Notation : principes généraux

LES PRINCIPES GENERAUX :

LE POUVOIR DE NOTATION EST UN ATTRIBUT DE L’AUTORITE

De ce principe il découle :

Celui qui note doit avoir autorité sur le noté ; L’Etat ne peut abandonner le pouvoir de noter l’un de ses agents à un Etat tiers ou à un organisme étranger ; La notation revêt un aspect discrétionnaire limité par l’objet même de la notation.

L’ANNUALITE

La notation est annuelle. La période prise en compte va en règle générale du 1er juillet au 30 juin. Mais elle peut varier selon les instructions en vigueur. A titre d’exemple une notation arrêtée le 12 mars ne juge pas l’officier ou le sous-officier sur toute l’année de référence. Elle est donc irrégulière. Toute notation intermédiaire doit également s’insérer dans la période annuelle de notation.

Votre notation annuelle ne doit pas faire référence à des notes antérieures ni portée de jugement sur celles-ci en vertu du principe de non rétroactivité. Par contre votre notation en cours peut être en progression ou en diminution par rapport à l’année antérieure.

L’OBJET DE LA NOTATION

Il est défini dans l’article 2 du décret 83-1252 du 31 décembre 1983.

Toute appréciation n’entrant pas strictement dans l’objet de la notation tel qu’il est défini à l’article 2 doit être considérée comme irrégulière.
De même toute appréciation littérale portant sur un comportement précis doit reposer sur des faits établis dont la matérialité est indiscutable
.

L’OBLIGATION DE COMMUNICATION

Les notes et les appréciations portées par les différentes autorités hiérarchiques doivent être communiquées intégralement (1er, 2ème, 3ème noteur, etc.).

Le fait de signer une feuille de notes ne veut pas dire que l’on est d’accord avec son contenu mais tout simplement que celle-ci a bien été communiquée et que les délais du recours contentieux commencent à courir. Refuser de signer une feuille de note peut être assimilé à un comportement fautif.

Une notation non communiquée n’est pas entachée de nullité. Par contre elle n’est pas opposable au militaire qui se voit ainsi ouvert la possibilité de formuler un recours en révision ou un recours administratif jusqu’à sa communication effective.

Si vous concourez pour un avancement et que l’on ne vous a pas communiqué votre notation, sachez que cette non communication constitue une cause d’annulation du tableau d’avancement.

A titre d’exemple : Conseil d’Etat, 23 avril 1982, Langlade

Requête, de M.Langlade, chef d’escadron, tendant à l’annulation de la décision du ministre de la défense du 12 décembre 1979 arrêtant le tableau d’avancement au grade de lieutenant-colonel pour 1980 (gendarmerie nationale).
Vu la loi du 13 juillet 1972 modifiée par la loi du 30 octobre 1975, l’ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953, la loi du 30 décembre 1977,
Considérant qu’à l’appui de sa requête dirigée contre la décision du ministre de la défense en date du 12 décembre 1979 arrêtant le tableau d’avancement au grade de lieutenant-colonel pour 1980 dans la gendarmerie nationale, M.Langlade se prévaut de l’irrégularité de sa notation depuis 1977 et notamment de ce que ses notes et appréciations ne lui ont pas été intégralement communiquées avant l’intervention de la décision attaquée,
Considérant qu’aux termes de l’article 25 de la loi du 13 juillet 1972 portant statut général des militaires modifiée par la loi du 30 octobre 1975: « les militaires sont notés au moins une fois par an. Les notes et appréciations sont obligatoirement communiquées chaque année aux militaires. A l’occasion de la notation le chef fait connaître à chacun de ses subordonnés directs son appréciation sur sa manière de servir », qu’il résulte de ces dispositions que les notes et appréciations dont les militaires sont en droit d’obtenir communication sont non seulement celles qui leur sont attribuées par leur supérieur hiérarchique direct mais également celles qui sont formulées par les échelons hiérarchiques supérieurs, que cette communication, qui a notamment pour objet de permettre aux militaires de contester par la voie du recours gracieux ou hiérarchique les notes et appréciations qui leur ont été attribuées, doit être opérée avant l’intervention des tableaux d’avancement établis sur la base de ces notes et appréciations,
Considérant qu’il est constant que M.Langlade n’a pas reçu communication des appréciations formulées à son sujet au titre de l’année 1979 par le général commandant la gendarmerie à Lille avant l’établissement du tableau d’avancement attaqué et a été ainsi privé de la possibilité de les contester en temps utile, que le requérant est par suite fondé à soutenir que ce tableau a été établi dans des conditions irrégulières et à en demander, pour ce motif, l’annulation ……
(Le Conseil d’Etat a prononcé l’annulation de la décision portant tableau d’avancement).

