne et efficace uniquement sur l’abnégation des personnels et leur sens de l’État.
En conclusion, Défense CGC estime que le budget consacré au personnel civil est insuffisant et n’est pas à la hauteur des attentes de celui-ci, compte tenu des efforts du ministère engagés depuis de nombreuses années.
M. Jean-François Munoz, vice-président de Défense CGC. Nous disposons à l’intérieur de ce budget de quelques dizaines de milliers d’euros pour satisfaire nos aspirations. C’est en effet malheureusement la distribution qui pèche.
Défense CGC reconnaît au ministre de la Défense qu’il a été le meilleur pour la vente et l’exportation de matériels d’armement, et donc un excellent ministre pour les personnels civils des industries d’armement. En revanche, la lecture assidue des bilans sociaux depuis 2012 montre que, si les personnels militaires ont vu leur rémunération croître très sensiblement, cela n’est absolument pas le cas des personnels civils.
Alors que 18 millions d’euros sont consacrés aux personnels civils, 182 millions d’euros le sont aux personnels militaires. Le rattrapage du point d’indice est d’abord une mesure civile. Nous n’ignorons pas que le statut des militaires est un statut de mathématicien : tout ce qui s’applique aux personnels civils est bon pour les personnels militaires, mais la réciproque n’est pas vraie !
Au sein de la DGA Maîtrise de l’information (DGA-MI), 505 ingénieurs sont censés se consacrer à la cybersécurité. Or, mardi après-midi, le directeur des ressources humaines a expliqué qu’il avait du mal à trouver 500 000 euros pour faire bénéficier les personnels ICT d’une augmentation générale, mais qu’il avait trouvé une ligne de trois millions d’euros pour accorder dix points d’indice à chaque ingénieur et technicien, soit 47 euros ! Dans ces conditions, l’ingénieur employé depuis cinq ans a strictement le même salaire que son collègue fraîchement embauché et pourtant sorti de la même école !
Tous les collègues qui sont intervenus avant moi ont insisté à juste titre sur les difficultés de recrutement et sur les parcours professionnels. La filière RH du ministère de la Défense a été sérieusement malmenée. Le service des ressources humaines civiles (SRHC), créé à l’été 2015, a vu ses effectifs diminuer systématiquement, d’où la difficulté des six centres ministériels de gestion à assurer la gestion et la paie des 62 000 personnels civils.
Si la formation des personnels civils s’élève à 65 millions d’euros en coût complet et à huit millions d’euros en achat de formation, celle de mes collègues militaires est beaucoup plus intéressante. Malheureusement, ni le ministre de la Défense ni Mme la présidente n’auront connaissance des chiffres, puisque mes camarades militaires insistent lourdement depuis plusieurs années pour ne pas calculer le coût complet de leur formation. Nous savons tous que le montant global avoisine les 700 ou 800 millions d’euros, somme sur laquelle vous pourriez faire beaucoup plus d’économies. Malheureusement, lors du dernier comité de coordination de la formation, tous les colonels et généraux présents ont expliqué à Mme le directeur des ressources humaines, Anne-Sophie Avé, et au représentant de l’état-major, l’amiral Coindreau, qu’ils ne pouvaient pas appliquer la formule de calcul du coût complet, pourtant mise au point pendant un an et demi par le groupe de travail. Deux raisons ont été évoquées : en tant qu’officiers, nous ne restons en poste que vingt-quatre mois – depuis plus de quarante ans, nos officiers et sous-officiers sont victimes de cette règle des vingt-quatre mois ; d’autre part, ces formules de calcul de coût pourraient être appliquées, mais par un personnel civil ! Or, malheureusement, un drame se déroule sous nos yeux, puisque les paroles ont été les suivantes : « On nous enlève les personnels civils »… Qui est ce « on » ? Je peux vous assurer qu’il ne s’agit pas des personnels civils eux-mêmes, qui ne sont pas masochistes ! Est-ce la direction du Budget ? Les personnels militaires ? La question reste posée.
Madame la présidente, l’année dernière, vous avez posé au général responsable de la cybersécurité au ministère une question sur le coût de la formation à la cybersécurité. Il n’a pas su vous répondre, et a éludé la question. Aujourd’hui, il ne peut toujours pas vous répondre, puisque ses camarades ont expliqué qu’ils n’étaient pas capables de faire le calcul. Heureusement, le général représentant l’armée de terre a dit textuellement que la situation ne saurait durer. La Cour des comptes, la commission de la Défense de l’Assemblée nationale et celle du Sénat n’attendront pas pendant trois, quatre ou cinq ans qu’on leur fournisse enfin une réponse ! Il faudra bien que l’armée de terre s’inscrive dans une démarche constructive pour parvenir à calculer le coût.
Je reste donc optimiste : quand je serai à la retraite, je connaîtrai ce coût !
Mme Geneviève Gosselin-Fleury. Que pensez-vous des plans d’action mis en place par le ministère de la Défense pour lutter contre toutes les formes de discrimination : insertion des personnes handicapées, égalité hommes-femmes, lutte contre le harcèlement ?
