Présidence de M. Claude Bartolone
M. le président. La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à quinze heures.)
Questions au Gouvernement
M. le président. L’ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.
Annonces du Président de la République au Congrès
M. le président. La parole est à Mme Barbara Pompili, pour le groupe écologiste.
Mme Barbara Pompili. Je sais exprimer le sentiment de l’ensemble de cet hémicycle en disant que nos pensées vont vers les victimes des attentats de vendredi : les victimes assassinées, celles qui luttent pour leur vie, celles qui souffrent de blessures physiques ou psychologiques, celles qui sont confrontées à une absence inacceptable, avec laquelle il leur faudra vivre à jamais.
Monsieur le Premier ministre, le Président de la République a annoncé hier des mesures à la hauteur de l’attaque perpétrée vendredi soir. Il a tracé des perspectives pour répondre concrètement et collectivement, sur la scène internationale, sur les plans diplomatique et militaire, aux défis de Daech et pour combattre à la source le mouvement terroriste en Syrie.
Il a également annoncé des mesures permettant de rehausser encore les dispositifs de sécurité et d’adapter notre droit à la réalité de la menace que fait peser la guerre menée par Daech et à laquelle il nous faut faire face.
La décision d’instaurer l’état d’urgence, prise vendredi soir par le Gouvernement, apporte utilement, de manière provisoire, les réponses adaptées à l’imminence du risque.
Le Gouvernement trouvera jeudi des soutiens dans les rangs écologistes afin de prolonger pour trois mois cet état d’exception.
Pendant ces trois mois, le Parlement aura à examiner des propositions qui visent, elles, à fixer un cadre légal, mais aussi budgétaire, rénové et pérenne, adapté au péril terroriste : réforme constitutionnelle, modifications de la procédure pénale, nouvelle affectation de moyens aux services concernés par la lutte antiterroriste.
Ces modifications nécessaires rencontreront d’autant plus le soutien et l’unité du pays qu’elles seront élaborées dans le respect scrupuleux de la procédure démocratique, qui permet de légiférer avec le sang-froid indispensable à une telle responsabilité. Nous serons ainsi collectivement à la hauteur de l’exigence démocratique qui fait la force de notre République.
Ma question est donc simple : pouvez-vous nous éclairer sur le calendrier et les dispositions envisagés par le Gouvernement pour mener à bien ces réformes ? (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste et sur quelques bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Manuel Valls, Premier ministre. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, madame la députée, permettez-moi d’abord de saluer l’ensemble des interventions prononcées hier à Versailles, à l’occasion de la réunion du Parlement en Congrès pour entendre le chef de l’État et les présidents de l’ensemble des groupes parlementaires. Je suis resté jusqu’à la fin du débat – et c’est bien normal : c’est ma mission – pour entendre l’ensemble des propositions des groupes, qui représentent non seulement les deux assemblées, mais aussi, comme l’a rappelé le Président de la République, la nation.
Je n’y reviendrai pas dans le détail. Plusieurs questions me permettront ou permettront aux ministres concernés de revenir sur tel ou tel aspect. Mais il faut aller vite. Il faut aller vite, pour répondre à l’attente et à l’exigence des Français. Il faut aller vite, parce que les Français, et c’est normal, posent des questions et attendent un engagement – pas seulement de l’exécutif, mais de l’ensemble de la représentation nationale. Il faut aller vite, parce que les proches et les familles des victimes, qui sont dans une profonde souffrance, attendent une riposte à la hauteur de l’attaque que nous avons subie.
Le Président de la République a rappelé quels étaient les axes de cette réponse, d’abord sur le plan diplomatique, à travers les initiatives, qu’il a lui-même détaillées, qui seront prises dans les tout prochains jours, à savoir une résolution du Conseil de sécurité, mais surtout des rencontres importantes avec le président russe et le président américain. Chaque pays est aujourd’hui mis devant ses responsabilités, et s’il y a un changement qui s’est imposé, ce n’est pas celui de la diplomatie française, mais le changement lié – très directement – à ce qui s’est passé en France, à Paris, vendredi dernier : c’est cela, je me permets de le rappeler, qui est en train de faire bouger les lignes.
C’est le choix, bien sûr, de continuer à renforcer notre appareil de sécurité, les moyens donnés à la police, à la gendarmerie, à nos services de renseignement, à la justice, à l’administration pénitentiaire. C’est aussi le choix d’évolutions juridiques.
J’aurai l’occasion de m’exprimer jeudi matin, en présentant avec Bernard Cazeneuve le projet de loi prorogeant l’état d’urgence, avec les modifications qui s’imposent, car la loi qui le régit date de 1955. J’en appelle, comme le Président de la République, à la responsabilité de tous pour que ce texte puisse être adopté dans les meilleurs délais : ces dispositions sont indispensables pour l’action de nos forces de sécurité.
Enfin, nous engagerons une révision de la Constitution, sur la base des propositions faites par le Président de la République…
M. Philippe Vitel. C’est inutile !
M. Manuel Valls, Premier ministre. …à la fois parce qu’il faut intégrer un nouvel état de sécurité pour notre pays et parce que des réformes constitutionnelles s’imposent si nous voulons aller plus loin en ce qui concerne la déchéance de nationalité ou le retour d’un certain nombre de terroristes ; et sans doute y aura-t-il d’autres propositions.
J’aurai l’occasion de consulter l’ensemble des groupes et les présidents des deux assemblées sur le calendrier. Mais là aussi, nous devons aller vite, notamment dans le délai des trois mois de l’état d’urgence, qui sera, je l’espère, mis en œuvre d’ici la fin de la semaine. Quoi qu’il en soit, vous pouvez compter sur la volonté du Gouvernement d’associer étroitement le Parlement. Dans ces moments-là, où nous devons prendre des dispositifs exceptionnels, vous représentez la démocratie, vous représentez les droits fondamentaux du Parlement, et nous les respecterons pleinement ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et du groupe écologiste et sur quelques bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Europe de la défense
M. le président. La parole est à M. Stéphane Demilly, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.
M. Stéphane Demilly. Monsieur le Premier ministre, dans la nuit de vendredi à samedi, la France a connu l’horreur : l’horreur dans sa capitale, dans des quartiers où la vie, la fête et la jeunesse s’épanouissent dans tout ce qu’il y a de plus beau. La France a été frappée au cœur dans des lieux symboles de sa vitalité et de sa diversité culturelle et sociale. Notre groupe rend hommage aux victimes et s’associe naturellement à l’union nationale.
Ce drame appelle notre responsabilité collective. Il ne s’agit pas ici de se rejeter la faute, de se lancer dans une compétition de propositions miracle : ce serait indécent. Il s’agit d’apporter des réponses réalistes pour protéger les Françaises et les Français. Les premières propositions vont dans ce sens, monsieur le Premier ministre, mais il faut aller plus loin. Aux conflits armés qui se tiennent aux portes de l’Europe, nous devons apporter une réponse européenne. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union des démocrates et sur quelques bancs du groupe Les Républicains.)Comme l’a rappelé hier le président Vigier, le groupe UDI est convaincu qu’il faut mutualiser les moyens de la défense au niveau européen. Ce n’est qu’à cette condition que le pacte de sécurité pourra rimer avec le pacte de stabilité. La France ne peut plus agir seule, comme elle le fait actuellement en Centrafrique et au Mali.
Naturellement, la grande idée d’une Europe de la défense soulève de nombreuses questions, et j’entends déjà les conservatismes s’exprimer. Mais face à un ennemi nouveau, nous devons apporter des réponses nouvelles et collectives. Jean Monnet déclarait : « Ce qui est important, ce n’est ni d’être optimiste, ni d’être pessimiste, mais d’être déterminé. » Monsieur le Premier ministre, êtes-vous déterminé à prendre le leadership de cette Europe de la défense ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de la défense.
M. Jean-Yves Le Drian, ministre de la défense. Monsieur Demilly, vous avez raison, à ce moment de notre histoire, d’invoquer la nécessité du renforcement de l’Europe de la défense.
M. Pierre Lellouche. Combien de divisions ?
M. Jean-Yves Le Drian, ministre. C’est ce que j’ai fait, de mon côté, ce matin, à la réunion des ministres de la défense de l’Union européenne, qui m’ont fait part de leur solidarité et de leur émotion. Par ailleurs, comme cela a été indiqué par le Président de la République hier, je les ai également saisis au titre de l’article 42, point 7 du traité de Lisbonne, eu égard à la catastrophe que nous avons vécue. Chacun des pays membres a soutenu ma proposition. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et du groupe écologiste.) Une avancée est donc en cours tant sur le plan politique qu’en termes d’efficacité.
