Commission de la défense nationale et des forces armées
Présidence de Mme Patricia Adam, présidente
La séance est ouverte à seize heures trente.
Mme la présidente Patricia Adam. Monsieur le ministre de l’Intérieur, la commission de la Défense nationale, que vous connaissez bien, est ravie de vous accueillir pour cette audition que vous avez accepté de maintenir malgré un emploi du temps particulièrement chargé – nous vous en remercions.
Notre commission a beaucoup travaillé sur la question de l’intervention des forces armées sur le territoire national. Un débat s’est tenu dans l’hémicycle le 16 mars dernier, avec le ministre de la Défense, sur le rapport au Parlement relatif aux conditions d’emploi des forces armées lorsqu’elles interviennent sur le territoire national pour protéger la population. Nous l’avions bien entendu préparé, en auditionnant différents acteurs : le chef d’état-major des armées, le chef d’état-major de l’armée de terre, le secrétaire général de la défense et de la sécurité nationale et, bien évidemment, le ministre de la Défense. Ce matin, nous avons aussi auditionné le général Denis Favier, directeur général de la gendarmerie nationale.
En raison de ce continuum entre défense et sécurité nationale, inscrit dans le Livre blanc, et donc dans la loi de programmation militaire, il nous semblait évident qu’il fallait aussi vous entendre, vous qui étiez un membre très assidu de notre commission.
Les menaces qui pèsent sur la sécurité de nos concitoyens sur le territoire national et, bien au-delà, celle des citoyens européens, imposent des évolutions en matière de coopération entre l’ensemble des forces – je songe notamment à l’opération Sentinelle –, mais je vous laisse la parole.
M. Bernard Cazeneuve, ministre de l’Intérieur. Madame la présidente, mesdames et messieurs les députés, je vous prie d’abord d’excuser mon retard : je reviens d’un débat sur la politique du renseignement au Sénat qui, en raison du contexte, a pris plus de temps que prévu.
Je suis très heureux de retrouver cette commission que je connais bien pour y avoir siégé dix ans. Avec vous tous, j’ai travaillé sur de nombreux sujets, y compris certains dont j’ai désormais la charge. Surtout, je sais le sérieux avec lequel votre commission mène ses travaux et l’esprit de consensus qui y règne lorsque l’essentiel est en jeu.
Mais je reviens dans un contexte moins agréable. De nouveaux attentats terroristes viennent d’endeuiller un pays ami, nous confirmant que la France et ses partenaires, notamment d’autres pays européens, sont confrontés, comme nous avons eu l’occasion de dire à plusieurs reprises avec le président de la République et le Premier ministre, à un niveau de menace extrêmement élevé. Le Gouvernement a, à plusieurs reprises, conforté le dispositif mis en place pour protéger notre pays contre le risque d’attentat. Hier, j’ai décidé de déployer 1 600 policiers et gendarmes supplémentaires en divers points du territoire national pour adapter notre posture préventive à la réalité des tout derniers événements. En Île-de-France, sur mes instructions, le préfet de police a d’ores et déjà affecté des effectifs supplémentaires dans le métro, dans les gares, sur les plateformes aéroportuaires de Roissy et d’Orly, dans les zones publiques comme dans les zones réservées. Jean-Yves Le Drian et moi-même avons procédé ce matin à une visite de la plateforme aéroportuaire de Roissy. Plus généralement, des mesures de sécurité adaptées ont été décidées dans les transports en commun en partenariat avec la SNCF, la RATP et les autres opérateurs de transport, des mesures de précaution que justifie le mode opératoire des terroristes qui ont frappé hier à Bruxelles.
Ces efforts s’ajoutent bien entendu aux mesures considérables que le ministère de l’Intérieur a prises depuis des mois pour renforcer nos dispositifs de prévention et de répression du terrorisme, qu’il s’agisse du rehaussement très significatif de nos services de renseignement, notamment de leurs effectifs, des matériels, des moyens juridiques ou de l’organisation de ces mêmes services, qui a été modifiée. Nous avons également considérablement amélioré l’armement, la protection, les capacités de projection de nos forces de l’ordre, notamment dans le cadre du plan BAC-PSIG (brigades anticriminalité et pelotons de surveillance et d’intervention de la gendarmerie) que j’ai présenté le 29 octobre dernier à Rouen. Désormais presque intégralement déployé sur le territoire de la préfecture de police de Paris, ce plan a vocation à être mis en œuvre sur l’ensemble du territoire national d’ici à la fin du premier semestre de cette année. Je me rendrai à Reims dans les prochains jours pour consacrer sa mise en œuvre.
Bien entendu, lorsque nous procédons à ce rehaussement des moyens et des équipements, nous prenons en compte le rôle de chacune des entités amenées à intervenir, des primo-arrivants jusqu’aux forces spécialisées. Notre objectif est de faire en sorte que les forces spécialisées puissent intervenir dans les délais les plus brefs avec la plus grande efficacité en cas d’attentat ; je présenterai dans quelques jours, avec les directeurs généraux respectifs de la police nationale et de la gendarmerie nationale, la répartition des forces du GIGN, de la BRI et du RAID sur l’ensemble du territoire national. Le but est de permettre, en cas d’attaque de masse, d’intervenir dans des délais qui permettent de sauver le plus grand nombre de vies.
Enfin, nous avons développé notre coopération avec nos partenaires européens, selon un agenda extrêmement précis. Je veux à ce propos être extrêmement clair et je le dis sans précautions : l’Europe prend beaucoup trop de temps pour décider, et, quand elle a décidé, elle prend beaucoup trop de temps pour appliquer. Et certains, qui ne prennent pas leurs responsabilités face au terrorisme, essaient de sortir de nouveaux sujets, des sujets pour après-demain, comme si le fait de les évoquer pouvait nous dispenser de traiter des sujets d’aujourd’hui…
Soyons précis : nous n’avons aucune chance d’être efficaces dans la lutte contre le terrorisme sans un contrôle aux frontières extérieures de l’Union européenne digne de ce nom. Nous avons donc décidé de rehausser significativement les moyens de FRONTEX et de créer une agence de garde-côtes et de garde-frontières européens. La France et l’Allemagne sont les deux principaux pays de l’Union européenne à donner à la Grèce des moyens pour l’EASO (European Asylum Support Office, ou Bureau européen d’appui en matière d’asile) et pour FRONTEX qui permettent d’assurer l’effectivité de ce contrôle. Si nous n’avons pas, en Grèce comme en Italie, un contrôle qui permette d’assurer le retour de ceux qui relèvent non pas du statut de réfugiés mais de l’immigration économique irrégulière vers les pays dont ils proviennent, nous n’aurons aucune chance d’être efficaces dans la maîtrise du fait migratoire ni dans la lutte contre le terrorisme.
Si ceux qui franchissent les frontières extérieures de l’Union européenne ne font pas l’objet d’une enquête administrative, avec l’interrogation du système d’information Schengen (SIS), nous aurons des difficultés. Pour que le SIS permette ce criblage, il faut que chaque pays de l’Union européenne le documente de façon identique et homogène. Nous sommes le pays de l’Union européenne qui donne le plus d’informations au SIS concernant l’activité potentiellement terroriste de ses ressortissants.
Nous devons faire en sorte que le fichier Schengen soit connecté aux autres fichiers criminels. Sans un croisement des fichiers, notre capacité d’identifier ceux qui peuvent représenter un risque sécuritaire, au moment où ils franchissent les frontières extérieures de l’Union européenne, est considérablement affaiblie. Il faut donc que la banque des empreintes digitales au moment du franchissement des frontières, EURODAC, puisse être utilisée à des fins de sécurité, ce qui est pour l’heure impossible en l’état du règlement EURODAC. Il faudrait donc le modifier en conséquence au niveau européen.
