Désarmement nucléaire. Attitude de la France

Question n° 61547  de  M. Braouezec Patrick (Gauche démocrate et républicaine – Seine-Saint-Denis).

Texte de la QUESTION :   

M. Patrick Braouezec interroge M. le Premier ministre sur l’adoption, le 24 septembre dernier, sur l’impulsion des Etats-Unis de la résolution n° 1887 votée à l’unanimité par le Conseil de sécurité de l’ONU. Cette résolution incite à la dénucléarisation totale des arsenaux, trente ans après la ratification du traité de non-prolifération. L’arme atomique est génocidaire par destination, donc criminogène plus que d’autres. Tant qu’on ne s’en sert pas, l’arme est moins polluante qu’une centrale nucléaire civile. Mais elle pollue autrement en s’attaquant en permanence à la représentation de la paix. Les opinions publiques se sont à juste titre périodiquement mobilisées contre ce symbole d’un génocide virtuel légitimé en tant qu’équilibre pendant la guerre froide. Le génocide virtuel dans la dissymétrie nord-sud actuelle perd la justification éthique. Pour éliminer la tendance à la prolifération, le meilleur antidote est la dénucléarisation des grands et petits pays, mais aussi la mise sous tutelle internationale des arsenaux non nucléaires modernes et de leurs capacités illimitées de destruction socio-économique. En conclusion, il aimerait savoir ce que le Gouvernement compte faire pour que la France réponde à ses obligations en appliquant la recommandation émise par le Conseil de sécurité qui est de créer les conditions pour un monde sans armes nucléaires, afin de participer pleinement à la promotion de la stabilité internationale, sur la base du principe d’une sécurité non diminuée pour tous.

Texte de la REPONSE :

L’honorable parlementaire a souhaité appeler l’attention du ministre des Affaires étrangères et européennes sur l’engagement de la France en faveur du désarmement nucléaire dans le monde, à la suite de l’adoption par le Conseil de sécurité, le 24 septembre dernier, de la résolution 1887.

La France est résolue à rechercher un monde plus sûr pour tous et à créer les conditions d’un monde sans armes nucléaires, conformément aux buts du traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP).

Elle a renouvelé cet engagement lors de l’adoption à l’unanimité, le 24 septembre dernier, de la résolution 1887 par le Conseil de sécurité, réuni au niveau des chefs d’État et de gouvernement lors du sommet sur le désarmement et la non-prolifération nucléaires.

Ce sommet a marqué l’unité et la détermination de la communauté internationale face à la menace que continue de représenter la prolifération des armes de destruction massive et de leurs vecteurs.

La résolution 1887, adoptée par les quinze chefs d’État et de gouvernement, prend la mesure de ce défi et dresse une ambitieuse feuille de route pour progresser vers un monde plus sûr : poursuite des efforts résolus de la communauté internationale pour répondre aux crises de prolifération ; renforcement des contrôles internationaux, notamment de l’AIEA ; adoption de mesures nationales fortes et concrètes de contrôle et de répression de la prolifération ; traitement par le Conseil de sécurité de tout cas de retrait du TNP ; promotion du développement responsable de l’énergie nucléaire civile dans les meilleures conditions de non-prolifération, de sécurité et de sûreté nucléaires ; engagement de sécuriser les matières fissiles vulnérables d’ici à quatre ans ; poursuite des progrès en matière de désarmement, avec notamment l’entrée en vigueur du traité d’interdiction complète des essais nucléaires (TICE), le lancement de négociations sur un traité interdisant la production de matières fissiles pour les armes nucléaires (dit cut off ) et la poursuite de la réduction des deux arsenaux les plus considérables, russe et américain.

La France, qui a participé activement à la négociation de la résolution 1887, est pleinement engagée en faveur de sa mise en œuvre.

S’agissant en particulier du désarmement, ainsi que le président de la République l’a souligné dans son discours de Cherbourg le 21 mars 2008, notre pays respecte pleinement ses obligations au titre du TNP, en particulier son article VI. Il a un bilan exemplaire et une approche claire en matière de désarmement nucléaire.

Notre engagement se traduit en actes concrets et ne se limite pas aux discours et promesses.

La France a ainsi pris des décisions irréversibles, sans équivalent de la part des autres puissances nucléaires.

Elle a été, avec le Royaume-Uni, le premier État doté d’armes nucléaires à ratifier, il y a 11 ans déjà, le traité d’interdiction complète des essais nucléaires (TICE) ; la France est le seul État à avoir démantelé tous ses missiles nucléaires sol-sol.

Elle a diminué son arsenal total et pris plusieurs mesures pour réduire les niveaux d’alerte opérationnelle de ses forces nucléaires afin qu’ils soient maintenus au niveau le plus bas possible requis pour préserver la crédibilité de la dissuasion.

