Militaires ayant servi en Afrique du Nord entre juillet 1962 et juillet 1964

M. le président. La parole est à M. Gilles Lurton, pour exposer sa question, n1297, relative aux militaires ayant servi en Afrique du Nord entre juillet 1962 et juillet 1964.

M. Gilles Lurton. Monsieur le secrétaire d’État chargé des anciens combattants et de la mémoire, l’article 87 de la loi de finances pour 2015 a accordé, à partir du 1er octobre, la carte du combattant aux militaires ayant servi quatre mois ou plus dans les opérations extérieures. Je souhaite vous interroger sur la situation des militaires français ou supplétifs qui ont servi en Algérie entre le 2 juillet 1962 et le mois de juillet 1964 et j’associe à cette question mon collègue Gérard Cherpion.

Ces militaires ont défendu, hors du territoire français, les intérêts de la France et ont effectué des missions de sécurité dans un pays devenu indépendant. Ces opérations ont été menées d’un commun accord, après le cessez-le-feu, selon les dispositions déterminées par les accords d’Évian. Ils sont donc restés en territoire étranger dans un contexte dangereux pour eux. Durant cette période, 535 militaires français ont été tués ou ont disparu et une mention « mort pour la France » a été récemment attribuée à un militaire décédé le 5 juillet 1962.

Il apparaît dès lors évident qu’après l’indépendance de l’Algérie, ces forces françaises doivent être considérées comme étant en opérations extérieures – OPEX –, déployées sur un territoire étranger, conformément aux accords conclus entre les deux pays, pour assumer une mission de sécurité, avec un désengagement progressif.

Pourquoi donc l’article 87 de la loi de finances ne peut-il être appliqué à ces militaires français ou supplétifs présents en Algérie pendant quatre mois et plus à partir du 2 juillet 1962 et jusqu’en 1964 ? Le Gouvernement a-t-il l’intention de prendre des mesures visant à considérer ces militaires comme relevant des OPEX et, en conséquence, de leur appliquer les règles actuelles régissant l’attribution de la carte du combattant ?

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des anciens combattants et de la mémoire.

M. Jean-Marc Todeschini, secrétaire d’État chargé des anciens combattants et de la mémoire. Monsieur le député, vous m’interrogez sur la possibilité de considérer comme relevant des OPEX les militaires ayant servi en Algérie entre le 2 juillet 1962 et juillet 1964.

Permettez-moi tout d’abord de rappeler que la fin de la guerre d’Algérie est communément fixée au 2 juillet 1962. Cette date est également retenue depuis 1974 comme limite chronologique pour l’attribution de la carte du combattant au titre des opérations dites de « maintien de l’ordre » en Afrique du Nord. Comme vous le savez, il a fallu attendre 1999 et le gouvernement de Lionel Jospin pour qualifier de « guerre » ce que l’on nommait jusqu’alors pudiquement les « événements d’Algérie ».

Depuis lors, de nombreux droits ont été engagés afin de reconnaître le sacrifice de nos soldats. Je pense notamment à la mise en œuvre par mon prédécesseur, Kader Arif, de la carte dite « à cheval », qui permet de bénéficier de la carte du combattant dès lors que l’on a cumulé quatre mois de présence sur le théâtre d’opérations en Algérie, dont au moins un jour avant le 2 juillet 1962. Dix mille personnes furent concernées par cette mesure adoptée en loi de finance initiale pour 2014.

Pour revenir plus précisément sur votre interrogation, si les premières semaines de l’indépendance algérienne ont été marquées par une insécurité réelle sur le terrain, le facteur d’insécurité n’a jamais été retenu comme justifiant l’ouverture du droit à la carte du combattant.

Au-delà du coût très élevé d’une telle mesure, il n’est tout simplement pas envisageable, symboliquement, de considérer que la guerre d’Algérie se soit poursuivie au-delà de cette date charnière du 2 juillet 1962, ni qu’une opération extérieure lui ait succédé.