Enfin, une task force européenne de lutte contre les faux documents est absolument indispensable. Il s’agit de repérer la fraude documentaire dès le franchissement des frontières de l’Union. Les enseignements du 13 novembre doivent être tirés : parmi les onze terroristes qui nous ont attaqués le 13 novembre dernier et ont été neutralisés, il y avait deux Français arrivés de Syrie munis de faux documents, avec un certain nombre d’autres terroristes. Les deux kamikazes qui se sont fait exploser à Saint-Denis avaient de faux papiers d’identité. Pourtant, leurs empreintes digitales avaient été prises à Leros. EURODAC et le contrôle au moment du franchissement des frontières extérieures ne sont d’aucune utilité si, ceux que l’on contrôle, sont contrôlés sous de fausses identités. Il est donc impératif d’avoir des équipes spécialisées dans l’identification des faux documents. Ce matin, à Roissy, nous avons constaté, avec Jean-Yves Le Drian, la subtilité de la fraude documentaire : des individus ont ainsi de vrais passeports, qui correspondent à leurs véritables identités, mais avec de faux cachets administratifs, qui leur permettent de prolonger leur séjour dans un certain nombre de pays en contravention avec les règles qui s’y appliquent… Vous mesurerez la complexité de ces sujets : si nous ne parvenons pas à mettre cela en place au plan européen, nous serons confrontés à d’extrêmes difficultés.
Évoquons aussi le PNR européen (pour Passenger Name Record). J’ai lu avec quelque consternation, dans Le Monde, la tribune d’un eurodéputé, M. Verhofstadt. Sans doute pour expliquer que son groupe n’a pas réussi à voter ce qui devait être voté, il nous explique maintenant qu’il faut un service de renseignement européen… Pour nous excuser d’avoir été incapables d’appliquer les décisions prises le 15 décembre dernier, il faudrait maintenant en prendre d’autres plus inapplicables encore ! Mettons en œuvre les décisions prises, n’entretenons pas des chimères comme celle du service européen de renseignement !
Il faut vraiment que ce PNR, qui a fait l’objet d’un accord entre le Parlement européen, le Conseil européen et la Commission européenne, soit inscrit à l’ordre du jour du Parlement européen et adopté. S’il ne l’est pas, c’est parce que des groupes politiques s’y opposent, notamment le groupe libéral, ou Alliance des démocrates et des libéraux pour l’Europe –, le groupe des Verts et le groupe social-démocrate, pour dire les choses clairement. Ce n’est pas acceptable compte tenu des risques qui pèsent sur notre pays.
Terminons sur ce volet européen par la révision de la directive 91/477/CEE sur le trafic d’armes. Elle doit être mise en œuvre extrêmement rapidement, conformément aux décisions que nous avons prises.
À la suite des attentats du mois de janvier 2015, le président de la République a décidé d’activer le contrat opérationnel de protection, permettant le déploiement de près de 10 000 militaires sur le territoire national – un tel contrat est inédit, tout comme un déploiement d’une telle ampleur. Ce recours aux armées sur le territoire national s’est inscrit dans la durée en raison de la permanence de la menace à laquelle notre pays doit faire face. C’est pourquoi le président de la République a décidé, dans le cadre d’un conseil de défense et de sécurité nationale, de rénover complètement les termes de ce contrat de protection. La loi du 28 juillet 2015, actualisant la programmation militaire pour les années 2015 à 2019, prévoit une capacité permanente de 7 000 hommes à mobiliser dans la durée, et jusqu’à 10 000 hommes pendant une durée d’un mois après un événement extrêmement grave, comme un attentat. Ce niveau maximal a été de nouveau atteint dans le mois qui a suivi les attentats du 13 novembre.
Depuis lors, les armées sont sollicitées toujours à un très haut niveau, en appui des forces de sécurité intérieure, elles-mêmes très fortement engagées. La présence visible des militaires aux côtés des forces de police et de gendarmerie dans le cadre de l’opération Sentinelle contribue à délivrer un message de fermeté compris absolument de tous : toutes les forces de la Nation sont mobilisées contre le terrorisme. C’est ce que manifeste la présence de policiers, de gendarmes et de militaires côte à côte dans de grandes infrastructures, dans les rues de nos villes, pour assurer la protection des Français. La plus-value des armées dans le dispositif est cependant loin de se limiter à ce symbole et à ses seuls effets psychologiques, qu’il s’agisse de rassurer ou de dissuader. Du fait de leurs capacités opérationnelles et de leur équipement, les militaires sont en mesure d’apporter une valeur ajoutée plus grande encore. Ils renforcent la protection des sites sensibles et confortent les forces de sécurité intérieure – la police et la gendarmerie – par leur présence. Ils permettent d’assurer la sécurité des opérations de contrôle auxquelles se livrent aussi les policiers et les gendarmes.
Lors des attentats de novembre, des unités des armées ont été rapidement sur place. Elles ont pu participer aux opérations avec les fonctionnaires de la préfecture de police. Elles ont été particulièrement utiles pour sécuriser le périmètre large des sites, mais sont également intervenues de leur propre initiative, dans l’urgence, y compris lorsqu’il s’est agi de faciliter la mise en place des secours pour les victimes de ces attentats. Au-delà, les militaires sont également déployés en appui des forces de sécurité intérieure dans leur mission de contrôle aux frontières. Une expérimentation intéressante de ce point de vue aura lieu en Isère dans quelques jours.
Le ministre de la Défense a eu l’occasion de présenter devant le Sénat et devant l’Assemblée nationale un rapport sur les conditions d’emploi des armées lorsqu’elles interviennent sur le territoire national pour assurer la protection de la population. Les Livres blancs de la défense et de la sécurité nationale de 2008 et de 2013 avaient déjà décrit ce qu’était le continuum sécurité-défense, c’est-à-dire la continuité de l’action entre les menaces extérieures et intérieures, par conséquent la continuité de l’action des forces armées et des forces de sécurité intérieure. Les conditions de déclenchement de l’opération Sentinelle ont conduit à une réflexion interministérielle beaucoup plus poussée sur les conditions d’emploi des armées sur le territoire national dans le respect scrupuleux des prérogatives du ministère de l’Intérieur en matière de sécurité intérieure – je le dis pour qu’il n’y ait pas d’ambiguïté.
En premier lieu, tout engagement des militaires sur le territoire national s’inscrit naturellement dans le cadre de l’architecture de sécurité intérieure en vigueur. À cet égard, les armées s’intègrent pleinement dans la manœuvre de sécurité intérieure placée sous l’autorité du ministre de l’Intérieur en vertu, notamment, de l’article L. 1142-2 du code de la défense nationale : responsable de la préparation et de l’exécution des politiques de sécurité intérieure et de sécurité civile qui concourent à la défense et à la sécurité nationales, le ministre de l’Intérieur est en charge, sur le territoire de la République, de l’ordre public, de la protection des personnes et des biens, de la sauvegarde des installations et des ressources d’intérêt général. Localement, l’action du ministère au niveau déconcentré s’appuie naturellement sur le réseau préfectoral qui agit, dans ces circonstances, par voie de réquisition.
