(Extrait du livre ETAPES DE LA CITOYENNETE DES MILITAIRES 1789-1999. Eugène-Jean DUVAL
Editions des écrivains- 147-149 rue Saint- Honoré) (1)
Il revient à Colbert d’avoir créé, dès 1673, un régime de retraite pour les officiers de marine.
Le premier régime de retraite des fonctionnaires de l’Etat voit le jour avec le décret des 10/31juillet 1790 (Bulletin des lois page 329) ; si la modernité n’était de tous les temps, on pourrait dire que le libellé de l’article 1er est moderne avant la lettre : « L’Etat doit récompenser les services rendus au corps social quand leur importance et leur durée méritent ce témoignage de reconnaissance. La nation doit aussi payer aux citoyens le prix des sacrifices qu’ils ont faits à l’utilité publique. Elle appelle à la pension le fonctionnaire public ou tout autre citoyen au service de l’Etat ».
Comme souvent à cette époque révolutionnaire, l’application ne suivit pas et maints textes traitent de pensions. Mais les bons principes sont fixés dès le 4 brumaire an IV, principes toujours en vigueur à ce jour. Pour financer les pensions, une retenue est effectuée sur le revenu des agents.
Les tables du bulletin des lois révèlent comment l’empereur, la royauté et à nouveau l’empereur pratiquèrent l’attribution personnalisée des pensions et des gratifications.
La Charte de 1814 a garanti aux militaires honneurs et pensions, mais il faut attendre le 11 avril 1831 pour que paraisse la loi tenue pour le pilier des pensions de l’armée de terre (Duvergier page 341), qu’elles soient d’ancienneté ou de retraite pour cause de blessures ou infirmités.
Entre temps, la loi de finances du 28 avril 1816 (Duvergier tome 20 page 288) a généralisé la retenue pour pensions « Tous les traitements et salaires accordés à des fonctionnaires ou employés payés par le trésor royal… seront assujetties à une retenue proportionnelle conformément au tableau…
Sont seuls exceptés de la retenue prescrite par l’article précédent les employés et salariés dont le traitement est au-dessous de cinq cents francs et les militaires au-dessous du grade de sous-lieutenant ».
La loi de finances du 25 mars 1817 (JMO page 69) confirme le principe de la retenue : « toutes les pensions civiles et militaires payées par le trésor royal seront assujetties à la retenue prescrite pour les traitements ». Aux termes de l’ordonnance du 5 septembre 1817 cette retenue touche « toutes les pensions au-dessus de cinq cents francs… Le produit de cette ressource accroîtra d’autant les ressources des caisses de retraite desdits ministères ».
Une vingtaine d’années après la loi de 1831, celle du 9 juin 1853 sur les pensions civiles (Duvergier page 192) réalise la première codification et unification du régime de pensions applicables aux fonctionnaires de l’Etat et confie au Trésor public, responsable du suivi de la dette publique, la gestion des pensions.
La loi du 22 juin 1878 (Duvergier page 360), relative aux pensions de l’armée de terre porte la retenue à 5% ; le rapporteur souligne que l’octroi des pensions, selon la loi de 1790, n’est pas une libéralité mais une dette de l’Etat. La retenue n’a pas pour objet d’assurer le paiement des retraites, elle n’est qu’ « une contribution des intéressés dans une intention des plus élevées ».
Le premier régime commun aux fonctionnaires civils et militaires de l’Etat trouve son origine dans la loi du 14 avril 1924 portant réforme du régime des pensions civiles et des pensions militaires ; elle fixe à 6% le montant de la retenue (le taux restera fixé à 6% jusqu’en 1983, puis sera de 7- 7,7 – 7,9 – 8,7 – 8,8 pour revenir à 7,85 en 1991 (Cf. article L61 du code des pensions civiles et militaires).
Le 27 février 1948, une première loi ouvre une tranche de crédits pour financer la première tranche de reclassement de la fonction publique et l’amélioration de la situation des victimes de guerre, mais c’est la loi du 20 septembre 1948 (Duvergier pages 116 et 376) qui réforme les pensions civiles et militaires en leur donnant une base commune et en établissant une relation entre les rémunérations d’activité et les retraites.
Comme indiqué à l’article 20 du SGM, « les militaires bénéficient des régimes de pension dans les conditions fixées par le code des pensions civiles et militaires de retraites », c’est-à-dire de même que les fonctionnaires civils. Cette unicité de régime correspond à l’objectif recherché à partir de 1945, mais la loi impose aux militaires des limites d’âge beaucoup plus basses qu’à la majorité des fonctionnaires civils. La situation de la dette viagère de l’Etat, pour l’année 1998, montre, par exemple, que 62% des militaires partis à la retraite en 1998 (il s’agit de militaires ayant acquis des droits à pension de retraite et non des personnels ayant quitté les armées) avaient moins de 50 ans et 86% moins de 55 ans ; ceci n’a rien de surprenant pour une armée qui doit rester jeune et dynamique ; à l’inverse, 52% des fonctionnaires civils prennent leur retraite à plus de 59 ans.
(1) Au moment où vont se discuter les retraites des militaires et le statut général des militaires l’ADEFDROMIL recommande à tous les militaires de lire « Etapes de la citoyenneté des militaires 1789 – 1999 » d’Eugène-Jean DUVAL. Cet Essai est le livre de référence pour comprendre la lente évolution des droits des militaires.
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