Commission de la défense nationale et des forces armées
Présidence de Mme Patricia Adam, présidente
— Audition du général Pierre de Villiers, chef d’état-major des armées, sur le projet de loi de finances pour 2017
La séance est ouverte à onze heures.
Mme la présidente Patricia Adam. Conscients des enjeux de cette dernière année de la législature, nous allons, général, vous écouter avec une grande attention. Vous avez ce matin participé à un conseil de défense dont, j’espère, vous nous direz quelques mots. Je note, en attendant, que l’université d’été de la défense a fait émerger une volonté politique partagée de porter le budget de la défense à 2 % du produit intérieur brut (PIB). J’insiste sur l’importance de l’unité de la commission sur ce dernier point afin de conforter nos armées, nos militaires et afin d’aborder la prochaine loi de programmation militaire (LPM) de façon positive.
Général Pierre de Villiers, chef d’état-major des armées. Madame la présidente, Mesdames et Messieurs les députés, je vous remercie très sincèrement de m’accueillir, une nouvelle fois, au sein de votre commission. Vous le savez, j’attache la plus grande importance à cet exercice attendu à cette époque de l’année. C’est l’occasion, pour moi, de vous délivrer quelques messages et d’essayer, modestement, de répondre à vos interrogations.
Permettez-moi de vous dire, pour commencer, à vous, Madame la présidente et à l’ensemble des membres de votre commission toute ma reconnaissance pour le soutien sans faille – et je suis sincère – et la dynamique que vous avez su insuffler aux débats sur la défense, tout au long de ces quatre dernières années. Le contexte y a certes contribué mais j’ai été très attentif à vos interventions, à vos prises de positions qui ont eu un écho important et ont constitué des réflexions structurantes pour l’avenir. Je vous remercie à nouveau, donc, pour cette relation de confiance et cette convergence entre vous, députés, et nous, militaires. J’y suis très sensible, ainsi que l’ensemble de la communauté militaire.
À la suite des attentats du 13 novembre dernier, le président de la République a décidé, sous l’impulsion du ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian, que vous avez auditionné récemment, d’adopter un certain nombre de mesures fortes.
C’est à ce titre que le conseil de défense du 6 avril 2016 dernier a reconnu des besoins supplémentaires. Je ne vais pas chercher à vous convaincre de la pertinence de la loi de programmation actualisée qui doit beaucoup à votre engagement. Je n’entrerai pas non plus trop avant dans le détail chiffré du projet de loi qui vous est exposé, par le menu, dans le cadre des autres auditions que vous conduisez en ce moment. Je m’attacherai plutôt à vous présenter les enjeux du projet de loi de finances pour 2017, du point de vue du chef d’état-major des armées.
Pour moi, chef militaire, j’attends tout simplement de ce budget qu’il garantisse la cohérence entre les menaces auxquelles nous faisons face, les missions qui nous sont confiées et les moyens qui nous sont octroyés. J’aborderai cette question en articulant mon propos en trois parties :
– le contexte sécuritaire, à savoir le cadre de notre action, dans sa globalité ;
– le PLF 2017, le cœur de notre sujet, en insistant sur ses caractéristiques essentielles ;
– enfin, en toute transparence et vérité, comme d’habitude, mes points de vigilance.
Je commence donc par le contexte sécuritaire.
La force régulatrice des États souverains, comme celle des pôles de sécurité collective, est fortement fragilisée par l’affirmation de deux menaces distinctes, mais non disjointes.
La première est constituée par le terrorisme islamiste radical. Il s’agit d’une idéologie nihiliste qui envisage la violence barbare comme une fin. Pour reprendre les mots même du ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian, il s’agit « d’un terrorisme purement destructif dans ses buts ». Deux types de vecteurs mettent en œuvre cette stratégie d’expansion et de destruction : d’un côté, des réseaux structurés, préparés, entraînés, capables de frapper à grands coups – l’exemple le plus récent est le Bataclan, à Paris – ; de l’autre, des individus radicalisés et isolés, parfois sous influence, capables de frapper partout – Nice et Saint-Étienne du Rouvray en constituent les deux derniers exemples sur notre territoire.
La seconde, à côté de la menace terroriste, et qu’il nous faut garder à l’esprit, est que subsiste la menace résultant du retour des États-puissances. Aux portes de l’Europe, en Asie, au Proche et Moyen Orient, de plus en plus d’États mettent en œuvre des stratégies qui reposent sur le rapport de force, voire le fait accompli ; tous réarment. La dynamique stratégique mondiale est de plus en plus agressive. Elle fait la part belle au déni d’accès qui met en cause ce que nous tenions pour acquis, c’est-à-dire la liberté de circulation et la liberté d’action, dans le respect du droit international. Il y a là un risque majeur – et qui s’accroît – de déstabilisation qu’on aurait tort d’ignorer ou, tout simplement, de sous-estimer.
Au total, les rapports de puissance qui existent entre nous et nos adversaires potentiels – je parle ici autant de l’ennemi terroriste que de l’État-puissance, tels que je viens de les caractériser – sont profondément modifiés.
Trois remarques à cet égard.
D’abord, l’adversaire profite d’un environnement propice à la montée des tensions avec, d’une part, le cadre espace-temps qui ne cesse de se contracter, alors que la résolution d’une crise demande, en moyenne, quinze années de constance et de persévérance ; et, d’autre part, l’accès aux technologies qui se banalise et ouvre sur des possibilités infinies en matière d’agression, notamment dans le champ immatériel.
Ensuite, l’« adversaire » sait opportunément exploiter toute faille ou toute faiblesse pour servir sa logique de conquête. Ainsi, toute stratégie insuffisamment claire, toute impasse sur un seul des segments du spectre des menaces ou la méconnaissance des intentions profondes de l’ennemi sont immédiatement utilisées contre nous-mêmes et nos alliés.
Enfin, l’« adversaire » est difficile à cerner. L’action terroriste n’est pas exclusive d’une intervention ou d’une instrumentalisation menée, en sous-main, par un État-puissance, au service de sa stratégie hybride. Il s’agit de deux menaces, je l’ai dit, distinctes mais pas disjointes. Il y a là comme une ambiguïté qui accroît le degré de complexité du contexte dans lequel nous devons évoluer et sur lequel nous voulons peser. Il faut réapprendre à penser la guerre.
L’ensemble de ces facteurs modifie en profondeur la physionomie des crises, dont l’intensité et la simultanéité conduisent à un engagement important des armées. Ce dernier passe d’abord par la dissuasion nucléaire. Strictement défensive, elle protège la France de toute agression d’origine étatique contre ses intérêts vitaux, d’où qu’elle vienne et quelle qu’en soit la nature. C’est la première mission de nos armées et notre ultime assurance. Elle écarte toute menace de chantage qui paralyserait notre liberté de décision et d’action. Je ne développerai pas davantage ce point, ici.
L’engagement de nos armées passe aussi par les deux postures permanentes.
La posture permanente de sûreté aérienne, d’une part, qui garantit le respect de la souveraineté de la France dans son espace aérien. C’est dans ce cadre que nos Rafale ont intercepté deux bombardiers russes lourds Tupolev 160, au large de la Bretagne, le 22 septembre dernier. Il s’agit là d’un exemple parmi d’autres.
La posture permanente de sauvegarde maritime, d’autre part, qui concourt directement à la protection des approches du territoire, dans un milieu où l’activité des États-puissances est croissante sans omettre les flux liés aux migrations, aux trafics et au terrorisme.
L’engagement de nos armées passe ensuite, bien évidemment, par nos opérations extérieures, dont je tiens à vous faire un rapide tour d’horizon.
Au Sahel, nous pouvons être fiers du rôle que la France a tenu depuis l’opération Serval. Par notre action, comme leader, nous avons contré l’installation et le développement d’un sanctuaire islamiste menaçant directement la stabilité et la sécurité de toute la région. La force Barkhane poursuit résolument son action contre les terroristes tout en s’appuyant, jour après jour et toujours davantage, sur son partenariat avec les forces du G5 Sahel qui montent en puissance et prennent déjà à leur compte une partie de la sécurité de la région, notamment dans les zones transfrontalières particulièrement sensibles.
Cette approche transrégionale et transfrontalière de la lutte antiterroriste, telle que nous l’avons conduite dans la bande sahélo-saharienne (BSS), a, désormais, valeur d’exemple ; ainsi, lors de la conférence consacrée au volet militaire de l’approche globale, en matière de lutte antiterroriste, qui se tiendra lundi prochain, à Washington, les chefs d’état-major du G5 Sahel ont été invités à témoigner des succès enregistrés devant une cinquantaine de leurs homologues, venus des cinq continents. Il s’agit là d’une reconnaissance explicite de notre stratégie.
Nous savons, cependant, que les succès militaires enregistrés dans le cadre de cette stratégie n’auront d’effets durables que s’il existe une volonté politique forte de les exploiter. La conservation de l’initiative passe par une prise de relais diplomatique, politique et économique résolue. Le thème de l’approche globale, largement débattu lors de l’université d’été de la défense les 5 et 6 septembre derniers, est plus que jamais actuel.
Sur la Libye, quelques mots. La situation reste très préoccupante. Les difficultés des deux parties à s’entendre enferment le pays dans une impasse, alors que la lutte contre notre ennemi commun, Daech, est loin d’être terminée. Même si Daech est, militairement, en perte de vitesse, notamment dans le Golfe de Syrte, les désaccords persistants entre le gouvernement d’entente nationale du premier ministre Sarraj, à Tripoli, et le camp du maréchal Haftar, en Cyrénaïque, offrent aux terroristes l’occasion de conserver un réel pouvoir de nuisance qui se fonde sur leur capacité à proliférer et à muter.