En termes plus opérationnels, le déploiement des armées sur le territoire national se distingue naturellement d’une opération extérieure. Conformément aux dispositions du code de la défense, c’est au ministre de l’Intérieur qu’il appartient de faire les choix relatifs à l’engagement des forces armées, tant en ce qui concerne l’allocation de la ressource entre les zones qu’en ce qui concerne la nature des missions confiées – c’est au préfet, autorité requérante, de préciser ces missions. Bien entendu, ce travail doit s’effectuer dans le respect du droit et, notamment, des attributions respectives du ministre de la Défense et du chef d’état-major des armées (le CEMA). Le ministre de la Défense, cela va sans dire, reste naturellement responsable de la préparation et de la mise en œuvre de la politique de défense. Quant au chef d’état-major des armées, c’est à lui seul que revient le choix des capacités à engager pour satisfaire aux réquisitions de l’autorité civile, tout en maintenant au juste niveau l’engagement des armées dans l’ensemble des missions de défense. Le commandement opérationnel du CEMA s’exerce sans discontinuité sur toute la chaîne hiérarchique et ce, quelle que soit la durée des engagements. Cette organisation du commandement garantit le respect des fondements de l’action militaire, et est complémentaire de l’organisation territoriale du ministère de l’Intérieur.
Au-delà de la lettre des textes, il s’agit aussi, bien entendu, de respecter leur esprit. Ainsi, chaque fois que c’est possible, les réquisitions doivent être rédigées en termes d’effets à obtenir, afin que la participation des armées au dispositif de sécurité intérieure ne soit pas ressentie comme un simple « droit de tirage » du ministère de l’Intérieur sur les effectifs des armées, ce qui obérerait considérablement l’efficacité de notre action commune et serait extrêmement démotivant pour les militaires. Autrement dit, mon souci, que partage le ministre de la Défense, avec qui nous agissons en parfaite symbiose et en coordination permanente, est de rechercher la plus grande efficacité possible dans l’emploi d’une ressource humaine que le ministre de la Défense et moi-même savons rare et spécifique – cela vaut pour ses forces comme pour les miennes.
Pour cette raison, je suis absolument convaincu que les patrouilles dynamiques doivent impérativement être privilégiées par rapport aux gardes statiques dans les zones définies par les autorités préfectorales. Bien entendu, compte tenu des conditions initiales de son déploiement, le dispositif Sentinelle a été conçu comme un dispositif d’abord statique, mais compte tenu du niveau de la menace auquel nous sommes confrontés – voyez, dans le dernier numéro de la publication de Daech, Dar Al–Islam, les menaces contre les centres sociaux, les écoles, les enseignants –, compte tenu de ce qui s’est passé à Bruxelles et des menaces qui pèsent donc aussi sur les infrastructures de transport, nous savons qu’il est absolument impossible d’assurer, avec les 10 000 militaires engagés dans le cadre du contrat opérationnel et les 240 000 policiers et gendarmes, des gardes statiques partout, dès lors que tous les sites sont susceptibles d’être visés – telle est désormais la réalité. Si, me fondant sur les menaces formulées par Daech dans Dar Al–Islam, je voulais mettre en place une garde statique des 77 000 écoles, collèges et lycées de France, il me faudrait y consacrer la totalité des effectifs de la police et de la gendarmerie, ce qui est concrètement totalement impossible, et cela ne suffirait pas !
Dans un contexte où peuvent être frappés indistinctement et indifféremment de nombreuses institutions en de nombreux points du territoire national, le dispositif des gardes statiques n’a pas le niveau d’efficacité souhaité ; il est préférable d’y substituer des gardes dynamiques qui amèneront le terroriste, au moment où il veut frapper, à intégrer le fait qu’il peut, à tout moment, se trouver confronté à la présence de policiers, de gendarmes, de militaires qui mettront fin à sa course. C’est dans la dimension systématique de la patrouille dynamique, dans l’efficacité du cheminement de la patrouille dynamique sur le territoire où sa mise en œuvre est décidée et dans le caractère aléatoire de la rencontre entre l’unité de surveillance et le terroriste que réside l’efficacité des dispositifs que nous devons mettre en œuvre.
C’est aussi une condition de la nécessaire motivation des policiers, des gendarmes et des militaires. Nous ne pourrons pas maintenir durablement un haut niveau de protection et de mobilisation de nos forces dans la lutte antiterroriste si le dispositif de manœuvre de nos policiers, nos gendarmes et nos militaires ne correspond pas aussi à une motivation opérationnelle. Notre première préoccupation, bien entendu, reste la protection et l’efficacité de la protection, mais celle-ci dépend aussi de la motivation de ceux qui y contribuent. En garantissant cette motivation par une bonne manœuvre, nous garantissons donc l’efficacité de ce que nous faisons ensemble.
Au-delà de la répartition des compétences, nous devons aussi intégrer le fait que chaque force mobilisée a sa spécificité et ses conditions d’engagement. Par exemple, contrairement aux forces de sécurité intérieure, les armées ne peuvent pas mener des opérations judiciaires, elles ne peuvent pas participer à des investigations ni procéder à des perquisitions ou observer des objectifs, elles ne peuvent pas exercer de pouvoir de contrainte ni procéder à des fouilles ou des contrôles d’identité. Enfin, elles ne peuvent pas non plus mener de leur propre initiative des actions de renseignement sur le territoire national – ce n’est pas possible en dehors du cadre légal propre aux services spécialisés. En raison de toutes ces spécificités, nous devons en permanence veiller à la meilleure articulation de nos forces, et leur complémentarité doit permettre de mener, au plan national, l’action la plus efficace.
Je suis tout à fait prêt, madame la présidente, mesdames et messieurs les députés, à répondre à vos questions sur l’opération Sentinelle ou l’articulation des forces de sécurité intérieure et des armées ; mais, bien entendu, je peux aussi répondre à toute autre question concernant la menace terroriste, l’organisation du renseignement, l’activité des services du ministère de l’Intérieur ou la déradicalisation.
Mme la présidente Patricia Adam. Je passe tout d’abord la parole à deux collègues qui travaillent sur la question de l’emploi des forces sur le territoire national : Olivier Audibert Troin et Christophe Léonard.
M. Olivier Audibert Troin, rapporteur de la mission d’information sur la présence et l’emploi des forces armées sur le territoire national. Merci, monsieur le ministre de l’Intérieur, pour votre disponibilité en cette période où nous imaginons que vos heures de sommeil sont comptées.
Les médias, notamment les médias belges, nous donnent des informations parcellaires ; nous devons donc être extrêmement prudents. Se posent néanmoins des questions légitimes, qui concernent particulièrement le renseignement. Il existerait un lien évident entre les attentats commis sur notre territoire national, dans lesquels le terroriste Salah Abdeslam est impliqué, et les frères El Bakraoui, qui ont sévi sur le territoire belge hier matin. Comment donc n’avons-nous pu les repérer au cours des mois passés ? Je sais très bien, monsieur le ministre, que rien n’est simple, mais n’y a-t-il pas eu des failles au niveau des services de renseignement ? Ces deux affaires sont liées et ces terroristes, semble-t-il, ont pu communiquer entre la France et la Belgique !
Quant à l’emploi des forces sur le territoire national, il s’agit de veiller à ce que l’action de nos armées apporte, compte tenu de leur savoir-faire, la plus forte plus-value – cela fait consensus. Il ne s’agit pas de pousser un cocorico mais nous avons l’habitude, au sein de notre commission, de dire que nous avons très vraisemblablement une des meilleures armées du monde : le travail accompli depuis de nombreux mois sur la bande sahélo-saharienne le prouve. Comme Jean-Yves Le Drian la semaine dernière dans l’hémicycle, vous avez évoqué le passage des gardes statiques aux gardes dynamiques – je crois que nous sommes passés de trois quarts de gardes statiques à deux tiers des effectifs employés sur des patrouilles dynamiques. C’est une réelle évolution, que demandaient nos forces armées.
