Moyens militaires de la lutte contre le terrorisme

M. le président. La parole est à M. Olivier Marleix, pour le groupe Les Républicains.

M. Olivier Marleix. Monsieur le ministre de l’intérieur, parmi les très nombreuses auditions menées par la commission d’enquête présidée par Georges Fenech sur les attentats de 2015, un témoignage nous a particulièrement troublés, celui de l’un des policiers de la BAC, la brigade anti-criminalité, arrivé au Bataclan quelques minutes seulement après le début de la tuerie : voyant que son armement et celui de ses collègues ne suffiraient pas à riposter, il a sollicité l’état-major de la préfecture de police pour que les huit militaires de l’opération Sentinelle présents à ses côtés, équipés de fusils FAMAS, puissent engager le feu… Il nous a indiqué avoir eu pour toute réponse : « Négatif, vous n’engagez pas les militaires, on n’est pas en zone de guerre. » Un des terroristes tirait pourtant à l’extérieur, vers l’espace public, passage Saint-Pierre-Amelot, et, je vous le rappelle, les premiers hommes de la BRI – brigade de recherche et d’intervention – ne sont arrivés sur place qu’environ vingt minutes plus tard.

Une telle situation soulève évidemment, monsieur le ministre, deux interrogations très précises, auxquelles nous aimerions avoir des réponses tout aussi précises.

Premièrement, pourquoi votre ministère, sollicité, a-t-il refusé l’intervention de ces soldats présents sur place au Bataclan ?

Deuxièmement, la loi antiterroriste de 2016 établit un nouveau régime de légitime défense qui conforterait, dans une situation similaire à celle du Bataclan, une éventuelle intervention des militaires de l’opération Sentinelle. Mais encore faudrait-il que l’autorité civile que vous représentez et qui est seule habilitée, le ministre de la défense l’a rappelé devant la commission d’enquête, le leur en donne l’ordre.

Quelles dispositions opérationnelles avez-vous donc prises pour mieux intégrer les 10 000 militaires de Sentinelle et éviter à l’avenir un tel dysfonctionnement ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et sur certains bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur.

Mme Bérengère Poletti. Je pensais que ce serait le ministre de la défense !

M. Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur. Monsieur le député, comme vous le savez, les membres de la commission d’enquête ont été reçus ce matin au ministère de l’intérieur, et ceux qui ont pu participer à cette rencontre ont été les témoins d’une discussion apaisée et ont constaté, ce que j’ai eu l’occasion de répéter tout au long des travaux de cette commission, c’est-à-dire l’entière disponibilité du ministère de l’intérieur pour rehausser constamment notre dispositif de sécurité.

Le premier point sur lequel je voudrais insister, c’est que le rapport de M. Pietrasanta est extrêmement clair sur les conditions d’intervention des forces de sécurité intérieure au Bataclan, établit une chronologie très précise de cette intervention et conclut que, compte tenu des circonstances de l’attaque, elle s’est passée dans les meilleures conditions possibles. Les conclusions du rapport sont sans aucune ambiguïté à cet égard et je pense que pour la sérénité des débats et pour la vérité que l’on doit aux victimes, et je rappelle que j’ai reçu leurs deux associations hier, il est très important que l’on ne lui fasse pas dire le contraire de ce qu’il contient. J’invite tous les parlementaires, puisqu’il est en ligne, à se référer aux conclusions du rapporteur : elles sont extrêmement claires et pour le moins légèrement différentes de l’interprétation que vous venez d’en faire. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.)

Mme Bérengère Poletti. Vous ne répondez pas à la question !

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Le second point que je tiens à souligner, pour répondre à votre dernière interrogation et dans un contexte où il pourrait y avoir d’autres tueries de masse, c’est le fait que nous avons complètement refondé les conditions d’interventions des forces spécialisées et réarticulé les conditions d’intervention des primo-arrivants, des primo-intervenants et desdites forces en réarmant notamment les BAC et les PSIG – les pelotons de surveillance et d’intervention de la gendarmerie – (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains),

M. Hervé Mariton. Vous auriez pu le faire avant !

M. Bernard Cazeneuve, ministre. …de façon extrêmement rapide afin de pouvoir disposer des meilleures conditions d’intervention. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain. – Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.)

Source: Assemblée nationale (Compte rendu intégral.Séance du mercredi 13 juillet 2016)

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