M. Pierre Lellouche. C’est une blague !
M. Jean-Yves Le Drian, ministre. J’aurai l’occasion d’en reparler prochainement.
Par ailleurs, la réunion des ministres de la défense a permis de progresser sur le plan du partage et de la mutualisation concernant trois opérations lancées à l’initiative de la France, qu’elle conduit actuellement, en particulier au Mali et en République Centrafricaine. On assiste, je crois, à un saut qualitatif, mais ce n’est que le début d’un renforcement qu’il nous faudra poursuivre avec votre soutien. La France sera à l’initiative et, j’en suis convaincu, l’Europe sera au rendez-vous. (Applaudissements sur les bancs des groupes socialiste, républicain et citoyen et sur quelques bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.)
M. Paul Molac. Très bien !
Mobilisation du peuple français
M. le président. La parole est à M. Jean Glavany, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
M. Jean Glavany. Notre pays est en guerre. Le Président de la République nous l’a dit hier. Monsieur le Premier ministre, vous l’avez affirmé à de nombreuses reprises depuis plusieurs mois. Personne ne peut nier cette évidence, à moins d’être dépourvu de toute lucidité. Notre République doit donc mener cette guerre par tous les moyens, et d’abord par le rassemblement et l’unité nationale. Quiconque s’en abstiendrait serait rejeté aux oubliettes de l’histoire. (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains. – Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)
Nous devons ensuite mener cette guerre par la dignité de nos débats. Mes chers collègues, nous avons tous l’impérieux devoir de nous hisser à la hauteur du moment, d’être digne de ce moment et de ces débats.
Il faut également évoquer les moyens que nous nous donnerons sur le plan juridique. J’affirme que c’est l’honneur d’une démocratie parlementaire que de rechercher tous les moyens du droit pour mener efficacement ce combat. Le Parlement le fera, même si l’exercice est difficile.
Enfin, et surtout, il y a le peuple français, qui saigne, qui entoure de son affection et de sa solidarité les victimes et leurs proches, le peuple français qui est sonné, désemparé,…
M. Éric Woerth. Mais non !
M. Jean Glavany. …mais qui s’accroche à ses valeurs de liberté, d’égalité et peut-être, surtout, de fraternité. Le peuple français, profondément laïc, sait vivre avec ses différences, les respecter et les dépasser. Le peuple français est debout et courageux.
Mes chers collègues, Nelson Mandela disait : « Être courageux, ce n’est pas ignorer la peur, mais la surmonter. » Monsieur le Premier ministre, le peuple français est debout, courageux. Il veut dominer sa peur. Il faut le mobiliser. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)
Mme Barbara Pompili. Très bien !
M. Yves Nicolin. Quelle est la question ?
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Manuel Valls, Premier ministre. Monsieur Jean Glavany, comme j’ai déjà eu l’occasion de le dire, nous allons vite, aussi bien dans l’analyse…
M. Charles de La Verpillière. C’est un peu tard ! (Huées sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)
M. le président. Monsieur de La Verpillière, veuillez retrouver votre calme légendaire !
M. Manuel Valls, Premier ministre. …que dans l’action. Encore une fois, nous allons revenir précisément sur toutes les annonces, les mesures, les actions qui ont été annoncées par le Président de la République. Mais, au moment où nous parlons, les victimes, leurs familles, leurs proches, sont dans la souffrance. Des corps n’ont pas été identifiés. Les corps n’ont pas encore été rendus aux familles.
Le processus sera long. Les Français sont choqués, meurtris, manifestent d’ailleurs spontanément, dans la rue, au nom même des valeurs que vous avez soulignées. Nous devons accompagner en permanence ces victimes, ces blessés, leurs familles, leurs proches. Je veux rendre une nouvelle fois hommage à l’action des forces de l’ordre (Applaudissements sur tous les bancs), aux policiers, qui sont intervenus dans des conditions particulièrement difficiles, en particulier les policiers de la police de Paris et ceux de la Brigade de recherche et d’intervention – la BRI.
Je vous le dis avec la plus grande fermeté : avec le ministre de l’intérieur, nous ne laisserons jamais mettre en cause l’action de ces hommes (Applaudissements sur les bancs des groupes socialiste, républicain et citoyen, écologiste, radical, républicain, démocrate et progressiste, du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et sur plusieurs bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants) qui, dans des conditions difficiles, ont sauvé des vies. Je pense à ce commissaire qui est entré dans le Bataclan et a abattu un terroriste, à ces unités d’élite de la BRI qui y ont pénétré dans des conditions particulièrement difficiles. Je veux rendre hommage aux policiers, aux gendarmes, à nos militaires. Je veux rendre hommage aux services de santé, à la sécurité civile, aux sapeurs-pompiers. (Applaudissements sur tous les bancs.) Je veux rendre hommage aux enseignants qui, lundi, ont accompli leur travail d’accueil des élèves et qui font vivre la République à chaque instant. (Mmes et MM. les députés des groupes socialiste, républicain et citoyen et écologiste se lèvent et continuent à applaudir. – Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et sur quelques bancs du groupe Les Républicains.)
M. Jean Lassalle. Très bien !
M. Manuel Valls, Premier ministre. Je veux rendre hommage à ces hommes et à ces femmes qui sont debout et qui représentent nos services publics, la force et la puissance de l’État.
Un député du groupe socialiste, républicain et citoyen. Debout, la droite !
M. Manuel Valls, Premier ministre. Oui, ce sont ces hommes et ces femmes, comme tous ces Français qui, aujourd’hui, manifestent leur volonté de faire face au terrorisme.
Donc, aujourd’hui comme demain, nous devrons en permanence penser aux victimes, à leurs proches, à ceux qui permettent à la France de résister – car c’est bien de cela qu’il s’agit. Nous devons le faire non par intermittence, mais en permanence.
Bien sûr, la vie politique reprend toujours le dessus, il y a des élections, hier départementales, aujourd’hui régionales : elles sont indispensables pour faire vivre la démocratie, parce que la démocratie est notre bien le plus précieux. Mais, plus que jamais, vous l’avez dit, nous devons tous être à la hauteur de nos responsabilités, de l’exigence des Français. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)
M. Sylvain Berrios. Les Français sont en colère !
M. Manuel Valls, Premier ministre. Mesdames, messieurs les députés, j’ai eu l’occasion de le dire : j’ai un regret personnel, que je veux partager avec vous. (Exclamations sur quelques bancs du groupe Les Républicains.)
Au lendemain des attentats de janvier, dans les semaines qui ont suivi, nous n’avons pas réussi, collectivement, à être à la hauteur de ces responsabilités et de cette exigence.
Quoi qu’on en dise, quels que soient les cris, les provocations, les propositions, je tiendrai debout, parce que c’est la mission que nous a donnée le Président de la République, parce que c’est l’honneur de ce gouvernement et que cela doit être l’honneur de la représentation nationale d’être à la hauteur de l’exigence des Français. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)
M. Charles de La Verpillière. Baratin !
M. Manuel Valls, Premier ministre. Vous pouvez compter sur moi : je ferai tout pour que l’unité, l’union sacrée soit préservée. Lors de l’examen de la réforme constitutionnelle, nous examinerons toutes les propositions à condition qu’elles respectent les valeurs fondamentales, nos libertés, et qu’elles soient efficaces. (Mmes et MM. les députés du groupe socialiste, républicain et citoyen, du groupe écologiste et sur plusieurs bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine se lèvent et applaudissent.)
Mesdames, messieurs qui représentez la nation, de la majorité comme de l’opposition, soyons dignes, à la hauteur des Français, soyons des patriotes rassemblés pour abattre le terrorisme. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et du groupe écologiste.)
Lutte contre le terrorisme
M. le président. La parole est à M. Laurent Wauquiez, pour le groupe Les Républicains.
M. Laurent Wauquiez. Monsieur le président, mes chers collègues, ma question s’adresse à M. le Premier ministre.
Nous éprouvons tous, sur tous les bancs, un sentiment de révolte. Toute la France est en deuil. Il faut se recueillir, mais il faut surtout agir, et nous serons jugés non pas sur de grands discours, mais sur nos actions. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et sur certains bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.)
Allons-nous faire subir à nos enfants ce monde de terreur ? Cela suffit. Monsieur le Premier ministre, nous n’avons que trop attendu. Il faut se tourner vers demain, mais en ayant tiré les leçons des échecs d’hier. Et il n’y a plus de place pour les demi-mesures, monsieur le Premier ministre.
Merah, Kouachi, Coulibaly, Mostefaï : ils étaient tous fichés et leur dérive islamiste connue grâce au travail de nos forces de l’ordre. Cependant, ce que personne ne comprend aujourd’hui, c’est pourquoi ces terroristes en puissance, tapis dans l’ombre, prêts à nous frapper, étaient laissés dans la nature. Il ne suffit pas de les suivre : il faut les arrêter avant qu’ils ne passent à l’acte, même si cela implique un changement profond de notre droit. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.)
M. Yannick Favennec. Très bien !
M. Laurent Wauquiez. Tous les individus fichés « S » pour radicalisation ne peuvent plus être en liberté.
M. David Douillet. Absolument !
M. Laurent Wauquiez. Expulsion des étrangers, déchéance de nationalité pour les binationaux mais aussi, et c’est le cœur du problème, centre de rétention pour ceux qui sont nés français : c’est ce que nous devons envisager aujourd’hui sans prendre le risque d’attendre. L’heure n’est plus aux arguties juridiques.
