Revue de détails au comptoir du café du commerce par Bertrand Soubelet Tout ce que l’Adefdromil- Aide aux victimes se doit de dire 2ème partie de l’analyse de l’ouvrage : « Tout ce qu’il ne faut pas dire » (Renaud Marie de Brassac)

Revue de détails au comptoir du café

    du commerce par Bertrand Soubelet

Tout ce que  l’Adefdromil- Aide aux victimes se doit de dire

    2ème partie de l’analyse de l’ouvrage : « Tout ce qu’il ne faut pas dire »

 

La mésaventure politico-médiatique, c’est-à-dire le changement d’affectation, dont a été victime le général Soubelet à la suite de son intervention franche et directe (peut-être un peu trop ?) du 18 décembre 2013 devant la commission parlementaire de lutte contre l’insécurité, ne pouvait suffire à faire un livre.

D’ailleurs, en 24 pages (demi format A4), l’affaire est bouclée. La longueur du récit correspond à celle d’un rapport bien étayé proposant une mutation d’office dans l’intérêt du service pour des motifs touchant à la personne de l’intéressé…La sienne ?

A partir de la page 35, le général nous livre ses réflexions sur tel ou tel sujet à partir de dossiers qu’il a pu connaître de près ou de loin. Ce n’est franchement pas la partie la plus intéressante de son ouvrage, à l’exception de certains passages sur le droit d’association des militaires et sur les relations des hauts responsables militaires avec le pouvoir politique qui rejoignent ce qu’on peut lire dans l’ouvrage du général Desportes : « La dernière bataille de France ».

Le lecteur se voit donc resservir des poncifs lus ça et là dans des rapports officiels ou des études d’organismes privés. Il y a certes des chapitres écrits dans un style journalistique à la mode pour permettre au lecteur d’avancer. Mais le livre manque de fil directeur. Les réflexions restent le plus souvent au niveau du constat et on cherche en vain des propositions concrètes de l’homme de terrain qu’il prétend être.

Voici sous forme très synthétique ce que nous avons retenu de la lecture inintéressante de ces chapitres qui  laisse une impression de vacuité profonde, d’éparpillement de la pensée de l’auteur. Où veut-il nous emmener ?

Sécurité et Justice

Rien sur l’organisation de la gendarmerie, sur le fonctionnement des communautés de brigades, sur la nécessité de supprimer de nombreuses brigades « filles », de reconcentrer les effectifs sur des zones sensibles. C’était pourtant l’occasion de dire ce qu’il sait et ce qu’il pense puisque la couverture de son ouvrage affirme qu’il « ose la vérité ». En fait, il raconte SA vérité.

Au lieu de ce qui aurait pu être des révélations, il nous sert son opinion sur l’indépendance des juges, sur l’impunité de certains d’entre eux (lesquels ?), sur l’opportunité de maintenir des procureurs hiérarchisés, sur les erreurs de procédure, etc. Il s’insurge contre l’application du droit qui parfois protège des délinquants. Il oublie que le droit protège beaucoup plus les honnêtes gens. Il prend exemple de la suspension de l’expulsion d’une personne condamnée pour des actes liés au terrorisme (page 53) pour affirmer « qu’il est urgent de revenir à des normes acceptables et adaptées à l’état de notre société ». Quelles sont ces normes ? Il ne le précise pas. Et le lecteur reste sur sa faim.

Seul point qui ne souffre pas de critiques, mais qui est parfaitement connu : l’insuffisance capacitaire des établissements pénitentiaires français et l’insuffisance des moyens consacrés à la justice et à son fonctionnement. Dont acte !

La jeunesse

On passe allègrement de l’histoire d’un go fast à la nécessité de rétablir un service militaire universel.

La résistance aux réformes de l’Etat.

Dans ce chapitre, le général raconte sa vision de la crise des bonnets rouges, puis aborde le mouvement des chauffeurs de taxis. Il glose ensuite sur l’incapacité de l’Etat à réguler ou à maîtriser les dysfonctionnements du système sans pour autant formuler de propositions.

Les risques de la médiatisation politicienne.

Bertrand Soubelet raconte au lecteur l’affaire Leonarda, vue côté gendarmerie. Puis, il estime que les politiques privilégient la médiatisation plutôt que la défense de l’intérêt général : « Gouverner avec en permanence, le souci du coup politique, qui permet de briller ou qui compense un échec, voilà la vraie nature de l’action politique politicienne aujourd’hui ».

Mais cette sentence ne s’applique t’elle pas un peu à l’auteur, qui compense par un coup éditorial sa déconvenue et son amertume ?

Et puis, surtout, que propose t’il ?  Les médias et leur utilisation font partie intégrante de la vie d’une démocratie. Le général Soubelet en a même été victime. Alors, c’est dans l’éducation des citoyens qu’il faut chercher le remède. La stigmatisation est bien dérisoire.

Les dysfonctionnements de l’administration.

