Il suffit d’ajouter « militaire » à un mot pour lui faire perdre sa signification. Ainsi la justice militaire n’est pas la justice, la musique militaire n’est pas la musique.
Les mânes de Clémenceau peuvent depuis le 1er janvier enrichir cette citation du « Tigre » en lui ajoutant la mutuelle « militaire ».
Pour quel résultat la fusion à peine forcée de nos trois mutuelles historiques – Gendarmerie, Nationale Militaire, Armée de l’Air – en l’offre santé unique Uneo, sinon la baisse du rapport prestations/cotisations ?
A peine forcée car, selon l’exemple de la Mutuelle de l’Armée de l’Air, on ne peut guère imaginer (sauf à être un inconditionnel d’une gestion « militaire ») qu’après avoir réaménagé à grand prix ses locaux et restructuré sa gestion par une informatique de haut niveau, ce fut de gaité de cœur que la MAA gaspillera, dans la foulée, les fruits de cette coûteuse restauration devenue inutile, puisque la couverture « prévoyance », de loin le plus lourd de son activité, est désormais du ressort d’Uneo à une nouvelle adresse.
***
Au nom du « Référencement auprès de la Défense », le Ministère a donc demandé à ses hérauts étoilés d’emboucher leur clairon pour faire sonner l’habituelle anesthésie. Rien bien sûr, de la très inégale répartition des économies à réaliser et leur manque de dosage. Occulté, ce qui relevant d’une politique du chiffre ne pouvait que conduire à une chirurgie de temps de guerre, et ce d’autant plus facilement qu’elle s’applique à une population dont on sait qu’elle n’a pas les moyens de se faire entendre. Cela aurait fait mauvais genre de parler vrai. Il ne fut donc question que d’une nouvelle offre adaptée à la communauté militaire, ce qui en novlangue peut dire le pire, mais offre l’avantage de le masquer.
Or doncques en 2009, les héros étoilés, d’active en Etat-major comme de réserve en Mutuelle, portèrent en grandes pompes le nouveau-né Uneo sur les fonds baptismaux : hosannah, Uneo viendra, Uneo est là, Uneo vaincra. Ne manquait que l’archange Gabriel.
Principe de base de la mutualité.
Il s’agit de la « mutualisation du risque », principe qui sous-tend un système de collecte financier indépendant du risque individuel à couvrir.
En Mutuelle (Entreprise à but non lucratif) la « cotisation » est la même pour tous les membres. Les biens portant paient autant que les malades, les vieux autant que les jeunes, les métiers à risque comme les autres. Par dérogation prévue au Code de la mutualité, dans la fonction publique la cotisation peut varier en fonction des revenus. Dans l’Armée ce fut en fonction du grade. Après de savantes manœuvres autorisées par le nouveau Code de la mutualité dans son Livre II (élargissement du domaine d’intervention des mutuelles dans le champ des activités assurantielles) l’assiette de la cotisation est maintenant l’âge. Comme dans l’Assurance.
En Assurance (Entreprise à but lucratif) la « prime » varie en fonction d’une sélection par l’âge, par le métier exercé, par les habitudes de vie, le risque héréditaire, les antécédents médicaux etc. La tarification relève alors de l’usine à gaz. Ceci explique l’accroche commerciale du guide Uneo où les limitations et exclusions de garantie ne se voient pas du premier coup d’œil. Il faut être fin limier, comme dans ces brochures de voyages où pour des sommes considérables on partira toujours sans savoir si le verre de vin rouge est compris ou non.
Lorsqu’il y a quelques années la MAA dont les cotisations étaient liées au grade décida de créer les options « confort et sérénité », cette fois assises sur l’âge, le loup de l’assurance était entré dans la bergerie mutuelle.
Phagocytose des mutuelles militaires historiques.
Après trois ans de gestation, en 2009 Uneo devint la mutuelle santé des communautés Air Terre Mer Gendarmerie et Services. Le double estampillage entre mutuelle historique et Uneo fut de rigueur. Ainsi lisait-on pour l’Armée de l’air, MAA-Uneo ou Uneo-MAA. Les comparaisons qui vont suivre se réfèrent à l’ex MAA. Chacun pourra vérifier que les deux autres mutuelles historiques conduisent à la même conclusion de la baisse du rapport prestations/cotisations.
- Effet d’annonce : Uneo assure votre complémentaire santé aux mêmes conditions qu’actuellement. Exact. Au mépris du principe fondateur de la mutualité, Uneo reprenait sans vergogne le principe des cotisations selon l’âge qu’avait adopté entre temps la MAA, tant pour la cotisation de base que pour les options. Les prestations étaient, comme promis, inchangées. Mais inchangées…que pour 2009, si l’on savait lire.
Afin de rassurer le militaire, dont on sait qu’il ne peut rien avant l’évènement et que se taire après, s’ensuivirent les proclamations d’usage :
- Morceaux choisis :
- Préserver la couverture santé des adhérents : Chiche ?
- En phase avec vos attentes et celles de votre famille, en adéquation avec vos besoins : En 2010 leur déception est notoire.
- Uneo vous proposera une offre enrichie de nouvelles garanties : voir ci-dessous.
- Une pensée toute particulière pour nos disparus, blessés ou malades, leurs familles…meilleurs vœux pour la nouvelle année : ce qui se dit à l’occasion de toute catastrophe.
Dégradation du rapport prestations/cotisations.
En 2010 les mutuelles de base ont disparu. En durcissant les conditions d’accès aux meilleures garanties de celles-ci, voire en les supprimant, Uneo désavoue la gestion menée précédemment. Sans pour autant la corriger, puisqu’en se gérant comme une société d’assurance, elle en accroit les effets indésirables pour une population militaire.
