HAÏTI : Test pour l’armée Française ? (Lettre de l’ASAF 10/02)

Association de soutien à l’armée française                                                          16 février 2010

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Lettre de l’ASAF 10/02

« Ne pas subir »

(Maréchal Jean de LATTRE de TASSIGNY)

HAÏTI : Test pour l’armée Française ?

Haïti, il y a un mois. Plus de deux cent mille corps sont écrasés sous des tonnes de décombres en quelques secondes. Plus de morts que n’en ont fait les terribles  bombardements  atomiques d’Hiroshima et de Nagasaki. Parmi eux une trentaine de Français, un morceau de la France de l’étranger qui compte aujourd’hui plus d’un million de nos concitoyens de par le monde.

Face à cette catastrophe, comparable au bombardement d’une ville, la rapidité d’intervention  des secours est primordiale. En effet, il faut agir dans l’urgence et les besoins sont immenses: localiser les survivants, soulever les blocs de béton pour les dégager et les soigner, opérer les personnes les plus touchées, évacuer les blessés et permettre aux rescapés de survivre alors que les communications sont coupées, l’infrastructure endommagée, la vie désorganisée.

Or l’armée a, non seulement pour mission de maintenir l’intégrité du territoire mais aussi d’assurer la protection de la population française. Le sauvetage de nos ressortissants, et des victimes en général, relève bien de cette mission sur une terre qui fut d’ailleurs française.

Il est vrai que l’outil militaire n’est pas dimensionné en priorité pour faire face aux catastrophes naturelles. Mais les moyens logistiques et spécialisés nécessaires aux armées pour remplir les missions de guerre, la disponibilité immédiate exigée en permanence à nombre d’unités, et l’organisation structurée qu’imposent les opérations militaires, confèrent aux forces militaires des capacités de secours inégalées, d’autant qu’elles sont renforcées par les unités de sécurité civile du Ministère de l’intérieur, dont on oublie souvent, qu’elles sont constituées de militaires.

La France dispose aussi d’un atout considérable, les DOM – COM, «  confettis d’empire ». Ce sont autant de « porte- avions géants » dotés d’infrastructures modernes, capables d’accueillir des avions et des bateaux de transport et qui complètent nos bases à l’étranger et nos forces prépositionnées. La Guadeloupe se trouve à moins de 1 500 km d’Haïti.

Encore faut-il que notre Armée dispose des moyens  pour intervenir ?

La France qui est déjà intervenue lors des tempêtes tropicales d’août et septembre 2009, a réagit immédiatement. Un Airbus A 310 militaire et trois CASA (petits avions de transports) basés aux Antilles ont évacués des ressortissants et acheminé des gendarmes. Quelques jours plus tard, la Marine nationale a envoyé un TCD transportant des moyens lourds et du fret ; son hôpital a renforcé les deux hôpitaux de campagne mis en place initialement  Quant au bâtiment Francis Garnier, il a transporté une équipe de commandement et un détachement de l’armée de terre.

Ce déploiement militaire a permis à la France, seul pays européen à intervenir d’emblée, de manifester sa solidarité avec ce petit Etat francophone ; mais notre effort demeure modeste en comparaison de celui des Américains, plus proches certes, mais infiniment plus puissants.

Les réductions budgétaires massives et ininterrompues opérées sur le budget de la défense depuis 30 ans ont réduit celui-ci à la portion congrue et les moyens militaires disponibles tant en France que dans les DOM-COM sont trop souvent insuffisants.

Alors que notre armée devenue professionnelle est destinée à agir en priorité loin de la métropole, les capacités de notre flotte de projection ne cessent de diminuer. « L’épisode » du financement de l’avion de transport futur A 400M est à cet égard dramatique, d’autant que cet avion, indispensable aux armées, n’arrivera au mieux dans les forces que dans 3 ans !

Combien de français savent par exemple que ce sont des avions ukrainiens ou russes (!) qui assurent une bonne part du flux logistique aérien vers l’Afghanistan, masquant ainsi depuis des années nos insuffisances en transport aérien. Mais dans l’urgence, aujourd’hui à Haïti, les armées ne disposent que de petits CASA incapables de transporter du matériel lourd.

La catastrophe de Port au Prince révèle aux français et rappelle à leurs responsables politiques que l’armée ne dispose plus de l’ensemble des capacités permettant de faire face efficacement à certaines situations.

Reconnaissons que si les Etats-Unis font beaucoup mieux que nous, c’est d’abord parce que chaque américain dépense pour sa la Défense 2,5 fois plus que chaque français.

Au moment où plus de 20 000 soldats français sont déployés dans le monde dont  4 000 en Afghanistan, et où certains s’interrogent sur la solidité du lien entre la Nation et son armée, ne serait-il pas opportun que le Chef d’Etat-Major des Armées (CEMA) explique, au cours d’une émission télévisée à une heure de grande écoute, les capacités réelles, les limites et les besoins de nos armées? Qui, mieux que lui de par son expérience et sa connaissance précise des réalités, est à même de dire les choses telles qu’elles sont ?

Parler sans tabou aux Français des questions militaires est un droit que le politique accorde rarement au chef militaire. Les Français ont droit à la vérité. Il en va de leur sécurité, du rang de la France et de son avenir.


TCD, transport de chalands de débarquement

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