Abordons à présent le Levant. Le combat contre Daech continue. Le groupe aéronaval va y contribuer directement pendant quelques semaines, en complément du remarquable travail réalisé par nos avions de l’armée de l’air, depuis plus de deux ans maintenant. Le renfort ainsi apporté en matière de renseignement, de frappes – à raison de 24 avions supplémentaires – et de coopération au sein de la coalition nous rend encore plus crédibles, et au bon moment. Au sol, un groupement tactique d’artillerie fournit d’ores et déjà un appui-feu aux forces irakiennes pour la préparation de la reconquête de Mossoul.
Reste que la multiplicité des acteurs et la diversité de leurs agendas font de la scène irako-syrienne le lieu des retournements de situation et des excès de toutes natures, à commencer par ceux – inacceptables – commis à l’encontre des populations civiles. En outre, en l’absence d’une stratégie commune, la question de l’après-Daech demeure entière. Or, comme vous m’avez déjà entendu le dire : « Gagner la guerre ne suffit pas à gagner la paix. »
Au terme de ce tour rapide et parcellaire de nos opérations extérieures – j’aurais pu évoquer l’opération Daman au Liban ou encore Sophia en Méditerranée qui tente de répondre au défi des trafics illicites –, je ne peux m’empêcher de constater que l’espace méditerranéen est à la confluence de toutes les crises qui représentent une menace pour la sécurité de l’Europe et de la France. Sa stabilité constitue un enjeu majeur pour notre pays et pour le continent.
Je terminerai ce tour d’horizon par notre engagement terrestre sur le territoire national. La menace terroriste est réelle. Face à elle, notre réponse s’est adaptée. Durant ces trois derniers mois, en étroite coordination avec le ministère de l’Intérieur, nous avons fait trois progrès essentiels pour l’opération Sentinelle, dont nous n’avons peut-être pas assez parlé : nous sommes redescendus à 7 000 hommes, tout en conservant une réserve stratégique de 3 000 hommes susceptible d’être employés avec un préavis maximal d’une semaine ; nous avons ensuite rééquilibré notre dispositif, distribué pour moitié à Paris et pour moitié en province – contre 70 % à Paris et 30 % en province auparavant ; ce rééquilibrage est très important pour assurer la confiance des Français en leur protection – ; enfin et surtout, nous avons totalement abandonné la posture statique, héritée de Vigipirate. Désormais, la quasi-totalité de nos forces patrouille en dynamique ce qui rend les missions beaucoup plus intéressantes et efficaces. Dès que nous sommes en statique, nous sommes vulnérables.
Il nous reste, d’ailleurs, encore du chemin à parcourir en matière de partage d’information avec les forces de sécurité intérieures ; l’utilisation de nos moyens et de notre spécificité militaire peut être optimisée – en particulier dans le domaine de la connaissance de l’ennemi ou de la mise en œuvre du principe de surprise – ; nous devons, par ailleurs, faire un effort important quant à la protection de nos militaires et de nos emprises. J’y reviendrai. Mais nous sommes dans la bonne direction, en mouvement et en adaptation permanente pour cette opération Sentinelle.
Pour en terminer avec nos opérations, j’observe que la guerre sort du cadre dans lequel on l’avait assignée. Les équilibres sont durablement bousculés. Nous sommes, au total, dans un monde où se superposent les crises : crise sécuritaire, bien sûr, mais aussi crises économique, migratoire et institutionnelle. Nous ignorons quelle sera, dans le détail, la dynamique des forces en présence dans les dix ans qui viennent. Une chose est sûre cependant : ce retour de l’histoire a sonné la fin du confort stratégique.
Plus que jamais, nous devons œuvrer, et j’essaie modestement au quotidien de le faire, pour multiplier les coopérations entre les pays européens, en s’appuyant en particulier sur le pilier franco-allemand, mais aussi, simultanément, sur les accords de Lancaster House. Nous avons lancé ces derniers jours, avec mes homologues anglais et allemands, un cycle de rencontres à trois – c’est la première fois –, conscients que nous sommes, ensemble, de cette nécessité de contribuer utilement à la défense de l’Europe.
La tendance est donc à un engagement accru de nos armées, quelle que soit la forme qu’il prenne. Ainsi que le président de la République l’a récemment rappelé, nous avons « le devoir de nous préparer à une guerre longue ». Nous sommes dans une période volatile pendant laquelle nous devons, tout à la fois, nous assurer que nos armées disposent bien des ressources dont elles ont besoin pour assurer leurs missions actuelles, mais également dans une période où il nous faut jeter les bases à partir desquelles nous produirons sans tarder ce que j’appelle l’effort de guerre.
Cela m’amène à ma deuxième partie consacrée à ce qu’autorise le projet de loi de finances.
Pour commencer, sachez que je considère que le PLF 2017 est la traduction fidèle des mesures votées dans le cadre de la loi actualisant la LPM et qu’il prend en compte les décisions prises par le président de la République. C’est ce que je pense même si, croyez-moi, il n’a pas été facile d’obtenir ces fameux 600 millions d’euros supplémentaires.
Néanmoins, avant d’aborder le PLF 2017, proprement dit, je souhaite faire quelques remarques préliminaires sur deux points qui me paraissent importants : d’une part, les besoins reconnus par le conseil de défense du 6 avril dernier et, d’autre part, la fin de gestion 2016.
Pour ce qui est des besoins reconnus en conseil de défense, trois grands domaines sont concernés :
– d’abord les effectifs, pour lesquels, je l’ai dit, une nouvelle trajectoire a été définie, avec la décision d’arrêter les déflations, ce qui se traduit par la sauvegarde de 10 000 postes pour la période 2017-2019. Le ministre de la Défense a par ailleurs confirmé l’accélération de la montée en puissance de la réserve opérationnelle en fixant l’objectif de 40 000 réservistes, à atteindre avant la fin de l’année 2018 ;
– ensuite, la condition du personnel, à travers, notamment, la compensation de la suractivité et l’impératif d’équité ;
– le volet capacitaire, enfin, avec des besoins identifiés dans les domaines du renseignement et du cyber et un effort marqué pour l’équipement des forces sur le territoire national.
Cette reconnaissance de besoins s’est traduite par un ajustement à la hausse de la trajectoire financière de la LPM actualisée. Au total, ce sont trois milliards d’euros de crédits budgétaires qui seront nécessaires, pour la période 2017-2019.
Pour 2017, l’ajustement a été partiellement réalisé par un abondement des ressources budgétaires. Comme le ministre de la Défense l’a précisé devant vous lors de son audition du 4 octobre, le solde sera couvert par le redéploiement de ressources internes issues, pour l’essentiel, des gains sur le coût des facteurs. C’est un risque en gestion que nous prenons qui doit être mis à notre crédit. J’y reviendrai.
Au-delà de 2017, en l’absence d’une nouvelle actualisation, la couverture des besoins pour 2018 et 2019 – évalués respectivement à un milliard d’euros et à 1,2 milliard d’euros – est renvoyée aux négociations budgétaires des deux prochaines années. En conséquence, je considère que le rapport d’information, qui devrait être joint au PLF 2017, constitue le socle de référence pour les besoins reconnus en conseil de défense et non encore honorés ; il convient de sécuriser la ressource dans un contexte exigeant de remontée en puissance de l’effort de défense, tout en donnant un éclairage pluriannuel pour construire l’avenir.
Second point, après le conseil de défense, j’en viens à la fin de gestion 2016.
C’est elle, comme d’habitude, qui conditionne la sincérité du PLF 2017. L’ensemble des crédits de la mission « Défense » doit être au rendez-vous en fin de gestion 2016, selon le volume prévu par la loi de finance initiale, soit 33,5 milliards d’euros, conformément à la LFI de 32,1 milliards d’euros, auxquels il faut ajouter 850 millions d’euros de surcoûts liés à l’engagement massif des forces armées – en opérations extérieures comme sur le territoire national – et 590 millions d’euros de reports de crédits de 2015.
J’ajoute qu’en raison de la fragilité de l’équilibre trouvé en 2016, la défense doit être exonérée de la cotisation interministérielle au titre de la loi de finance rectificative de fin d’année. Toute autre option reviendrait à remettre en cause la sincérité du PLF 2017.
J’en arrive maintenant au PLF 2017, proprement dit.
Il accorde aux armées, directions et services les moyens strictement nécessaires à l’exécution de leurs missions actuelles et préserve la cohérence de notre modèle qui repose, je le rappelle, sur l’équilibre entre les cinq fonctions stratégiques : dissuasion, protection, intervention, connaissance-anticipation et prévention.
En termes de ressources, le PLF 2017 est conforme à la LPM actualisée et permet de financer les besoins reconnus en conseil de défense, avec un budget de 32,68 milliards d’euros, soit 600 millions d’euros supplémentaires par rapport à la loi de finances pour 2016.
Il consacre les trois priorités suivantes.
La première concerne les effectifs. Le conseil de défense a entériné la sauvegarde de 10 000 postes. Pour le PLF 2017, cela se traduit par la création nette de 400 postes en 2017, alors que 2 600 postes devaient être supprimés. La hausse des crédits du titre 2, de 355 millions d’euros, prend en compte, par ailleurs, une partie des mesures destinées à l’amélioration de la condition du personnel.
La deuxième priorité est la consolidation au profit du capacitaire avec 17,3 milliards d’euros, en augmentation de 1,8 % par rapport à 2016, avec un effort marqué sur l’infrastructure, en raison de l’arrêt des déflations, ainsi que sur les munitions et les équipements individuels.
La troisième priorité touche au renforcement de la fonction « connaissance et anticipation », avec un effort en hausse de 20 millions d’euros, soit une augmentation de 8 % par rapport à 2016.
Ces points méritaient d’être soulignés : ils attestent de la prise en compte des besoins immédiats liés à l’engagement accru de nos armées.
Néanmoins, l’annuité 2017 reste soumise à plusieurs risques et je me dois de vous en faire part en toute vérité. Je pense d’abord à ceux dont je viens de parler en évoquant la fin de gestion 2016, et j’y suis très vigilant…
Mme la présidente Patricia Adam. Nous aussi !