Sur le territoire national, le renseignement est une compétence du ministère de l’Intérieur, mais ne pourrait-on, monsieur le ministre, dans le souci d’une plus grande efficacité, demander pour nos forces armées un peu plus que les simples notes d’ambiance établies quartier par quartier ?
Par ailleurs, mon collègue Christophe Léonard et moi-même avons pu auditionner très librement un certain nombre de nos soldats déployés, gradés ou non. Ce qui ressort de ces rencontres, c’est qu’il y a relativement peu de concertation sur le terrain, entre l’intérieur et la défense. Il a fallu attendre ces jours derniers pour que les moyens de communication puissent être eux-mêmes harmonisés autour du système ACROPOL (Automatisation des communications radioélectriques opérationnelles de la police nationale) notamment. Ce matin, le général Favier citait l’opération Harpie, en Guyane, où nous avons un centre opérationnel conjoint entre gendarmerie et ministère de la Défense. Il semblerait qu’il fonctionne extrêmement bien, depuis des années. Ne pourrions-nous envisager sur le territoire métropolitain le même type d’actions combinées autour d’un centre d’opération conjoint ?
M. Christophe Léonard, rapporteur de la mission d’information sur la présence et l’emploi des forces armées sur le territoire national. Merci, monsieur le ministre, de votre présence.
Vous avez annoncé hier ce déploiement supplémentaire de 1 600 hommes, policiers et gendarmes. Ne pourrions-nous donc réfléchir à une augmentation des effectifs de l’antenne de renseignement territorial que nous avons inaugurée conjointement le 24 juillet dernier, monsieur le ministre, à Revin, dans les Ardennes ? Ce territoire frontalier est effectivement d’une grande porosité du point de vue des différents trafics, du banditisme, et de la possible circulation des terroristes. N’oublions pas que le renseignement est sans doute un des éléments majeurs d’une démarche préventive et non pas curative.
De leur côté, les forces de gendarmerie dans ces territoires sont souvent les plus à même de détecter les signaux faibles. Vos préfets les prennent-ils bien en compte ? Veillent-ils à ce qu’ils puissent être traités avec tous les moyens que permet l’état d’urgence ?
Au cours de nos différentes visites, au cours des auditions auxquelles mon collègue Audibert Troin et moi-même avons pu procéder, nous avons senti une insatisfaction des forces sur le terrain en ce qui concerne le partage d’informations entre les militaires et les forces de sécurité intérieures. Quelle évaluation en faites-vous, monsieur le ministre ? On a souvent tendance à répéter que tout va bien, Madame la Marquise… Mais sur le terrain, c’est sans doute plus compliqué.
Vous visez l’objectif de limiter au strict minimum les gardes statiques, et de leur substituer des patrouilles dynamiques. Un grand nombre de nos forces en région parisienne restent cependant mobilisées pour la garde statique de lieux de culte, et il est relativement compliqué d’expliquer aux responsables des différentes communautés que la garde statique n’est pas la plus efficace – ils ne le comprennent pas forcément, les auditions auxquelles nous avons procédé l’ont montré. Comment faites-vous, monsieur le ministre, pour que l’idée fasse son chemin et que nous puissions apporter la protection la plus efficace ?
Enfin, a-t-on envisagé des scénarios dans lesquels nos forces de sécurité intérieure spécialisées pourraient être saturées par des attaques multiples sur le territoire national ? Le cas échéant, pourrait-on mobiliser des forces spéciales de nos armées ? J’ai soulevé la question mercredi 16 mars, lors du débat sur la doctrine d’emploi de nos forces.
M. le ministre. Vous m’interrogez, monsieur Audibert Troin, sur le temps qu’il a fallu pour neutraliser ou mettre hors d’état de nuire ces terroristes situés en Belgique. Peut-être puis-je rappeler quelle est la réalité de ce réseau et vous indiquer de quelles informations nous disposons. Même s’ils ne disent pas tout, les chiffres disent beaucoup de l’importance du phénomène auquel nous devons faire face.
Si je mets de côté ce qui s’est passé hier, qui appelle des informations complémentaires de la part des services de police et de renseignement, onze terroristes sont morts : dix en France et un en Belgique, Mohamed Belkaïd, dont on sait qu’il a joué un rôle particulièrement important de coordination. Ceux qui sont morts sont morts dans le cadre d’attentats-suicides ou neutralisés par les forces de l’ordre. Dans le cadre de l’équipe commune d’enquête avec les Belges, nous avons procédé à l’arrestation de treize personnes, dont onze ont été placées en détention et deux sous contrôle judiciaire. Jusqu’aux événements d’hier – dont nous verrons quelles connexions les relient au réseau du 13 novembre –, nous étions à la recherche de dix individus. Ainsi, trente-quatre personnes sont concernées par les attaques tragiques, meurtrières, barbares du 13 novembre dernier : onze morts, treize personnes écrouées ou sous contrôle judiciaire et dix recherchées. Il s’agit là de ceux que nous connaissons ; il est possible que d’autres viennent se greffer à ces effectifs lorsque l’enquête révélera d’autres connexions.
J’ai lu beaucoup d’articles sur les failles des services de renseignement, parfois même des articles sur les failles des services de renseignement français. Faisons un point extrêmement précis sur ce sujet. Sur l’ensemble des terroristes qui nous ont frappés, deux étaient connus des services de renseignement français : Ismaël Omar Mostefaï et Samy Amimour. En 2012-2013, ils s’étaient soustraits au contrôle judiciaire dont ils étaient l’objet et avaient rejoint la Syrie. Ils sont vraisemblablement revenus de Syrie avec le commando organisé par Abdelhamid Abaaoud qui nous a frappés – l’enquête le confirmera, mais l’hypothèse est forte. Sur le nombre des individus concernés, il y avait donc deux Français, qui étaient ailleurs. Tous les autres étaient des Belgo-Marocains ou des Français résidant en Belgique, qui n’étaient pas connus des services de renseignement français.
Ces attentats du 13 novembre sont commandités par un Belgo-Marocain résidant en Syrie puisqu’engagé dans les opérations terroristes de Daech ; ils sont préparés en Belgique, et ceux qui ont préparé cette opération arrivent en France à la dernière minute, autour du 12 novembre. Je veux aussi rappeler que ceux qui rejoignent le territoire de l’Union européenne le font avec de faux papiers et de faux documents : Daech a récupéré des milliers de passeports vierges et s’est doté d’une véritable usine de faux documents, qui permettent aux terroristes de se fondre en plus ou moins grand nombre dans le flot de leurs victimes, c’est-à-dire dans les flux migratoires. Ces faux documents leur permettent d’échapper à l’interrogation du SIS et du reste, pas un service de renseignement des pays traversés par ces individus avant le 13 novembre n’a signalé leur présence à l’extérieur du territoire national, pas un ! Des éléments nous sont parvenus de services de renseignement étrangers pour la première fois le 15 novembre, c’est-à-dire deux jours après les attentats : ce sont les services marocains qui nous ont appris qu’une partie de ceux qui nous ont frappés se sont fait prendre leurs empreintes digitales sous de fausses identités à Leros. Avant le 15 novembre, nous n’avons eu aucune information d’aucun service de renseignement européen nous indiquant la présence de ces individus sur le sol de tel ou tel pays. Les informations communiquées il y a trois jours par le procureur fédéral belge et par le procureur Molins, ont montré qu’avant de nous frapper, ces individus ont circulé partout en Europe, notamment Salah Abdeslam, peut-être pour acquérir des armes, peut-être pour recruter des kamikazes : à Ulm, en Hongrie, en Autriche… Aucun service européen ne nous les a signalés, et les services américains non plus. Quant aux services belges, ils signalent ces personnes au système d’information Schengen comme délinquants et non pas comme terroristes. Et à la fin, tout cela se résume, dans un certain nombre de propos et d’articles, par « les failles du renseignement intérieur français » ! Je vous raconte tout cela dans le détail pour bien montrer que la réalité, sur ces sujets, est plus compliquée qu’on ne le croit.