J’ajouterai pour mémoire que les personnes ayant séjourné en Algérie à partir du 2 juillet 1962 et jusqu’au 1erjuillet 1964 peuvent en revanche bénéficier du titre de reconnaissance de la nation, le TRN, sur le critère d’une présence de trois mois au moins.

Soyez en tout cas assuré, monsieur le député, que le Gouvernement est mobilisé pour garantir les droits et la reconnaissance des militaires d’hier, d’aujourd’hui et de demain. C’est le cas sur ce sujet, à propos duquel je sais que vous êtes interpellé, comme je le suis moi-même. Il n’est toutefois pas envisagé, pour l’heure, de modifier ce dispositif, car je ne vois pas comment cela pourrait être soutenable juridiquement.

M. le président. La parole est à M. Gilles Lurton.

M. Gilles Lurton. Monsieur le secrétaire d’État, j’entends bien votre argumentation, notamment pour ce qui concerne la date du 2 juillet 1962, communément admise comme étant celle de la fin de la guerre d’Algérie.

Cependant, toutes les personnes restées en Algérie jusqu’au qu’au mois de juillet 1964 sont des soldats en opérations extérieures, qui ont été privés durant toute cette période d’une vie normale, privés parfois de leur famille et des libertés essentielles dont nous pouvons jouir tous les jours, et qui se sont trouvés sur des terrains d’opération d’une très grande insécurité, parfois même au péril de leur vie – j’ai en effet rappelé que 535 d’entre eux sont décédés.

Le Gouvernement s’honorerait donc en élargissant la possibilité d’attribuer la carte du combattant à ceux qui sont restés au moins quatre mois.

Source: Compte rendu intégral Première séance du jeudi 18 février 2016 Assemblée nationale.

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  1. Anonyme

    Bonjour,
    535, militaires tués en Algérie entre 1962 et 1964 est la version officielle mais en réalité, le nombre est beaucoup plus important car il faut ajouter ceux qui sont portés disparus dont nous restons sans nouvelle encore à ce jour. La situation à cette époque était vraiment instable et dangereuse car il y avait la discorde entre le FLN et l’ANL et nous dévions maintenir l’ordre au beau milieu de cette mascarade, maintenir l’ordre certes mais sans pouvoir se défendre en cas d’attaque et elles ne manquaient pas, certaines étaient mesquines et inattendues, ces braves gens n’aimaient pas que l’on vienne intervenir dans leurs règlements de comptes. je suis bien placé pour en parler car j’y étais. Malgré cela depuis le départ des derniers militaires Français d’Algérie, tous les gouvernements successifs refusent d’attribuer la carte du combattant, ce n’est vraiment pas en leur honneur. Envoyer des jeunes dans un pays instable et dangereux au risque d’y perdre la vie et ne pas vouloir en assumer la responsabilité est immoral et scandaleux mais il est vrai que chez nous c’est coutumier, j’ai vécu la même situation en Afrique Noire. Attribuer cette reconnaissance engage l’état à verser la pension qui va avec c’est bien là le problème. Pour cela il n’y a pas de budget semble t-il mais de qui se moque ton quand voit les sommes colossales gaspillées dans des futilités complètement inutiles et aberrantes, on se demande vraiment si nous sommes pas pris pour des demeurés, je le crois d’ailleurs.
    Si je me permets d’écrire ce commentaire ce n’est pas pour moi spécialement mais pour la mémoire de tous ces jeunes tués ou disparus entre 1962 et 1964, les gouvernements n’ont vraiment pas à être fiers de leur comportement et de leur irresponsabilité. J’ose encore espérer que ce litige qui n’a que trop durer va se résoudre rapidement sans encore se perdre dans des palabres contradictoires et inutiles. Ce problème aurait du être régler de puis bien des années mais en France on a pour habitude de laisser traîner les choses qui gênent dans l’espoir de fatiguer et de décourager les intéressés avec le temps c’est bien connu.

    J.TURCHET

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