En partant des accusations infondées contre le fichage supposé des Roms par la Gendarmerie, nous avons droit à un couplet sur les imperfections de la CNIL, des autorités administratives indépendantes, qui reprend les conclusions de rapports parlementaires. Le général nous livre même ses réflexions sur l’agence des participations de l’Etat pour poser in fine le problème des concessions des autoroutes accordées à des sociétés dans lesquelles l’Etat n’a pas de participations. Et l’auteur de conclure : « Il est temps de sortir de cette ambiguïté et de faire de l’Etat un acteur averti de la vie économique. »

Heureusement qu’en prologue, le général Soubelet avait pris soin d’affirmer que « (sa) connaissance du monde politique plus importante que la plupart de (ses) pairs » lui « donne une certaine surface pour évoquer tous les sujets » abordés que « l’on pourrait considérer comme éloignés de (son) métier » ( pages 15 et 16). Ouf, on a eu peur qu’il ne sorte de ses domaines de compétence !

Syndicats et partis politiques

Après avoir mentionné l’arrêt de la CEDH du 2 octobre 2014 (Adefdromil contre France) qui a fait couler tant d’encre et de salive, parce qu’il reconnait le droit des militaires à s’associer pour défendre et préserver la condition militaire, le général se félicite des restrictions résultant du rapport Pêcheur. Puis, il se livre à une attaque en règle contre les syndicats, y compris les syndicats policiers, et les partis politiques qui vivent des subsides publics.

Conclusion : « Le fonctionnement du système de représentation pose non seulement des problèmes d’éthique mais également de légitimité (lui Soubelet, a-t-il cette légitimité?). Le message envoyé à la collectivité nationale est inexistant. Seules affleurent les miasmes nauséabonds (ce qui constitue un pléonasme, un miasme étant par définition malodorant) des luttes intestines  et des promesses de campagne. » (page 148).

Comme il le dit si bien page 133 : « Dans une démocratie, oui, le débat doit être ouvert, mais il est capital que chacun reste à sa place. » C’est sans doute ce qu’il aurait dû faire !

Gouvernance et pouvoir

Voici un chapitre encore plus inutile que les précédents. Les commentaires de Bertrand Soubelet sur les insuffisances de certains hommes politiques, sur leur pusillanimité, sur leurs faiblesses n’apportent rien. Seule la conclusion, qui consiste en une citation de Thucydide, mérite d’être retenue : « De toutes les manifestations du pouvoir, celle qui impressionne le plus les hommes, c’est la retenue ».

Que ne s’est il appliqué à lui-même cette retenue devant la commission et avant de rédiger son bouquin ? A l’école, il aurait mérité quelques heures de retenue !

Ethique et responsabilité fiscale

Il faut lutter contre la pauvreté. Il faut lutter contre l’optimisation fiscale. Il faut lutter contre la fraude aux allocations.

Les classes moyennes en ont assez de financer la justice sociale.

Et de conclure que « la recherche permanente du consensus constitue une déviance..et un poison pour la démocratie ». Rien que ça !

Fonction publique, service de la nation et vertus républicaines.

De grands mots pour narrer l’histoire du maintien de l’ordre sur le projet de barrage de Sivens et la mort accidentelle d’un manifestant. Il parle ensuite de l’honneur qui conduisit les généraux du putsch d’Alger en 1961 au déshonneur et des difficiles relations entre les politiques et les responsables militaires auxquels la société délègue la responsabilité de la défense de la nation ». Considère t’il qu’il en fait partie ? Il ne le dit pas. Mais, c’est sans grand intérêt.

Pensée dominante et liberté d’expression

La pensée dominante émane du microcosme parisien (page 216). Le général est fâché avec ceux qui « instrumentalisent les principes des droits de l’hommes et les libertés individuelles ».

Il aborde en fin de chapitre la question de la liberté d’expression, qui fait justement partie de ces libertés individuelles, dont la défense formaterait la pensée dominante..

Il en profite pour rejeter la responsabilité de sa mutation sur « la classe politique » (page 226) et de conclure qu’ « il n’y a pas de liberté de parole effective, y compris devant les élus de la nation.. ».

Il s’appuie donc sur le contenu de son intervention pour  dissimuler à lui-même son ton, son attitude, la manière de dire ses vérités, qui allaient constituer un met de choix pour les médias, véritables responsables de sa mésaventure. Après tout sans la dépêche AFP et l’article du Figaro, il serait peut-être toujours directeur de l’organisation et de l’emploi ?

Contradictions et approximations

On attendait un peu plus  de rigueur de la part d’un général qui tenait le rôle de « tour de contrôle de l’activité » de la gendarmerie.

Mais, hélas, le lecteur doit se contenter de généralités et de banalités du niveau du café du commerce. Il n’y a pratiquement pas de données chiffrées, qui auraient pu illustrer son propos.

« Le grand défi pour la gendarmerie, comme pour la police est la lutte contre la délinquance » (page 35). Voici une vraie révélation !