M. Jean-Jacques Candelier. Madame et messieurs les représentants des syndicats, vos légitimes revendications sont toujours aussi pertinentes.
Combien représente à votre niveau, en équivalents temps plein (ETP), l’arrêt de la déflation des effectifs, qui était plus que nécessaire ? J’ai cru comprendre que l’équilibre entre civils et militaires était loin d’être respecté.
Concernant l’alliance Nexter-KMW, j’estime qu’il faut être très vigilant, et je pense que vous partagez mon inquiétude.
Enfin, j’insisterai sur la fameuse affaire du fusil FAMAS, que je ne digère pas, et je ne suis pas le seul. Fallait-il vraiment le remplacer ? Était-il vraiment dangereux ? Notre industrie de défense est démantelée depuis plusieurs années. Est-il encore temps de faire marche arrière et de le construire en France ? Est-il vrai que les pièces et les munitions d’une arme sous-traitée ont mis en danger nos soldats ? Le choix de retenir le fusil allemand HK416 met-il en danger nos industries nationales – je pense que oui –, sachant que les conditions du marché imposent un contrat de maintenance de trente ans pour l’entreprise Heckler et Koch (HK) et que la manufacture de Tulle est en sous-charge ?
M. Philippe Vitel. Vous avez été nombreux à évoquer les incertitudes vis-à-vis de l’avenir de Nexter et des sites en France. Cela a toujours été pour nous une préoccupation majeure, d’autant plus à la suite de cet accord avec les Allemands que nous jugeons insatisfaisant.
Nous avons besoin des ouvriers de l’État. L’évolution de leur formation va-t-elle dans le bon sens actuellement ?
M. Philippe Meunier. Je rappelle également mon opposition à l’achat « sur étagère » du successeur du FAMAS, car l’industrie nationale a toutes les capacités pour fabriquer un fusil d’assaut. Je rappelle d’ailleurs que la Croatie a concouru à cet appel d’offres, biaisé dès le départ puisque les clauses ont exclu de facto les entreprises françaises. La France est capable de faire des Rafale et des frégates : pourquoi ne pourrait-elle pas continuer à produire un fusil d’assaut ? Nous assistons à un délaissement complet de la filière de l’armement terrestre ; or celle-ci reste pour nous une priorité.
De la même manière, je suis opposé à la fusion de Nexter avec KMW. On m’a expliqué que KMW avait 98 représentations commerciales dans le monde et qu’il serait ainsi plus facile de vendre nos produits… Pourtant, 3 200 chars Léopard ont été construits contre seulement 800 chars Leclerc ! Tout cela va se terminer comme je l’imagine : plus aucun engin chenillé ne sera fabriqué en France, sans compter ceux à roues qui connaîtront à terme le même sort. Je ne peux accepter ce délitement, ce renoncement. Pour moi, il s’agit d’une priorité nationale, et je suis en contact avec les représentants du personnel de Nexter pour suivre ce dossier, ainsi qu’avec des parlementaires d’un autre parti politique que le mien. Quelle procédure a été mise en place pour informer les syndicats de l’évolution de ce dossier qui devrait aboutir en 2020 ?
M. Jean-François Lamour. Je reviens sur la mise en place des bases de défense, en particulier ce que j’appellerai la disparition des circuits courts de décision dans la gestion au quotidien des emprises territoriales. Quels enseignements tirez-vous ? Estimez-vous qu’il faut les pérenniser ou qu’elles nécessitent une réorganisation au niveau local pour permettre un travail de gestion et de gouvernance adapté à ce que vous avez appelé la gestion au quotidien des ressources humaines, des investissements locaux et du bon fonctionnement de ces bases ?
M. Jean-Michel Villaumé. L’année dernière, vous nous avez fait part de votre inquiétude sur la mise en service du site de Balard. Aujourd’hui, 9 000 personnes travaillent sur cet « Hexagone » de 420 000 mètres carrés. Que pouvez-vous nous dire à ce sujet ?
Vous nous aviez également fait part de vos inquiétudes concernant les transports, les flux aux portes d’entrée, les parkings, l’utilisation des équipements sportifs, militaires et civils. Qu’en est-il aujourd’hui ?
M. Gilles Goulm, secrétaire général de FO Défense. Madame la députée, vous avez évoqué les plans d’action mis en œuvre par le ministère : lutte contre le harcèlement, plan « handicap », protocole d’accord égalité signé par les organisations syndicales, notamment la nôtre.
Ces plans, que nous avons négociés, ne règlent pas toutes les difficultés, mais nous notons des avancées positives, en particulier la mise en place de la cellule Thémis qui fonctionne plutôt bien.
Concernant le plan handicap, restent des difficultés sur lesquelles nous devons travailler. Nous évoquons régulièrement le recrutement d’emplois réservés de personnels militaires, qui n’a que pour seul effet de grossir le chiffre pour s’approcher des 6 %.
