« Un légionnaire qui a servi la France sous les armes mérite une carte de séjour de dix ans, au moins »

Ancienne garde des Sceaux, Marylise Lebranchu, questeur de l’Assemblée nationale, est députée socialiste du Finistère et membre de la commission de la Défense. Elle a rédigé un rapport sur le statut juridique des légionnaires.

lepoint.fr : Vous avez rédigé votre rapport La Légion étrangère, unité d’élite au XXIe siècle . Quel est son statut ?
Ce rapport, rédigé à mon initiative personnelle, s’inscrit dans le cadre des activités de contrôle des parlementaires sur l’action du gouvernement. Je l’ai remis au ministre de la Défense, au chef d’état-major de l’armée de terre et au général commandant de la Légion étrangère, au président de la commission de la défense de l’Assemblée nationale, à certains de mes collègues parlementaires à l’Assemblée nationale comme au Sénat, où tous les membres des commissions de la Défense sont destinataires. Son objet est d’appeler au débat. Il appartient au gouvernement ou au Président de la commission de la Défense de s’en saisir…

Pourquoi vous êtes-vous intéressée au statut des légionnaires ?
En tant que garde des Sceaux et députée, je me suis toujours battue pour défendre les droits fondamentaux. Il était donc logique que je m’intéresse à la situation des légionnaires ; c’est un projet ancien que je n’avais pu mener jusque-là. Je me suis entretenue avec nombre d’entre eux. Je me suis étonnée qu’on puisse vivre en France sous une simple identité déclarée, sans droits civils ni droits civiques. C’est d’autant plus choquant pour des personnes que la France engage pour la défendre. Une institution de la République, avec l’aura de la Légion étrangère, ne peut rejeter des personnes sans droits dans la société française..

Ce statut est une tradition très ancienne. Pourquoi le remettre en cause ?
Je ne remets pas en cause la tradition, ni l’utilité de la Légion. Au contraire ! Je fais partie de ceux qui sont admiratifs de ces hommes qui sont prêts à tout quitter, pour vivre une aventure et servir notre République. Ils en payent parfois le prix le plus cher ! Autant je peux admettre que l’identité déclarée – c’est-à-dire un nouveau nom – soit une possibilité offerte aux volontaires qui souhaitent une rupture, autant il est difficile de concevoir que ce soit obligatoire. Il faut s’en tenir à ce que dit la loi : c’est une faculté qui est offerte au légionnaire.

La Légion se prépare à évoluer sur ce point, comme vous le souhaitez. Mais pourquoi cette évolution vous semble-t-elle indispensable ?
Parce qu’un légionnaire sous identité déclarée, qui signe un contrat avec la France et accepte de risquer sa vie pour elle, n’a aucun droit tant qu’il est sous identité déclarée. Il ne peut louer ou acheter un bien, n’a pas le droit d’avoir une famille ni même d’aller chercher ses enfants à l’école, de disposer d’un permis de conduire. C’est un homme sans droit, ni ayants droit. Si un enfant naît de cet homme sans vraie identité, il ne peut être son père !

Vous soulevez le point particulier des comptes bancaires. De quoi s’agit-il ?
Pour éviter de payer les légionnaires en liquide – ce qui était devenu totalement dépassé – , une convention a été passée entre la Légion et La Poste, à l’époque administration. Son changement de statut implique des évolutions. Mais, au-delà de cette nécessité, un légionnaire sous identité déclarée ne peut faire aucune opération. S’il déserte, et ils sont plusieurs dizaines dans ce cas chaque année, son compte est bloqué. Certains ont des milliers d’euros sur leur compte postal. Je ne sais pas ce que devient cet argent. J’ai posé la question au commandement. Il ne sait pas. J’ai posé la question à la Poste par écrit. J’attends toujours la réponse. Je pense qu’un jour on saura où sont parties ces masses d’argent. Peut-être aux orphelins de la Poste, dans le meilleur des cas !

Cette mesure n’est-elle pas une sanction déguisée, un moyen de pression sur des hommes qui ne respecteraient pas leur contrat ?
Ce n’est pas la question… Que la Légion estime nécessaire de sanctionner une rupture de contrat, cela peut se comprendre. Il s’agit d’une sanction militaire, et ce n’est pas moi qui prétendrait qu’il convient de remettre en cause la nécessaire autorité et la discipline intransigeante indispensables à la conduite d’un corps d’élite. J’estime en revanche qu’un individu qui a touché une solde pour un service rendu a le droit d’en conserver l’usage. Il s’agit du simple respect de ses droits. Il faut distinguer ce qui relève de la sanction dans le cadre militaire et ce qui relève du droit commun applicable à tous. C’est ce droit commun qu’il faut réintroduire.

Vous préconisez que les légionnaires bénéficient automatiquement, dès leur engagement, d’un titre de séjour. Pourquoi cette initiative ?
À la fin de leurs cinq années de service, les légionnaires bénéficient dans la majorité des cas d’un certificat de bonne conduite. Celui-ci leur ouvre généralement le droit à l’obtention d’un titre de séjour ou de la nationalité française, et c’est très bien. Mais que deviennent ceux qui sortent sans certificat de bonne conduite, et se retrouvent en France sans papiers ? Je propose que toute personne servant la France à titre étranger, qui accepte de prendre des risques à son service, dispose d’un permis de séjour automatique, dès le jour de son engagement. Et dans tous les cas sans exception, je souhaite qu’il dispose à sa sortie de la Légion d’une carte de séjour, délivrée par la préfecture. Je refuse la double peine qui est imposée aujourd’hui à ceux qui ne sont pas forcément de mauvais soldats, mais qui peuvent avoir des incidents de parcours. Le fond de ma pensée, c’est qu’un homme qui a servi la France sous les armes, y compris en opérations extérieures, mérite une carte de séjour de dix ans, au moins, et la nationalité française, au mieux. C’est parfaitement compatible avec le droit de la nationalité, si l’on veut se donner la peine de travailler le sujet.

Et si la Légion juge qu’un certificat de bonne conduite n’est pas mérité ?
Je vous le répète : servir la France, y compris si on a commis quelques accrocs avec la discipline militaire, cela mérite reconnaissance, dans tous les cas. Il peut arriver ensuite qu’un ancien légionnaire commette des erreurs, contrevienne à des lois. Cela arrive à d’autres étrangers en situation régulière, qui entrent alors dans le cadre du droit commun. Je ne vois aucune raison pour qu’il en aille différemment d’un ancien légionnaire. Je crois qu’il faut déconnecter le certificat de bonne conduite de l’attribution du titre de séjour….

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