Mme Cécile Duflot. Honte à vous !
M. Laurent Wauquiez. Dès lors que vous avez décidé de changer la Constitution, il n’y a pas lieu de saisir le Conseil d’État du sujet. La question est de savoir jusqu’où nous sommes décidés à aller. Changer la Constitution pour le seul fait de la changer ne servirait à rien.
Ma question est précise, monsieur le Premier ministre : avez-vous l’intention d’appliquer ce principe de protection pour arrêter les terroristes en puissance avant qu’ils ne passent à l’acte ? Les Français veulent des mesures concrètes, ils veulent des mesures immédiates. Il faut mettre les terroristes en puissance hors d’état de nuire. Il n’y a pas de liberté pour les ennemis de la France. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Manuel Valls, Premier ministre. Monsieur Wauquiez, je vais prendre un peu de temps et vous répondre le plus précisément possible sur l’ensemble des propositions qui ont pu être faites.
M. David Douillet. Vous prenez beaucoup de temps !
M. Manuel Valls, Premier ministre. Face à la menace terroriste et au besoin de définir des moyens juridiques exceptionnels pour affronter le terrorisme de guerre, nous devons tous, et nous pouvons nous accorder sur ce point, privilégier l’intérêt national et l’efficacité concrète. Et il ne devrait y avoir de place ni pour l’invective ni pour la polémique. (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.)
Il est absolument faux de dire que les propositions de l’opposition n’ont pas été intégrées dans le travail législatif conduit ces trois dernières années. À cet égard, soyons précis et rigoureux.
Il y a d’abord les propositions qui figuraient dans le projet de loi élaboré par le gouvernement de François Fillon en avril 2012 à la suite des crimes commis par Mohammed Merah en mars 2012. Afin d’en renforcer la répression, les délits de provocation à la commission d’actes terroristes et d’apologie du terrorisme ont été transférés de la loi de 1881 sur la liberté de la presse vers le code pénal et différents dispositifs judiciaires ont été prévus. Parce que nous savons que la radicalisation a lieu sur internet, nous avons repris l’incrimination de la consultation habituelle de sites internet djihadistes en l’incluant dans un ensemble plus cohérent et plus sévère encore. Nous avons, je vous le rappelle, voté deux lois antiterroristes,…
M. Christian Jacob. Nous les avons votées !
M. Manuel Valls, Premier ministre. … l’une en décembre 2012, et j’avais déjà évoqué alors cet ennemi intérieur et extérieur, l’autre en décembre 2014. Nous sommes d’ailleurs allés plus loin encore sur ce sujet-là, puisque les sites provoquant au terrorisme ou en faisant l’apologie peuvent désormais être bloqués et déréférencés dans le cadre administratif à titre préventif, donc pas seulement sur l’initiative d’un magistrat judiciaire, comme vous l’aviez proposé en 2012.
M. Charles de La Verpillière. Les avez-vous appliquées ?
M. Manuel Valls, Premier ministre. Nous avons également instauré l’incrimination des actes terroristes intégralement commis à l’étranger.
Il y a ensuite les propositions que l’opposition avance aujourd’hui mais qu’elle n’avait pas jugé bon de faire après les crimes commis par Mohammed Merah. Elles sont de trois ordres. Premièrement, il y a celles qui correspondent à nos propres réflexions et sur lesquelles un consensus républicain est souhaitable, comme l’extension aux personnes nées en France de la possibilité de déchéance de nationalité en cas de condamnation pour terrorisme. Le Président de la République l’a proposé. Cependant, mesdames, messieurs les députés de l’opposition, il faut faire preuve de cohérence. Une révision constitutionnelle est nécessaire pour inscrire une telle disposition dans notre droit. (« Non ! » sur les bancs du groupe Les Républicains.) Soit vous êtes d’accord, et vous votez cette réforme constitutionnelle, soit vous ne l’êtes pas, et alors vous n’êtes pas cohérents. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)
D’autres propositions méritaient d’être examinées sans a priori mais, à la réflexion, ne paraissent pas porteuses d’efficacité opérationnelle dans la lutte contre le terrorisme. C’est par exemple le cas de la peine d’indignité nationale : un rapport parlementaire a démontré que cette disposition n’était pas adaptée.
Enfin, des propositions soulèvent de sérieuses questions juridiques si nous voulons éviter de tomber dans un régime d’exception, comme le placement sous bracelet électronique ou en internement d’office de toute personne faisant l’objet d’une fiche S , même lorsqu’il n’existe à son encontre que de simples soupçons ou renseignements non recoupés. Celles-ci soulèvent de graves problèmes de droit par rapport à la Constitution et à nos obligations internationales. Dans un esprit constructif et d’unité nationale, le Président de la République a proposé de les soumettre au Conseil d’État, et ce, pas uniquement pour savoir si elles sont conformes à la Constitution, monsieur Wauquiez, mais pour bien analyser leur conformité aux conventions internationales.
Je vous invite à les affiner, à les formuler, à les travailler ; le Gouvernement est prêt à une discussion afin que toute proposition efficace et conforme aux accords internationaux dont nous sommes partie puisse être signée, encadrée, intégrée dans une réforme constitutionnelle.
M. Guy Geoffroy. On va attendre combien de morts encore ?
M. Pascal Terrasse. On attend la proposition ! Ils n’en ont aucune !
M. Manuel Valls, Premier ministre. Je vous rappelle que le Conseil d’État avait en effet considéré en 2012 que cette proposition était disproportionnée. Nous sommes prêts à examiner toute solution.
Enfin, je voudrais dire que ce gouvernement, qui est à l’écoute de l’ensemble de la représentation internationale, n’a pas non plus attendu l’opposition pour renforcer la protection des Français, ce dont témoigne la loi relative au renseignement qui, sans y être exclusivement consacrée, comporte des dispositions spécifiques en matière de terrorisme. Le recours aux nouvelles techniques de renseignement sera particulièrement utile. De même, la création d’une filature électronique permanente des djihadistes était une nécessité opérationnelle forte, et le Gouvernement mettra cette disposition en œuvre dès lors que la proposition de loi actuellement soumise à l’examen du Conseil constitutionnel sera promulguée.
Monsieur Wauquiez, nous sommes ouverts à cette discussion. Vous voulez parler du passé, mais je ne suis pas sûr que cela intéresse les Français.
M. Jean-Charles Taugourdeau. Et ça, ce n’est pas de la polémique ?
M. Manuel Valls, Premier ministre. Pour ma part, je pourrais vous parler de ceux qui ont pris la responsabilité de dissoudre les renseignements généraux, c’est-à-dire le renseignement territorial. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen. – Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.) Je pourrais vous parler – ce serait si facile – de la suppression des 13 000 postes de policiers et de gendarmes qui a affaibli l’appareil sécuritaire. (Nouveaux applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen. – Brouhaha sur les bancs du groupe Les Républicains.) Ce type de débat n’intéresse pas nos compatriotes, monsieur Wauquiez ; ce qui les intéresse, et nous pouvons nous accorder sur ce point, c’est la sécurité des Français. Avec le Gouvernement et avec la représentation nationale, au sens le plus large possible, je m’engage à tout faire pour assurer la sécurité des Français.
Par conséquent, si vous voulez discuter, en particulier pour réformer la Constitution, nous sommes prêts à avancer. (Applaudissements sur les bancs des groupes socialiste, républicain et citoyen et écologiste et sur plusieurs bancs du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.)
État d’urgence
M. le président. La parole est à M. Patrick Mennucci, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
M. Patrick Mennucci. Monsieur le ministre de l’intérieur, l’état d’urgence a été décrété dans la nuit de vendredi à samedi à la suite des infâmes attaques dont Paris et Saint-Denis – donc la France – ont été victimes.
Dans le cadre de l’état d’urgence, vous avez à votre disposition des mesures d’exception. Vous avez activé la possibilité de faire des perquisitions administratives sur l’ensemble du territoire. Vous l’avez souvent rappelé, monsieur le ministre, on sait la porosité entre le milieu du banditisme, le trafic de stupéfiants, le trafic d’armes et les filières terroristes. Lutter contre ces filières et contre les trafics est essentiel pour assécher les réseaux djihadistes, et le Premier ministre a parfaitement raison de dire combien les renseignements généraux nous manquent aujourd’hui.
Le Président de la République, dont je veux saluer la hauteur de vue et l’engagement, a annoncé que les perquisitions administratives pourraient avoir lieu sur l’ensemble du territoire dans tous nos départements. Nous nous félicitons de sa décision de proposer au Parlement la prolongation de trois mois de l’état d’urgence.