S’agissant du protocole « égalité », les choses se mettent en place. Tous les grands groupes industriels et le tissu économique français connaissent les mêmes difficultés. Les grandes écoles, y compris les grandes écoles militaires, accueillent 25 % de jeunes femmes, mais le plafond de verre est toujours à l’œuvre puisque le pourcentage de femmes tombe à 6 % lorsqu’elles arrivent à un certain niveau d’encadrement et de responsabilité.
S’agissant de l’équilibre entre civils et militaires, il n’est en effet pas respecté ; cela fait des années que nous soulevons le problème, et je n’y reviens pas longuement. Le rapport Hamel constitue un outil intéressant. Certes, vous ne l’avez pas…
Mme la présidente Patricia Adam. Nous allons l’avoir, ne vous inquiétez pas. (Sourires.)
M. Gilles Goulm. Il date du 22 décembre 2015, et nous a été remis le 8 juillet : l’état-major des armées l’a conservé par-devers lui pendant six mois, au contradictoire. Il est en diffusion restreinte, mais il serait évidemment bon que la représentation nationale en dispose.
Mme la présidente Patricia Adam. Vous auriez dû nous prévenir, nous l’aurions demandé plus vite !
M. Gilles Goulm. En ce qui concerne l’armement terrestre et le remplacement du FAMAS, pardon d’être brutal : il est un peu tard pour pleurer ! Qui a réagi lorsque nous dénoncions le sort réservé à la manufacture d’armes de Saint-Étienne et à Manurhin ? Il y a aujourd’hui, en Alsace, un petit patron de PME qui se bat comme un damné pour essayer de faire survivre son entreprise, la dernière en France à fabriquer des armes de poing de petit calibre. Personne ne l’aide !
Aujourd’hui, tout le monde regarde la situation les bras ballants ; nous n’avons pas, en matière d’armement de petit calibre, d’acteurs crédibles. Nous serions pourtant capables de remonter cette industrie : vous avez raison, Monsieur le député, si nous pouvons construire des canons, nous pouvons sans doute fabriquer aussi des fusils d’assaut. Encore faut-il en donner les moyens à l’industrie, notamment à Nexter ! Ce sont des difficultés que nous constatons aujourd’hui, mais qui sont le résultat de vingt ou trente ans de décisions.
S’agissant des ouvriers de l’État, monsieur Vitel, dans l’opposition vous êtes d’accord avec moi, mais lorsque vous êtes dans la majorité, vous n’êtes plus d’accord ! Nous n’avons eu de cesse d’alerter la représentation nationale sur ce sujet. Nous avons besoin d’ouvriers de l’État ! J’ai passé des années, et d’autres avec moi, à l’expliquer à M. Hervé Morin ; ce n’est pas pour autant qu’il s’est battu avec le ministère de la Fonction publique pour en recruter… Oui, nous avons besoin d’eux, non par principe, mais parce qu’on a essayé tout le reste et que rien n’a marché : ouvriers professionnels, agents techniques de catégorie C… Mais comment convaincre qui que ce soit d’exercer des métiers de l’aéronautique en tant que fonctionnaire de catégorie C, à 1 300 euros par mois ? On a essayé aussi de recruter des ouvriers contractuels ; mais, si la fonction publique sait les embaucher, elle est incapable de leur proposer des carrières. Aujourd’hui, le Service industriel de l’aéronautique (SIAé), le Service de la maintenance industrielle terrestre (SMITer), l’armée de l’air, l’armée de terre et le ministre même – il faut lui reconnaître ce mérite – reconnaissent tous que l’on n’a rien inventé de mieux que le statut d’ouvrier de l’État – qui n’en est pas juridiquement un – pour répondre aux besoins du maintien en condition opérationnelle.
Vous évoquez les bases de défense. Là encore, que chacun regarde la politique qu’il a mise en œuvre ! J’ai évoqué la RGPP. Les bases de défense n’ont pas été créées pour améliorer le fonctionnement de notre défense, mais uniquement pour économiser 54 000 postes.
Nous essayons, militaires et civils ensemble, malgré nos différences, de les faire fonctionner. Parfois, nous nous trouvons comme une poule devant un canif ! Nous ne demandons pas un retour en arrière : ce ministère n’a pas besoin de réformes et de contre-réformes permanentes, mais de stabilité. Les militaires vous le diront certainement de la même façon. Les bases de défense sont en place ; le service du commissariat des armées fait tout ce qu’il peut, avec les personnels, pour faire fonctionner les groupements de soutien de base de défense.
Les difficultés sont réelles. L’une des plus importantes, c’est qu’un principe qui faisait la force du ministère de la Défense a été battu en brèche : qui commande paye ; qui paye commande. Aujourd’hui, bien malin qui est capable de trouver, au sein d’une base de défense, qui est responsable de quoi. La fonction RH de proximité a été mise à terre ; parfois, nous avons tout simplement perdu l’expertise en la matière, particulièrement pour les personnels civils. Or, la gestion des personnels civils par un centre de décision qui se trouve à 150 kilomètres, cela n’est pas possible. L’armée de terre a d’ailleurs choisi de récupérer ses billes et repris la gestion de ses personnels militaires. Dès le départ, la DGA n’a pas souhaité être intégrée à ce système – il est vrai qu’elle préfère vivre à part –, elle a conservé sa gestion RH de proximité, et elle a eu raison.
