Au cours du premier trimestre 2003, la Direction de la Fonction Militaire et du Personnel civil a diffusé à certaines autorités, sous le sceau confidentiel, le rapport du sous-groupe de travail n°2 qui a reçu pour mandat d’étudier les scénarios possibles d’évolution du régime des pensions militaires de retraite, de mesurer leur impact sur le personnel concerné et par voie de conséquence sur la politique de gestion des ressources humaines mais également de proposer des mesures de compensation au regard de chaque scénario.
Après avoir reconnu que le système des retraites est un élément majeur de la politique des ressources humaines des armées, les travaux ont porté sur une analyse des facteurs entrant dans l’équation du calcul des retraites.
L’analyse effectuée par le groupe de travail a permis d’identifier, d’une part l’impact individuel et d’autre part l’effet sur la gestion des ressources humaines de chaque facteur pris isolément.
Quelques effets cumulés sont mis en évidence dans ce rapport par simple agrégation de deux hypothèses.
H1 : Allongement de la durée de cotisation (les limites d’âge actuelles étant inchangées) de 37,5 annuités à 40 pour obtenir le taux plein (75% de la solde de base) avec une baisse corrélative de la valeur de l’annuité (2% à 1,875%),
H2 : Modification de la référence à l’échelon détenu pendant les six derniers mois pour le calcul de la pension
échelon détenu pendant les trois dernières années,
solde de base moyenne détenue pendant les dix dernières années.
H3 : Remise en cause du régime des bonifications
bénéfices de campagne octroyés hors OPEX,
bonification du 1/5ème du temps de service.
H4 : Remise en cause de la possibilité de cumuler la pension militaire de retraite avec un nouveau traitement d’activité dans la fonction publique civile
cumul impossible avant la limite d’age du grade (mesure qui concernerait uniquement le personnel non officier radié des cadres avant 25 ans de services),
cumul à soixante ans (mesure qui concernerait tout le personnel).
H5 :Remise en cause de la faculté d’entrée en jouissance précoce de la pension militaire
report de quelques années de la faculté de jouissance de la pension,
report à la limite d’âge du grade pour tous les militaires (ou limite de durée des services).
H6 : Remise en cause de l’affiliation des militaires sous contrat au code des pensions civiles et militaires de retraite.
De ce rapport nous retiendrons surtout les impacts de l’allongement de la durée de cotisation de 37,5 annuités à 40 avec baisse corrélative de la valeur de l’annuité de 2% à 1,875% pour obtenir le taux plein (75%).(C’est l’hypothèse actuellement envisagée par le gouvernement pour l’ensemble de la Fonction publique).
Impact individuel
Baisse du montant de la pension pouvant aller jusqu’à 10% selon le grade et l’ancienneté de service, avec une incidence moindre sur la prestation versée aux militaires non officiers quittant tôt les armées grâce à l’application du minimum garanti,
Nécessité de prolonger l’activité d’au moins 2,5 ans pour la majorité des militaires afin d’obtenir le même taux de pension,
Conséquences plus importantes pour les militaires que pour les fonctionnaires civils puisque les premiers, dotés de limites d’âge basses, ne pourraient cotiser suffisamment longtemps afin d’annihiler ou à tout le moins de tempérer l’impact d’une telle mesure. (particulièrement vrai pour les sous-officiers).
Impact collectif
Immédiat : forte probabilité d’un flux massif de départs pour anticiper l’application des nouvelles dispositions, d’autant plus fort que l’application de la mesure ne serait pas étalée dans le temps,
Dans la durée : stabilisation des flux de départs à un niveau légèrement plus bas qu’aujourd’hui,
Ralentissement de l’avancement (jusqu’à 20% selon les grades à partir du milieu de carrière pour les sous-officiers et les officiers et donc dégradation des carrières et des rémunérations ; (effet sur la progression indiciaire et sur la jouissance des primes contingentées).
De la synthèse de la table ronde qui s’est déroulée avec la Direction de la fonction publique le 24 janvier 2003, il ressort :
que doivent être pris en compte pour les retraites :
les besoins de l’institution,
les intérêts particuliers des individus,
le maintien de la jeunesse dans les armées,
la pénibilité du métier.
que les armées assisteront aux réunions et discussions en interministériel, le but étant d’écouter et d’évaluer les conséquences de ce qui est dit sur les points suivants :
La retraite à jouissance immédiate : point essentiel, mais on peut accepter un léger glissement ;
les bonifications d’annuité : point fondamental. Tout sera fait pour les sauvegarder ;
la période de référence (aujourd’hui les 6 derniers mois) ; c’est un point très important surtout pour les officiers ;
la période de transition : elle devra être longue (il est souhaité qu’elle s’étale sur 10 ans)
l’intégration des primes : le but de la réforme est de dépenser moins. Il faut récupérer 4 points du PIB en 20 ans. Cependant, cela peut être éventuellement un élément de discussion.