Monsieur le ministre, vous avez annoncé hier que 168 perquisitions avaient été effectuées dans la nuit de dimanche à lundi et que 128 autres auraient lieu dans la nuit de lundi à mardi. Cela témoigne de votre totale détermination. Le Président de la République a annoncé la réforme de la loi de 1955. Monsieur le ministre, vous avez fait connaître le bilan des perquisitions de dimanche, au cours desquelles des armes de poing et même des roquettes ont été saisies.
M. Philippe Vitel. Et depuis janvier ?
M. Patrick Mennucci. Pourriez-vous nous faire état du bilan des perquisitions de la nuit dernière et nous indiquer les éléments de la réforme qui sera présentée devant le Parlement demain ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur.
M. Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur. Monsieur le député, la décision prise par le Président de la République d’instaurer l’état d’urgence a été dictée par les circonstances tragiques que traverse notre pays.
L’état d’urgence permet de mettre en œuvre des mesures de police administrative extrêmement amples sur l’ensemble du territoire national afin de prévenir des troubles graves à l’ordre public. Deux types de mesures sont plus particulièrement activées pour faire face à ces risques et, bien entendu, les prévenir : les perquisitions dont vous avez parlé et les assignations à résidence, qui peuvent être prises dans le cadre de mesures de police administrative et s’avérer, elles aussi, extrêmement protectrices.
Pour ce qui concerne les perquisitions, 168 ont été faites dans la nuit de dimanche à lundi et 128 perquisitions sont intervenues ce matin. Elles ont permis de récupérer près de cinquante armes, dont des armes de guerre, des armes longues utilisées par des acteurs du trafic de stupéfiants, et on connaît la porosité qui existe entre le trafic de stupéfiants, le grand banditisme et le terrorisme.
Plusieurs députés du groupe Les Républicains. Pourquoi ne pas l’avoir fait avant ?
M. Pierre Lellouche. Qu’avez-vous fait depuis janvier ?
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Par ailleurs, l’ensemble de ces perquisitions a donné lieu à l’enclenchement de l’action publique, car elles sont en effet enclenchées par les préfets en très étroite liaison avec les procureurs de la République, et des gardes à vue ont été décidées à l’issue de celles-ci qui permettront de démarrer des enquêtes de façon extrêmement rapide.
Les perquisitions, comme les assignations à résidence parfois décidées dans la foulée de celles-ci, offrent un haut niveau de protection dans un contexte où la rapidité de l’action publique compte. Seul l’état d’urgence permettait cela. Notre détermination est totale. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)
Lutte contre les filières terroristes
M. le président. La parole est à M. Christian Estrosi, pour le groupe Les Républicains.
M. Christian Estrosi. Nul n’a de leçons de dignité à donner, monsieur le Premier ministre ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.)
M. Jean Glavany. Surtout pas vous ! (Rires sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)
M. Christian Estrosi. Tandis que le Président de la République a enfin reconnu que la France est depuis longtemps en guerre contre l’État islamique, à l’extérieur comme à l’intérieur, nous devons avant tout partager l’immense chagrin de notre peuple en pensant à toutes les victimes innocentes et l’infinie colère que notre nation exprime avec dignité ici et là. Nous nous félicitons que certaines de nos propositions, suggérées ici même depuis de si longs mois, soient enfin retenues. Nous les soutiendrons. Pourquoi si tard ? Pourquoi tant de sang versé et tant de larmes pour être entendus ?(Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.- Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)
J’en donnerai deux exemples. Nous demandons depuis des mois la mise hors d’état de nuire des sympathisants terroristes fichés, véritables bombes ambulantes laissées en liberté. Cette proposition brocardée hier est donc devenue acceptable pour vous ! Après la tentative d’attentat du Thalys, j’ai proposé la mise en place de portiques de sécurité dans les gares afin d’en contrôler les accès. On m’a répondu, chez vous, que cette mesure est inapplicable, en harmonie avec une députée d’extrême-droite qui la disait stupide. Je me félicite d’avoir entendu aujourd’hui Mme Royal plaider pour cette mesure !
Par-delà les annonces, nous demandons au Gouvernement d’aller plus vite en prenant des mesures telles que les contrôles aux frontières, les bracelets électroniques, l’isolement, le renvoi des prêcheurs de haine et la fermeture de tout lieu salafiste en évitant tout amalgame entre communauté musulmane et terrorisme islamiste. Ces mesures, vous pouvez les prendre sans attendre par décret ou par ordonnance afin qu’elles soient applicables sans délai, monsieur le Premier ministre. Y êtes-vous prêt ? Dire qu’on est en guerre, c’est la faire tout de suite ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur.
M. Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur. Votre question comporte plusieurs propositions, monsieur Estrosi. Elles doivent faire l’objet, si l’on considère qu’elles sont susceptibles d’être mises en œuvre, d’un examen très précis en matière de faisabilité juridique.
M. Patrick Balkany. Minutieux, même !
M. Pierre Lellouche. Nous le disons depuis deux ans !
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Je précise d’abord ce qu’est une fiche S.
M. Yves Censi. Nous le savons !
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Ce n’est pas une fiche désignant des individus ayant commis des infractions pénales ni une fiche de surveillance ou de culpabilité. En droit français, une fiche S est une fiche de mise en attention permettant aux services de suivre plus particulièrement un certain nombre de personnes et de déclencher à leur endroit si nécessaire des interceptions de sécurité ou des dispositifs de surveillance particuliers. Ce que je dis là n’est rien d’autre que l’état du droit.
M. Pierre Lellouche. Changez-le !
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Si nous voulons combattre le terrorisme dans la République, il faut selon nous le faire dans le respect scrupuleux du droit. Si celui-ci ne permet pas d’atteindre l’objectif, alors il faut le changer, comme l’a proposé hier le Président de la République.(Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)
M. Claude Goasguen. Faites-le !
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Il n’est pas possible de lutter efficacement contre le terrorisme sans cette exigence républicaine de légalité et de rigueur intellectuelle. Je ne dis rien d’autre. Deuxièmement, vous avez proposé de placer sous surveillance électronique ceux qui font l’objet d’une fiche S. C’est tout simplement impossible compte tenu de l’article 66 de la Constitution. Tous les constitutionnalistes reconnaissent cette réalité. Votre proposition, nous la ferons examiner par le Conseil d’État car nous avons le souci de prendre en compte toutes les propositions. Quant à la sécurité dans les transports en commun, nous avons pris des dispositions précises transcrites dans la proposition de loi du député Savary qui sera examinée dans les meilleurs délais.
M. le président. Je vous remercie, monsieur le ministre.
Soutien aux victimes
M. le président. La parole est à M. Patrick Bloche, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
M. Patrick Bloche. Dans la nuit de vendredi à samedi, à peine trois heures après le début des terribles attentats qui ont frappé Paris et Saint-Denis, plusieurs lieux d’accueil ouvraient leurs portes aux personnes concernées. J’ai pu constater à la mairie du 11e arrondissement l’engagement total des équipes professionnelles et bénévoles de la Croix rouge et de la protection civile afin d’assurer la prise en charge de celles et ceux ayant survécu. Je tiens à saluer ici leur réactivité et leur dévouement. (Applaudissements su de très nombreux bancs.)
Dès le lendemain, les premières familles de victimes étaient accueillies dans les mêmes lieux ainsi qu’à l’École militaire afin de bénéficier d’un indispensable soutien psychologique grâce à une mobilisation toute particulière des équipes médicales du Samu. Le caractère exceptionnel de la tragédie induit un long et difficile travail d’identification qui n’est pas encore achevé. Il donnera progressivement à tous ces morts, au-delà de Paris et dans tous les territoires, un visage, une identité et une histoire.
Comment ne pas penser également à ces femmes et ces hommes, jeunes pour la plupart, qui luttent encore contre la mort grâce à l’engagement total de tous les personnels hospitaliers mobilisés dès la première heure ? Tandis que le deuil frappe tant de nos concitoyennes et de nos concitoyens, et tant de familles, tandis que celles et ceux qui resteront blessés dans leur chair mais aussi dans leur tête sont nombreux, pouvez-vous indiquer, madame la garde des Sceaux, comment le soutien aux victimes, expression du devoir de solidarité de la nation et illustration de la belle valeur républicaine de fraternité, sera durablement assuré ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice. (Huées sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.)
Plusieurs députés du groupe socialiste, républicain et citoyen. Minable !
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice. Comme toujours, monsieur le député Patrick Bloche, vous avez su trouver les mots à la fois d’une très grande décence et d’une très grande force pour parler de ces blessures profondes dont nous savons qu’elles resteront tenaces. Nous savons que le chagrin et le deuil de celles et ceux qui ont perdu une et parfois plusieurs personnes qu’ils aiment dureront longtemps. Dès vendredi soir, nous avons activé la cellule interministérielle d’aide aux victimes mobilisant les ressources humaines et logistiques des ministères de la justice, des affaires étrangères et de la santé ainsi que celles de la sécurité civile. Nous avons également mobilisé nos partenaires associatifs, notamment la fédération nationale des victimes d’attentats et d’accidents collectifs et l’union nationale des accueils des villes françaises dont le réseau couvre tout le territoire et qui a mobilisé ses ressources humaines afin de répondre aux besoins des victimes.