En ce qui concerne ce qui se passe en Syrie, avons-nous suffisamment de capteurs et sont-ils suffisamment bien orientés pour nous permettre de récolter des informations et d’anticiper ? La question doit être posée.
Voilà qui permet, monsieur le député Audibert Troin, d’expliquer le temps nécessaire à une mise hors d’état de nuire pourtant urgente. Je ne peux pas vous donner plus d’éléments, soit parce que je ne les ai pas, soit parce que je ne peux vraiment pas, mais ce que je vous ai dit retrace tout de même de manière assez complète la réalité à laquelle nous sommes confrontés.
J’en viens à l’articulation des armées et des forces de sécurité intérieures. Encore une fois, soyons très clairs : en ce qui concerne la mise en œuvre du dispositif de garde et l’opération Sentinelle, les relations entre les ministères de l’Intérieur et de la Défense sont remarquables et pour tout dire excellentes. Pourquoi donc ? Tout d’abord, en pareilles circonstances, les relations que les deux ministres entretiennent personnellement ne sont pas neutres : quand les ministres parlent et se comprennent, cela va incontestablement beaucoup plus vite. Ensuite, les compétences sont clairement réparties : il n’y a pas de confusion dans le dispositif de commandement. C’est le ministère de l’Intérieur qui définit l’objectif à atteindre, c’est le ministère de l’Intérieur qui dit quel est le contenu du contrat opérationnel, mais le ministère de la Défense et l’état-major des armées sont libres de déterminer les modalités qui permettront de remplir le contrat. Cela ne veut pas dire que nous ne nous parlons pas en vue de définir ces modalités ; cela veut dire que je ne demande pas au ministère de la Défense de considérer que l’autorité exercée par le ministère de l’Intérieur dans la définition des objectifs de sécurité intérieure contraint le ministère de la Défense au point de lui imposer, pour atteindre ces objectifs, des modalités d’organisation qui relèvent de son administration. Non seulement je ne fais pas cela mais je tiens compte, dans l’organisation de nos gardes et de nos patrouilles, des spécificités de nos forces respectives pour parvenir à une sécurité optimale.
C’est pour cela que je pense que des gardes dynamiques, qui ne soient pas des gardes en voiture – il peut y avoir des patrouilles automobiles mais il faut des gardes à pied, avec des gens en armes qui circulent dans des quartiers –, sont beaucoup plus efficaces que des gardes statiques. Du reste, celles-ci posent un problème : un certain nombre de représentants de cultes se sont habitués aux gardes statiques et considèrent qu’y mettre fin serait une manière de remettre en cause la sécurité qu’on leur a promise, ils ne comprennent donc pas que la substitution d’une garde dynamique à une garde statique leur offre plus de sécurité. Dans un contexte où la capacité de résilience du pays résulte du fait que chacun est convaincu qu’on lui offre la sécurité adéquate, il n’est pas possible de procéder à cette substitution partout sans un minimum de dialogue et de concertation associant ceux qui sont protégés, notamment les plus vulnérables, aux dispositifs que nous proposons de mettre en œuvre. J’ai donc donné un mandat au préfet de police de Paris pour discuter, avec le délégué interministériel à la sécurité Thierry Coudert, avec les représentants de la communauté juive et parvenir, dans un délai de quelques semaines, à la substitution sur le territoire de l’Île-de-France de gardes dynamiques aux gardes statiques. Il faut aussi rassurer nos compatriotes de confession juive, qui craignent que la fin des gardes statiques ne les expose à des risques accrus – et compte tenu de ce qu’ils ont vécu à l’école Ozar Hatorah et à l’Hyper Cacher, je le comprends.
Par ailleurs, monsieur Audibert Troin, la défense ne fait pas de renseignement sur le territoire national. Ce n’est pas dans son contrat, et elle ne le demande d’ailleurs pas. La direction générale de la sécurité extérieure (DGSE) fait du renseignement dans le cadre de ses compétences particulières, mais la défense ne fait pas de renseignement sur le territoire national. Le contexte est cependant particulier, et le ministre de la Défense et moi-même sommes prêts à envisager que les capacités spécifiques des armées puissent, sur réquisition seulement, être mises en œuvre sur le territoire national en vue d’accomplir des missions de surveillance ou de détection qui leur seraient confiées par l’autorité civile. Le problème de l’articulation ne se poserait alors pas, le travail se ferait en commun, dans le cadre d’un échange fluide d’informations entre les militaires et les civils ; mais le travail de surveillance et de détection, qui est une forme de renseignement, ne pourrait se faire que sur réquisition de l’autorité civile. Faute de quoi, la confusion serait considérable.
M. Daniel Boisserie. Monsieur le ministre, la gendarmerie ne se situe que dans le deuxième cercle du renseignement. Elle ne siège donc pas au conseil national du renseignement alors même qu’aucun territoire, aujourd’hui, n’est épargné par le phénomène de la radicalisation. Quelle doit donc être la place de la sous-direction de l’anticipation opérationnelle (SDAO) ?
M. Philippe Folliot. C’est un plaisir de vous revoir, monsieur le ministre, dans cette commission où nous avons passé tant de moments ensemble.
Vous avez évoqué la problématique du PNR, c’est-à-dire du suivi des passagers, avec une pointe d’ironie et d’amertume. L’Europe prend du temps pour prendre des décisions et encore plus pour les appliquer. Concrètement, que peut faire la France pour essayer de faire avancer les choses plus rapidement en la matière ? Par ailleurs, puisqu’il existe déjà EUROJUST et EUROPOL, à quand une cellule européenne de coordination du renseignement ?
J’en viens au déploiement supplémentaire, dans l’urgence, de 1 600 hommes. Pouvez-vous préciser d’où ils viennent ? Pour soulager la tension sur les effectifs, serait-il possible d’envisager une évolution législative autorisant le recours aux entreprises de services de sécurité et de défense (ESSD), notamment pour les gardes statiques, à l’image de ce que nous avons déjà fait pour la protection des navires ?
Quant à la déterritorialisation des moyens d’intervention, pouvez-vous vous-même choisir, monsieur le ministre, qui, entre GIPN, GIGN et moyens de la préfecture de police, doit intervenir, en vous affranchissant du cadre territorial ?
M. Christophe Guilloteau. L’autre jour, le Premier ministre évoquait un nombre important de retours de djihadistes français. Pouvez-vous nous préciser ce nombre, monsieur le ministre ?
Question plus technique : pourquoi le rapport demandé par le Premier ministre au SGDSN sur Sentinelle a-t-il été classifié ?
M. Alain Moyne-Bressand. Je veux rendre hommage à nos services de sécurité, mais nous sommes en situation de guerre, une guerre sournoise. L’organisation de nos services de renseignement ne devrait-elle donc pas être revue ? À situation nouvelle, organisation nouvelle. Et, au niveau européen, nos chefs d’État et de gouvernement ne devraient-ils pas se réunir pour mettre en place un dispositif plus déterminant, qui accroîtrait l’efficacité de l’Union européenne ?
