Rwanda : les documents qui accusent la France

À l’époque des faits, l’armée française est déployée au Rwanda dans le cadre de l’opération « Turquoise » censée mettre fin aux massacres. L’état-major militaire a toujours affirmé qu’il ignorait qu’un massacre de Tutsis était en cours en Bisesero, à partir du 27 juin 1994. Une version démentie par un document révélé par France Inter et Médiapart. 27 juin 94 : une alerte transmise en temps réel.

Officiellement, pour l’état-major militaire français, les Tutsis pourchassés par les génocidaires hutus sur les collines de Bisesero n’ont été découverts, fortuitement, que le 30 juin 1994.

 

Pourtant, trois jours plus tôt, le 27 juin 1994, à 14 h 38, un document transmis par le bureau « renseignement » français du poste de commandement interarmées de théâtre (PCIAT) à Goma (République démocratique du Congo) au ministère de la Défense, à Paris lance clairement l’alerte.

 

27 juin 94 : une alerte transmise en temps réel

Ce document déclassifié dit clairement que des civils Tutsis sont menacés par des miliciens hutus, sur les collines de Bisesero, dans la région de Gisovu, à l’ouest du Rwanda,

Voici ce qu’on peut lire dans ce document :

En zone gouvernementale : le 27 [juin] vers 11 heures, un élément fort d’une centaine de miliciens armés encadré par des militaires a attaqué une colline dans la région de Gisovu (25 [kilomètres au] sud de Kibuye) ; 200 Tutsi, originaires de la commune, étaient regroupés dans le secteur et faisaient l’objet de menace de la part des Hutu.

Ce document transmis à Paris fait suite à la découverte, quasiment au même moment, par des militaires français du COS (Commandement des opérations spéciales) de centaines de rescapés Tutsis pourchassés par des tueurs hutus sur les collines de Bisesero.

Plusieurs milliers de Tutsis s’étaient réfugiés dans les montagnes de Bisesero, depuis le début du génocide.

 

C’est imprimé dans ma mémoire

A la tête du groupement de militaires qui découvre les rescapés tutsis se trouve le lieutenant-colonelJean-Rémi Duval (alias « Diego »), membre des commandos parachutistes de l’Air.

Devant le juge d’instruction Claude Choquet, qui enquête sur ces accusations de « complicité de génocide », le lieutenant-colonel Duval explique qu’il informe immédiatement sa hiérarchie (c’est à dire le colonel Jacques Rosier, patron du Commandement des opérations spéciales) de ce qu’il a vu sur place.

Il le prévient par téléphone, puis par fax, dès son retour dans la ville de Kibuye, en fin de journée.

 Je rends compte à Rosier de ce qu’on a vu, affirme le lieutenant-colonel Duval. Je lui dis verbalement ce que j’écris ensuite dans le fax. Je lui demande l’autorisation d’y retourner le lendemain avec un effectif supérieur et des renforts en hommes et en matériel, qu’il est censé me fournir. Il me répond non.

Selon le lieutenant-colonel Duval, son supérieur hiérarchique, le colonel Rosier,  justifie son refus d’intervenir à Bisesero par la nécessité d’évacuer des religieuses le lendemain, et de préparer la venue sur place, le 29 juin, du ministre de la Défense, François Léotard.

« Pourquoi téléphonez-vous [au colonel Rosier]? » insiste le magistrat instructeur au lieutenant-colonel Duval.

« – Parce que ça me semble urgent, répond-il. Je suis revenu [de Bisesero] un peu bouleversé et ému. Il faut que cette situation soit énoncée tout de suite. (…) J’ai ensuite rendu compte par fax. (…) On ne peut pas déroger au compte-rendu quotidien de situation. C’est obligatoire. »

 

 

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