Général Pierre de Villiers. …il s’agit ensuite des conséquences des décisions de financer les surcoûts liés à la Garde nationale. Pour 2017 – et la décision vient d’être officialisée, il y a quelques minutes, par le président de la République –, ce sont de l’ordre de 45 millions d’euros qu’il faudra trouver en loi de finances rectificative. Troisième risque : la consommation de 250 millions d’euros de ressources issues de cessions, dont 200 millions d’euros de cessions immobilières, soit 100 millions d’euros supplémentaires, alors que nous connaissons le caractère éminemment aléatoire de ce type de ressources. Enfin, le financement des mesures catégorielles éventuellement décidées dans le cadre du conseil supérieur de la fonction militaire (CSFM) du 16 novembre prochain.
Le PLF 2017 confirme la stabilisation des ressources à 1,77 % du PIB, pensions incluses. Il donne les moyens nécessaires à la mise en œuvre de notre modèle d’armée. C’était indispensable. Cependant, comme vous le savez, le costume reste taillé au plus juste et alors que les principales ruptures capacitaires acceptées lors de la construction de cette LPM sont encore devant nous. C’est la raison pour laquelle les armées poursuivent leur transformation sur la base d’un projet commun, Cap 2020, non pas pour dégager de nouvelles marges de manœuvre – qui en réalité n’existent plus, puisque dans ce domaine tout a déjà été fait – mais pour gagner en agilité, optimiser nos capacités opérationnelles et affûter notre organisation générale. L’objectif est de nous prémunir du « grain de sable » qui pourrait conduire à la défaite.
Cela me conduit naturellement à ma dernière partie.
Mes préoccupations sont au nombre de quatre : le moral, notre modèle de ressources humaines, la protection et la défense de notre personnel et de nos installations militaires et, bien sûr, ce que j’appelle l’effort de guerre.
Premier point de vigilance : le moral. Je l’évoque à chacune de mes auditions car il constitue une part déterminante de la capacité opérationnelle des armées – c’est l’idée que je me fais du chef qui doit avant tout s’occuper du moral de ses hommes : c’est le carburant pour la victoire.
Comment va le moral de nos armées ? Il est aujourd’hui contrasté : porté par les opérations, il est néanmoins fragilisé par des motifs d’insatisfaction liés à la conciliation de la vie professionnelle et de la vie privée, mais aussi, parfois, aux conditions de travail.
Vous le savez, les hommes et les femmes de nos armées ont un sens aigu du service. Cet engagement fait notre fierté et appelle la reconnaissance de la Nation, tout entière. Face aux dangers qui montent, tous ont pleinement conscience de leurs responsabilités. Leur moral est robuste quand ils sont directement employés pour la défense de notre pays. Je le constate, lorsque je les visite – au moins deux fois par semaine ; c’est aussi mon carburant – en opération extérieure ou intérieure, là où se concrétise le sens de leur engagement. Mais je constate aussi que les hommes et les femmes qui servent dans nos rangs attendent de justes compensations des efforts consentis. Nous avons, donc, un devoir de vigilance absolue sur ce sujet. C’est la raison pour laquelle je place le moral au premier rang de mes préoccupations.
Le manque de moyens humains et matériels au quotidien, les difficultés de la famille à gérer l’indisponibilité accrue et les difficultés du conjoint à accéder à l’emploi contribuent, directement, à la fragilisation du moral. Ces nombreuses complications alimentent le sentiment d’un déséquilibre croissant entre les principales sujétions, d’une part, et les différentes compensations accordées – pécuniaires, statutaires ou professionnelles –, d’autre part. Le Haut comité d’évaluation de la condition militaire (HCECM) a souvent écrit sur ce sujet récurrent ces dernières années des rapports très intéressants.
Sur la base de ce constat, des mesures ont bien été prises. Ainsi, en 2017, 207 millions d’euros de dépenses catégorielles nouvelles, par rapport à 2016, ont été intégrés en programmation, dans deux directions : d’abord la compensation de la « suractivité » – je devrais parler de la « sur-absence » du domicile familial –, avec la création de l’indemnité d’absence cumulée à partir de 150 jours et l’élargissement de l’indemnité pour sujétion spéciale d’alerte opérationnelle (AOPER), dont le montant a été doublé, cet été, en passant de 5 à 10 euros par jour ; ensuite l’équité interministérielle, avec la transposition du protocole sur les parcours professionnels, les carrières et les rémunérations, pour le personnel militaire et le personnel civil.
Des perspectives sont donc ouvertes et contribuent directement au soutien du moral. Il ne faudrait pas, cependant, que cet espoir soit déçu. Or, certaines mesures, dites d’équité, très attendues, restent incertaines comme la transposition du protocole adopté pour la gendarmerie ou la monétisation de cinq jours supplémentaires d’indemnités pour temps d’activité et d’obligations professionnelles complémentaires (ITAOPC) à raison de 85 euros par jour. Les gendarmes ont obtenu quinze jours et les militaires souhaiteraient qu’il en soit de même pour eux. Le CSFM du mois de novembre constituera, sur ce plan, un rendez-vous majeur à ne pas manquer. Il y a là un enjeu à la fois humain et opérationnel.
Le deuxième point de vigilance touche au modèle des ressources humaines (RH) – c’est la clef.
À chacune de mes fréquentes rencontres avec la jeunesse qui est dans nos rangs – y compris quand c’est depuis quelques jours à peine –, je constate combien elle est talentueuse et enthousiaste ; elle ne demande qu’à se réaliser et à donner le meilleur d’elle-même. Je crois fermement en ses qualités et j’apprécie son état d’esprit. Nous avons une belle jeunesse qui mérite qu’on s’investisse pour elle. Je m’attache à ce que les armées assument leurs responsabilités vis-à-vis d’elle : parfois nous intégrons des jeunes en très mauvais état et nous en faisons des héros en quelques mois ou en quelques années. Je tiens donc à ce qu’ils soient formés avec sérieux et professionnalisme. La jeunesse est notre plus grande force.
Notre modèle RH doit avoir la double ambition de répondre aux besoins de nos armées, bien sûr et avant tout, mais également d’entendre et de prendre en compte les légitimes aspirations des jeunes qui y servent.
À cet effet, avec les chefs d’état-major d’armée, nous voulons un modèle plus dynamique dans ses flux, mieux « pyramidé », plus souple, plus attractif. Nous voulons rétablir la cohérence entre le grade, les responsabilités et la rémunération. Nous voulons renforcer la transparence dans la gestion et multiplier les passerelles entre notre institution et le monde civil. En un mot, la construction de l’armée de nos besoins doit aller de pair avec une approche résolument humaine. C’est tout l’objet du volet RH de notre projet de transformation Cap 2020. Je vous en ai déjà parlé plusieurs fois.
Ce modèle RH intègre également un volet spécifique pour la réserve, vivier de multiples compétences, pivot du lien armées-Nation et précieux renfort pour les armées – je sais que cette question des réserves vous est chère. Ainsi, au cours du premier semestre 2016, ce sont plus de 500 réservistes, en moyenne, qui sont déployés sur notre territoire national, chaque jour – l’objectif est d’atteindre une capacité de déploiement de 1 500 réservistes avant la fin de l’année 2018. Aux réservistes aussi, il convient d’apporter une réponse en termes de lisibilité de carrière et de perspective d’évolution tout en répondant aux besoins croissants des armées.
De ce point de vue, la création de la Garde nationale, qui est présentée, en ce moment même en conseil des ministres, représente une opportunité en termes d’attractivité et de parcours de carrière pour nos « militaires à temps partiel ». C’est une grande avancée que nous attendions depuis longtemps – de fait depuis 1996. Je suis prêt à répondre à vos questions sur ce point, si vous le souhaitez.
Le troisième point de vigilance est la protection et la défense de notre personnel et de nos installations militaires.
La menace terroriste qui pèse sur notre pays vise aussi – et peut-être en priorité – les militaires pour ce qu’ils représentent. Nous devons prendre toutes les mesures nécessaires pour renforcer la sécurité de nos installations, de nos militaires et de leurs familles. Il s’agit de se protéger sans se retrancher. Nous devons notamment nous interroger sur la pertinence de l’externalisation de certaines fonctions, comme celle du gardiennage. Le personnel affecté sur chaque emprise doit rester le premier acteur d’une défense collective, cohérente et coordonnée. Un effort doit également être produit en termes de durcissement des installations. Ce sera le cas en 2017 et 2018 grâce à la priorité définie en programmation. Il faudra poursuivre les opérations engagées au-delà de 2018. Cela passera nécessairement par des dépenses d’infrastructures et de personnel supplémentaires.
Enfin, quatrième et dernier point de vigilance : l’effort de guerre.
Tout le monde l’a compris : c’est le prix de la paix. La nécessité de mettre la nation tout entière en ordre de bataille fait désormais consensus. Le Premier ministre lui-même a repris à son compte cet objectif de porter le budget de la défense à 2 % du PIB. Il l’a d’ailleurs confirmé à Dakar, le 23 septembre dernier, devant les éléments français du Sénégal en réaffirmant : « Nous continuerons à accroître notre effort de défense, un effort indispensable pour répondre aux enjeux de sécurité, et notamment ce continuum inédit entre sécurité intérieure et sécurité extérieure ». Tout est dit.
L’actualisation de la loi de programmation militaire 2014-2019 a marqué une première étape en mettant un terme inédit à la tendance baissière des trente-cinq dernières années. Désormais, cet effort doit se traduire par une hausse progressive du budget de la défense pour, je le répète, rejoindre la cible de 2 % du PIB durant le prochain quinquennat et si possible dès 2020 – à savoir 41 milliards d’euros de 2017. Cet effort, qui correspond, d’ailleurs, à un engagement international de la France et de ses partenaires de l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN), a le mérite de la clarté. Il compensera l’usure accélérée de notre modèle d’armée.