Plus loin, page 40, il nous dit : « le mode de fonctionnement et la mission fondamentale de la gendarmerie, c’est la surveillance des populations ».

Alors, on surveille les populations  ou on lutte contre la délinquance ?

Après avoir raconté l’arrestation d’une bande de malfrats du milieu géorgien, Il conclut : « Malgré ces faits alarmants, je pense cependant que jusqu’à aujourd’hui, le niveau d’insécurité relatif n’a pas augmenté de manière très significative depuis vingt ans, compte tenu, bien sûr, de l’augmentation de la population. En revanche, la violence qui accompagne la délinquance ainsi que le sentiment d’insécurité ont augmenté, c’est tout autre chose ».

Il n’explique pas comment sont  mesurées les augmentations de la violence et du sentiment d’insécurité.

Et les forces de l’ordre sont elles missionnées pour faire diminuer le ressenti de l’insécurité ?

La grenouille qui aurait aimé être plus grosse que le bœuf ?

« J’ai exercé des responsabilités qui me permettent de poser un regard distancié et plutôt objectif sur des questions essentielles de cohésion sociale et d’évolution socio-économique…J’ai commandé des dizaines de milliers de personnes, militaires et civils » (page 14).

Soyons sérieux. Exceptionnellement, il arrive parfois qu’un général de gendarmerie commande opérationnellement un dispositif de maintien de l’ordre pour de grands événements. Mais d’une manière générale, le commandement opérationnel dans la gendarmerie s’arrête au niveau du département dernier échelon où le chef contribue à « produire » de la sécurité. Au-delà du niveau de commandant de groupement, les responsabilités des officiers de gendarmerie sont comparables à celles des hauts fonctionnaires. Ils sont gestionnaires, contrôleurs, notateurs, rédacteurs, conseillers. Ils sont entourés de collaborateurs qui leur préparent le travail. A ce stade, il n’y a quasiment plus de risques opérationnels. La carrière est alors un long fleuve tranquille. Il suffit d’attendre et de profiter des opportunités.

Le poste de directeur des opérations et de l’emploi n’est nullement un poste opérationnel, mais un emploi d’administration centrale. Il peut être sensible sur certains sujets, lorsqu’il faut négocier avec d’autres ministères pour fixer des règles d’emploi ou d’organisation plus ou moins imposées par les demandes des employeurs de terrain : préfets, procureurs et autres. Contrairement à ce qu’a pu écrire Le Figaro, la hiérarchie de la gendarmerie ne se décline pas par numéros. En-deçà du major général qui est effectivement le numéro 2 derrière le directeur général, il n’y a ni numéro 3, numéro 4, etc.

*****

Finalement, que pensez au terme de cette lecture pénible et besogneuse ?

Comme le dit si bien L’Essor de la gendarmerie : « le livre va sans doute décevoir beaucoup de ses lecteurs ».

Nous aussi, nous avons été déçus !

Il paraît que le livre se vend bien. Le général reproche aux hommes politiques de faire des coups médiatiques. Bertrand Soubelet  ne reprochera sûrement pas à son éditeur d’avoir fait un beau coup… éditorial.

Eh oui, tout ça pour ça ! Tout ça pour 14 euros ! Au-delà de ce prix, certains acheteurs auraient pu penser qu’on leur manquait de respect.

07/04/2016

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Cet article a 2 commentaires

  1. Anonyme

    De fait tout le monde n’a pas la plume facile tel que celle du Général De Gaulle et puis franchir le Rubicon en voulant préserver sa carrière n’est pas simple non plus.Et d’ailleurs nous ne voyons point apparaître de Général Bonaparte à l’horizon à une époque où cela serait peut-être souhaitable pour remettre la France sur les rails. Mais bon, cet homme qui a été nommé en son temps général devait bien avoir quelques qualités et on ose espérer qu’il n’est pas parvenu aux étoiles par copinage ou adhésion à je ne sais quelle franc-maçonnerie à moins que des fiches…On lui sait gré cependant de n’avoir point caché sa pensée et les réalités de la sécurité à la représentation nationale, c’est bien le moins que l’on pouvait attendre d’un officier général numéro trois de la Gendarmerie Nationale.

  2. Anonyme

    Monsieur de Brassac,

    Il y a du Fouquier Tinville dans votre charge, de la condescendance et un certain mépris également. Si je reconnais avec vous les approximations et imprécisions qui émaillent d’une telle prise de parole, inédite chez un général de gendarmerie en activité, j’y vois surtout le cri d’un honnête homme, chose précieuse à notre époque.
    Et c’est bien là le malheur du cri, d’autant moins mélodieux qu’il émane des entrailles. Mais je vous en prie, sondez monsieur de Brassac, sondez aussi l’âme
    qui s’exprime et pourquoi pas changez à défaut d’opinion au moins d’encrier.

    Un anonyme par obligation.

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