Transports aériens: mise en oeuvre ciel unique européen.

Question écrite N° 76821 de M. François Cornut-Gentille (Les Républicains – Haute-Marne )
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Texte de la question
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M. François Cornut-Gentille interroge M. le ministre de la défense sur le ciel unique européen.
Organisation complexe par ses enjeux et ses procédures de mise en œuvre, le ciel unique européen concerne les secteurs civils et militaires qui doivent se partager un espace de plus en plus encombré.
Dans cet espace, la France occupe une place originale par l’importance et les besoins spécifiques de son armée de l’air.
Or les exigences civiles de l’espace aérien prédominent au niveau européen.
Aussi, il lui demande de préciser les mesures et actions à la disposition de la France pour garantir l’usage de son espace aérien par ses forces aériennes dans le cadre du ciel unique européen..
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Texte de la réponse
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Le Ciel unique européen (CUE), ambitieux projet de modernisation du contrôle aérien et de défragmentation de l’espace aérien de l’Union européenne (UE), fait partie d’un programme global de modernisation du système de gestion du trafic aérien civil.
Les avancées technologiques de dernière génération, déjà matures ou en phase de développement, dont la navigation par satellites, adossées à un cadre réglementaire visant à intégrer progressivement ces nouveaux outils, ont ainsi vocation à modifier profondément la gestion du trafic aérien.
Dans ce contexte, la cohabitation entre les activités civiles et militaires doit pouvoir continuer à répondre aux intérêts de tous dans un espace aérien unique.
Le développement du CUE impliquera par conséquent certaines adaptations de l’activité militaire : nouvelles conditions d’accès à la circulation aérienne générale (CAG), gestion réaménagée des espaces aériens, interopérabilité de certains équipements et procédures, évolution de la formation des contrôleurs militaires vis-à-vis de la CAG… Pour la France, l’enjeu est donc de permettre à nos forces aériennes de continuer à réaliser leurs missions sur le territoire national (police du ciel en particulier), à se rendre sur les théâtres d’opérations extérieurs et à s’entraîner de manière optimale, dans des conditions d’utilisation de l’espace aérien combinant efficience, efficacité opérationnelle et sécurité aéronautique.
Dans cette perspective, le ministère de la défense, conscient des enjeux de défense associés au développement du CUE, s’est mobilisé très tôt afin de faire valoir l’importance de la préservation des intérêts et des besoins aériens militaires spécifiques à notre défense, tant à l’échelon national qu’européen.
S’agissant des mesures prises à l’échelon national, le ministère de la défense a mis en place une gouvernance chargée d’élaborer une stratégie d’utilisation de l’espace aérien militaire compatible avec le CUE, fédérant les volets opérationnel, programmatique, réglementaire et d’influence.
En outre, afin de permettre à la France d’appréhender les multiples aspects et enjeux du CUE, une coordination instaurée entre le ministère de la défense et celui de l’écologie, du développement durable et de l’énergie permet d’intervenir au sein des instances européennes sur l’ensemble des domaines concernés par le développement du CUE.
De plus, les questions liées au projet « CUE » sont abordées au sein du Directoire de l’espace aérien.
Créée en 2005 et coprésidée par le directeur du transport aérien et le directeur de la circulation aérienne militaire, cette instance veille notamment à la concertation et à la coordination des positions militaire et civile dans le domaine de l’organisation et de l’utilisation de l’espace aérien français.
Par ailleurs, après l’adoption par l’UE des paquets législatifs « Ciel unique I » en 2004(1) et « Ciel unique II » en 2009(2), dotant l’UE d’un cadre commun en matière de navigation aérienne, la France, l’Allemagne, le Luxembourg, les Pays bas, la Belgique et la Suisse ont signé, le 2 décembre 2010, le traité FABEC (Functional Airspace Block Europe Central) organisant l’espace aérien et la gestion du trafic dans la zone partagée par ces six États membres.