Mon constat est que, dorénavant, cet effort ne pourra être ni allégé, ni reporté, en dépit de la complexité de l’équation budgétaire étatique prévisionnelle, en particulier dès 2018. Il vise à atteindre trois objectifs qui tous concourent à la robustesse et à l’efficacité de nos armées.
Le premier objectif est de « boucher les trous », c’est-à-dire de récupérer des capacités auxquelles il avait fallu renoncer temporairement pour des raisons budgétaires, à un moment où le contexte sécuritaire était très différent. C’est le cas, par exemple, des patrouilleurs hauturiers nécessaires à la surveillance des côtes ou des pétroliers ravitailleurs ; c’est également le cas des avions ravitailleurs – qui ont plus de cinquante ans – et des avions de transport tactique qui permettent d’agir dans la profondeur ; il en va de même pour les véhicules blindés qui connaissent un vieillissement accéléré et dont le nombre doit être réévalué pour permettre à la force opérationnelle terrestre de préserver sa capacité à entrer en premier sur un théâtre. Ce ne sont là que quelques exemples.
Les menaces ne diminuant pas, le deuxième objectif consiste à aligner les contrats opérationnels simplement sur la réalité des moyens que nous engageons aujourd’hui. Ces contrats, détaillés dans le Livre blanc, sont désormais en deçà de l’engagement réel et actuel de nos forces. Cette situation de distorsion est commune à nos trois armées. Elle n’est pas tenable dans un contexte de dégradation durable de la sécurité.
Le troisième objectif vise à assurer l’indispensable crédibilité de la dissuasion nucléaire par le renouvellement successif de ses deux composantes, océanique puis aéroportée. Pour être soutenable, l’effort doit être lissé sur les quinze prochaines années ; il y va de la cohérence de notre défense au moment du retour des États-puissances. Différer cette décision équivaudrait, en réalité, à un renoncement.
Je considère, qu’en maintenant l’effort de défense à 1,77 % du PIB, le PLF 2017 permet d’éviter le décrochage de nos moyens par rapport à nos missions et à la menace. Ce faisant, il constitue une base crédible pour amorcer la remontée en puissance et l’accroissement de l’effort de défense qu’avec les trois chefs d’état-major d’armées nous appelons de nos vœux, dès 2018.
Mesdames et Messieurs les députés, vous le voyez, nous sommes entrés dans des temps difficiles et incertains. Les perspectives sécuritaires sont dégradées. Les guerres actuelles durent. Les foyers de crises se multiplient aux portes de l’Europe. Les États-puissances développent des stratégies de plus en plus offensives et le terrorisme djihadiste frappe jusque sur notre sol. Désormais, il n’est plus possible de « tenir la guerre à distance » ni de la « cantonner dans un cadre strict ».
Dans ce contexte, je crois que nous pouvons être légitimement fiers de ce que réalisent – et de ce que sont – nos armées, directions et services. Je le dis avec mes tripes. Fiers, d’une part, parce que nos armées ont su s’adapter en temps réel au durcissement de la donne sécuritaire ; voilà deux ans et demi que je suis chef d’état-major des armées et je puis vous assurer que nous ne cessons de nous adapter. Les opérations que nous menons – interministérielles, interarmées, interalliées – démontrent le professionnalisme, l’expérience et la maturité de nos forces. Fiers, d’autre part, des hommes et des femmes qui ne mesurent pas leurs efforts et cherchent avec constance et volonté à surmonter des difficultés que vous connaissez dans le détail ; il faut continuer à les traiter pour permettre à nos armées de durer et à notre modèle de perdurer.
Nos armées font l’admiration de nos alliés et j’aimerais pouvoir vous communiquer leurs regards admiratifs. Je le mesure, systématiquement, au sein des instances de l’OTAN, de l’Union européenne et lors des réunions avec la coalition.
Il faut poursuivre dans cette voie. Il faut conserver la garde haute !
C’est, d’ailleurs, ce que pressentent nos concitoyens, confrontés à l’évolution rapide de la situation sécuritaire.
Je vous remercie encore du soutien sans faille dont votre commission a gratifié les armées tout au long de ces dernières années. Vous pouvez compter sur mon engagement personnel, sur ma pugnacité et sur ma totale loyauté. Je nous sais tous ici habités d’une seule ambition : le succès des armes de la France au service d’une paix d’avance.
Mme la présidente Patricia Adam. Je vous remercie, général. Vous pouvez compter sur le soutien de la commission et sur le mien pour la fin de l’exercice 2016. Nous serons vigilants, comme chaque année, quant au respect des engagements budgétaires.
M. Olivier Audibert Troin. Je vous remercie, Mon général, pour cet exposé très complet, sincère – comme à l’accoutumée –, laissant apparaître des éléments d’inquiétude que nous partageons.
Je souhaite vous interroger sur la nouvelle posture terrestre de l’armée et en particulier sur les évolutions du dispositif Sentinelle. Nous avons auditionné le chef d’état-major de l’armée de terre, hier après-midi, qui nous a fait part de son souhait de le voir évoluer. Je l’ai alors interrogé sur le fait de savoir comment, sur le territoire national, dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, on pouvait le faire évoluer dans le sens d’une « pérennisation » sans doter nos armées de prérogatives supplémentaires. Nous sommes depuis longtemps assez d’accord, il me semble, les uns et les autres, pour dire : à chacun son métier. L’armée, ce ne sont pas les forces de sécurité intérieure ; mais nous pensons qu’à terme la population risque de ne pas comprendre que l’on pérennise le dispositif Sentinelle sans qu’on donne à l’armée les prérogatives nécessaires. Qu’en pensez-vous ? Ne court-on pas le risque, sinon, d’un relâchement du lien armées-Nation auquel nous sommes très attachés ? En effet, un des avocats des familles des victimes de l’attaque perpétrée au Bataclan n’a pas hésité à introduire un recours en justice contre nos armées. Dans une démocratie, quand la population se retourne juridiquement contre son armée, il y a un vrai malaise.
Ensuite, j’ai cru comprendre que vous aviez évalué la part des coûts des facteurs, dans le projet de loi de finances pour 2017, à un milliard d’euros. Nous nourrissons quelques inquiétudes à ce sujet, d’autant que les cours du pétrole sont en train de remonter, tout comme les taux d’intérêt. Les plus hautes autorités de l’État sont d’accord pour hisser le budget de la défense à hauteur de 2 % du PIB, à savoir plus de 41 milliards d’euros. Pourquoi, selon vous, n’y a-t-il pas dès cette année une réelle inflexion pour pouvoir atteindre le plus rapidement possible cet objectif. Vous allez certainement me répondre que le présent projet de loi de finances prévoit une augmentation du budget de la défense de 600 millions d’euros. Reste que la route est longue ; aussi, j’y insiste, pourquoi perdre cette année 2017 ?
M. Gwendal Rouillard. Mon général, j’ai trois questions à vous poser.
D’abord, comment concevez-vous notre relation militaire avec la Russie ?
Ensuite, comment voyez-vous l’avenir de nos coopérations militaires avec deux pays clés, la Tunisie et le Liban ?
Enfin, nous sommes tous attentifs au moral des troupes ; or, pour avoir beaucoup échangé avec eux ces dernières semaines, je suis particulièrement frappé par le moral de nos fusiliers marins. Comme nous appelons de nos vœux une montée en puissance de la marine, notamment en matière de contre-terrorisme, je me permets d’appeler votre attention sur leur sort et, plus globalement, sur les personnels de la marine. La question posée est celle de la fidélisation – nous l’avons évoquée ce matin avec l’amiral Prazuck – et je sais qu’elle vaut pour l’ensemble de nos armées. Je souhaite connaître votre point de vue sur le sujet.
Je vous remercie de votre attention, Mon général, et vous assure de notre soutien efficace – j’espère –, en tout cas chaleureux.
Général Pierre de Villiers. En ce qui concerne l’action sur le territoire national, au sol, je vous ai rappelé qu’au moment des attentats du 7 janvier 2015, environ 1 000 soldats étaient déployés dans le cadre du plan Vigipirate dans les lieux publics. Ce dispositif, « à l’ancienne », était statique. Nous sommes dès lors passés à un effectif de près de 10 000 soldats, en oscillant régulièrement, par la suite, entre 7 000 et 10 000 soldats. Au fur et à mesure de l’annulation des déflations – de 18 750 personnes, à l’occasion d’une première tranche, et de 10 000, à l’occasion d’une seconde tranche – nous avons regonflé la force opérationnelle terrestre sous enveloppe d’effectifs.
Ce qui reste à construire, et je partage votre interrogation, c’est l’adaptation permanente de nos modes d’action à l’ennemi, à l’adversaire, à l’acte terroriste militarisé – pour reprendre les mots du ministre de la Défense. Les armées peuvent largement y contribuer, fortes de leur savoir-faire en opérations extérieures. Il ne faut toutefois pas se méprendre et bien s’en tenir aux principes : le ministre de l’Intérieur est le responsable de la sécurité à l’intérieur du territoire national ; aussi nous ne nous substituons pas aux forces de sécurité intérieure, mais nous les complétons. Nous disposons d’équipements spécifiques à la meilleure utilisation desquels nous devons travailler. Nous devons améliorer la synergie entre les armées et les forces de sécurité intérieure, notamment en matière d’échange d’informations. D’un point de vue technique, nous avons d’ailleurs progressé puisque nos moyens de transmissions sont désormais compatibles.
Ensuite, nous avons franchi un cap, cet été, dans les modes d’action. J’y ai beaucoup travaillé avec le général Bosser et avec le général Favier. Nous sommes persuadés que nous devons mieux travailler avec les forces de sécurité intérieure, notamment avec la gendarmerie, selon des modes d’action dynamiques, de contrôle des flux arrières y compris aux frontières. L’été dernier, nous avons expérimenté un premier dispositif à la frontière belge, très intéressant et très productif. En effet, si l’on s’en tient à un dispositif fixe composé de seuls gendarmes, on est beaucoup moins efficace qu’avec une force militaire qui les accompagne, musclée, mobile et totalement imprévisible pour les terroristes. Nous avons obtenu des résultats remarquables.