Supprimer les bases de défense n’aurait pas de sens, et les personnels souffrent des à-coups permanents. Mais il faut vraiment les réorganiser. Des choses ont été faites, et le ministre a augmenté les budgets alloués aux bases de défense. Les problèmes n’en demeurent pas moins réels : il est, je le redis, vraiment compliqué de comprendre qui est responsable de quoi.
S’agissant enfin de Balard, les coûts sont exorbitants et devraient à notre sens faire réfléchir sur les partenariats public-privé : je ne vois d’ailleurs pas comment le public et le privé peuvent être partenaires. Je ne vilipende personne, mais l’objectif du secteur privé est bien de faire de l’argent.
Vous posiez la question des parkings : c’est simple, il n’y en a pas. Quant aux accès, la situation est catastrophique… Si vous n’avez pas exactement le bon badge, vous mettez un temps fou pour entrer. Et en fauteuil roulant, vous n’entrez pas du tout ! Pour le reste, je vous donne rendez-vous dans vingt-six ans, quand on nous rendra le bâtiment en pleine propriété. Nous nourrissons des doutes sur la qualité de ce qui a été construit, et j’ai bien peur que l’on ne nous rende un bâtiment à refaire.
Mme Sophie Morin, secrétaire générale de la CFDT Défense. Les plans contre la discrimination et pour l’égalité professionnelle ont le mérite d’exister. Sans revenir sur ce qui a été dit, je souligne que la lecture du bilan social montre que le chemin à parcourir est encore long pour que plus de femmes accèdent à des postes à hautes responsabilités.
Je ne reviens pas non plus sur l’équilibre entre personnels civils et militaires, sauf pour regretter que vous n’ayez pas eu communication du rapport Hamel, qui ouvre des pistes très intéressantes : il insiste par exemple sur l’importance des métiers de soutien, sur le recrutement des apprentis… Lorsque nous formons des apprentis, il faudrait tout faire pour les recruter comme ouvriers de l’État, en particulier dans les métiers en tension. Sans recrutements, en effet, certaines activités sont en danger. Il serait dommage que ces apprentis aillent faire profiter d’autres employeurs de leurs compétences acquises chez nous, alors que nous avons besoin d’eux !
S’agissant de Nexter, je ne reviens pas sur vingt-cinq ans d’histoire, mais il faut bien dire que l’on a cassé l’outil.
M. Philippe Vitel. Pourtant, je me souviens que c’est une intervention de Mme Alliot-Marie qui avait sauvé l’entreprise d’une mort certaine !
Mme Sophie Morin. Les plans sociaux successifs ont fait perdre des compétences ; c’est exactement ce qui attend le ministère, d’ailleurs : à force de ne pas recruter, des pans entiers de compétences disparaissent, et l’on n’a plus alors d’autre choix que l’externalisation. C’est comme cela qu’a été scellé le destin du FAMAS.
En ce qui concerne les bases de défense, il s’agissait effectivement de supprimer des emplois. La situation actuelle est aussi le résultat d’un manque total de dialogue social au sein du ministère. Certes, nous étions opposés à la suppression de 54 000 emplois, et les discussions auraient donc été difficiles ; mais cette création ex nihilo s’est faite en tenant les syndicats entièrement à l’écart. Un général avait dit : « Nous verrons en marchant ». Eh bien, quand on marche les yeux fermés, on se prend les pieds dans le tapis ! Il est inévitable qu’en mutualisant, on perde des compétences. Nous en revenons toujours aux mêmes thèmes : le caractère central des compétences ; l’absence quasi-totale de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences dans ce ministère. Cela devient pourtant vital : il suffit de jeter un œil à la pyramide des âges, dans toutes les catégories de personnel, pour constater que l’on va droit dans le mur !
S’agissant de Balard, j’y vais rarement et j’ai la chance de disposer d’un badge – qui n’ouvre pas toutes les portes. Je comprends qu’il y a des exigences de sécurité et que tout le monde ne peut pas rentrer partout. Mais les secrétaires généraux des syndicats, interlocuteurs potentiels du ministre, ne peuvent aujourd’hui pas accéder à certains espaces… Il me semble que l’on pourrait nous faciliter la tâche.
M. Christophe Henry, secrétaire général adjoint de FO Défense. À Balard, la moindre intervention – changer une porte, par exemple – est hors de prix. C’est tout à fait déraisonnable.
J’en reviens aux questions de formation. Il faudrait amplifier l’utilisation de l’alternance, afin de conserver des compétences et d’en acquérir de nouvelles. Nous regrettons que les centres d’apprentissage du ministère aient été fermés.
M. Hervé Baylac secrétaire général de la FNTE-CGT. Beaucoup de réponses ont été apportées.
Les représentants syndicaux doivent demeurer très vigilants sur la discrimination, l’égalité entre hommes et femmes, et le handicap : chaque année, nous avons un peu l’impression d’être « enfumés » lors des recrutements de personnels en situation de handicap.