Elle a cessé la production de matières fissiles en 1992 pour le plutonium et en 1996 pour l’uranium ; elle a souscrit un moratoire sur la production de matières fissiles pour les armes nucléaires ; notre pays a été le premier État à avoir décidé la fermeture et le démantèlement de ses installations de production de matières fissiles à des fins explosives ; il est le seul État à avoir démantelé, de manière transparente, son site d’essais nucléaires (site du Pacifique).

La France entend continuer de contribuer activement et de manière concrète au désarmement nucléaire, comme en témoigne l’annonce par le président de la République en 2008 d’une réduction d’un tiers de notre composante aéroportée.

Le président de la République a également consenti des gestes de transparence sans précédent, notamment en annonçant le plafond total de notre arsenal nucléaire (moins de 300 têtes nucléaires).

Cette annonce est fondamentale car les chiffres avancés par les autres États dotés, lorsqu’ils existent, ne reflètent pas la totalité de leurs arsenaux mais les seules armes « stratégiques opérationnellement déployées sur vecteurs », sans prise en compte des armes en réserve ni des armes dites tactiques.

Le chef de l’État a également décidé d’inviter des experts internationaux à venir constater le démantèlement de nos anciennes installations de production de matières fissiles militaires.

C’est ainsi que la France a organisé en 2008 et 2009 plusieurs visites de ses anciennes installations militaires de Pierrelatte et Marcoule.

C’était la première fois qu’un État doté ouvrait les portes de ses anciennes installations de production de matières fissiles pour les armes nucléaires.

La France a également souhaité convaincre ses partenaires de s’engager avec plus de détermination en faveur du désarmement nucléaire.

À Cherbourg, le président de la République a en effet souligné un principe essentiel pour la poursuite du désarmement, la réciprocité, et il a formulé des propositions ambitieuses, sur lesquelles il a appelé les puissances nucléaires à s’engager résolument d’ici à la conférence d’examen du TNP en mai 2010.

Sur la base de celles-ci, l’Union européenne a adopté, sous l’impulsion de la présidence française, un plan d’action en matière de désarmement, qui a été endossé par les 27 chefs d’État et de gouvernement lors du Conseil européen de décembre 2008.

Ce plan repose sur les initiatives suivantes : la ratification universelle du traité d’interdiction complète des essais nucléaires et l’achèvement de son régime de vérification, ainsi que le démantèlement, dès que possible, de toutes les installations d’essais nucléaires, de manière transparente et ouverte à la communauté internationale ; l’ouverture sans délai et sans préconditions de la négociation d’un traité d’interdiction de la production de matières fissiles pour les armes nucléaires, ainsi que la mise en place d’un moratoire immédiat sur la production de ces matières ; la mise au point par les puissances nucléaires de mesures de confiance et de transparence ; des progrès supplémentaires dans les discussions en cours entre les États-Unis et la Russie sur le développement d’un arrangement juridiquement contraignant post-START, ainsi qu’une réduction globale du stock mondial d’armes nucléaires, conformément à l’article VI du TNP, en particulier par les États qui possèdent les plus larges arsenaux ; la prise en compte des armes nucléaires tactiques, par les États qui en possèdent, dans les processus globaux de maîtrise des armements et de désarmement, en vue de leur réduction et de leur élimination ; l’ouverture de consultations sur un traité interdisant les missiles sol-sol de portées courte et intermédiaire ; l’adhésion et la mise en œuvre par tous du code de conduite de La Haye ; au-delà, une mobilisation dans tous les autres domaines du désarmement.

Le président de la République a fait part de ce plan d’action au secrétaire général des Nations unies dans la lettre qu’il lui a adressée le 5 décembre 2008.

Avec nos partenaires européens, nous mettons notamment l’accent sur l’entrée en vigueur du TICE, le lancement de négociation sur un traité  cut off, et la réduction des arsenaux nucléaires russe et américain, qui représentent encore près de 95 % du stock mondial d’armes nucléaires.

Nous nous félicitons que la résolution 1887 ait souligné le caractère prioritaire de ces initiatives.

Des perspectives de progrès se dessinent en ce sens ; elles sont pleines d’espoir pour la communauté internationale, notamment dans la perspective de la conférence d’examen du TNP de mai prochain, et la France s’en réjouit.

Nous espérons que toutes les autres puissances nucléaires nous rejoindront pour promouvoir et réaliser le plan d’action de l’Union européenne.

Nous ne pourrons en effet continuer à avancer sur la voie du désarmement que si la volonté de progresser est unanimement partagée.

Le régime international de non-prolifération connaîtra en mai 2010 une échéance majeure, avec la tenue de la conférence d’examen du TNP.

Comme nous y engage la résolution 1887, nous devons saisir cette occasion, pour progresser vers un monde plus sûr, permettant de remplir tous les objectifs fixés par le TNP, qu’il s’agisse de désarmement, de non-prolifération ou de l’accès aux usages pacifiques de l’énergie nucléaire.

Source : JO de l’A.N. du  12/01/2010, page 271.

 

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