Comprenez néanmoins que nous sommes au début d’un processus d’adaptation de nos méthodes, pour une meilleure coopération. La force militaire apportant sa spécificité et les forces de sécurité intérieure étant responsables, je l’ai dit, de la sécurité sur le territoire national. Je ne veux pas vous donner l’impression que nous avons toutes les recettes ; nous définissons des pistes qu’il faut ensuite affiner.
Prenons l’exemple de Paris. En dix-huit mois, nous avons entièrement modifié notre organisation. Il s’agit d’une véritable révolution, dont peu d’institutions sont capables en Europe et qui suscite l’admiration de mes homologues. Depuis l’hiver dernier, trois GTIA (groupements tactiques interarmes) sont déployés dans la capitale, et ils sont commandés chacun par un colonel, comme en opération extérieure. Ce nouveau dispositif est d’une remarquable efficacité, encore plus depuis l’été où nous avons abandonné les gardes statiques. Ainsi, un colonel que je connais – car il faut être informé par le haut et par le bas – vient d’achever ses deux mois de présence à Paris dans le cadre de l’opération Sentinelle et il m’a écrit que cela n’avait rien à voir avec la mission qu’il avait accomplie il y a un an. C’est enfin « une mission de chef », m’a-t-il dit ! De fait, le chef de corps commande l’ensemble de ses unités ce qui représente en tout 1 700 hommes– ; le capitaine commande sa compagnie, avec une vraie manœuvre de zone, et le chef de section est responsable de l’application des bons processus tactiques au plus bas niveau avec ses chefs de groupe. C’est cette organisation que nous devons continuer à mettre en œuvre ; l’évolution n’en est qu’à ses débuts. Le général Bosser et moi sommes parfaitement d’accord sur ce point. L’armée de terre travaille d’ailleurs avec l’état-major des armées pour établir une doctrine prenant en compte le besoin de modes d’action évolutifs.
J’ajoute que, puisque les terroristes peuvent nous attaquer sur les différents terrains, nous devons faire le lien entre action terrestre et action maritime, notamment dans les ports, entre action terrestre et bases aériennes, etc. Il n’y a pas, d’un côté, Sentinelle et, de l’autre Cuirasse, le dispositif de protection de nos emprises. Il s’agit d’une approche globale : terrestre, aérienne, maritime, sans oublier la cyberdéfense.
J’en viens maintenant aux coûts des facteurs. Ceux-ci ont fait l’objet de deux rapports rédigés conjointement par l’Inspection générale des finances (IGF) et le Contrôle général des armées (CGA). Comme vous, je lis les rapports. Les bénéfices attendus des coûts des facteurs sont évalués, sur les trois années à venir, à trois milliards d’euros. Quant aux charges additionnelles, c’est-à-dire celles qui n’ont pas été prévues dans la LPM et qui se surajoutent au fil du temps, qu’elles soient étatiques – prix de l’électricité, par exemple – ou spécifiques au plan opérationnel ou au plan organique, elles sont évaluées à quatre milliards d’euros. Le second rapport a conclu que le gain attendu n’était pas supérieur à ce qui avait été dit. Ainsi, pour 2017, les économies sur les coûts des facteurs sont évaluées à 630 millions et les charges additionnelles à 900 millions. Enfin, les indices économiques de mai 2016 laisseraient une marge de manœuvre de 200 millions d’euros, qui compléterait les 600 millions d’euros que nous avons obtenus pour le PLF. Certes, tout cela méritera d’être analysé en gestion, et il faudra être vigilant. Mais je ne m’en suis pas caché : je vous ai dit que c’était un des risques que j’avais identifiés.
Pourquoi ne pas augmenter le budget de la défense dès 2017 dans le cadre de l’objectif des 2 % du PIB ? C’est une bonne question ! Je suis là pour vous tenir un langage de vérité. Objectivement, l’effort consenti par l’État, ne serait-ce que pour arrêter la baisse et maintenir le budget à 1,77 % du PIB, est considérable ; personne ne l’a fait auparavant. En outre, il est très difficile d’inverser un processus. Or, depuis la guerre d’Algérie, les armées se sont réorganisées sous le coup de déflations successives. Aujourd’hui, elles doivent faire face à une remontée en puissance ; c’est un changement de la donne. Donc, nous stabilisons en 2017, puis nous augmenterons en 2018, 2019 et 2020. Oui, en 2018, l’effort sera important. Pour 2017, il est déjà très important, puisque non seulement le budget n’a pas baissé, comme le prévoyait la LPM initiale votée en 2012, mais il a augmenté en valeur absolue. Au bilan, on stabilise aujourd’hui l’effort de défense et il faudra franchir une marche importante en 2018 pour amorcer la remontée en puissance.
Si nous avions atteint 2 % du PIB, ce n’est pas 600 millions supplémentaires (par rapport à la LFI 2016) que nous aurions obtenus, mais plus de cinq milliards. Le ministre de la Défense et moi-même, nous nous devons d’être responsables. L’objectif que nous avons fixé me semble être un bon compromis entre le souci des finances publiques, c’est-à-dire la souveraineté économique, et la souveraineté de défense. Pour le reste, le contexte géostratégique a changé cette année : le niveau de tension sécuritaire n’était pas du tout le même dans les deux types de conflictualité – retour des États-puissances et terrorisme international – lorsque je suis venu devant vous l’année dernière à la même époque.
Qu’en est-il de nos relations militaires avec la Russie ? Ces relations existent ; elles dépendent, comme toujours, des à-coups des relations politiques. Nous les avons renouées, à la demande du président de la République, à l’automne dernier. J’ai donc rendu visite, à Moscou, à mon homologue, le général Guerassimov, le 23 décembre dernier. Cette réunion de travail a permis de poser les bases d’une déconfliction entre nos groupes aéronavals en Méditerranée et d’initier des discussions visant à identifier les groupes terroristes en Syrie. Nous avons ainsi convenu de rétablir progressivement nos relations via nos cellules de renseignement. Depuis, je n’ai pas eu de contact direct, personnel, avec le général Guerassimov. Mais, si l’on veut établir une paix durable, en Syrie, en Irak et dans le reste du monde, il faudra que l’ensemble des acteurs y soient associés, car s’il en manque un seul, le plan de paix échouera. Or, ces acteurs sont nombreux, et la Russie en fait incontestablement partie.
Pour ce qui concerne la Tunisie, j’entretiens les meilleures relations avec mon homologue qui est venu me rendre visite récemment à Paris. Leur système est un peu différent du nôtre, puisque le CEMAT est également CEMA. Nous les invitons d’ailleurs à « s’interarmiser », de façon à ce qu’ils disposent d’un outil permettant de protéger leur territoire de façon globale. La Tunisie fait évidemment l’objet de toutes les attentions, politiques et militaires. Le ministre de la Défense a convenu avec son homologue d’un plan budgétaire ; je rencontrerai, quant à moi, mon homologue tunisien la semaine prochaine. Nous sommes en contact permanent, et nous les aidons dans le cadre de coopérations portant sur le renseignement, les forces spéciales, l’équipement, etc. C’est fondamental, car la stabilité de la Tunisie est une condition essentielle pour la stabilité de la zone.
En ce qui concerne le Liban, je rencontrerai mon homologue libanais à Washington lundi. La France entretient avec ce pays une relation particulière, y compris au plan militaire. Je connais très bien le général Kahwagi, que je rencontre régulièrement. Au sein de la FINUL, la force française au Liban, qui comprend près de 900 soldats, représente d’une certaine manière une assurance pour les Libanais.
En ce qui concerne les fusiliers marins, je préfère appréhender la problématique globalement, en incluant les commandos de l’air et, plus largement, tous les militaires chargés de la protection des emprises militaires. Ces composantes ont largement diminué depuis de nombreuses années, notamment dans le cadre de la RGPP, qui a été appliquée dans un autre contexte sécuritaire. Aujourd’hui, nous devons remonter en puissance, car notre dispositif n’est plus du tout adapté. De ce fait, les unités sont en surchauffe. Or, plus il y a surchauffe, moins on fidélise le personnel, et moins on le fidélise, plus il faut recruter. Nous devons briser ce cercle vicieux. Ainsi, nous voulons augmenter d’environ 600 le nombre des fusiliers marins – nous avons obtenu les effectifs –, mais nous devons également garder ceux qui sont en poste. Nos fusiliers marins et nos commandos de l’air doivent atteindre un niveau d’effectifs qui leur permette de ne plus être en suractivité. J’y suis extrêmement attaché, car je ne dissocie pas le dispositif Sentinelle de la protection de nos emprises ; c’est une même problématique.
Mme Geneviève Fioraso. Je vous remercie, général, pour la clarté de votre exposé et de votre vision. Nous avons bien entendu votre satisfaction concernant le PLF 2017 mais aussi votre vigilance, dont nous nous ferons l’écho lors de la discussion budgétaire.
Je souhaiterais évoquer le rôle des réseaux sociaux et, plus généralement, celui d’internet dans la guerre culturelle et de sécurité qui nous permettra de « gagner la paix ». On a en effet le sentiment, sans doute faux, que ce sujet crucial n’est pas suffisamment pris en compte. Je souhaiterais donc savoir quels liens existent, dans ce domaine, entre les forces armées et les services de sécurité intérieure. Cette préoccupation est-elle intégrée dans la formation que reçoivent les jeunes engagés et les militaires plus âgés ? Par ailleurs, existe-t-il, par exemple, des échanges de bonnes pratiques au niveau européen ?
Une guerre culturelle se gagne aussi par la persuasion. À ce propos, vous avez fait allusion à plusieurs reprises à la qualité des jeunes qui s’engagent. Aussi, ne pourrait-on pas les solliciter pour qu’ils s’adressent aux autres jeunes, notamment aux adolescents susceptibles de se faire embrigader sur internet ? Car, dans un tel cas, l’adulte n’est pas le meilleur prescripteur. Quelle communication positive l’armée peut-elle donc mener dans ce domaine ? Un plan de communication a peut-être été déjà élaboré ; en tout cas, il n’est pas connu des Français.
