Le juge des référés du Conseil d’État refuse de suspendre l’état d’urgence ou d’ordonner au Président de la République d’y mettre fin.
L’essentiel
La Ligue des droits de l’homme (LDH) a demandé au juge des référés du Conseil d’État :
- de suspendre lui-même l’état d’urgence,
- à défaut, d’ordonner au Président de la République d’y mettre fin.
S’agissant de la demande de suspension, le juge des référés rappelle que c’est la loi qui a décidé de proroger l’état d’urgence. Il ne peut donc pas le suspendre lui-même (1).
S’agissant de la demande d’injonction au Président de la République, le juge des référés estime que le péril imminent justifiant l’état d’urgence n’a pas disparu compte tenu du maintien de la menace terroriste et du risque d’attentats. Il refuse donc de prononcer les injonctions demandées (2).
La décision du juge des référés
1. Demande de suspension de la déclaration de l’état d’urgence
Le juge des référés du Conseil d’État constate que l’état d’urgence ne résulte plus du décret du 14 novembre 2015 mais de la loi du 20 novembre 2015. Ainsi, l’acte de déclaration ne peut plus être contesté devant le juge administratif. La demande des requérants revenait à ce que le juge des référés ordonne la suspension de l’application de la loi. La conformité de la loi à la Constitution ne peut être mise en cause devant le juge administratif qu’au travers d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC). En l’absence d’une telle question, le juge des référés du Conseil d’État constate que la loi du 20 novembre 2015 fait obstacle à ce qu’il prononce lui-même la suspension totale ou partielle de l’état d’urgence.
2. Demande d’injonction au Président de la République
Le juge des référés rappelle que le Président de la République dispose d’un large pouvoir d’appréciation pour faire ou non usage de sa faculté de mettre fin de façon anticipée à l’état d’urgence. Il souligne qu’il doit tenir compte de ce large pouvoir d’appréciation pour examiner la demande d’injonction mais qu’il lui appartient sur ce point d’exercer un contrôle.
Le juge des référés estime que le péril imminent qui a conduit, à la suite d’attentats d’une nature et d’une gravité exceptionnelles, à déclarer l’état d’urgence n’a pas disparu. Il observe que des attentats se sont répétés depuis cette date à l’étranger et que plusieurs tentatives d’attentat visant la France ont été déjouées. La France est en outre engagée dans des opérations militaires extérieures de grande envergure qui visent à frapper les bases à partir desquelles les opérations terroristes sont préparées, organisées et financées. Par ailleurs, le juge des référés estime qu’il n’est pas possible, en l’état actuel de la situation, de traiter différemment les différentes mesures prévues par l’état d’urgence.
Dans ces conditions, le juge des référés du Conseil d’État estime que la décision du Président de la République de ne pas mettre fin à l’état d’urgence ne porte pas d’atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale. Il rejette donc la requête.
Les faits et la procédure
Après les attentats commis à Paris le 13 novembre dernier, l’état d’urgence prévu par la loi du 3 avril 1955 a été déclaré par le décret 14 novembre 2015. Il a été prorogé, pour une durée de trois mois à compter du 26 novembre, par la loi du 20 novembre 2015. Le régime de l’état d’urgence donne aux autorités administratives des pouvoirs particuliers : assignations à résidence, fermeture provisoire de lieux de réunion, interdiction de réunions de nature à provoquer des désordres, perquisitions décidées par les autorités administratives.
La loi du 20 novembre 2015 qui a prorogé l’état d’urgence pour trois mois a également prévu, par son article 3, que le président de la République peut mettre fin, à tout moment, à l’état d’urgence avant l’expiration de ce délai, par décret en conseil des ministres.
La Ligue des droits de l’homme et deux autres personnes avaient demandé au juge du référé-liberté du Conseil d’État de suspendre totalement ou partiellement l’état d’urgence ou, à défaut, d’enjoindre au Président de la République de procéder à cette suspension ou, a minima, de réexaminer la question du maintien de l’état d’urgence.
La procédure du référé-liberté, prévue par l’article L. 521-2 du code de justice administrative, permet au juge d’ordonner, dans un délai de quarante-huit heures, toutes les mesures nécessaires à la sauvegarde d’une liberté fondamentale à laquelle une administration aurait porté une atteinte grave et manifestement illégale. Pour obtenir satisfaction, le requérant doit justifier d’une situation d’urgence qui nécessite que le juge intervienne dans les quarante-huit heures.
Source: Conseil d’Etat.