J’en viens à Nexter et à la question de l’achat des munitions. Je suis moi-même un ancien de GIAT Industries, et j’ai vécu la casse de cet outil industriel formidable ; aujourd’hui, comme M. Meunier le disait, c’est le tour de la filière d’armement terrestre.
Nous avons rencontré hier M. le ministre de la Défense, qui s’est dit ouvert à la discussion sur la question des munitions – certes, nous sommes bien conscients que nous sommes en période pré-électorale. Néanmoins, sans perdre de temps, nous avons prévenu nos camarades de Nexter, qui sont prêts à rencontrer le ministre et la représentation nationale pour faire des propositions, tant qu’il est encore temps. Il reste un pôle de production de munitions à Tarbes ; il y a aussi la société Eurenco. Si on leur redonnait des moyens industriels, que l’on préservait et que l’on renouvelait les compétences, la production de munitions sur notre territoire pourrait être relancée. Mais les organisations syndicales n’emporteront pas seules la partie, et c’est pourquoi nous faisons appel à vous. Le ministre est prêt à agir : « banco », jouons le jeu, et créons les conditions pour conserver au moins ce pan de notre souveraineté.
S’agissant des ouvriers de l’État, je partage ce qu’a dit Gilles Goulm. Il y a quelques années, nous nous sommes entendus traiter, dans cette même salle, d’« archaïques ». Mais ces métiers sont en tension chez les industriels aussi – qui, eux, ont un carnet de chèques qui permet de mieux recruter. Il est regrettable que nous formions des apprentis mais que nous ne puissions pas les conserver : c’est la concurrence qui en profite. Pourtant, un apprenti, ce n’est pas un coût mais un investissement, rentable pendant toute une carrière, puisque nos matériels vivent parfois pendant quarante à cinquante ans. Il faut absolument mieux prendre en compte cet aspect et embaucher les apprentis à l’issue de leur formation. C’est tout aussi vrai pour les formations en alternance de techniciens supérieurs ou d’ingénieurs.
S’agissant des bases de défense, c’est en effet la partie RH qui souffre le plus. Or elle est essentielle pour les personnels civils. En déplacement à Toulon, j’ai vu des salariées de cinquante-cinq ans qui pleuraient parce qu’elles n’étaient pas sûres, en raison du manque d’effectifs, de pouvoir assurer les payes des personnels civils… Aujourd’hui, tout repose sur la conscience professionnelle des agents du ministère.
Et, puisque nous parlions de rééquilibrage entre personnels civils et militaires, je souligne que les postes de commandement des bases de défense pourraient être confiés plus souvent qu’aujourd’hui à des civils. Aujourd’hui, un seul civil dirige une base de défense.
En ce qui concerne Balard, je suis d’accord avec mes collègues. Secrétaire général de la FNTE-CGT, je n’ai moi-même pas de badge, alors que je me rends sur ce site plusieurs fois par semaine ! Pour le reste, comme l’a dit Gilles Goulm, nous verrons bien dans vingt-cinq ans le bâtiment qui nous sera livré ; mais nous voyons déjà des problèmes apparaître. Tout cela a été construit trop vite.
M. Bruno Le Nezet, secrétaire général adjoint de la FNTE-CGT. Je commencerai par dire quelques mots de la situation de DCNS. Tout le monde déplore la situation de GIAT-Nexter, mais les syndicats avaient lancé l’alerte. Tout le monde déplore que l’on soit obligé de commander le remplaçant du FAMAS à l’étranger. Préoccupons-nous tout de suite de DCNS, qui est le prochain sur la liste. Aujourd’hui, à Saint-Tropez, l’activité « torpille » va être abandonnée ; dans dix ans, on nous dira qu’on ne sait plus fabriquer de torpilles. Le même coup, avec Atlas Elektronik, a échoué il y a quelques années, mais le PDG de DCNS – nommé par décret du président de la République – annonce aujourd’hui la fermeture du site de Saint-Tropez. C’est sûr qu’en vendant le terrain à un promoteur, il y a de l’argent à se faire ! Bientôt, nous pleurerons sur la disparition des compétences ; mais c’est maintenant que nous les laissons partir.
En ce qui concerne le site de DCNS à Lorient, vous connaissez la situation, Madame la présidente. J’espérais d’ailleurs voir M. Rouillard ce matin, car la CGT cherche à le rencontrer depuis des mois et des mois… Vous savez qu’il existe un projet de cession du site à Fincantieri – qui a d’ailleurs obtenu le contrat des frégates multimissions (FREMM) pour le Qatar. La CGT n’est pas favorable à ce que nous vendions des armes à de tels pays : autant la vente de sous-marins à l’Australie se discute, autant à nos yeux la vente d’armes à des pays comme l’Arabie saoudite, le Qatar ou l’Inde ne devrait même pas être envisagée.