Nous avons également mobilisé l’association « Paris aide aux victimes » et la mairie de Paris a été très active, tout comme le fonds de garantie. Les 350 blessés ont aussi droit à nos services, ce à quoi nous sommes attentifs. 117 personnes décédées ont été identifiées et l’institut médico-légal, en coopération avec le parquet de Paris, procède activement aux dernières identifications aussi vite que les exigences de sécurité et d’attention à la sensibilité des familles le permettent. Dix-sept nationalités sont concernées. Nous avons perdu de très nombreux compatriotes et des personnes qui aiment Paris et s’y trouvaient ont péri à côté des nôtres. 7 000 appels ont été traités pendant tout le week-end et des parlementaires de toutes sensibilités ont relayé les inquiétudes de personnes de leur circonscription qui rencontraient des difficultés. Nous avons veillé à y répondre. Notre exigence restera durablement ce qu’elle a été tout le week-end afin d’assurer un soutien et un suivi personnalisé à toutes ces personnes dont la douleur durera très longtemps. (Applaudissements sur les bancs des groupes socialiste, républicain et citoyen, écologiste et radical, républicain, démocrate et progressiste.)
M. André Chassaigne. Très bien !
Sécurité dans les transports
M. le président. La parole est à Mme Valérie Pécresse, pour le groupe Les Républicains.
Mme Valérie Pécresse. Ma question s’adresse au Premier ministre.
M. Luc Belot. Et concerne les régionales…
Mme Valérie Pécresse. Vendredi dernier, le terrorisme islamiste aveugle et barbare a frappé de nouveau notre pays. À mon tour, je veux avoir une pensée émue et chaleureuse pour les victimes et leurs proches, et rendre hommage au dévouement des forces de sécurité et de secours.
Aujourd’hui, l’unité nationale exige l’action. Nous devons construire un bouclier de sécurité pour protéger les Français. Je souhaite vous parler plus particulièrement des réseaux de transports qui sont, nous le savons tous, des points de vulnérabilité face à la menace terroriste.
Nous avons appris avec satisfaction le renforcement des moyens civils et militaires dans les gares et sur les réseaux. Néanmoins, ce matin, lors de l’audition des présidents de la SNCF, de la RATP et des réseaux de bus, il est apparu qu’il fallait aller beaucoup plus loin pour renforcer la sécurité dans nos transports.
Je vous fais quatre propositions. Je vous propose à nouveau, comme le demandent depuis janvier la SNCF et le groupement des autorités responsables de transports – GART –, le port obligatoire de la carte d’identité dans les transports publics pour faciliter le travail des forces de sécurité.(Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.)
Je vous propose, pour éviter les inégalités en matière de sécurité entre les Français – elles seraient intolérables –, de créer des polices de transports dans chaque région, compétentes pour tous les transports : ferroviaire, métro, bus, y compris les transports scolaires. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.)
Je vous propose de généraliser la vidéoprotection et d’installer des portiques de sécurité et de contrôle des bagages sur les grandes lignes, les lignes internationales et dans les grandes gares.
Enfin, je vous propose d’instaurer un régime de partage d’informations entre les services de renseignement et tous les services publics. Il s’agirait de signaler aux responsables des transports les individus fichés S dangereux qu’ils sont susceptibles de recruter ou qui font partie de leurs employés, afin qu’ils évitent de les intégrer à leur personnel ou qu’ils les licencient. Un fiché S radicalisé ne doit pas être autorisé à conduire un train, un RER ou un métro ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur.
M. Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur. Madame la députée, vous proposez des orientations qui ont été évoquées dans le cadre de la réunion du Comité national de sécurité dans les transports en commun, qui avait été créé en 2011, et qui s’est réuni pour la première fois en 2013, alors que M. Valls était ministre de l’intérieur, pour prendre un certain nombre de dispositions. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.- Protestations sur quelques bancs du groupe Les Républicains.)
À cette occasion, l’ensemble des grands présidents des organismes de transports ont fait des propositions que vous venez de relayer de façon très fidèle, madame Pécresse ! Elles correspondent très exactement au sujet dont nous traitons et ont vocation, pour certaines d’entre elles, à aboutir dans les prochains mois.
M. Claude Goasguen et Mme Valérie Pécresse. Cela n’a rien à voir !
M. Bernard Cazeneuve, ministre. D’abord, vous parlez de la nécessité de passer davantage au crible les personnes qui travaillent dans les entreprises de transports en commun. Cela existe pour un certain nombre de professions – c’est le cas des employés des centrales nucléaires ou d’autres sites sensibles. Il est donc possible, dans le cadre de la Constitution, d’étendre aux réseaux de transports ces dispositions. Nous l’avons envisagé avec les sociétés de transport en commun, nous sommes donc tout à fait prêts à le faire.
Mme Claude Greff. Tout existe et on ne peut rien faire ?
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Vous proposez aussi que l’on renforce la sécurité dans les grandes gares. C’est ce que nous avons fait en augmentant très significativement les effectifs des forces de sécurité dans les gares.
Mme Claude Greff. On a vu le résultat !
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Avec le Premier ministre et le ministre de la défense, nous avons visité les dispositifs mis en place. Par ailleurs, nous allons mettre en place des brigades multinationales à bord des trains transfrontaliers, de manière à procéder à des contrôles d’identité, repérer les individus fichés et arrêter ceux qui doivent l’être.
Vous proposez la création de forces de sécurité supplémentaires pour les transports en commun. C’est exactement ce que nous faisons grâce aux postes créés dans la police et la gendarmerie. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)
Défense
M. le président. La parole est à Mme Patricia Adam, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Mme Patricia Adam. Ma question s’adresse à M. le ministre de la défense. Le Président de la République a affirmé hier avec force, au Congrès, que le pacte de stabilité ne devait pas nous empêcher de nous défendre. Il y va de notre sécurité nationale, et de notre sécurité collective. Nous n’avons pas le choix.
La solidarité européenne en matière de défense doit s’affirmer de façon crédible. Nombreux sont ceux qui partagent ici cette vision. Yves Fromion et Joachim Pueyo travaillent sur ces questions depuis longtemps et ils rendront prochainement un rapport.
Monsieur le ministre, vous avez rencontré ce matin à Bruxelles vos homologues européens, afin de discuter de l’application, pour la première fois, de l’article 42, alinéa 7, du traité de Lisbonne. Vous avez expliqué que chaque pays européen avait répondu de manière favorable ; nous nous en félicitons.
Pouvez-vous préciser à la représentation nationale quelles sont les mesures concrètes auxquelles donnera lieu cette solidarité européenne, et évoquer en particulier la question du pacte de stabilité ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de la défense.
M. Jean-Yves Le Drian, ministre de la défense. Madame la présidente de la commission de la défense nationale est des forces armées, j’ai déjà évoqué la clause d’assistance mutuelle en répondant à M. Demilly, mais je serai plus précis à la suite de votre question. L’article 42, alinéa 7, du traité de Lisbonne prévoit qu’« Au cas où un État membre serait l’objet d’une agression armée sur son territoire, les autres États membres lui doivent aide et assistance par tous les moyens en leur pouvoir, conformément à l’article 51 de la Charte des Nations unies. »
M. Pierre Lellouche. Il n’a jamais été mis en œuvre !
M. Jean-Yves Le Drian, ministre. À la demande du Président de la République, nous avons invoqué cet article devant le conseil des ministres de la défense, car nous estimons être victimes d’une agression armée. C’est effectivement la première fois que cet article est invoqué et c’est la première fois qu’il sera appliqué.
M. Pierre Lellouche. Et pour cause.
M. Jean-Yves Le Drian, ministre. L’ensemble des pays membres a apporté son soutien à cette initiative, de même que la Haute représentante de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité. Cela signifie que dans les jours qui viennent, chacun des pays membres proposera un type de soutien à la France, que ce soit dans les opérations au Levant ou, pour alléger la tâche de nos forces armées, dans d’autres opérations comme au Mali, en République Centrafricaine, voire au Liban. Chaque État membre fera une proposition d’action et de complémentarité pour aider et soutenir la France.
C’est une décision très importante qui a été prise ce matin, dans l’émotion et la solidarité. Beaucoup ont d’ailleurs tenu à s’exprimer en français pour marquer leur soutien. Il s’agira d’actions concrètes, et cette réunion marquera une date dans l’histoire de l’Europe de la défense. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)
Nationalité française
M. le président. La parole est à M. Philippe Meunier, pour le groupe Les Républicains.
M. Philippe Meunier. Monsieur le Premier ministre, gouverner, c’est prévoir. Après cette série d’attentats perpétrés par des islamistes dont certains ont la nationalité française, la colère gronde dans nos villes et nos campagnes. Nos compatriotes ne supportent plus, et avec raison, de voir leur identité de Français ainsi dégradée et bafouée.