M. Philippe Vitel. Merci pour votre sincérité, Mon général. Je souhaiterais, pour ma part, aborder un sujet un peu difficile, puisqu’il s’agit de la radicalisation dans nos armées. Le rapport de nos collègues Audibert Troin et Léonard évoque des dizaines de cas connus de la défense. Où en est-on aujourd’hui ? Comment gérez-vous la mutation de certains de nos militaires ?
M. Yves Foulon. Mon général, vous nous avez fait part de votre volonté de vous assurer que nos armées ont les moyens de leurs ambitions. Nous nous réjouissons par ailleurs des succès à l’exportation du Rafale, qui ont sauvé la LPM. Mais l’armée de l’air est actuellement en limite capacitaire. N’est-il pas urgent de programmer la reprise de la livraison du Rafale à la France ? Pouvez-vous nous rassurer sur ce point ?
Général Pierre de Villiers. Pour ce qui est des réseaux sociaux et d’Internet, il faut distinguer deux niveaux. Le premier, le plus confidentiel, est celui de la cyberguerre et de la cyberdéfense. La France, et c’est son honneur, a pris le train de la cyberdéfense sous le précédent quinquennat et, depuis, l’effort a été systématiquement maintenu, que ce soit dans la LPM initiale ou dans sa version revalorisée en 2015. Cette action suppose des capacités dont nous sommes, avec les Américains, les Britanniques et quelques autres, les seuls à disposer. Bien entendu, nous coopérons avec les pays européens dans ce domaine. Nous ne sommes pas en retard, bien au contraire. Par définition, nous ne communiquons pas sur ce sujet, puisqu’il s’agit de ne pas se dévoiler, mais nous sommes très efficaces et, croyez-moi, Daech souffre. La presse s’est d’ailleurs fait l’écho, hier, de la dégradation de la capacité opérationnelle de ce groupe sur le plan de l’influence et de la cyberguerre. Petit à petit – mais c’est une guerre longue et progressive –, nous gagnons la partie en les empêchant de déployer leur contre-information, dans laquelle ils excellent. Les réseaux de type Telegram soulèvent des problèmes particuliers, qui doivent être traités au plus haut niveau, au plan européen. Le président de la République a, du reste, évoqué le sujet à Bratislava, et le ministre de l’Intérieur en discute souvent avec ses homologues.
Le deuxième niveau est celui des usagers des réseaux sociaux et d’Internet. Dans ce domaine, il s’agit de se protéger en utilisant les moyens informatiques de manière rigoureuse. C’est un défi ! Une formation est dispensée à tous nos personnels pour leur rappeler régulièrement les mesures de sécurité à respecter. Cette prudence doit cependant être largement partagée ; elle n’est pas spécifique aux militaires. Il suffit de voir ce qui se passe dans l’industrie ou dans d’autres secteurs : la guerre est générale.
Par ailleurs, il faudrait, avez-vous dit, Madame Fioraso, mieux faire connaître la bonne parole en quelque sorte, en faisant intervenir de jeunes soldats sur les réseaux sociaux. C’est une idée intéressante, et nous y travaillons. La manière dont vous avez présenté les choses me paraît d’ailleurs très judicieuse.
La question de la radicalisation au niveau de nos armées nous est souvent posée, et vous pensez bien que le chef d’état-major des armées que je suis y est particulièrement vigilant. Nous incarnons la France dans sa diversité, sa globalité et son hétérogénéité. De fait, certains jeunes Français sont radicalisés, et nous veillons à ne pas les recruter. Tel est l’objet du contrôle préalable au recrutement effectué par la Direction du renseignement et de la sécurité de la Défense (DRSD). Toutefois, un être humain peut évoluer et le processus de radicalisation est parfois très rapide. Le commandement se doit donc d’être très vigilant. J’ai essayé, modestement, dans le sillage de mes prédécesseurs, de remettre l’humanité au centre de mon action. L’humanité : voilà le meilleur contrepoison contre la radicalité. En effet, les jeunes qui sont susceptibles de se radicaliser ou qui le sont déjà ont lâché prise humainement ; ils sont désespérés car ils ne croient plus en l’humanité. Un chef doit connaître ses hommes et doit déceler les évolutions.
Vous avez évoqué, Monsieur Vitel, plusieurs dizaines de cas ; cela me semble élevé…
M. Philippe Vitel. Dans leur rapport, nos collègues évoquent cinquante cas.
Général Pierre de Villiers. Bon, les militaires sont 207 000 ; il convient donc de relativiser ce chiffre. La situation est moins manichéenne que cela : on n’est pas radicalisé ou non radicalisé, et un être humain peut basculer très rapidement sans qu’on l’ait pressenti. Face à ce phénomène, j’ai donc donné pour consigne de maintenir ce sens de l’humanité dans le commandement et d’observer quotidiennement le comportement des intéressés. Dans les armées, nous avons en effet l’avantage d’être ensemble 24 heures sur 24, et parler à un militaire de sa vie privée n’est pas considéré comme une intrusion ; cela fait partie de notre culture. Car, lorsqu’un soldat part au combat, nous avons besoin de savoir quelle est sa situation personnelle, ce qui peut le déstabiliser ou le préoccuper. Toujours est-il qu’il faut remobiliser sans cesse le commandement pour qu’il n’oublie pas de faire preuve d’humanité et qu’il ait le souci de connaître ses personnels. C’est finalement la seule mesure véritablement efficace, une fois le contrôle élémentaire effectué.
S’agissant des limites capacitaires de l’armée de l’air, il est vrai que celle-ci souffre, comme les autres armées. Quelles sont les priorités dans ce domaine ? Les hélicoptères, l’ISR (intelligence, surveillance, reconnaissance), la flotte de transport et les ravitailleurs – l’armée de l’air est donc particulièrement concernée. Les lacunes qui existent dans ces secteurs m’empêchent en effet de mener certaines opérations. Elles ne sont pas les seules, mais elles sont directement « inhibantes » pour mener certaines opérations, par exemple au Nord Mali. Nous devrons donc évidemment faire un effort pour combler ces lacunes et cela fait partie des réflexions que nous menons pour optimiser le modèle d’armées, ce qui demandera de porter l’effort de défense à 2 % du PIB.
En ce qui concerne le format Rafale, ce n’est pas là que se situent nos difficultés aujourd’hui. Certes, vingt Rafale en moyenne sont déployés sur trois théâtres, au lieu de deux théâtres et douze Rafale. Il faudra donc monter le contrat opérationnel. Mais, aujourd’hui, le nombre des Rafale est de 148 et le format de 180. Donc, nous y sommes presque. Le débat portera sur la dernière tranche, mais je n’ai pas d’inquiétude. Je rappelle que nous avons conclu trois contrats à l’export et, objectivement, ce n’était pas gagné d’avance. C’était d’ailleurs le premier risque de la LPM. Or, si nous exportons le Rafale, c’est parce qu’il s’agit d’un avion exceptionnel, dont nos clients ont pu apprécier l’efficacité dans nos opérations. Il fait d’ailleurs actuellement l’admiration de nos alliés au Levant. Le format est bon et je n’ai pas d’inquiétude, à ce stade, sur son respect. Un budget porté à 2 % du PIB permettra de sanctuariser évidemment tout cela.
M. Philippe Folliot. Je vous remercie de donner au groupe UDI la possibilité de s’exprimer, Madame la présidente. Je m’étais inscrit – en deuxième position, me semble-t-il –, mais puisque je dois partir et que je ne pourrai pas entendre la réponse du général de Villiers, je renonce à mon intervention.
M. Yves Fromion. Mon général, vous avez fait un exposé remarquable qui dépeint nos forces armées dans sa réalité profonde, et je vous en remercie.
Ma première question touche aux ressources – vous avez évoqué l’objectif des 2 %. Après les attentats de l’année dernière, le président de la République a présidé un conseil de défense lors duquel a été reconnu le besoin d’une « sur-dotation » de 800 millions d’euros par rapport à la LPM actualisée, sans qu’un arbitrage ait été rendu. Les 600 millions que vous évoquez s’inscrivent-ils dans cette « sur-dotation » ? Combien sont sûrs et, surtout, s’agit-il de recettes stabilisées ou de cessions immobilières, notamment ?
Par ailleurs, vous nous avez indiqué que vous attendiez depuis longtemps que la Garde nationale voie le jour. Or, on a le sentiment, pour le moment, que celle-ci consiste dans la juxtaposition des réserves des différentes armées. J’aimerais donc savoir quel « plus » vous allez en retirer, car les besoins de chaque armée sont connus. Qu’entend-on exactement par Garde nationale ? Je ne veux pas paraître polémique, mais on se demande s’il ne s’agit pas d’un simple artifice de communication.
M. Francis Hillmeyer. Je souhaitais également vous interroger sur la Garde nationale, Mon général. Vous avez évoqué le chiffre de 40 000 réservistes à un horizon proche. Ce chiffre inclut-il les gendarmes ? Par ailleurs, qu’en est-il de la sensibilisation des employeurs des réservistes ? Ces derniers nous disent en effet souvent qu’ils ont des difficultés pour faire leur période. Enfin, les officiers de réserve spécialistes d’état-major (ORSEM) sont très inquiets, car ils craignent de passer sous l’autorité des préfets et de ne plus être de véritables militaires. En conclusion, vous avez évoqué, à propos de l’opération Barkhane, la montée en puissance des forces du G5 Sahel. Quand estimez-vous que ces forces seront véritablement autosuffisantes ?