LE DROIT DE DEMANDER REVISION DE LA NOTATION

Il est prévu par l’article 7 du décret n°83-1252 du 31 décembre 1983. Ce recours « aménagé » doit être formulé dans un délai de 8 jours suivant la communication de la notation litigieuse.

L’autorité saisie de ce recours n’a aucun délai pour y répondre. Le silence gardé pendant plus de deux mois vaut décision implicite de rejet.

Le rejet explicite de votre demande de révision de notation n’est pas au nombre des décisions qui doivent être motivées en application de la loi du 11 juillet 1979.(Conseil d’Etat, 17 novembre 1896, Vesque)

Le recours en révision de notation n’est pas un préalable obligatoire à la saisine de l’autorité hiérarchique ou du juge (Conseil d’Etat, 17 juin 1992, Marchal).

Le recours en révision de notation formé au titre de l’article 7 du décret du 31 décembre 1983 ne constitue pas un recours gracieux et ne saurait priver le militaire de former un recours hiérarchique de droit commun (Conseil d’Etat, 21 février 2000, Czerwinski).

QUELQUES IRREGULARITES

L’INCOMPETENCE :

C’est le cas de la notation d’un militaire par un échelon non prévu formellement par une instruction d’application.

L’agent détaché doit faire l’objet d’une notation de l’autorité française compétente au vu des éléments d’information fournis par son supérieur hiérarchique dans l’organisme étranger auprès duquel il est détaché ( Conseil d’Etat, 11 octobre 1999, Calleja).

Le ministre de la défense n’est pas compétent pour édicter par voie d’instruction des mesures de caractère statutaire relevant d’un décret en Conseil d’Etat, comme une procédure de notation des officiers de marine comportant plusieurs échelons successifs et déterminant un barème d’évaluation (Conseil d’Etat, 20 juillet 1988, Maillard).

Le ministre de la défense n’a pas compétence pour établir par voie d’instruction une procédure de caractère statutaire relevant d’un décret en conseil d’Etat comme pour ce qui concerne l’armée de terre, une procédure selon laquelle le niveau relatif de valeur s’exprime dans une échelle à onze barreaux, le premier rassemblant les meilleurs, le onzième les moins bons et fixant une proportion d’officiers dont le niveau progresse (Conseil d’Etat, 16 novembre 1983, Zieger).

L’ERREUR DE FAIT :

Le juge administratif contrôle la matérialité des faits servant de fondement à la notation.

Pour abaisser de deux points la note d’un sous-officier de gendarmerie, un notateur a pris en compte uniquement les faits pour lesquels ce sous-officier s’est vu infliger deux punitions disciplinaires. Le Tribunal administratif de Caen a annulé cette notation au motif qu’il ressortait des pièces du dossier que ce sous-officier avait participé à des enquêtes complexes relatives à des faits de corruption et de trafic d’influence tout en assurant d’une façon satisfaisante et parallèlement à son travail d’enquêteur les fonctions de commandant de brigade (T.A. Caen, 21 mars 2000 C…).

