Question écrite n° 14667 de M. Cédric Perrin (Territoire de Belfort – UMP) publiée dans le JO Sénat du 29/01/2015 – page 191
M. Cédric Perrin interroge Mme la garde des sceaux, ministre de la justice sur le droit de garde des pères célibataires.
Alors que les demandes de divorce connaissent une augmentation croissante depuis les années 1970, seulement 20 % des divorces se terminent par une garde alternée et 72,1 % par une garde accordée à la mère uniquement.
La justice française se doit d’être en adéquation avec l’évolution des mœurs de notre société et d’évoluer vers plus d’équité, afin que l’enfant puisse vivre autant auprès de son père que de sa mère.
Or, le droit de visite et d’hébergement des pères est trop souvent limité, sous couvert de l’intérêt de l’enfant, et le divorce constitue une réelle inégalité de traitement entre hommes et femmes.
C’est pourquoi il souhaiterait savoir ce que propose le Gouvernement pour faciliter l’exercice d’une justice plus égalitaire dans notre pays sur ce sujet.
Réponse du Ministère de la justice publiée dans le JO Sénat du 24/12/2015 – page 3606
Afin de disposer d’une analyse précise sur la résidence des enfants dont les parents sont séparés, la Chancellerie a initié, au cours du mois de juin 2012, une étude portant sur l’ensemble des décisions rendues par tous les juges aux affaires familiales sur une période de quinze jours.
Cette étude, effectuée à partir de 6042 décisions et publiée au mois de novembre 2013, laisse apparaître que, dans 80 % des situations, les parents sont en accord sur la résidence des enfants, dans 10 % ils sont en désaccord et dans 10 % des cas, l’un des deux parents ne forme aucune demande.
S’agissant des parents qui sont d’accord sur la résidence, ils demandent pour 71 % des enfants, une résidence chez la mère, pour 10 % une résidence chez le père et pour 19 % une résidence alternée.
Parmi les 10 % de situations où les parents sont en désaccord, les juges fixent pour 63,1 % des enfants une résidence chez la mère, pour 24,4 % une résidence chez le père, pour 12,3 % une résidence alternée et pour 0,2 % une résidence chez un tiers.
Compte tenu du nombre très important de parents en accord dans l’ensemble des parents ayant fait une demande relative à la résidence de l’enfant, les décisions prononcées par les juges reflètent très largement le choix établi en commun par ces parents.
Ainsi, la résidence chez la mère est plus fréquemment prononcée par le juge, ce mode de résidence étant le plus demandé par les parents séparés.
S’agissant plus particulièrement de la résidence alternée, l’étude laisse apparaître, toutes décisions confondues, que les juges ont prononcé une résidence alternée pour 17 % des enfants.
Pour les seules procédures de divorce, l’exploitation du répertoire général civil montre que la part d’enfants mineurs pour lesquels une résidence alternée a été prononcée est passée de 11,5 % en 2004 à 22,8 % en 2013.
La proportion d’enfants pour lesquels une résidence alternée est prononcée est plus importante dans les procédures de divorce en raison du nombre important de divorces par consentement mutuel dans lesquels la résidence alternée est plus fréquemment choisie par les parents.
Lorsque les parents sont en désaccord, l’étude précitée montre que la résidence alternée est prononcée pour 12 % des enfants.
Le taux de rejet de la résidence alternée est de 75 % lorsque le père la demande et la mère la refuse et de 60 % lorsque la mère la demande et le père la refuse.
Le taux de rejet de la résidence alternée est donc relativement important en cas de désaccord entre les parents, quelle que soit l’origine de la demande.
Il ressort donc de l’étude précitée que le principal frein au développement de la résidence alternée provient du choix des parents qui la demandent peu.
En tout état de cause, le seul critère qui doit être retenu pour la fixation des modalités d’exercice de l’autorité parentale est celui de l’intérêt de l’enfant dont l’appréciation ne peut se faire de manière abstraite sur la base de critères contraignants, voire automatiques, pour le juge ou les parties. L’âge de l’enfant, sa maturité, son histoire familiale, ses conditions de vie chez ses parents, les capacités éducatives de ces derniers, leur aptitude à assumer leurs devoirs et respecter les droits de l’autre, sont autant d’éléments qui doivent être pris en compte pour apprécier l’intérêt de l’enfant et dégager la solution la plus adaptée à ses besoins spécifiques.
Tout en maintenant le pouvoir d’appréciation du juge afin qu’il statue en fonction des éléments particuliers et concrets de chaque situation familiale et ce, dans l’intérêt de l’enfant, la proposition de loi n° 1856 relative à l’autorité parentale et à l’intérêt de l’enfant, adoptée en première lecture par l’Assemblée nationale le 27 juin 2014, modifie les règles relatives à la fixation de la résidence de l’enfant en prévoyant qu’elle est fixée au domicile des deux parents selon les modalités déterminées d’un commun accord par les parents ou, à défaut, par le juge.
Sans imposer de résidence alternée paritaire, il est proposé que l’enfant bénéficie d’un double rattachement au domicile de chacun des parents.
Le rythme et la durée des séjours de l’enfant chez chacun de ses parents resteront déterminés par les parents ou, en cas de désaccord, par le juge, conformément à son intérêt.
La rédaction proposée permet, sans imposer de règle prédéterminée, de valoriser la place des deux parents en supprimant le terme de « droits de visite et d’hébergement » qui est souvent mal vécu par le parent qui en bénéficie.
L’ensemble de ces propositions doit désormais être examiné par le Sénat et la chancellerie sera attentive au maintien d’un équilibre afin de garantir la coparentalité.
Source: JO Sénat du 24/12/2015 – page 3606