En 2011, un accord-cadre pour les années 2011 à 2015, rédigé par le ministère de la défense et le ministère de l’écologie, du développement durable et de l’énergie (réunissant notamment la direction du transport aérien et la direction de la circulation aérienne militaire), a permis de donner un cadre à la définition des orientations stratégiques pluriannuelles françaises vis-à-vis de l’augmentation du trafic aérien ; de l’évolution des systèmes d’armes militaires ; des impératifs d’évolution des systèmes civils et militaires de gestion du trafic ; et de la mise en oeuvre d’un plan de performance à l’échelle nationale dans le cadre du traité FABEC et du CUE.
A ce titre, l’accord-cadre qui sera signé pour la période 2016-2020, veillera à réaffirmer le principe de souveraineté de la France sur son espace aérien et à garantir la liberté d’action des forces aériennes françaises qui y évoluent.
A l’échelon européen, la mobilisation – sur initiative française – des chefs d’état-major d’armées européens a permis de faciliter la prise de conscience commune de leurs intérêts et de présenter, si nécessaire, un front uni pour la préservation d’un espace aérien adapté aux besoins militaires.
D’autre part, l’Agence européenne de défense a reçu mandat des vingt-six ministres européens de la défense pour faciliter la coordination de leurs vues et ainsi agir en qualité d’interface auprès des instances européennes pour défendre leurs objectifs opérationnels.
Enfin, l’installation à Bruxelles de représentants militaires permanents français permet de porter nos positions militaires lors des travaux menés sous l’égide de la Commission européenne dans le cadre du projet « CUE ». Le règlement-cadre n° 549/2004 du 10 mars 2004 du Parlement européen et du Conseil fixant le cadre pour la réalisation du CUE dispose dans son article 1.2 que « l’application du présent règlement ne porte pas atteinte à la souveraineté des États membres sur leur espace aérien ni aux besoins des États membres en ce qui concerne les questions d’ordre public, de sécurité publique et de défense.
Le présent règlement et les mesures visées à l’article 3 ne s’appliquent pas aux opérations et à l’entraînement militaires ».
Aussi, si la législation européenne en matière d’utilisation de l’espace aérien maintient le principe de souveraineté de chaque État sur son espace national, en excluant de son champ d’application les activités militaires, celle-ci pose toutefois le principe d’une coopération étroite entre civils et militaires au sein du CUE.
Une déclaration conjointe des États européens, annexée au règlement-cadre, introduit en effet ce principe fondé pour l’essentiel sur l’utilisation flexible de l’espace aérien et une coordination efficace entre les autorités civiles et militaires.
Ce principe de coopération étroite est déjà appliqué par les six États signataires du traité FABEC qui se sont engagés à accroître la capacité, l’efficacité et l’efficience du système de gestion du trafic aérien dans leur espace aérien commun, tout en prenant en compte l’objectif d’efficacité des missions militaires qui y sont menées.
Ainsi, en respectant le principe de souveraineté et les compétences des États en matière de sûreté et d’intérêts militaires, et en assurant aux autorités militaires un niveau de représentativité adéquat au sein de son instance décisionnelle, le traité FABEC a posé, dès 2010, les principes devant régir la coopération civile et militaire au sein du projet « CUE ».
Ainsi, la complémentarité des dispositifs adoptés à ce jour par la France, le FABEC et l’UE, dans le cadre du développement du CUE, permettent de tenir compte à la fois des perspectives de croissance du trafic aérien civil et des outils nécessaires à son développement, mais aussi des besoins militaires et, en particulier, de l’évolution des systèmes d’arme à portée de tir allongée (incluant les besoins d’entraînement associés), et l’évolution des systèmes militaires de gestion du trafic aérien et des espaces exploités par les armées.
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(1) Quatre règlements européens ayant respectivement pour objet : la réalisation du CUE ; les services de navigation aérienne ; l’organisation et utilisation de l’espace aérien ; l’interopérabilité du réseau européen de gestion du trafic aérien.
(2) Un règlement unique ayant pour objet l’accroissement des performances et de la viabilité du système aéronautique européen
Au format pdf: https://www.adefdromil.org/wp-content/uploads/2015/06/article_4620-1-1.pdf
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Source:  JO du 13/10/2015 page : 7742

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