Ce matin, j’interrogeais le général Favier sur la radicalisation des personnels de sécurité. Puisque le mal est partout, avez-vous, pour votre part, prévu un contrôle spécifique ?
M. Damien Meslot. Les événements de Charlie Hebdo et les attentats du 13 novembre ont montré que les règles d’engagement du feu que doivent respecter nos policiers pouvaient ne pas être tout à fait adaptées face à des événements terroristes, de même que les matériels. Vous avez annoncé un certain nombre de mesures. Où en sommes-nous ?
Par ailleurs, élu du Territoire de Belfort, je suis très surpris de voir la facilité avec laquelle on peut franchir la frontière franco-suisse. La Suisse est bien sûr un pays ami, mais, entre le sud du Territoire de Belfort et la Suisse, on passe la frontière comme dans du beurre, et je n’ai pas l’impression que des mesures significatives aient été prises à la suite des événements tragiques que nous avons connus. Pourriez-vous nous en dire plus ?
Enfin, comme de nombreuses autres villes, la commune de Belfort avait prévu de mettre en place des écrans géants pour l’Euro 2016. Ces écrans géants attireront des foules importantes. Avez-vous prévu de donner des consignes pour nous permettre d’assurer au mieux la sécurité ? Aurons-nous l’autorisation de le faire ?
M. Jean-François Lamour. Je vous remercie de votre présence, monsieur le ministre.
Pensez-vous raisonnable de maintenir les « fans zones » ? On peut évidemment comprendre le maintien de l’Euro 2016 ; vous allez déployer à cette occasion des forces de sécurité particulièrement importantes, c’est tout à fait normal, réparties sur une dizaine de villes organisatrices Au-delà des écrans géants qui pourraient être mis en place ici ou là, les « fan zones » engendreront des flux très importants – on parle d’environ 100 000 personnes par jour au Champ de Mars, et de 50 000 à 60 000 personnes du côté de Marseille. Croyez-vous vraiment raisonnable, aujourd’hui, de maintenir ces « fan zones » telles qu’ont été imaginées ? Ce sont d’ailleurs des outils commerciaux, plus que des outils d’accueil de la population.
Vous avez eu raison de rappeler combien la quête de renseignements est difficile – cela se fait finalement de manière assez empirique –, mais il faut quand même tirer les enseignements de ce qui s’est passé en janvier 2015, au mois de novembre dernier et il y a à peine plus de quelques heures en Belgique, entre autres en ce qui concerne votre capacité aujourd’hui à détecter celles et ceux qui fomentent ces attentats. Vous avez rappelé à juste titre que le PNR devait être mis en place le plus rapidement possible, mais pensez-vous qu’il sera suffisant ? Ne faut-il pas y associer d’autres outils de détection, un mélange de traitement de fichiers, qui recoure à l’intelligence artificielle, et d’algorithmes de détection dont vous ne disposez pas aujourd’hui ? Il semble d’ailleurs qu’un certain nombre d’opérateurs, en particulier des industriels français, en disposent, eux, ou, du moins, y travaillent. Où en est votre dialogue avec ces industriels ? Vous ont-ils fait des propositions ?
Quand vous évoquez la possibilité de réquisitions pour que les armées fassent du renseignement sur le sol français, faites-vous référence à l’expérimentation qui va avoir lieu du côté de Grenoble, avec la préparation opérationnelle différenciée ? Je pense qu’elle répondrait à ce besoin de renseignement et délesterait la gendarmerie d’une charge importante, car c’est essentiellement elle qui opère dans cette partie du territoire national.
M. Yves Fromion. Monsieur le ministre, vous disposez en quelque sorte d’un « droit de tirage » d’environ 7 000 militaires par jour sur la longue durée. J’aimerais mieux comprendre comment cela fonctionne. Il va de soi que ces 7 000 hommes ne sont pas vingt-quatre heures sur vingt-quatre l’arme au pied, ils se relaient. Que représentent 7 000 hommes en termes de nombre de sites protégés, que ce soit en statique ou en dynamique ?
Ma deuxième question paraîtra un peu curieuse à certains. Si le dispositif Sentinelle est maintenu, on peut se demander pourquoi, au lieu d’avoir annulé la déflation des forces armées pour les renforcer, on n’a pas tout simplement renforcé la gendarmerie. Recruter des militaires pour les mettre à la disposition du ministre de l’Intérieur, ou de la gendarmerie, comme on voudra, alors que ce n’est pas leur métier, que cela pose des problèmes… Nous aurions pu recruter des gens pour exercer le métier dont nous avons véritablement besoin aujourd’hui. Peut-être ai-je l’esprit un peu trop dérangé, mais je me demande pourquoi on n’a pas suivi cette direction.
M. le ministre. Je vais essayer de répondre le plus précisément possible à l’ensemble de ces questions.
Monsieur Folliot, nous avons voulu un PNR européen qui prenne en compte un certain nombre d’éléments dont nous avons besoin pour assurer la traçabilité du retour des terroristes des théâtres d’opérations : les vols charter – il est rare que ces individus voyagent en première classe –, les vols intra-européens, les infractions nationales et internationales. Nous avons souhaité que la durée de conservation des données soit de cinq ans et la durée de masquage de six mois. Tout cela a abouti un intense dialogue entre la Commission européenne, le Conseil européen et le Parlement européen. Le trilogue s’est réuni et un accord a été trouvé entre les trois institutions au mois de décembre, au terme d’une longue négociation. Aujourd’hui, il s’agit de soumettre le texte au vote. Or le Parlement refuse de l’inscrire à l’ordre du jour de ses travaux !
Disons les choses clairement. Dans un contexte de menace terroriste extrêmement élevée, le refus de certains groupes – les Verts, les sociaux-démocrates et les libéraux – de soumettre le texte à la délibération est totalement irresponsable. Et voici que M. Verhofstadt, eurodéputé libéral, publie une tribune pour dire qu’il veut non pas d’un PNR croupion mais d’un PNR européen. Mais un PNR européen, c’est nécessairement la juxtaposition des PNR nationaux, l’interrogation par les États-membres des PNR nationaux ! Sinon, il est impossible de mettre en place les plateformes nationales PNR qui garantiront, pour chaque PNR, la protection des données personnelles. On ne peut pas vouloir un PNR européen et refuser l’échange des données entre les PNR nationaux lorsqu’on est attaché à la protection des données ; cela n’a aucun sens. Il faut donc que le texte soit adopté rapidement. De même, en ce qui concerne la directive sur les armes, les décisions prises doivent être appliquées rapidement. Sur ces sujets, il n’y a plus de décisions à prendre : elles ont été prises, et il faut les appliquer. Si les institutions européennes ne comprennent pas que la non-application des décisions prises est une manière de ruiner la réputation de l’Europe dans sa capacité à protéger ses citoyens, alors elles seront responsables de la déréliction de l’Europe ! Il faut le dire très clairement : ce n’est pas responsable, ce n’est pas sérieux. Quand le risque est grand, on doit s’élever au-dessus d’un certain nombre de considérations partisanes et politiques et prendre ses responsabilités. Quant à l’idée d’un service de renseignements européen, je n’en dirai pas plus…
La déterritorialisation de la BRI, du GIGN et du RAID est l’objet de deux démarches. Tout d’abord, avec le directeur général de la police nationale et le directeur général de la gendarmerie nationale, nous allons présenter, dans quelques semaines, un schéma d’implantation des antennes du RAID, de la BRI et du GIGN. Elles couvriront l’ensemble du territoire national et, en cas de tuerie de masse, la complémentarité des implantations permettra aux forces d’intervention rapide d’intervenir dans des conditions bien plus optimales. Ensuite, ce schéma permettra-t-il l’intervention du GIGN dans Paris ? Oui, car un inventaire de compétences est en cours, et le GIGN a des compétences que d’autres n’ont pas, de même que le RAID a des compétences que le GIGN n’a pas. Si nous avons besoin de recourir aux compétences spécifiques des uns ou des autres, je ne vois aucune raison de ne pas y faire appel. Le RAID pourra donc intervenir en zone gendarmerie si nécessaire. Je veux faire sauter ces cloisons, très réelles, à l’intérieur de la maison « intérieur » ; ce n’est pas facile, mais je le ferai, parce que l’intérêt de la lutte antiterroriste l’impose.