Mme Marie Récalde. L’organisation du soutien se stabilise en 2017 ; on poursuit la logique de simplification et de mise en cohérence de l’ensemble du système. L’objectif principal est de préserver la qualité et la disponibilité du soutien, tout en cherchant à optimiser la mutualisation et le recours à des marchés pluriannuels. Mais l’année 2017 sera également marquée par un accroissement des effectifs à soutenir. Que pensez-vous de ce gap ? Les effectifs des groupements de soutien ne sont pas en hausse, c’est le moins que l’on puisse dire. Le besoin accru de sous-traitance que cela va entraîner sera-t-il compatible avec la sécurité de nos forces et des sites ? Je me suis rendu à la Direction de la protection des installations, des moyens et activités de la défense (DPID), qui accomplit un travail remarquable dans un pays où la culture du risque n’est pas encore ce qu’elle devrait être. Avons-nous les moyens de revenir en arrière ?
M. Michel Voisin. Mon général, lors de l’université de la Défense, les 2 % du PIB ont été un leitmotiv ; ils correspondent, semble-t-il, à un standard pour les armées occidentales. Aujourd’hui, je m’interroge. L’augmentation du budget de 600 millions est réelle, je vous l’accorde, mais si on rapporte celui-ci au PIB, on constate qu’il est en stagnation, puisqu’il représente 1,77 % du PIB en 2017, contre 1,78 % en 2016. Entre le discours politique et la mise en œuvre, il y a donc une différence considérable.
J’en viens maintenant à ma question, qui a trait au conflit avec Daech. En Syrie et en Irak, la superficie des territoires tenus par cette organisation régresse, mais les concentrations de forces démontrent qu’il y a encore beaucoup à faire. Nous avons envoyé au Levant quatre batteries d’artillerie, me semble-t-il, soit entre 160 et 200 hommes. Or, il avait été prévu que nous n’enverrions que des forces aériennes. Nous sommes donc un peu en contradiction avec l’article 35 de la Constitution. Certes, il ne s’agit que de 200 hommes, mais leur présence sur le terrain suscite quelques interrogations.
M. Christophe Guilloteau. Mon général, je souhaiterais revenir sur le MCO. Je crois, en tant que rapporteur du budget « air », que la remise en cause de quelques baronnies permettrait à la défense de faire des économies. Certes, ce n’est pas le sujet aujourd’hui, mais je tenais à le mentionner.
S’agissant des ressources humaines, vous avez évoqué la belle jeunesse. Toutefois, la radicalisation est un véritable problème, qui ne concerne pas seulement la jeunesse et qui se pose également dans des structures plus petites que l’armée. Ainsi, cette semaine, j’ai appris qu’un chauffeur qui travaillait au ramassage scolaire était un radical de haute importance. Je regrette que, dans ce domaine, on ne se dise pas les choses.
Ma dernière remarque a trait à l’opération Sentinelle. Je ne partage pas l’enthousiasme du colonel qui vous a écrit à propos de cette opération. Au reste, on sait qu’un colonel qui s’adresse au chef d’état-major aspire peut-être à une promotion.
Général Pierre de Villiers. Ce n’est pas le style !
M. Christophe Guilloteau. Mais cela peut arriver. Il se trouve que, dans ma circonscription, je discute souvent avec les membres de l’opération Sentinelle qui patrouillent à la gare, à l’aéroport. Une grande partie de ces jeunes sont satisfaits, mais tous ne partagent pas l’enthousiasme de ce colonel car ils estiment qu’ils ne se sont pas engagés pour garder un édifice. Peut-être le législateur devra-t-il un jour se pencher sur la création de gardes armés, comme en Italie ou en Espagne. Nous l’avons fait pour la protection des navires et, finalement, les convoyeurs de fonds ne relèvent-ils pas déjà de cette approche ?
Général Pierre de Villiers. En ce qui concerne les ressources, nous avons demandé 775 millions d’euros ; nous en avons obtenu 600, le complément étant assuré, à hauteur d’un peu moins de 200 millions d’euros, par le coût des facteurs. Ces 600 millions comprennent notamment 100 millions supplémentaires de ressources exceptionnelles. Pour le reste, les ressources sont identifiées ligne par ligne – nous pourrons vous en fournir le découpage détaillé.
Le risque que j’ai relevé est double : le coût des facteurs et les 100 millions supplémentaires de ressources exceptionnelles immobilières. Ces dernières supposent en effet que l’on vende des emprises, qu’il faut d’abord identifier, ce qui n’est pas aisé lorsque des sommes pareilles sont en jeu. Le risque existe donc, notamment à propos des grosses emprises parisiennes, que nous ne puissions pas réaliser ces opérations en 2017 – nous verrons bien. En tout cas, je rappelle qu’il existe une clause de sauvegarde, de sorte que si nous n’obtenons pas ces ressources exceptionnelles, elles seront remplacées par des ressources budgétaires.
S’agissant de la Garde nationale, je voudrais vous faire part de ce qui a été décidé en conseil des ministres aujourd’hui. Tout d’abord, ce qui me tient à cœur, c’est la réforme des réserves. Or, nous l’avons enfin réalisée, grâce à la création de la Garde nationale. Les principes sont clairs : celle-ci repose sur deux piliers ministériels autonomes. En cela, rien ne change ni pour les réserves des armées ni pour celle de la gendarmerie et de la police. Elles sont regroupées sous le label « Garde nationale », ce qui se traduit par une politique de communication conjointe, notamment un site Internet commun, destiné à orienter les personnes intéressées. Il ne s’agit pas d’une Garde nationale d’emploi fusionné des 84 000 réservistes : les deux piliers sont employés dans leurs métiers d’origine, intérieur et défense, et continuent de relever de leur autorité de tutelle. En revanche, un système de gouvernance, très clair a été identifié. Il comprend trois niveaux : le CODIR, composé des deux ministres, le COPIL, composé des deux cabinets, et le secrétaire général entouré d’une équipe de douze personnes. Ce dernier sera désigné officiellement en conseil des ministres mercredi prochain ; il pourrait s’agir d’un général de l’armée de terre.
Je suis extrêmement favorable à cette Garde nationale, car il était de temps d’entreprendre une réforme, ce qui n’a pas été fait depuis 1996. Jusqu’à présent, on a élaboré des plans, fait du lifting ; on n’avait jamais impulsé un tel élan. Qu’on en juge : les effectifs de la réserve militaire, hors gendarmerie, étaient de 28 000 en début d’année ; ils sont aujourd’hui de 31 000 et seront de 40 000 fin 2018. L’autre partie, soit 44 000 personnes, est fournie par la gendarmerie, en majorité, et par la police. Ces 40 000 réservistes seront totalement intégrés à l’armée d’active, ce qui n’était pas le cas auparavant faute de crédits suffisants. En 2014, je le rappelle, le budget était de 72 millions d’euros ; il est de 105 millions pour 2017 et il va encore augmenter. Il s’agit donc d’une véritable réforme.
La réserve sera au même standard de qualité que l’active. Elle constituera un apport souple et modulaire dans les pics de besoin opérationnel, et elle comportera des militaires hautement qualifiés, qui apporteront une haute plus-value, ainsi que des unités constituées, en particulier sur le territoire national : fusiliers marins, commandos de l’air et armée de terre. Elle fournira donc une véritable plus-value opérationnelle.
Je vais communiquer sur la garde nationale car cette réforme, nécessaire, est enfin réalisée !
Les mesures d’attractivité, qui sont un élément-clé de la réussite, nous les avons obtenues. Elles consistent, pour les réservistes, dans une prime de fidélisation de 250 euros, un financement partiel du permis de conduire pouvant aller jusqu’à 1 000 euros, une valorisation des acquis de l’expérience et une allocation étudiant réserviste de 100 euros par mois sur dix mois. Quant aux employeurs, ils pourront bénéficier de la fiscalité relative au mécénat : 60 % du salaire du réserviste pourront être financés par déduction fiscale. C’est exceptionnel ! J’appelais cette réforme ambitieuse de mes vœux depuis de nombreuses années. Nous allons passer de 2 000 réservistes par jour à 4 000, de 500 sur le territoire national à 1 500, de 30 jours par an à 36,5 jours. Le budget sera abondé en 2017 de 45 millions d’euros, qui incluent les mesures d’attractivité. Les réservistes seront recrutés, entraînés, fidélisés, équipés de véhicules et de matériels pour l’entraînement – dotés des mêmes gilets pare-balles et treillis que l’active. C’est une véritable avancée.
Trois points constituent des blocages, actuellement : la visite médicale – nous allons donc expérimenter une visite dans le secteur civil – ; le contrôle élémentaire, lié à la radicalisation, effectué par la DRSD – nous allons tenter d’améliorer les procédures – ; et l’administration : comme il est compliqué aujourd’hui de signer un Engagement à servir dans la réserve (ESR) ! Nous essaierons également de simplifier le système de rémunération pour que celle-ci soit un peu plus rapide.
Encore une fois, il s’agit d’une véritable avancée. J’insiste sur l’apport que représente cette réforme, pour le chef d’état-major des armées, au plan de la capacité opérationnelle.
J’ai perçu l’inquiétude des ORSEM. Ils n’ont pas à s’inquiéter, au contraire. Leur statut est revalorisé, puisque ces officiers à haute valeur ajoutée dont nous avons besoin dans les états-majors seront encore plus indispensables, et la réforme reconnaît leur rôle. Je ne comprends donc pas cette inquiétude, mais nous allons les rassurer.
Par ailleurs, ce que nous avons fait avec le G5 Sahel, en un peu plus de deux ans, est formidable. Il permet que soit menée, en permanence, une opération conjointe : Mali et Mauritanie, Niger et Mali, Burkina Faso et Mali, Tchad et Niger. Cette opération est aujourd’hui transfrontalière, c’est-à-dire qu’elle se déroule là où personne ne voulait aller auparavant. Notre prochaine réunion doit se tenir à Nouakchott dans quinze jours. Quand les forces de sécurité locales seront-elles autosuffisantes ? C’est l’objectif : gagner la paix suppose que ces forces assurent elles-mêmes la sécurité du pays. La situation s’améliore, de ce point de vue, mais il faut savoir qu’au Niger, dont on connaît l’étendue du territoire et les problématiques – chercheurs d’or, terrorisme, flux de population, présence de Boko Haram au Sud –, l’armée compte 18 000 hommes… Avant qu’elle soit autosuffisante, il faudra du temps, mais nous nous inscrivons dans un cycle : une résolution de crise prend en moyenne quinze ans. Il faut assumer cette durée et cette persévérance.