Le 4 décembre 2014, votre majorité a balayé d’un revers de main notre proposition de loi visant à déchoir de la nationalité française les islamistes binationaux, proposition qui n’a pas besoin d’une révision constitutionnelle. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.)
Le 2 avril dernier, après les attentats de janvier, nous avons déposé une seconde fois cette proposition de loi que vous avez à nouveau écartée sous prétexte que la législation actuelle était suffisante. (Mêmes mouvements.)
Hier, le Président Hollande a reconnu que la législation ne répondait pas à nos besoins de sécurité, ce qui revient de facto à soutenir notre proposition au mot près. Que de temps perdu !
M. Philippe Vitel. Eh oui !
M. Philippe Meunier. Mais si déchoir de la nationalité française les islamistes est une nécessité absolue pour expulser du territoire ces traîtres à la nation, il est tout aussi important d’accorder la nationalité française avec parcimonie.
Or, depuis l’élection de François Hollande, le nombre de naturalisations augmente sans cesse. La semaine dernière, vous avez décidé d’attribuer plus largement encore la qualité de Français aux étrangers, allant jusqu’à déclarer vouloir en doubler le nombre.
Outre le caractère symboliquement fort de cette acquisition, vous n’êtes pas sans savoir qu’accorder la nationalité française à un étranger donne à celui-ci des droits conséquents, notamment en termes de liberté de circulation et de résidence sur notre territoire. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe Les Républicains.)
Ma question est donc directe : allez-vous sans plus attendre revoir votre politique, afin de rendre plus restrictives les conditions permettant d’obtenir la nationalité française ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Manuel Valls, Premier ministre. Monsieur le député, l’action contre le terrorisme de guerre se mène sur tous les fronts. Il n’y a pas une mesure particulière – personne d’ailleurs ne le dit – qui permettrait de régler le problème. Le combat se mène d’abord – je le souligne à la suite de Jean-Yves Le Drian – sur le terrain extérieur, en frappant Daech, l’État islamique, en Irak comme en Syrie.
C’est ce que nous faisons en Irak depuis 2014.
M. Philippe Vitel. La question !
M. Manuel Valls, Premier ministre. C’est ce que nous faisons depuis plusieurs jours en Syrie.
Les événements terribles que nous avons connus permettent aujourd’hui de faire bouger les lignes dans un certain nombre de pays et, nous l’espérons, de créer une grande coalition contre le terrorisme. Je veux ici saluer l’engagement de nos pilotes qui, à bord de leurs Rafale et de leurs Mirage, conduisent des opérations de frappes aériennes tous les soirs, toutes les nuits. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et du groupe Les Républicains.)
Le combat se mène également sur le front intérieur. Qui peut l’ignorer ? Il se mène grâce aux moyens que nous allons donner à la police, à la gendarmerie, aux services de renseignement, aux services de la justice, aux douanes.
M. Philippe Vitel. Ce n’est pas la question !
M. Manuel Valls, Premier ministre. Ces moyens, en termes d’hommes, de femmes, de postes, nous n’avons cessé de les augmenter depuis 2012, et nous allons poursuivre notre engagement. Ce sont là des investissements importants tant les budgets de fonctionnement ont baissé entre 2007 et 2012. Or, nos forces de l’ordre ont besoin de moyens pour faire face au terrorisme. (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.)
M. Philippe Vitel. La question !
M. Manuel Valls, Premier ministre. Ce combat, ce sont encore les choix évoqués hier par le Président de la République, en particulier une révision constitutionnelle pour adapter la loi de 1955, que nous présenterons demain en conseil des ministres. Des mesures seront également prévues concernant la déchéance de la nationalité.
Apporter une réponse juridique et efficace au défi du terrorisme, comme le précisait le ministre de l’intérieur, c’est élargir les possibilités de déchoir une personne de sa nationalité française. Le code civil permet une telle déchéance pour une personne qui, ayant acquis la nationalité française, est condamnée pour des faits de terrorisme, sauf si cela a pour effet de la rendre apatride.
M. Philippe Vitel. On le sait déjà, cela !
M. Manuel Valls, Premier ministre. La révision constitutionnelle proposée permettra de déchoir également de sa nationalité une personne née française, disposant de la double nationalité, et condamnée pour des faits de terrorisme ou pour atteinte aux intérêts fondamentaux de la nation.
Mme Valérie Boyer. On n’a pas besoin que vous nous le rappeliez !
M. Manuel Valls, Premier ministre. Je vous réponds très précisément.
Enfin, monsieur le député, dans ce débat où se mêlent la colère, les angoisses, les peurs de nos concitoyens, je pense sincèrement que nous avons une responsabilité : préserver l’unité de la nation. (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.)
Pas uniquement l’unité de la représentation nationale, mais celle de la nation tout entière. Chaque fois que vous jouerez sur la confusion, comme vous le faites avec votre question, chaque fois que vous rendrez, par vos propos, tout étranger suspect, vous nous trouverez devant vous pour dire non.(Vifs applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et du groupe écologiste. – Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.)
Je veux rappeler que, sur les trottoirs de Paris, monsieur le député, et dans la salle du Bataclan, des étrangers ont été tués, des Français d’origine étrangère ont été tués, peut-être même des Français qui avaient acquis leur nationalité (Mêmes mouvements). Parce que moi, parmi d’autres, je fais partie de ceux qui ont décidé un jour de devenir Français, parce que j’aime ce pays par-dessus tout, je ne permettrai jamais cet amalgame qui met en cause les valeurs de notre pays. (Mmes et MM. les députés du groupe socialiste, républicain et citoyen, du groupe écologiste et du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste se lèvent et applaudissent vivement.– Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.)
Un député du groupe Les Républicains. C’est de la manipulation !
Attentats à Paris
M. le président. La parole est à M. Bruno Nestor Azerot, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
M. Bruno Nestor Azerot. Monsieur le Premier ministre, j’interviens au nom du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et en tant que représentant de l’Outre-mer.
Ce que nous voulons vous dire et, à travers vous, à la nation française tout entière, c’est notre sympathie pour les victimes des terroristes, notre fierté devant le travail des forces de l’ordre – et vous savez que l’outre-mer a déjà payé le prix du sang de ce point de vue avec le sacrifice de la policière Clarissa Jean-Philippe, assassinée en janvier dernier. Nous saluons aussi l’action exemplaire des personnels de santé et de secours.
Mais, monsieur le Premier ministre, aujourd’hui, si c’est la patrie qui est touchée, c’est aussi une France jeune et ouverte sur le monde qui l’est. Pas moins de dix-sept nationalités parmi les victimes : c’est un symbole ! Et nous devons être là pour relever le défi du monde libre que nous incarnons.
Beaucoup de questions restent sans réponse, mais l’heure est au rassemblement du peuple et de la patrie autour du chef de l’État, de vous-même, monsieur le Premier ministre, et de votre combat, qui est le nôtre.
Ce que je veux vous exprimer ici, quant à moi, c’est la solidarité de la nation, et notamment de l’outre-mer. (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe socialiste, républicain et citoyen.)
La France est la France parce qu’elle est présente sur tous les continents et sur tous les océans. La France est la France parce qu’elle a diffusé des mots simples et des valeurs fortes à l’humanité tout entière : la liberté, l’égalité et la fraternité. (Mêmes mouvements)
Monsieur le Premier ministre, parfois l’outre-mer réclame plus de fraternité. Aujourd’hui, cette fraternité c’est nous qui vous l’offrons en vous soutenant dans vos efforts et votre lutte dans cette épreuve qui est la nôtre. En créole, en Martinique, devant des difficultés, nous avons l’habitude de dire « Ce an lanmin ka lavé lotre ». Une main ne peut se laver seule, c’est ensemble que nous vaincrons. C’est unis que nous devons être. ( Mmes et MM. les députés du groupe de la Gauche démocrate et républicaine, du groupe socialiste, républicain et citoyen, du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste et du groupe écologiste se lèvent et applaudissent.)
M. Nicolas Bays. C’est ça la France !
M. Philippe Gosselin. Très bien !
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Manuel Valls, Premier ministre. Monsieur le député, c’est d’abord un beau symbole que vous posiez cette question, d’autant plus que nos compatriotes de Martinique ont été touchés, il y a encore quelques jours, par de graves inondations. Je veux vous redire, comme je l’ai dit au président de la région Serge Letchimy, la solidarité de l’État à l’égard de la Martinique et des Martiniquais.
C’est un beau symbole que vous posiez cette question et que vous offriez le soutien de la Martinique et des outre-mer à tous vos compatriotes. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen, du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe écologiste.)