Quatre packs de prestations sont facturés à la clientèle : les niveaux U, N, E, O pour Utile, Naturelle, Essentielle, Optimale (eurêka ! voilà l’explication du sigle uneo).
Dans chaque pack, quatorze tranches d’âges pour quatorze cotisations différentes.
Que sont devenus l’esprit mutualiste et sa cotisation en fonction du grade ? Uneo n’est certes pas responsable de tout, les mutuelles de base s’étant amplement dévoyées avec le critère de l’âge et la sélection par l’argent pour leurs options. Mais pourquoi accentuer ce dérapage commercial, totalement inadapté à une société militaire par définition désintéressée et solidaire ? En phase avec vos attentes et celles de votre famille, en adéquation avec vos besoins avez-vous dit ?
Observons l’effet des cotisations de la mutuelle de base depuis 2005, quand elles faisaient le lit de la nouvelle offre obligatoire. Aujourd’hui Uneo les entérine, alors que les prestations fléchissent puisqu’il faut cotiser davantage pour approcher les prestations d’hier.
- Des cotisations
Un Sergent-chef de 40 ans, obligé de migrer de sa mutuelle historique vers Uneo, optant pour le pack N, option la plus proche de son ex mutuelle de base (!), paie comme un Adjudant, un Major, ou un Colonel du même âge (soit 22% de hausse par rapport à sa mutuelle de base 2005 contre 42% de baisse pour le Colonel).
Un Adjudant-chef de 60 ans profitant de sa retraite, obligé de migrer de sa mutuelle historique vers Uneo, optant pour le pack N, option la plus proche de son ex mutuelle de base (!), paie comme un Général du même âge ( soit 31,5% de hausse par rapport à sa mutuelle de base 2005 contre 24,6% de baisse pour le Général).
Toujours en pack N, le plus proche de l’ex mutuelle de base (!), là où en 2005 la cotisation du Général de 55 ans était de 77 € elle est aujourd’hui de 51,60 €, quand celle de l’Adjudant-chef de 50 ans est passée de 43,20 € à 46,60. Celui qui a les moyens voit sa cotisation baisser de 25 €, quand elle augmente de 3 pour celui qui ne les a pas. Solidarité ?
Au vu de ces quelques exemples que tous les grades confirment, on comprend mal (ou trop bien) que le sommet de la hiérarchie ne pouvait que cautionner Unéo.
La cotisation à l’âge n’est pas une fatalité comme on voudrait le faire accroire. La MGEN – elle n’est pas la seule – pratique la cotisation au « grade ». Cette grande mutuelle fonctionne très bien, avec des prestations à faire pâlir de jalousie bien des apprentis sorciers. Il faut dire que les syndicats veillent…
- Des prestations d’une offre prétendue enrichie
Selon Uneo, à l’ex option « confort » de la MAA correspondrait son actuelle « Essentielle ». C’est exact pour leur prix. Ça l’est moins pour leurs prestations. Aussi, chacun fut invité à regarder vers le pack de prix supérieur, sans pour autant s’y retrouver toujours.
Quelques points de comparaison, sans entrer dans l’exhaustif :
Actes de chirurgie, kiné etc. cotés ADA, ADC, ADE, ATM, ACO, les dépassements qui constituent la règle en la matière baissent de 150% à 50%.
Appareil mobile dentaire, baisse de 370€ à 350% du tarif Sécurité Sociale, soit à 225 €.
Orthodontie, de 1000 €/an on passe à la suppression.
En optique moins de 18 ans, monture plus verres baissent de 370 € à 88 € en moyenne.
Frais d’accompagnant en hospitalisation, suppression.
Prothèse auditive, au contraire de l’annonce faite…à grand bruit (prothèses auditives EN AUGMENTATION dixit Lettre du 2/10/2009 au cher adhérent), l’aide passe de 1200 € à 499,28€, soit une perte de 700€ (plus de 60% de baisse). Avec cette réponse savoureuse « oui mais vous pouvez renouveler tous les ans« . En optant pour le pack supérieur, l’Optimale, la perte ne serait « que » de 400€. Comme quoi le pack Uneo, le plus élevé, peut ne rejoindre que l’ex mutuelle de base sans option.
Terminons sur une note plus optimiste…celle des obsèques. L’aide sociale en couverture des frais occasionnés est toujours là. Les 1525€ initialement alloués par l’ex MAA pour une disparition quel que soit l’âge du de cujus, sont réduits à 771€ et ce, à condition que l’adhérent décédé ait plus de 65 ans. L’histoire ne dit pas si « renouveler tous les ans » est là aussi possible.
Concernant les 110 médicaments à 15%, « la position du mouvement mutualiste est claire : soit un médicament est jugé efficace par la Haute autorité de santé et il doit être remboursé, soit ce n’est pas le cas, alors pourquoi serait-il pris en charge ? ». En accord avec cette position Uneo ne les rembourse pas…sauf en option Optimale, la plus chère. Chercher l’erreur. Uneo ne sait-elle pas que cette pratique est un encouragement au désengagement de la Sécurité Sociale ?
***
L’impression est désagréable.
La croissance des dépenses de santé menace, le gestionnaire est sommé d’intervenir.
Premier temps de la manœuvre, créer Uneo et l’accoler aux mutuelles historiques des Armées.
Deuxième temps, celui de l’endormissement, le nouvel attelage ne change rien aux cotisations et prestations durant 1 an.
Troisième temps, phagocytage des mutuelles fondatrices et offre nouvelle Uneo.
Quatrième temps, on vient de le lire, réveil douloureux :
-
- plus coûteuses qu’au grade, cotisations à l’âge confirmées.
- prestations à la baisse.
Rapport prestations/cotisations à la baisse, l’adhérent fera avec. N’est-il pas militaire ?
Mariallio