Avec notre modeste expérience de plus de quinze années dans les eaux troubles des armées, nous pensons que deux suicides en quelques semaines dans le même Régiment ne sont pas le résultat du hasard, de la faute « à pas de chances ».
En avril, un soldat de 22 ans, engagé depuis deux ans et demi au 3ème RPIMA de Carcassonne, s’est donné la mort pendant une garde qu’on lui avait fait redoubler en raison de la non présentation au service de celui qui devait lui succéder.
Ce suicide avait déclenché une double enquête judiciaire et administrative pour déterminer les causes et les circonstances exactes du décès.
L’Indépendant rapportait dans un article du 19 avril que l’encadrement du régiment, compatissant et prêt à s’exonérer de toute responsabilité, évoquait « des problèmes personnels de l’engagé». Il n’avait pas laissé d’écrits…
Rebelote le 24 juin 2016
Un engagé, en mission Sentinelle, s’est suicidé dans les sous-sols des Galeries Lafayette, vendredi 24 juin. D’après les premiers éléments de l’enquête, il se serait lui-même tiré une balle dans la tête, avec son arme de service.
Mais, ce que n’ont pas rapporté les médias nationaux, mal informés ou soucieux de ménager les autorités militaires, c’est que ce militaire appartenait aussi au 3ème RPIMA.
Bien sûr, le passage à l’acte résulte toujours d’une conjonction des facteurs personnels, d’une certaine fragilité personnelle, mais aussi de facteurs « environnementaux », tels que la pression au travail, les relations avec son entourage familial et les proches, avec la hiérarchie, etc.
Lorsqu’on institue, par exemple, comme mode management l’habitude de dévaloriser, de stigmatiser tel ou tel, pour de bonnes ou de mauvaises raisons, l’image dégradée qu’on lui renvoie peut à la fin provoquer des passages à l’acte.
Ce double suicide en l’espace de quelques semaines justifie en tout cas qu’une enquête interne approfondie soit réalisée sur ce régiment qui avait déjà défrayé la chronique en 2008 lors d’une journée « portes ouvertes », au cours de laquelle 16 personnes avaient été blessées par balles.
Citons en guise de conclusion l’article de l’Indépendant du 19 avril (précité)
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« Les risques sont trop minorés »
L’association de défense des droits des militaires (Adefdromil) estime que la prévention est encore « embryonnaire ». Président de l’association de défense des droits des militaires (Adefdromil), Jacques Bessy n’est guère surpris lorsqu’il apprend que l’encadrement du ‘3’ privilégie les « raisons personnelles » pour expliquer le suicide du jeune soldat : « C’est toujours comme ça, ce n’est jamais la faute du service. » Un aveuglement impossible à entendre pour cette association régulièrement sollicitée par des familles de militaires qui se sont suicidés. Précisant que l’Adefdromil a « eu à diverses reprises des remontées d’informations très négatives du ‘3’ », notamment en matière d’encadrement des jeunes recrues dans le cadre de la formation, Jacques Bessy livre un regard global sur la question des risques psychosociaux et leur prise en compte dans l’armée française : « La prévention existe, mais elle est embryonnaire. Il y a du mieux pour les soldats qui reviennent d’Opex (opérations extérieures, Ndlr), avec des cellules de décompression. Mais pour les militaires qui restent en métropole, ce n’est pas suffisant, les risques sont minorés. Il y a pourtant de la pression, du stress, des horaires très lourds. On leur demande d’être parfaits. Il suffit qu’il y ait une faille, parfois personnelle, pour que ça bascule. »
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La 2ème cause de mortalité chez les militaires
En 2009, le Haut comité d’évaluation de la condition militaire avait rendu son 4e rapport. Un document qui chiffrait le nombre de suicides de militaires à 74 par an de 2003 à 2008, avec un pic de 90 en 2005. Des chiffres trois fois plus élevés que ceux des décès en relation avec le service : entre 23 et 37 chaque année de 1999 à 2008, avec un plus haut niveau atteint en 2003 (56). La même année, l’Institut de veille sanitaire publiait une étude portant sur la période 2002-2007. Parmi les causes des 2 115 décès de militaires recensés sur cette période, les accidents de la circulation (25 %), suivis par les suicides (21 %), les accidents en service (11 %), loin devant les morts au combat (1 %). L’étude notait cependant que la mortalité par suicide dans les armées était « 20 % plus faible que dans la population active masculine civile ». Une réalité statistique qui a évolué depuis : en 2012, le taux de suicide dans la population française était de 16 pour 100 000 personnes, et de 20 pour 100 000 dans l’armée. En 2012, le service de santé des armées (SSA) avait à son tour livré un document consacré aux « aspects épidémiologiques du suicide dans les armées françaises », avec une surveillance de 2002 à 2011, période au cours de laquelle 697 suicides avaient été recensés. Avec, pour le SSA, la mise en évidence d’un « sur-risque de mortalité par suicide significatif chez les militaires masculins dans l’armée de terre » de 17-19 ans et 20-24 ans (fin de citation de l’article).
Mettre en évidence le risque de surmortalité, c’est bien, prévenir les passages à l’acte en prenant des mesures appropriées, ce serait mieux !
27 juin 2016
Cette publication a un commentaire
Attention aux conclusions attivent…
Police, EDF, maçons…
Plusieurs corps de métiers accusent des suicides en quelques jours…
Ne chercher pas forcément midi à quatorze heures.
Des faits, rien que des faits…Sans interprétations…
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