Nous avons un peu de mal à suivre la politique menée. La société Kership est rentrée sur le marché de l’armement ; cette société est détenue à plus de la moitié par Piriou, société installée à 500 mètres à vol d’oiseau de DCNS. Je me fais donc le porte-parole de l’inquiétude des personnels de DCNS : ils connaissent Piriou, savent que cette entreprise dispose d’une filiale en Pologne, et d’une autre au Vietnam. M. Rouillard avait annoncé que les B2M construits par Piriou seraient « 100 % made in France » – il y veillerait. En février 2015, un article du site Mer et marine a pourtant montré les blocs de B2M arrivant par barge à Brest – ils avaient été fabriqués à Gdańsk, en Pologne. Il paraît que le Gouvernement veut absolument inverser la courbe du chômage. Mais comment faire la morale à des patrons privés quand on fait pire dans ses propres boîtes ?
Quant à M. Le Drian, il était venu, en 2013, annoncer la « sanctuarisation » de la construction de onze FREMM à Lorient. Il y aurait ainsi, d’après lui, du boulot jusqu’en 2025 ! Or il n’en reste plus que huit ; on a avancé le programme « Frégates de taille intermédiaire » (FTI) pour combler le trou, et ces FTI devaient, d’après le ministre, être fabriquées à Lorient. Mais M. Rouillard annonce, le 14 septembre 2016, qu’il n’est pas impossible finalement que Kership soit associé à la construction des FTI.
La CGT estime que les bateaux gris doivent être construits dans les arsenaux, et pas au profit de patrons privés comme Piriou, qui exploite des travailleurs détachés – comme DCNS à Lorient : nous avions obtenu, en 2007, que les FREMM restent à Lorient, mais le patron s’est empressé de faire de la sous-traitance inversée. Les blocs ne sont plus partis, mais on a fait venir la main-d’œuvre d’ailleurs !
Aujourd’hui, à Lorient, il y a du monde qui cherche du travail : en montant un bureau d’embauche devant la porte principale de DCNS, nous avons récupéré 220 CV en une heure et demie. Nous les avons remis au ministre, au PDG, à M. Rouillard… Mais le résultat, c’est une embauche au ras des pâquerettes ; et on conseille à nos sous-traitants locaux d’utiliser des travailleurs venus de Lituanie ou de Roumanie, par le biais de la société Litana France. On ne s’intéresse plus à la qualité, mais seulement aux coûts et aux délais.
Les personnels de Lorient s’interrogent donc sur l’avenir : que se passera-t-il après la construction des FREMM ? Les B2M sont donnés à Piriou, les FTI aussi, les bâtimentsmultimissions mutualisés (B3M) aussi… Quid de la discussion sur une cession du site à Fincantieri ?
Agissons avant qu’il ne nous reste que les yeux pour pleurer, comme pour le FAMAS.
Enfin, un deuxième porte-avions serait dans les cartons, on l’entend dire, en tout cas ; on dit aussi que Singapour serait prêt à commander des bâtiments de projection et de commandement à DCNS. La revendication de la CGT est claire : il y a toute la place pour mener à bien ce chantier à Brest, la main-d’œuvre est efficace et qualifiée ; il suffit d’imposer à DCNS d’investir dans l’outil industriel. Nous espérons que c’est le choix qui sera fait.
M. Laurent Tintignac secrétaire général adjoint de l’UNSA Défense. Beaucoup de choses ont déjà été dites.
Il est regrettable que votre commission n’ait pas eu accès au rapport Hamel.
S’agissant des plans pour l’égalité et contre la discrimination, des accords ont été signés. Mais cela demeure théorique : ce qui compte, c’est la vraie vie dans les établissements. Les syndicats disposent de référents et soutiennent les personnels concernés.
Nous participons également à la mise en place de groupes de travail sur les risques psycho-sociaux (GTRPS), car beaucoup d’agents sont en grande souffrance, notamment dans les bases de défense. « Si vous avez compris quelque chose au fonctionnement du ministère de la Défense », dit-on souvent par plaisanterie, « c’est que l’on vous a mal expliqué. » Ce maquis inextricable est à l’origine de nombreuses situations professionnelles dramatiques.
Les établissements doivent aussi mener les adaptations nécessaires pour assurer l’accès des personnels handicapés, notamment des personnes à mobilité réduite. Les syndicats attachent une grande importance à ces problèmes, ainsi qu’à l’égalité entre les hommes et les femmes : dans la réalité, le plafond de verre existe bel et bien au ministère de la Défense, chez les personnels civils également.
S’agissant de KMW et de Nexter, on nous a présenté cette alliance comme l’Airbus de l’armement terrestre. Mais la logique est ici purement défensive : c’est la restriction des budgets de la défense qui est à l’origine de la situation difficile de Nexter. Je viens moi-même de Tulle : aujourd’hui, c’est un véritable désert industriel.
