Question n° 64122 de M. François Cornut-Gentille (Union pour un Mouvement Populaire – Haute-Marne)
Texte de la question
M. François Cornut-Gentille interroge M. le ministre de la Défense sur les demandes de soutien psychologique au sein des armées. L’arme de terre américaine publie régulièrement des statistiques sur les suicides commis au sein des forces.
L’année 2009 marque une forte augmentation expliquée pour partie par les engagements en Irak et en Afghanistan. 900 spécialistes de la santé mentale ont été engagés en réaction à ces chiffres alarmants.
Soucieux d’éviter une telle évolution, il lui demande de préciser les statistiques des demandes de soutien psychologique formulées par les personnels du ministère de la défense de retour d’opérations extérieures et d’indiquer les moyens médicaux mis en œuvre pour anticiper et répondre à cette demande.
Texte de la réponse
Depuis plusieurs années, les armées et le service de santé des armées (SSA) mettent en place des actions concertées de prise en compte du soutien psychologique des troupes en opérations extérieures (OPEX).
Les facteurs influant sont multiples : conditions de vie, nature et intensité des combats, pertes enregistrées, stress, fatigue physique, etc. Ces actions reposent sur un dispositif réglementaire, sur la formation des personnels, sur une capacité de prise en charge des risques et des pathologies d’ordre psychologique ainsi que sur un système de veille et de surveillance.
Dans le cadre du dispositif réglementaire mis en place, les militaires bénéficient d’un suivi médical tout au long de leur carrière. Il débute par une expertise réalisée lors de la sélection des personnels et se poursuit avec un suivi médical annuel obligatoire, assuré par un médecin du service de santé des armées.
Cette surveillance périodique permet de détecter les troubles psychologiques qui auraient échappé au commandement. Enfin, tout départ en mission extérieure est systématiquement précédé d’une visite médicale.
Par ailleurs, l’article L. 4123-2 du Code de la défense prévoit que les militaires ayant participé à une OPEX peuvent bénéficier, à leur demande et avant le 60e jour suivant leur retour sur leur lieu d’affectation, d’un dépistage médical portant sur les risques sanitaires spécifiques auxquels ils sont susceptibles d’avoir été exposés, ainsi que d’un entretien psychologique. Le médecin d’unité coordonne les actions de communication et associe, à chaque fois qu’il l’estime nécessaire, un spécialiste en psychiatrie pour assurer l’information et la préparation au sein des unités ou recevoir les militaires en consultation pour évaluer leur aptitude ou pour exercer une prise en charge thérapeutique.
Un dispositif de formation est également mis en place par le SSA au profit de ses personnels médicaux et paramédicaux, comme pour les personnels des forces. Des formations sont notamment dispensées aux officiers qui sont en charge du soutien moral et psychologique des troupes envoyées sur un théâtre d’opérations et aux psychologues des cellules d’intervention des armées, ainsi qu’au sein des écoles de formation des officiers.
Le SSA et les armées disposent d’un ensemble de moyens de prise en charge des pathologies d’ordre psychologique, reposant sur : les médecins d’unité et leur personnel, tous formés et sensibilisés à ces questions quelles que soient les situations ; les hôpitaux d’instruction des armées, dotés chacun d’un service de psychiatrie en mesure de prendre en charge tout militaire qui en ferait la demande, spontanément ou par l’intermédiaire de son médecin d’unité ; les psychiatres militaires, qui travaillent en bonne intelligence avec les praticiens civils afin d’optimiser le soutien des militaires.
Les psychiatres militaires des hôpitaux d’instruction des armées font partie du dispositif santé déployé en OPEX. Le SSA est doté d’un dispositif d’alerte de médecins psychiatres projetables dans les plus brefs délais sur un théâtre d’opérations lors d’événements particuliers, comme pour le bombardement de Bouaké (Côte d’Ivoire) en 2004 ou l’embuscade d’Uzbin en Afghanistan en août 2008.
Un psychiatre est présent en permanence sur le théâtre afghan depuis février 2009. Le souci permanent du ministère de la Défense d’améliorer la prise en charge médicale des militaires et anciens militaires s’est en outre traduit par la création, en juin 2004, de l’Observatoire de la santé des vétérans (OSV). Destiné à coordonner les activités nécessaires à un meilleur suivi médical, cet organisme définit les outils nécessaires à l’identification des risques, au suivi médical des vétérans et à la prise en charge d’une réparation éventuelle. Il participe à leur création et veille à leur mise en œuvre.
L’ensemble du dispositif de veille et de surveillance n’a pas révélé, à ce jour, de souffrances psychologiques majeures chez les militaires français ayant participé à des OPEX.
En tout état de cause, il apparaît particulièrement difficile de disposer de données statistiques fiables en la matière. En effet, les demandes de soutien psychologique ne constituent pas toujours d’emblée le motif d’une consultation médicale. Elles s’expriment parfois au fil du dialogue singulier qui s’installe entre le médecin et son patient au cours de la consultation. De plus, les militaires n’évoquent pas toujours spontanément auprès de leur médecin d’unité les troubles psychologiques dont ils peuvent souffrir par crainte que cette évocation puisse remettre en cause leur aptitude opérationnelle.
Enfin, dans la mesure où les militaires français ont, comme tous les citoyens, le libre choix de leur médecin traitant, les éventuelles demandes de consultation auprès des praticiens civils pour évoquer une possible souffrance psychologique sont méconnues.
Source : JO de l’AN du 02/02/2010, page 1118.