Il nous a paru important à l’ADEFDROMIL de faire part à nos camarades des différentes armées de ce qui se passe dans les coulisses du pouvoir !
La note de la DFP se veut rassurante en soulignant deux points très importants :
C’est le ministre en personne qui défendra ce dossier en interministériel,
L’implication du CEMA est très forte, aucun document ne quitte l’EMA sans qu’il l’ait vu. !
Pour une fois, l’article 10 alinéa 2 du statut général des militaires [« il appartient au chef, à tous les échelons, de veiller aux intérêts de ses subordonnés… »] risque d’être mis en application !
Cependant, du compte rendu de la Réunion des membres du CFMT et des présidents de catégorie de la Région Terre – Ile de France qui vient d’avoir lieu, il apparaît que les militaires en général et les organes de concertation en particulier, manquent totalement d’informations sur les retraites. Il suffit de lire le large extrait que nous diffusons.
« Le général de division de BOUTEILLER, sous-chef ORH à l’EMAT, a présenté les dossiers sur les retraites et les statuts en prenant soin de préciser qu’actuellement il n’y avait aucune information venant des ministères. En conséquence l’EMAT proposait, pour chacune des réunions dans les R.T., des pistes de réflexion qui prenaient en compte différents paramètres possibles de façon à préparer les sessions du CFMT et du CSFM : financement, effets sur la condition du personnel, les carrières…
LES RETRAITES :
Compte tenu du peu d’informations disponibles en ce moment, un certain nombre d’évolutions envisageables est proposé aux membres du CFMT :
Les « leviers » de l’ensemble de la Fonction Publique :
Durée de la cotisation : passage de 37,5 à 40 annuités avec une variation de l’annuité de 2% à 1,875% ?
Assiette et taux de cotisation : élargissement, augmentation ?
Mode de calcul : sur la base des X meilleures années ?
indexation de la pension : sur le point d’indice ?
Les « leviers » spécifiquement militaires :
Durée des services : recul des limites de durée des services ? recul des limites d’âge ?
Dates de liquidation de la retraite à jouissance immédiate et de la retraite à jouissance différée : quel recul ?
Régime des bonifications : quelle évolution ?
Règles du cumul emploi/retraite/chômage : quelle évolution ?
Le principe de solidarité doit jouer entre tous les régimes, le ministre de la Défense l’a dit au cours de la 66ème session du CSFM : « …la réforme des retraites concerne l’ensemble des Français. Elle vise à assurer la viabilité dans le moyen et le long terme de notre système de répartition quels que soient les régimes concernés. Le régime de retraite des militaires résulte de principes qui s’appliquent à l’ensemble de ceux qui servent l’Etat. Dans ce cadre, il est juste et normal que les avancées dont bénéficieraient les fonctionnaires civils profitent également aux militaires… L’évolution des principes généraux doit être compatible avec la reconnaissance des conditions particulières d’emploi des personnels militaires et des spécificités propres à leurs parcours professionnels… J’y serai particulièrement vigilante ».
En conclusion, il y aura un maintien du régime spécifique des militaires, le système des bonifications sera peu touché et la progressivité de la mise en application, sans rythme fixé, à partir du 01/01/04 devrait dissiper les inquiétudes surtout chez les lieutenants-colonels et les adjudants-chefs les plus anciens.
A l’ADEFDROMIL, on s’interroge sur cette conclusion particulièrement rassurante et optimiste dès lors que tout au long de ce rapport nous pouvons lire : « actuellement… aucune information venant des ministères, pistes de réflexion…, paramètres possibles…, peu d’informations disponibles en ce moment, un certain nombre d’évolutions et avant de conclure pour bien rassurer tout le monde : le ministre sera particulièrement vigilante. Un chef d’oeuvre de langue de bois !
Néanmoins, gardez confiance, braves gens ! Dès qu’un élément sérieux sera connu, le Directeur de cabinet du Mindef ne manquera pas de vous informer très rapidement par l’intermédiaire d’un papier agrafé à votre bulletin de solde !
Lire également :
Historique des retraites