Nous partageons, bien sûr, les mêmes valeurs. Les terroristes s’en prennent à la France parce que nous sommes un pays libre qui parle au monde depuis tant d’années, et qui est le symbole des valeurs universelles. Chacun a pu remarquer une nouvelle fois, après ces attentats, combien en Europe, les dirigeants, les peuples, s’étaient associés au recueillement et au deuil. Les couleurs nationales, les couleurs tricolores, la fraternité, la liberté, l’égalité, étaient chantées partout, inscrites au cœur des capitales, sur les monuments. C’est dans ces moments, malgré l’épreuve, monsieur le député, que nous pouvons tous être fiers d’être Français. Paris était une nouvelle fois dans l’épreuve et dans le sang, mais elle était debout, elle était la capitale du monde.
C’est, enfin, un beau symbole, car les terroristes ont voulu atteindre Paris,…
M. Jean-Charles Taugourdeau. La France !
M. Manuel Valls, Premier ministre. …la capitale, la diversité, cette jeunesse qui a soif de vie, de culture, qui était là pour s’amuser, pour vivre ensemble, au-delà des différences. Nous devons être forts, implacables à l’endroit du terrorisme. Nous devons nous donner tous les moyens pour lutter contre les terroristes, écraser l’État islamique, Daech. Nous ne devons éluder aucune question pour lutter contre l’islamisme radical, le djihadisme. Nous savons que nous avons un ennemi extérieur que nous devons combattre, mais aussi un ennemi intérieur. Nous savons qu’il ronge une partie de notre société, et vous pouvez compter sur notre détermination.
La réponse, c’est bien sûr la sécurité, l’État de droit, l’État tel qu’il était, hier, incarné par le Président de la République. Ce sont les moyens que nous donnons aux forces de l’ordre. C’est aussi la culture, l’éducation. C’est encore la force de notre pays, de ce que nous sommes : la diversité depuis toujours, la culture, les valeurs, celles qui sont les vôtres, celles qui étaient les valeurs de Césaire, et qui résonnent plus que jamais aujourd’hui dans la France atteinte mais debout. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen, du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe écologiste.)
Projet de loi relatif à la santé
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Door, pour le groupe Les Républicains.
M. Jean-Pierre Door. Ma question s’adresse à vous, monsieur le Premier ministre.
Après la nuit noire, apocalyptique, du 13 novembre, où la réalité la plus barbare a dépassé toute fiction, nous sommes en deuil et nous sommes en colère.
Les médecins, les chirurgiens, les personnels de santé ont unanimement décidé d’annuler leur manifestation de ce vendredi 13 contre le projet de loi relatif à la santé. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.)
Mme Nathalie Nieson. Encore heureux !
M. Jean-Pierre Door. Ils ont respecté le serment d’Hippocrate. Beaucoup d’entre eux ont participé au soutien logistique et médical toute la nuit du 13 novembre. Nous les en remercions chaleureusement. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et du groupe de l’Union des démocrates et indépendants et sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Monsieur le Premier ministre, c’est à vous que je m’adresse. Loin de toute polémique, le groupe Les Républicains vous pose la question : comment envisager actuellement un débat sur le projet de loi relatif à la santé ici, dans l’hémicycle ? Vous n’ignorez pas l’opposition et la réticence que suscite ce texte. C’est un texte qui déchire, qui oppose. Alors ne légiférez pas par un passage en force de votre majorité ! Ce serait irresponsable. En cette période de deuil national, le moment n’est pas venu. Il est de votre devoir de nous entendre, de nous écouter, d’écouter les professionnels de santé et de reporter ce débat. Ne les entraînez pas à reprendre leurs manifestations.
Le débat sur la sécurité et l’état d’urgence annoncé hier est primordial et prioritaire pour tous les Français. Vous avez bien annulé le congrès des maires, reporté à 2016. Ne fragilisez pas l’unité nationale : reportez également le texte sur la santé à 2016. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes.
Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes. Selon le dernier bilan dont nous disposons, monsieur le député, il y a encore dans les hôpitaux de Paris ou de la petite couronne 221 victimes, dont 57 en réanimation. C’est à ces hommes et à ces femmes qu’aujourd’hui, à l’instant où je vous parle, vont mes pensées (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen), ainsi qu’à l’ensemble des professionnels de santé qui, dans la nuit de vendredi soir et ensuite, se sont mobilisés d’une manière absolument extraordinaire. (Applaudissements sur tous les bancs.) Nous voulons leur dire combien nous sommes fiers du travail exceptionnel qu’ils ont réalisé.
Plusieurs députés du groupe Les Républicains. Répondez à la question !
Mme Marisol Touraine, ministre. Les SAMU, les hôpitaux parisiens et les hôpitaux de la petite couronne, les hôpitaux militaires Bégin et Percy, ont travaillé dans les conditions extrêmes et, pour autant, ont délivré une médecine exceptionnelle. Je me suis rendue sur place pour leur rendre hommage et pour rendre hommage aux victimes.
De nombreux député du groupe Les Républicains. La question !
M. le président. Écoutez la ministre, mes chers collègues !
Mme Marisol Touraine, ministre. Monsieur le député, le débat consacré au projet de loi de modernisation de notre système de santé a été reporté à jeudi (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains), après la discussion sur l’état d’urgence. Je suis certaine qu’au moment où ce débat aura lieu dans l’hémicycle, nous aurons tous à l’esprit et au cœur le formidable engagement des professionnels de santé (Mêmes mouvements), en particulier dans nos hôpitaux, pour éviter que la tragédie que nous avons connue ne se double d’une tragédie sanitaire. (Applaudissements surplusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)
Renforcement de la sécurité
M. le président. La parole est à Mme Anne-Lise Dufour-Tonini, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Mme Anne-Lise Dufour-Tonini. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’intérieur.
La France est touchée au cœur et nous ressentons tous la gravité exceptionnelle de la situation. Quasiment chaque victime a désormais un nom, un visage qui nous renvoie à l’atrocité de ces crimes.
À mon tour, je veux rendre hommage au dévouement, à l’engagement et au professionnalisme des forces de l’ordre et des équipes de secours et de santé, qui, alors que l’effroi et la sidération frappaient le pays tout entier, se sont immédiatement mobilisées pour faire front, pour faire face. La mobilisation exceptionnelle des services publics est une garantie de la cohésion de la nation face au terrorisme.
Hier, devant le Parlement réuni en Congrès, le Président de la République a annoncé un très important renforcement des effectifs de police, de justice et de sécurité afin de garantir la lutte la plus efficace et la plus implacable contre le terrorisme et la barbarie, déclarant à juste titre que le pacte de sécurité devait l’emporter sur le pacte de stabilité.
Nous savons malheureusement que cet état de guerre va s’inscrire dans la durée et réclamer en effet des moyens et des effectifs supplémentaires. Moyens, effectifs et formation de nos forces de l’ordre vont donc être renforcés très rapidement face à la menace, d’autant qu’il s’agit, somme toute, de revenir au niveau que nous connaissions en 2007. Depuis 2012, cette majorité a d’ores et déjà recruté près de 2 000 personnels de police et de gendarmerie, mais 13 000 emplois supprimés en cinq ans, cela laisse forcément des traces ! Un responsable politique de l’opposition, ancien Premier ministre, reconnaissait ce matin l’erreur qu’ont représenté de telles suppressions dans ces domaines durant le précédent quinquennat. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)
Plus de sécurité, plus de moyens aux forces de l’ordre, tels sont la volonté et l’engagement du Président de la République et du Gouvernement. Il s’agit aussi, et nous le savons tous, d’une attente très forte et légitime de nos concitoyens.
Ma question, monsieur le ministre, porte sur les moyens concrets affectés dans l’urgence au renforcement de nos forces de l’ordre et de sécurité. Pouvez-vous nous donner plus de renseignements sur le calendrier et sur le déploiement de ces moyens ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur.
M. Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur. Vous m’interrogez, madame la députée, sur les moyens des forces de sécurité dans un contexte de menace terroriste extrêmement élevé.
Je veux d’abord rappeler qu’au début du quinquennat, après que 13 000 postes avaient été supprimés, le Président de la République et le Premier ministre ont annoncé la création de 500 postes par an. Ce contrat est d’ores et déjà rempli. À la fin du quinquennat, 2 500 postes de policiers et de gendarmes auront été créés dans ce cadre.
Il a également été décidé au mois de janvier, dans le cadre du plan de lutte antiterroriste, de créer 1 500 postes supplémentaires : 500 au sein de la direction générale de la sécurité intérieure, 500 au sein du service central de renseignement territorial, 126 au sein de la direction centrale de la police judiciaire, le reste se répartissant entre la police de l’air et des frontières, les services de renseignement de la préfecture de police de Paris et le service de la protection des personnalités.
Hier, le Président de la République a décidé de rehausser encore de 5 000 personnes le niveau des effectifs. Nous aurons donc créé, d’ici à la fin du quinquennat, 10 000 emplois.
Nous souhaitons que les concours permettant le recrutement de ces policiers soient rapidement ouverts. Nous examinons d’ores et déjà les conditions dans lesquelles nous pourrons recruter des promotions supplémentaires. Je travaillerai avec les services du ministère et les organisations syndicales pour déterminer la répartition de ces effectifs.