Au-delà de l’opération Barkhane et du G5 Sahel, notre dispositif de coopération militaire s’est totalement transformé. Nos deux bases de coopération en Afrique, au Sénégal et à Libreville, procurent des détachements d’instruction opérationnelle ad hoc, notamment pour les pays du G5 Sahel. En tout état de cause, le niveau d’insécurité dans la bande sahélo-saharienne n’augmente plus ; grâce à ce dispositif, les terroristes n’y mènent plus d’opération centralisée d’importance.
J’en viens maintenant à la question du soutien. Je connais bien ce dossier, pour avoir été major général durant quatre ans, la réforme du soutien. Dans ce domaine, il faut poursuivre les réglages et, lorsque la situation change, les faire évoluer. Notre système prenait en compte une déflation de 28 750 effectifs qui n’est finalement pas intervenue ; nous en tenons compte dans les soutiens. Les 2 % du PIB permettront aussi de renforcer les directions et services, en particulier de l’administration des personnels, donc le service du commissariat des armées, afin que les Groupements de soutien de base de défense (GSBdD) puissent continuer à améliorer leurs prestations. Mais je note que ce sujet n’est plus aussi conflictuel qu’il y a trois ou quatre ans. On me disait, à l’époque, que cela fonctionnait grâce au maintien de l’ancien système. Or, cette remarque n’est plus valable aujourd’hui, puisque l’ancien système a disparu. Actuellement, 30 000 hommes sont en posture opérationnelle et le système fonctionne : ils sont soutenus. Des réglages restent à effectuer. J’y suis très vigilant. Le « bout-en-bout » que nous avons mis en place fonctionne. Il faut peut-être donner un peu plus de pouvoirs d’arbitrage local aux GSBdD et aux commandants de bases de défense, intégrateurs des soutiens. Il convient également de bien calibrer les budgets et le volume de personnels pour que le soutien soit de qualité, et intégrer la problématique de l’externalisation. Je rappelle que celle-ci est positive lorsqu’elle est plus efficace, qu’elle permet de diminuer les coûts, qu’elle ne nuit pas aux opérations et qu’elle est assumée vis-à-vis des personnels civils. Je ne suis absolument pas opposé à l’externalisation et à la sous-traitance, mais à ces conditions.
Depuis 2008 – mais on pourrait remonter beaucoup plus loin –, 50 000 effectifs ont été supprimés dans le cadre de la RGPP. Or, on annule les déflations et on accroît le budget, ce qui stabilise l’effort de défense à 1,77 % ou 1,78 % du PIB. C’est déjà un bel effort ! Aurions-nous pu remonter à 2 % dès cette année ? Bien sûr, cela aurait été souhaitable, mais je suis réaliste. Le discours politique est honnête ; il essaie de voir plus loin que le triennal budgétaire et prend en compte la promesse faite à l’OTAN d’un budget équivalent à 2 % du PIB. C’est parce que le climat sécuritaire se dégrade que nous devons y parvenir avant 2025, donc durant le prochain quinquennat. Maintenant, le PLF peut toujours être meilleur : si j’avais 40 milliards au lieu de 32 milliards, ce serait plus facile. Mais il y a de faux rêves qui deviennent des cauchemars.
En ce qui concerne l’Irak et la Syrie, quatre pièces d’artillerie – et non quatre batteries – sont en effet déployées au sol. Vous avez donc raison de dire que nous avons des hommes au sol, mais c’est également le cas à Bagdad et à Erbil dans le cadre de la formation des unités irakiennes et kurdes. Il ne m’appartient pas juger si ce déploiement relève de l’article 35, ceci relevant d’une question politique. Mon rôle est de veiller à ce que les moyens déployés soient adaptés aux finalités stratégiques qui ont été déterminées. Dans ce cas précis, il s’agit de moyens utiles à la préparation de la prise de Mossoul par les forces locales.
S’agissant du MCO « aéro », oui, nous avons des soucis.
M. Christophe Guillotteau. Et de manière globale ?
Général Pierre de Villiers. De manière générale, le MCO est une préoccupation. Ce n’est pas pour rien que nous avons augmenté ses crédits de 6 % dans la LPM. On s’aperçoit en effet que les vieux matériels coûtent de plus en plus cher en MCO et que les matériels neufs coûtent dès le départ beaucoup plus cher que les anciens.
Sur le MCO « aéro », qui représente à lui tout seul le double des deux autres, nous avons des problèmes que le ministre a évoqués sans équivoque. Je pourrais effectivement vous parler des hélicoptères ou de l’Atlantique 2 (ATL2). Oui, des mesures doivent être prises en matière de gouvernance ou en ce qui concerne les pièces de rechange dans le cadre du projet supply chain. La coordination entre la DGA, l’industriel, le Service industriel de l’aéronautique (SIAé) et la Structure intégrée du maintien en condition opérationnelle des matériels aéronautiques du ministère la Défense (SIMMAD) s’améliore. Ce n’est pas pour rien qu’il y a deux ans, j’ai lancé un plan d’urgence consacré aux hélicoptères. Nous nous réunissons très régulièrement avec le DGA et EADS, dans sa version globale et dans sa version hélicoptères. Nous avons élaboré un plan d’action qui comprend une série de mesures, et nous avançons.
Mais regardez les Rafale : nous sommes parvenus à augmenter de 10 % leur disponibilité. Le MCO progresse, mais nous n’améliorerons pas de manière spectaculaire, en deux ans, la disponibilité des hélicoptères ou des ATL2. Pour ces derniers, par exemple, nous agissons en deux temps : tout d’abord, le rétrofit actuel de l’ensemble du parc, puis la modernisation de quinze avions, à l’horizon 2022-2023. Malheureusement, il faut du temps, mais je ne nie pas le problème.
S’agissant de la radicalisation, vous avez raison de souligner que c’est un problème général.
En revanche, je ne partage pas l’appréciation que vous portez sur l’opération Sentinelle. C’est un débat très politique, avant d’être militaire. La mission première des forces armées est de protéger les Français là où ils se trouvent. Je ne suis donc pas choqué que, dans le contexte actuel, elles interviennent sur le sol national. Après, il me revient de faire en sorte que ces forces armées apportent leur spécificité et la plus-value la plus efficace possible aux forces de sécurité intérieure. C’est ce que nous sommes en train de faire.
Toutefois, votre appréciation illustre mes propos, car elle date de la mi-août. Or, depuis, tout a changé. Nous n’avons pas suffisamment communiqué, c’est vrai. Mais, à la mi-août, le colonel dont je vous ai parlé m’aurait dit la même chose que votre béret rouge. Interrogez celui-ci aujourd’hui, et il vous dira qu’il préfère, certes, être engagé en Afrique, mais il reconnaîtra aussi que ce qu’il fait est utile et n’a plus rien à voir avec la situation précédente. Depuis cet été, les hommes de Sentinelle sont répartis à égalité entre Paris et la province, alors qu’auparavant, 70 % d’entre eux étaient à Paris. Mesurez le choc qu’a produit ce changement en province, notamment sur les élus, qui veulent tous garder l’opération Sentinelle. De fait, notre dispositif « mobilité » nous a permis de décupler notre efficacité. C’est simple : nous avons envoyé 60 militaires dans un département qui n’en comptait aucun auparavant, et la population a eu l’impression qu’ils étaient 600, tant ils étaient présents partout dans le département. Je crois donc à l’efficacité du dispositif Sentinelle repensé et modernisé. Ce n’est cependant que le début de la transformation, car celle-ci est, certes, un état de fait, mais c’est d’abord un état d’esprit. Cette transformation doit être permanente pour s’adapter à l’adversaire et à ses modes d’action. Quoi qu’il en soit, ce débat est très intéressant et légitime.
Mme la présidente Patricia Adam. Merci beaucoup, général.
La séance est levée à treize heures.
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Membres présents ou excusés
Présents. – Mme Patricia Adam, Mme Sylvie Andrieux, M. Olivier Audibert Troin, M. Nicolas Bays, M. Malek Boutih, M. Jean-Jacques Bridey, M. Jean-Jacques Candelier, M. Guy Chambefort, Mme Dominique Chauvel, M. Jean-David Ciot, M. David Comet, M. Bernard Deflesselles, Mme Marianne Dubois, Mme Geneviève Fioraso, M. Philippe Folliot, M. Yves Foulon, M. Yves Fromion, M. Claude de Ganay, M. Christophe Guilloteau, M. Francis Hillmeyer, M. Jacques Lamblin, M. Jean-François Lamour, M. François Lamy, M. Gilbert Le Bris, Mme Lucette Lousteau, M. Alain Marleix, M. Alain Marty, M. Philippe Meunier, M. Alain Moyne-Bressand, M. Patrice Prat, Mme Marie Récalde, M. Gwendal Rouillard, M. Alain Rousset, M. Philippe Vitel, M. Michel Voisin
Excusés. – Mme Danielle Auroi, M. Claude Bartolone, M. Philippe Briand, M. Laurent Cathala, Mme Catherine Coutelle, M. Lucien Degauchy, M. Guy Delcourt, M. Nicolas Dhuicq, Mme Geneviève Gosselin-Fleury, M. Serge Grouard, M. Éric Jalton, M. Jean-Yves Le Déaut, M. Frédéric Lefebvre, M. Bruno Le Roux, M. Damien Meslot, M. François de Rugy
Assistait également à la réunion. – M. Pierre Lellouche
Source: Assemblée nationale