Monsieur Boisserie, vous avez raison, la gendarmerie n’est pas dans le premier cercle du renseignement, mais elle n’en a pas moins sa place dans la sphère du renseignement. Elle contribue pleinement au renseignement territorial : j’ai même créé des antennes du renseignement territorial dans les unités de gendarmerie. Travaillant en étroite liaison les uns avec les autres, la gendarmerie est également très liée à la direction générale de la sécurité intérieure (DGSI).
Sur 2 000 Français concernés par les affaires terroristes, environ 640 sont actuellement sur le théâtre des opérations, monsieur Guilloteau, et 250 à 300 en sont revenus. Nous avons procédé à l’incarcération de 158 de ces 250 à 300 individus. Les autres sont sous contrôle judiciaire ou font l’objet d’une surveillance extrêmement fine de nos services, qui sont très mobilisés. Rappelons que 236 procédures judiciaires ont été ouvertes par les services, sous l’autorité des procureurs, qui concernent 1 086 personnes. Cela vous donne une petite idée de l’importance de la question.
Le rapport du SGDSN sur Sentinelle est classifié, parce que si nous le rendons public, ceux qui veulent nous attaquer sauront très exactement quels dispositifs nous mobilisons pour protéger nos institutions. Cela ne veut pas dire que ces éléments ne peuvent pas être déclassifiés pour être communiqués, notamment, aux parlementaires qui ont à connaître de ces questions ; mais je ne préconise pas de rendre publics les documents par lesquels sont arrêtées les modalités de protection du territoire national dans le détail. Ce serait une excellente manière d’aider ceux qui veulent nous attaquer à déjouer les dispositifs mobilisés.
Monsieur Moyne-Bressand, j’ai donné au directeur général de la gendarmerie nationale, au directeur général de la police nationale et au préfet de police des instructions extrêmement claires de suivi des personnels radicalisés. Ces individus sont identifiés et écartés de nos services. Ce sont des cas très résiduels, que nous parvenons à régler de façon efficace.
Par ailleurs, dans le cadre de l’élaboration du projet de loi défendu par Jean-Jacques Urvoas et à la suite d’une proposition de loi du groupe dont vous êtes membre, Monsieur Moyne-Bressand, le ministère de l’Intérieur a fait des propositions sur les conditions d’engagement du feu. Il ne s’agirait pas d’autoriser en toutes circonstances les forces de l’ordre à ouvrir le feu, il s’agirait de leur permettre, en cas de tuerie de masse, d’assurer leur propre protection et celle des populations qu’elles sont censées protéger. Actuellement examiné par le Parlement, ce texte me paraît équilibré, et son adoption marquera un progrès par rapport aux règles qui prévalent jusqu’à présent. Je suis assez confiant : sur ce sujet comme sur d’autres qui concernent la lutte antiterroriste, nous pourrons parvenir à un très large consensus.
En ce qui concerne maintenant l’équipement, les crédits hors titre 2 de la police et de la gendarmerie augmentent de 17 % – ils avaient diminué de 17 % entre 2007 et 2012. Cela permettra d’acheter des équipements que nous n’avions, jusqu’à présent, pas pu acquérir, notamment près de 3 000 véhicules dans la police et la gendarmerie et des équipements nouveaux dans le cadre du plan BAC-PSIG que j’ai annoncé au mois d’octobre : des gilets de protection conçus par les BAC et les PSIG eux-mêmes, de nouveaux véhicules, de nouveaux fusils HK G36, des casques de protection. Tous ces équipements ont été livrés pour les BAC de Paris, et je devais me rendre demain après-midi à Reims – je ne sais pas si je pourrai le faire –, pour présenter les équipements qui doivent être livrés à toutes les BAC et à tous les PSIG de France ; ils seront équipés d’ici à la fin du premier semestre de l’année 2016.
Dans le cadre de l’Euro 2016, dix « fan zones » sont prévues, mais je ne crois pas que Belfort soit concerné par la compétition, monsieur Meslot.
M. Damien Meslot. En effet, mais il y a les « fan zones » proprement dites et les écrans géants.
M. le ministre. Je ne suis pas très favorable à ce que l’on multiplie ces écrans dans les communes. Je ferai passer des instructions aux préfets, parce que je ne peux pas à la fois mobiliser des moyens pour les « fan zones » et assurer la sécurité de tous ces écrans dans toutes les villes de France.
M. Damien Meslot. Il faudrait que nous le sachions à l’avance…
M. le ministre. Je vais le faire savoir très vite.
Le président du club des villes hôtes de l’Euro 2016, Alain Juppé, a souhaité, dans le cadre d’un dialogue étroit avec le Gouvernement, que nous puissions assurer la protection de ces « fans zones ». Nous avons pris des dispositions extrêmement rigoureuses : une fouille systématique de ceux qui y entrent, des dispositifs de sécurité privée, une présence significative de forces de sécurité intérieure et la mise en place d’un cahier des charges par « fan zone » incluant des ratios d’agents de sécurité privée par personne. Cela doit faire l’objet d’une analyse territoire par territoire, menée par les préfets dans le cadre de leurs relations avec les maires.
Deux hypothèses sont envisageables. Si nous sommes assurés d’un bon niveau d’engagement de la sécurité privée, de la mobilisation de nos forces et d’un dialogue de qualité avec les maires, qui les conduise à mobiliser leur propre police municipale et à accepter les préconisations que nous leur adresserons, nous pouvons faire en sorte que ces « fans zones » soient mises en place, parce que les maires tiennent à ce qu’il y ait une animation dans leur ville. Si, en revanche, les informations communiquées par nos services de renseignement nous conduisent à considérer que ce n’est plus possible, ou que nos relations avec les maires fassent apparaître des défauts d’organisation qui ne nous permettent pas d’organiser ces « fans zones », nous prendrons très vite la décision de ne pas donner suite à la demande.
M. Jean-François Lamour. Est-ce tout ou rien ? Ferez-vous une analyse globale ou bien procéderez-vous au cas par cas en fonction des analyses des préfets et de vos services ? Il y a là un aspect politique.
M. le ministre. Je respecterai les engagements pris avec les maires.
Nous en sommes convenus avec eux : il y a une volonté générale d’organiser ces « fan zones », mais des décisions peuvent être prises au cas par cas si nous considérons ensemble que les conditions ne sont pas réunies sur tel ou tel territoire. Cette démarche pragmatique et consensuelle est de nature à permettre l’organisation de la manifestation dans de bonnes conditions. Si un maire est défaillant, je n’ai pas de raisons d’interdire la manifestation partout ailleurs, mais je n’ai pas de raisons non plus de maintenir la manifestation dans toutes les « fan zones », quand bien même les maires ne seraient pas défaillants, si des informations précises me parviennent selon lesquelles un risque réel pèse sur ces manifestations. Je m’en tiens à une approche extrêmement rationnelle et pragmatique : principe de précaution maximal, coproduction de la sécurité avec les maires et 100 % de précautions – même si 100 % de précautions ne font jamais le risque zéro.