Est irrégulière la décision du ministre abaissant la notation d’un officier au motif notamment que celui-ci avait exercé des recours hiérarchiques. En effet, en exerçant, sans en abuser, ces voies de recours, l’officier n’a fait qu’user d’un droit et il ne pouvait donc lui en être tenu compte dans sa notation (Conseil d’Etat, 17 juin 1992, Marchal).

Par contre, le Conseil d’Etat a estimé dans un arrêt du 26 mai 1989, Esseïda Le Guinio, qu’un directeur de centre hospitalier pouvait légalement prendre en compte, dans son appréciation, pour établir la note d’une monitrice à l’école d’infirmières, le comportement de celle ci envers ses supérieurs hiérarchiques et ses collègues.

VIOLATION DU PRINCIPE D’ANNUALITE :

mise en cause rétroactive des notations antérieures par des appréciations littérales.

Chevauchement de deux périodes de notation annuelle (notation du 1er juillet 2000 au 31 août 2001 par exemple alors que la période de notation s’étale du 1er juillet 2000 au 30 juin 2001).

Notation complémentaire recouvrant partiellement deux années de notation (exemple notation complémentaire établie au Tchad et recouvrant la période du 1er avril 2001 au 30 septembre 2001).

Est irrégulière une notation arrêtée le 17 avril car elle ne juge pas l’officier sur toute l’année de référence qui court du 1er juillet au 30 juin selon l’instruction de référence (Conseil d’Etat, 8 décembre 1997, Gressus).

VIOLATION DE L’OBJET DE LA NOTATION :

Référence à des punitions, des sanctions disciplinaires ou des lettres d’observations.

Référence à la vie privée, aux opinions politiques, philosophiques ou religieuses.
Ainsi le Conseil d’Etat a jugé que la feuille de notation de deux enseignants établie par le chef d’établissement ne pouvait comporter une appréciation selon laquelle les convictions personnelles des intéressés ont des conséquences fâcheuses sur le fonctionnement du service, une telle appréciation étant contraire aux dispositions du statut général qui interdit de faire figurer dans tout document destiné à être inséré dans le dossier individuel des mentions relatives aux opinions (Conseil d’Etat, 16 juin 1982, époux Chereul).

Par contre, il appartient aux autorités investies du pouvoir de notation de tenir compte de l’ensemble des éléments relatifs au comportement des intéressés et notamment de faits extérieurs à l’exercice de leurs fonctions professionnelles dans la mesure où ces faits traduisent un manquement au devoir de réserve.(Décision Assemblée du Conseil d’Etat du 31 janvier 1975, Volff et Exertier).

ATTENTION AUX PETITES PHRASES ASSASSINES SANS RELATION AVEC L’OBJET DE LA NOTATION
:

« ne sera regretté par personne », « est un souci permanent pour ses chefs » ou « ne parvient pas à réconforter ses chefs », « est l’auteur de nombreux recours », « adopte un mode de vie accommodant », etc.

VIOLATION DES REGLES DE LA NOTATION :

Les instructions sur la notation des différentes armées ont un caractère réglementaire et les règles qu’elles édictent doivent être respectées. Elles s’imposent aux notateurs et peuvent entraîner en cas de non respect une annulation totale ou partielle de la notation (non respect du principe d’égalité de traitement, violation de la loi).

DISPROPORTION MANIFESTE ENTRE LA NOTATION CHIFFREE ET LES APPRECIATIONS LITTERALES
:

Il doit exister une adéquation entre la note chiffrée et l’appréciation générale (Conseil d’Etat, 30 novembre 1979, Martin).

Le juge apprécie si la note attribuée ne repose pas sur des faits matériellement inexacts, sur une erreur de droit ou n’est pas entachée d’une erreur manifeste d’appréciation (CE 26 octobre 1979, Leca; 28 juillet 1995, Mme Lhermet).

Voir aussi :

Décret n°2002-502 du 5 avril 2002 modifiant le décret n°83-1252 du 31 décembre 1983 relatif à la notation des militaires.

À lire également