Nous avons également besoin de crédits de fonctionnement hors dépenses de personnel, avec un objectif clair : donner à tous les policiers de France qui sont exposés les armes, les boucliers, les gilets pare-balles, les véhicules dont ils ont besoin. Je m’engage devant la représentation nationale à traiter ces sujets avant la fin du premier semestre de l’année 2016. Je ferai des propositions au Premier ministre dès la fin de cette semaine pour atteindre cet objectif et pour donner à la police les moyens qui lui sont nécessaires. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)
Salafisme
M. le président. La parole est à M. Olivier Falorni, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.
M. Olivier Falorni. Oui, monsieur le Premier ministre, nous sommes en guerre. Mais pour gagner une guerre, il faut d’abord bien cibler l’ennemi. L’ennemi, c’est bien sûr le terrorisme djihadiste. Mais le terrorisme c’est le moyen d’action. L’ennemi, il faut le dire clairement et sans tabou, c’est l’idéologie qui produit ces crimes abominables et cette idéologie, c’est le salafisme.
Je l’ai dit ici même il y a un an, le salafisme est le carburant du djihadisme. Le salafisme, cette idéologie qui porte en elle la violence par le verbe, par le texte et par les armes ; le salafisme, cette idéologie qui proclame que la démocratie est une mécréance ; le salafisme, cette idéologie qui rejette absolument toutes nos valeurs universelles.
Il faut le dire et le redire : l’islam est parfaitement compatible avec la République, mais le salafisme, lui, ne l’est pas. (Applaudissements sur les bancs du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste et sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains, du groupe de l’Union des démocrates et indépendants et du groupe socialiste, républicain et citoyen).
Le dire, c’est protéger nos compatriotes musulmans de l’amalgame et de la stigmatisation. Le dire, c’est aussi exiger la clarté de la part des États du Golfe, notamment de l’Arabie saoudite wahhabite…
Mme Bérengère Poletti. C’est vrai !
M. Olivier Falorni. …afin qu’ils cessent de nourrir, dans tous les sens du terme, ce totalitarisme barbare. (Applaudissements sur les bancs du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste et sur quelques bancs du groupe Les Républicains.)
M. Guy Geoffroy. Très bien !
M. Olivier Falorni. Mais le dire ne suffit pas : il faut frapper, il faut combattre le salafisme.
Monsieur le Premier ministre, vous avez récemment déclaré que les discours salafistes n’auront plus le droit de cité en France. Je vous approuve totalement. Alors quelles mesures allez-vous prendre pour éradiquer cette idéologie qui ne produit que de la haine et que du sang ? (Applaudissements sur les bancs du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste, du groupe de l’Union des démocrates et indépendants et du groupe Les Républicains et sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur.
M. Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur. Monsieur le député, vous avez parfaitement raison de dire que nous devons aussi, dans notre souci de lutter contre le terrorisme, protéger tous les musulmans de France, qui sont de plain-pied dans la République, des effets qu’ont les discours de haine sur l’image de leur religion et de la souffrance que cela occasionne pour eux. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.)
Les témoignages de musulmans français qui aiment la République et ressentent une tristesse comparable à la nôtre sont nombreux. Il faut bien entendu les prendre en compte et les valoriser car nous avons aussi besoin de leur parole forte dans ce contexte.
Je partage votre sentiment : si nous voulons les protéger du dévoiement de leur religion par une poignée de barbares, il faut que nous soyons, à l’égard de ceux qui appellent à la haine dans les mosquées, très clairs, très forts, très fermes, très puissants.
Aujourd’hui, nos dispositions législatives ne permettent pas de dissoudre les mosquées dans lesquelles un certain nombre d’acteurs appellent à la haine, parfois jusqu’à provoquer au terrorisme.
D’ailleurs, il n’y a pas eu, au cours des quinze dernières années, une seule dissolution de mosquée salafiste. Pas une ! La première sera, au terme d’une longue procédure – car j’ai souhaité qu’on examine tous les dossiers et qu’on aille au terme de ce combat –, présentée en Conseil des ministres dans les prochaines semaines.
Il nous faut absolument, pour aller plus loin et être plus efficaces et plus rapides, modifier la législation en vigueur.
M. Laurent Furst. Charlie, c’était en janvier !
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Car ce que nous souhaitons, c’est agir contre le terrorisme et les pensées de haine dans le respect scrupuleux des règles de droit, ce qui devrait vous rassurer totalement, vous qui êtes dans l’opposition. Pour cela, nous allons présenter de nouvelles dispositions législatives et modifier la Constitution, dans l’esprit voulu par le Président de la République. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)
Accident de TGV
M. le président. La parole est à M. Claude Sturni, pour le groupe Les Républicains.
M. Claude Sturni. Ma question s’adresse à M. le Premier ministre.
Samedi dernier, la SNCF et l’Alsace ont également connu un drame avec le déraillement d’une rame TGV testant la nouvelle ligne grande vitesse reliant Paris à Strasbourg sur un pont de la commune d’Eckwersheim, dans ma circonscription. Cette tragédie a causé le décès de onze personnes et fait une quarantaine de blessés.
Avec Mme la ministre Ségolène Royal et le secrétaire d’État Alain Vidalies, j’étais présent sur les lieux de cette catastrophe. Nous avons été témoins d’une scène de chaos et de désespoir qui était alors et est aujourd’hui encore inexplicable et incompréhensible.
Je souhaite tout d’abord saluer tous les services de secours qui ont, là aussi, été remarquables (Applaudissements sur de nombreux bancs) ainsi que l’efficacité de la chaîne d’urgence mise en œuvre jusqu’aux hôpitaux de Strasbourg et de Haguenau.
J’adresse aux victimes et aux familles des cheminots blessés mes plus sincères condoléances et mes souhaits de rétablissement.
Mon intervention comporte plusieurs questions.
À ce jour, monsieur le Premier ministre, pourriez-vous éclairer la représentation nationale sur les circonstances exactes de cet accident et sur les progrès de l’enquête ?
Les Français sont légitimement fiers du succès de leur TGV. Cet accident doit donc être expliqué pour ne pas compromettre le développement de celui-ci et la confiance des Français. Nous comptons tous sur une liaison efficace et compétitive entre notre capitale du Grand Est et Paris. Quelles seront les conséquences de cette tragédie sur la mise en route de la deuxième phase de la LGV ?
Enfin, je souhaiterais insister sur le maintien nécessaire de la ligne aérienne Paris-Strasbourg par Air France. La compagnie avait annoncé l’arrêt de cette ligne en avril 2016 au moment du lancement commercial de la deuxième phase de la LGV. Si j’en conteste la logique dans l’absolu, je demande que cette décision soit remise en cause. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des transports, de la mer et de la pêche.
M. Alain Vidalies, secrétaire d’État chargé des transports, de la mer et de la pêche. Monsieur le député, effectivement, samedi après-midi, un accident effroyable s’est produit. Un TGV qui effectuait des essais sur la future ligne tant attendue du TGV Est a heurté la pile d’un pont ferroviaire. La motrice est tombée dans un canal et les wagons se sont éclatés sur plusieurs centaines de mètres. Bilan : onze morts, quarante-deux victimes, dont deux sont encore entre la vie et la mort.
Le Gouvernement partage vos mots et je veux exprimer ici notre solidarité et notre compassion envers les victimes et l’ensemble de la famille cheminote pour qui c’est un drame inédit.
Comme vous l’avez fait fort justement, je voudrais moi aussi remercier les services de secours. Nous étions sur place avec Ségolène Royal, à la demande du Président de la République et du Premier ministre, et nous avons vu à l’œuvre, là aussi, les pompiers, les gendarmes, le SAMU, les services publics – tous ceux qui sont au rendez-vous dans ces moments-là.
Les questions que vous posez sont légitimes. L’accident s’est produit dans une courbe située après la partie nouvelle où le train procédait à des essais à 350 kilomètres à l’heure. Dans cette courbe qui rejoint la voie historique, il devait rouler à 175 kilomètres à l’heure. Nous ne savons pas aujourd’hui si cet accident est dû à la vitesse. J’entends et je lis comme vous des commentaires, mais personne ne le sait encore. Nous disposerons d’éléments techniques grâce aux boîtes noires qui ont été retrouvées.
Par ailleurs, cet accident va probablement entraîner des conséquences sur la mise en service de la ligne, prévue le 3 avril. Mais là aussi, pour l’instant, rien n’est définitif.
Enfin, au cas où il y aurait un retard, il faudrait en effet se poser la question de la poursuite de la liaison aérienne puisqu’il existait un lien entre les deux. Aujourd’hui, les mots sont clairs : solidarité, transparence et espérance dans l’avenir de la LGV. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)
M. le président. Nous avons terminé les questions au Gouvernement.
Source: Compte rendu intégral Première séance du mardi 17 novembre 2015