Question écrite N° 81474 de M. Jean-Jacques Candelier (Gauche démocrate et républicaine – Nord )
Texte de la question
Jean-Jacques Candelier interroge Mme la garde des sceaux, ministre de la justice sur les problèmes rencontrés au cours des procédures de harcèlement sexuel dont sont victimes les femmes militaires. Malgré l’existence de nouvelles dispositions, introduites par la loi n° 2014-873 du 4 août 2014, la validité des procédures engagées reste soumise à une demande d’avis du ministre de la défense, qui doit être formulée soit par le Procureur de la République, soit par le juge d’instruction lorsque les faits font l’objet d’une plainte à l’initiative de la victime (hors flagrant-délit). De nombreuses procédures sont annulées, faute d’avis formulé par les autorités compétentes. Il lui demande si elle compte revenir sur cette lacune de procédure qui profite aux auteurs de violences sexuelles.
Texte de la réponse
L’article 698-1 du code de procédure pénale dispose que « sans préjudice de l’application de l’article 36, l’action publique est mise en mouvement par le procureur de la République territorialement compétent, qui apprécie la suite à donner aux faits portés à sa connaissance, notamment par la dénonciation du ministre chargé de la défense ou de l’autorité militaire habilitée par lui. A défaut de cette dénonciation, le procureur de la République doit demander préalablement à tout acte de poursuite, y compris en cas de réquisitoire contre personne non dénommée, de réquisitoire supplétif ou de réquisitions faisant suite à une plainte avec constitution de partie civile, sauf en cas de crime ou de délit flagrant, l’avis du ministre chargé de la défense ou de l’autorité militaire habilitée par lui. Hormis le cas d’urgence, cet avis est donné dans le délai d’un mois. L’avis est demandé par tout moyen dont il est fait mention au dossier de la procédure. La dénonciation ou l’avis figure au dossier de la procédure, à peine de nullité, sauf si cet avis n’a pas été formulé dans le délai précité ou en cas d’urgence ».
Le Conseil constitutionnel, dans une décision du 24 avril 2015, a jugé l’article 698-1 du code de procédure pénale conforme aux principes constitutionnels. Le Conseil a en effet estimé que les « dispositions des premier et deuxième alinéas de l’article 698-1 dudit code et du premier alinéa de l’article 698-2, ne procèdent pas de discriminations injustifiées et que sont assurées à la partie lésée des garanties égales, notamment quant au respect du principe des droits de la défense ; que les dispositions contestées ne portent pas davantage d’atteinte substantielle à son droit d’exercer un recours effectif devant une juridiction ; que, par suite, ces dispositions ne méconnaissent pas les exigences constitutionnelles précitées ni aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit ».
Sur l’article 698-1 et l’exigence d’un avis du ministère de la défense, le Conseil a notamment observé que « le législateur a entendu garantir que puissent, le cas échéant, être portées à la connaissance de l’institution judiciaire les spécificités du contexte militaire des faits à l’origine de la poursuite ou des informations particulières relatives à l’auteur présumé eu égard à son état militaire ou à sa mission. »
S’agissant de l’interdiction pour la partie civile de mettre en mouvement l’action publique par voie de citation directe, et de l’exigence d’une plainte avec constitution de partie civile, exigence critiquée en ce que le parquet, avant de prendre ses réquisitions à la suite de la plainte avec constitution de partie civile, pouvait omettre de demander l’avis exigé à peine de nullité, entraînant ainsi l’annulation de la procédure, le Conseil observe qu’en cas d’annulation, « les poursuites peuvent être reprises, après régularisation, par le ministère public, de la demande d’avis initialement omise » et, qu’à défaut, « la partie lésée conserve la possibilité soit de mettre en mouvement l’action publique dans les conditions déterminées aux articles 85 et suivants du code de procédure pénale, soit d’exercer l’action civile ».
Ainsi, la procédure prévue par l’article 698-1 du code de procédure pénale ayant été validée par le Conseil constitutionnel, sa modification n’est pas envisagée.
Source: JO du 17/05/2016 page : 4262