De plus, la santé économique des deux entreprises n’est pas la même : l’entreprise allemande a fabriqué 3 200 chars Léopard, et l’entreprise française 800 chars Leclerc, dont 400 à perte pour les Émirats arabes unis. On devine facilement que les économies d’échelle conduiront à fragiliser celui qui est déjà le plus faible. Nexter éternue à chaque fois que le ministère de la Défense s’enrhume… Les baisses de budget successives l’ont gravement frappé. Tulle, Tarbes, Roanne sont aujourd’hui des friches industrielles, sans parler des désastres humains causés.
Quant à la fabrication du FAMAS, il y va de la souveraineté de notre pays. Nous regrettons profondément que la France en vienne à faire appel à des industriels israéliens, notamment pour ses munitions. Le ministre, cela a été dit, a abordé ce sujet : on sait aujourd’hui, en France, fabriquer des cartouches de chasse, mais pas des munitions pour nos militaires. C’est un comble ! Nous comptons sur vous pour faire avancer ce sujet.
La formation des ouvriers est un sujet majeur. Autant certains postes occupés par des officiers pourraient l’être par des personnels civils, autant il est difficile aujourd’hui de recruter un ouvrier spécialisé par exemple en structure composite, pour l’entretien du Rafale, soumis à une suractivité opérationnelle. Oui, il faut recruter des ouvriers de l’État pour exercer ces métiers stratégiques : le ministère de la Défense doit être capable d’entretenir ses propres matériels.
Je ne reviens pas sur les bases de défense. Je considère également qu’il ne faut pas changer d’organisation tous les cinq ou six ans : c’est une source de fragilité. Mais, c’est vrai, bien malin qui sait où trouver la bonne réponse et le bon interlocuteur : le fonctionnement actuel du ministère est d’une complexité sans nom.
Enfin, je ne fréquente pas Balard au quotidien. Les conditions de travail ont sans doute été améliorées, mais il faudra juger sur la durée – on sait comment vieillit ce type de structure. Ce qui nous pose problème, c’est aussi le montant du marché : trois milliards d’euros par an.
M. Patrick Pradier, président de la CFTC Défense. Je rejoins ce qu’on dit mes collègues.
Concernant la lutte contre les discriminations de toute forme, nous n’avons pas encore beaucoup de retours. Nous saluons la création de la cellule Thémis – même s’il a fallu pour en arriver là que deux journalistes consacrent un livre aux violences sexuelles dans les armées.
Il ne faut pas oublier la discrimination syndicale, latente. Je ne prendrai qu’un seul exemple : les textes permettent de remplacer un agent qui dispose d’une petite décharge syndicale, mais ils ne sont pas utilisés. Ainsi, les syndicalistes deviennent souvent des bêtes noires…
Je travaille tous les jours à Balard : hier, je n’ai pas pu sortir car ma carte s’est bloquée ! (Sourires.) Il faut aussi savoir qu’un simple changement de code d’accès coûte 80 euros à l’administration. C’est inadmissible. Et cela fait trois fois que les organisations syndicales déménagent au sein du site ; les locaux que l’on nous propose maintenant ne sont pas adaptés aux personnes handicapées. C’est également inadmissible.
Concernant les ouvriers de l’État, j’approuve tout ce qui a été dit. Avant de parler de formation, il faudrait commencer par dégeler le bordereau de salaire ! D’ailleurs, j’ai lu dans l’un des « contrats présidentiels » le projet de réaligner la contribution sociale généralisée (CSG) et la contribution pour le remboursement de la dette sociale (CRDS) dans la fonction publique : la personne qui a écrit cela devrait se renseigner, car cela fait un bon moment que ce réalignement est en cours ! Pour éviter toute publicité, je ne cite pas le candidat en question…
M. Yves Fromion. C’est dommage ! (Sourires.)
M. Patrick Pradier. J’ai assisté récemment à une réunion sur la mission apprentissage : j’étais le seul, autour de la table, qui ait été maître d’apprentissage. J’ai pu souligner qu’il fallait revoir les conventions, notamment en cas de litige entre un tuteur et son apprenti – dans la fonction publique, en général, tout le monde s’en lave les mains. Les formateurs doivent être correctement accompagnés, car ce n’est pas le cas aujourd’hui.
M. Jérôme Supersac, secrétaire général de la CFTC Défense. Pour compléter ce qui a déjà été dit, je voudrais rappeler la situation du MCO terrestre : les bases de soutien du matériel (BSMAT) vont être adossées à Renault Trucks Defense (RTD). Nous serons très vigilants sur ce point. Aujourd’hui, les BSMAT n’arrivent pas à tout faire ; mais elles ne doivent pas être victimes d’un transfert de charge trop intense vers l’industriel.
La création des bases de défense a en effet fait disparaître les circuits courts. Il y a aussi un problème de double casquette : les commandants des bases de défense sont aussi chefs d’organisme, donc à la fois juge et arbitre pour toutes les affaires financières. Aujourd’hui, le service du commissariat des armées fait de gros efforts en faveur des personnels civils. Douze personnels civils dirigent des groupements de soutien de base de défense ; le problème, c’est que le ministère ne sait pas leur proposer de parcours professionnel par la suite.