Le PNR est-il suffisant, monsieur Lamour ? Non. La lutte contre le terrorisme, c’est un ensemble d’outils dont nous avons tous besoin : PNR, dispositifs de dé-radicalisation, dialogue permanent avec les grandes compagnies internet, blocage administratif des sites, possibilité de développer des techniques de renseignement qui permettent de traiter des messages cryptés. Pour ce qui est des algorithmes, je vous rappelle que la loi sur le renseignement comporte des dispositions qui permettent le suivi en continu des terroristes et ce que l’on appelle la détection sur données anonymes. Or, la détection sur données anonymes consiste précisément à mobiliser des algorithmes pour repérer un certain nombre d’individus, en fonction des recherches qu’ils effectuent sur internet ou des traces qu’ils laissent sur internet…
M. Jean-François Lamour. Et vous en disposez aujourd’hui ?
M. le ministre. Cela figure dans la loi que vous avez votée.
M. Jean-François Lamour. Il y a le principe, et il y a l’application du principe, ce qui fonde d’ailleurs les reproches que vous adressez, à juste titre, à un certain nombre d’autres pays européens. Disposons-nous, en France, de ces dispositifs pour compléter un PNR qui, aujourd’hui, n’existe pas ?
M. le ministre. Monsieur le député, contrairement à ce que j’ai lu ici ou là, nous avons pris entre le mois de juillet 2015 et le 1er janvier 2016, l’ensemble des décrets d’application, de la loi sur le renseignement – la commission peut le vérifier. Et tous les contacts avec ceux qui doivent être mobilisés pour permettre de recourir, sous le contrôle du juge administratif, à ces techniques de renseignement sont pris. Cette loi a été adoptée parce que nous avions besoin de la détection sur données anonymes et du suivi en continu des profils de nature terroriste. Si certains aspects techniques doivent être finalisés, tous les contacts sont pris et la mise en œuvre des dispositions votées est en cours.
L’expérimentation menée en Isère vise à permettre à la gendarmerie d’engager, avec l’appui des militaires, des actions multiples de sécurisation dans le cadre de la lutte antiterroriste, comme du contrôle de zone à risque, du contrôle de circulation dans des zones de flux, dans des zones qui posent problème. Il faudra en tirer toutes les leçons pour voir comment mieux articuler la relation entre les gendarmes, les forces de sécurité intérieure, et les militaires.
Monsieur Fromion, le nombre total de sites surveillés sur l’ensemble du territoire national s’élève à près de 12 000 ; 14 % sont surveillés par les militaires, et 86 % par les forces de sécurité intérieure. Environ 26 % sont des sites religieux. Parmi ceux-ci, nous comptons 40 % de sites chrétiens, 34 % de sites musulmans et 26 % de sites juifs. La répartition des forces par site entre les forces de sécurité intérieure et les armées est la suivante : 65 % des sites juifs sont surveillés par les armées et 35 % par les forces de sécurité intérieure ; 8 % des sites musulmans sont surveillés par les armées et 92 % par la police et la gendarmerie ; 7 % des sites chrétiens sont surveillés par les armées et 93 % par les forces de sécurité intérieure. D’autres sites sont surveillés par les militaires de l’opération Sentinelle : des points d’importance vitale, des infrastructures sensibles, des lieux symboliques, des installations industrielles. Nous pouvons fournir à la commission de la Défense des documents comportant tous les éléments afin qu’elle puisse mener à bien ses travaux de contrôle.
M. Yves Fromion. Combien de sites sont surveillés à un instant T par les militaires ? Une cinquantaine ? Une centaine ?
M. le ministre. Si 12 000 sites sont surveillés au plan national, dont 14 % par des militaires, ce sont environ 1 700 sites surveillés par les militaires.
Pourquoi n’avons-nous pas augmenté davantage les effectifs des services du ministère de l’Intérieur, notamment de la gendarmerie ? La raison est très simple : nous avons augmenté les effectifs et du ministère de l’Intérieur et du ministère de la Défense. Ceux du ministère de l’Intérieur ont progressé de façon significative, puisque, d’ici à la fin du quinquennat, nous aurons créé 9 200 emplois dans la police et la gendarmerie – je donnais tout à l’heure le détail des chiffres au Sénat. Nous avons également décidé de stopper la déflation des effectifs du ministère de la Défense et de lui redonner des moyens. Pourquoi n’avons-nous pas consacré nos efforts au seul ministère de l’Intérieur ? Tout simplement parce que les effectifs du ministère de la Défense mobilisés pour la sécurité intérieure du pays peuvent l’être aussi sur le théâtre des opérations extérieures, dont nous ne sommes pas absents. Tout à l’heure, je constatais avec Jean-Yves Le Drian que les forces militaires mobilisées dans le cadre de l’opération Sentinelle à Roissy seraient la semaine prochaine sur des théâtres d’opérations extérieures. Les recrutements dont bénéficie le ministère de la Défense doivent lui offrir la souplesse nécessaire pour être présent à la fois à l’intérieur et à l’extérieur du territoire national ; cela ne me choque pas.
M. Yves Fromion. Il faudra donc bientôt des militaires pour remplir les missions de surveillance de ceux qui seront partis en OPEX…
M. le ministre. Sur ce sujet, nous avons raisonné à partir du contrat opérationnel des armées tel que prévu dans le cadre du Livre blanc : une capacité de mobilisation de 10 000 militaires dans le mois qui suit un événement, et de 7 000 militaires ensuite. Si nous voulons atteindre ces niveaux de mobilisation tout en assurant une fongibilité entre ceux qui sont en sécurité intérieure et ceux qui sont sur les théâtres d’opérations extérieures, il faut calibrer la diminution de la déflation à la hauteur de ce qui a été décidé par votre commission et par le Parlement au mois de juillet dernier. Vous avez alors, avec le ministre de la Défense, reconsidéré la loi de programmation militaire pour atteindre l’objectif que je viens d’indiquer.
Mme la présidente Patricia Adam. Monsieur le ministre, nous vous remercions de votre disponibilité.
La séance est levée à dix-huit heures quinze.
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Membres présents ou excusés
Présents. – Mme Patricia Adam, M. Olivier Audibert Troin, M. Daniel Boisserie, M. Jean-Jacques Bridey, M. Guy Chambefort, Mme Geneviève Fioraso, M. Philippe Folliot, M. Yves Foulon, M. Yves Fromion, M. Claude de Ganay, Mme Geneviève Gosselin-Fleury, M. Christophe Guilloteau, M. Christophe Léonard, M. Damien Meslot, M. Alain Moyne-Bressand, Mme Marie Récalde, M. Eduardo Rihan Cypel, M. Michel Voisin
Excusés. – Mme Danielle Auroi, M. Claude Bartolone, M. Philippe Briand, M. Jean-Jacques Candelier, M. Jean-David Ciot, M. David Comet, Mme Catherine Coutelle, Mme Marianne Dubois, M. Serge Grouard, M. Francis Hillmeyer, M. Éric Jalton, M. Frédéric Lefebvre, M. Bruno Le Roux, Mme Lucette Lousteau, M. Alain Marty, M. Jean-Claude Perez, M. François de Rugy, M. Stéphane Saint-André
Assistaient également à la réunion. – M. Jean-Paul Bacquet, M. Gérard Bapt, M. Jean-François Lamour
Source: Assemblée nationale