Je signale que le SCA a fait réaliser un audit des GSBdD, qui a révélé différents problèmes. En outre, la déflation des postes n’est pas oubliée : il doit rester 1 200 postes à supprimer. La direction des ressources humaines du ministère de la Défense exerce désormais une autorité fonctionnelle renforcée. Le problème dans les GSBdD, c’est aujourd’hui que les services du personnel sont souvent dirigés par des personnels militaires, qui ne connaissent rien à la RH civile. Nous étions pour notre part favorables à la reprise des antennes de proximité par la DRH-MD ; un autre choix a été fait. Il est parfois difficile de recruter des personnels de catégorie A pour exercer les métiers difficiles des ressources humaines.
M. Jean-François Munoz, vice-président de Défense CGC. S’agissant de la discrimination et du harcèlement, je ne ferai qu’un seul commentaire : au ministère de la Défense, agir, cela veut souvent dire demander une formation « vernis » pour l’ensemble des personnels civils et militaires. Mais évidemment, il faudrait prévoir le financement idoine. En tant que directeur du centre de formation de la défense, je vous assure que j’ai bien du mal à mettre en place même deux à trois heures de formation sur ces thèmes.
De plus, la cheville ouvrière, c’est le chargé de prévention des risques professionnels. Or il est très difficile de trouver des collègues pour occuper ces postes. J’en forme une centaine par an, mais les besoins sont de 500 à 600 pour le ministère de la Défense. Il existe un rapport qui propose des pistes pour essayer de susciter plus de vocations. En attendant, le service des ressources humaines civiles a classé ces postes en groupe 3, c’est-à-dire l’avant-dernier…
S’agissant du FAMAS, il coûtait trop cher depuis très longtemps, et nous n’avons pas su franchir le cap de l’export. En 1990, l’ingénieur général Gilles Bœuf avait dessiné le plan stratégique de nos industries : il était question de garder les missiles et la construction navale, mais on laissait de côté l’armement terrestre. L’histoire est écrite. Le HK416 est un bon fusil, apprécié de nos forces spéciales.
S’agissant des ouvriers de l’État, j’ai des ordres très stricts pour maintenir leur niveau de formation, et j’ai les financements. En revanche, je manque de formateurs. J’ai réussi à mettre en place les structures nécessaires, mais je tire la sonnette d’alarme, comme tous mes collègues.
En 2017, nous allons passer de 500 à 1 500 apprentis. J’espère que l’on a prévu leur rémunération – car nous rémunérons souvent les apprentis avec des lignes budgétaires destinées à la formation, ce qui est très discutable.
Je déplore immensément, comme tous mes collègues, que nous n’embauchions pas systématiquement nos apprentis ; nous payons en revanche le chômage, comme employeur-formateur. C’est une logique qui m’échappe.
Les bases de défense, tout le monde l’a dit, sont nées de manière très autoritaire ; et elles ont connu de grands problèmes de gouvernance. Jamais elles n’ont disposé d’assez de temps pour mettre en place les procédures nécessaires. Il est impossible de comprendre comment elles fonctionnent. Quant au financement, il n’a jamais été mis en place : le directeur du service d’infrastructure de la défense (SID) vous confirmera qu’il ne dispose que de 10 % de l’argent nécessaire pour l’entretien des structures immobilières. Cela ne peut pas marcher.
Lors de la passation de pouvoir au nouveau commandant du GSBdD de Bourges-Avord, M. Guillaume Audoux, le général de brigade Iralour lui a dit : « Cher ami, vous avez moins d’effectifs, moins d’argent et plus d’emmerdes : bon courage ! ». Certains sont déjà formés et savent à quoi s’attendre. Ce n’est pas toujours le cas. Je souhaite bien du courage à tous.
Pour conclure, puisque le temps presse, j’appelle l’attention de tous mes collègues sur le fait que la DGA voudrait céder les essais-mesures aux industriels. C’est un combat qui dure depuis vingt ans, mais il faut demeurer vigilant.
Mme la présidente Patricia Adam. Madame, Messieurs, je vous remercie.
La séance est levée à onze heures trente.
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Membres présents ou excusés
Présents. – Mme Patricia Adam, M. Jean-Jacques Candelier, M. Yves Fromion, Mme Geneviève Gosselin-Fleury, M. Jean-François Lamour, M. Philippe Meunier, M. Jean-Michel Villaumé, M. Philippe Vitel
Excusés. – M. Olivier Audibert Troin, Mme Danielle Auroi, M. Claude Bartolone, M. Philippe Briand, M. David Comet, M. Guy Delcourt, Mme Carole Delga, M. Nicolas Dhuicq, Mme Geneviève Fioraso, M. Yves Foulon, M. Serge Grouard, M. Francis Hillmeyer, M. Éric Jalton, M. Jean-Yves Le Déaut, M. Frédéric Lefebvre, M. Bruno Le Roux, Mme Lucette Lousteau, M. Damien Meslot, Mme Marie Récalde, M. Gwendal Rouillard, M. François de Rugy, M. Michel Voisin
Source: Assemblée nationale