N’acceptons plus le dogme de la civilianisation dans les armées (par François Chauvancy)

La civilianisation dans les armées est réellement devenue un problème. Je l’avais moi-même abordé lors d’une conférence publique dès 1999 en soulignant la présence de plus en plus forte aux hauts postes de responsabilité de civils, bien sûr secondés par des militaires, dénonçant aussi l’illusoire discours que le poste de haute responsabilité était interchangeable. J’avais suscité quelques réactions publiques négatives mais avais obtenu le soutien officieux de la hiérarchie de l’époque…

Il n’y a pas de cas connus à ma connaissance qu’un civil prenant une haute responsabilité ait un jour laissé le poste au militaire qui le secondait. Au contraire, cette tendance se poursuit avec par exemple la perte pour les officiers généraux en 2015 du poste de directeur du service historique de la défense, désormais civilianisé.

Le problème est que cet affaiblissement de la place des militaires dans leur ministère a néanmoins été obtenu par un relatif aveuglement de la haute hiérarchie depuis des années. Le CEMA a cependant enfin évoqué cette situation inquiétante (Cf. mon billet du 15 février 2015) qui s’aggrave désormais dans les postes de responsabilité subordonnés.

Ce malaise concernant la civilianisation se confirme en effet si je me réfère aux dernières auditions de la commission de la défense et des forces armées : le contrôleur général des armées Bodin, secrétaire général pour l’administration et les syndicats du ministère de la défense. Une mise en perspective utile est cependant  apportée par cet article très précis du colonel Amaury Neyron de Saint Julien paru dans la revue « Défense nationale » d’octobre 2015. La politique dogmatique, sinon idéologique de la civilianisation du ministère de la défense, ne satisfait personne et pourrait conduire à mon sens à un raidissement de la communauté militaire qui est de moins en moins chez elle (Cf. aussi mes billets du 19 juillet 2015, du 21 décembre 2014, du 23 février 2014, du 29 septembre 2013, du 18 août 2013, du 16 juillet 2012 et du 27 mai 2012 sans que cela ne soit une fixation !).

La vérité des chiffres officiels

Ceci étant écrit, il me semble intéressant de citer un certain nombre de chiffres recueillis dans l’audition du CGA Bodin (Cf. Audition parlementaire du 13 octobre 2015). Balard (Cf. Historique de Balard, le Monde du 4 novembre 2015) a vu l’emménagement de 70% des services attendus début octobre. Le DRH du ministère de la défense et le contrôle des armées selon les syndicats n’ont pas rejoint … comme l’hôtel de Brienne. A priori, tout le monde n’est pas concerné par le regroupement des états-majors.

Parlons effectifs. Aujourd’hui, le ministère de la défense comprend 271 510 équivalents temps plein soit 207 686 militaires (76%) des effectifs et 63 825 civils soit 24%. Les tableaux d’avancement des officiers, colonels et lieutenants-colonels, ont baissé de 30% depuis 2012. Le grade de commandant deviendrait selon le CGA Bodin le grade terminal de beaucoup d’officiers s’ils ne sont pas sortis des grandes écoles. Je pourrai dire cependant qu’un tiers de ceux qui ont réussi le concours de l’Ecole de Guerre, pour la grande partie d’entre eux sortis des grandes écoles militaires, ne seront pas colonels… alors la motivation  pour réussir ce concours interne pourtant déterminant pour la carrière d’un officier…

Quant aux personnels civils, la situation est nettement différente… conformément aux engagements du candidat Hollande du 11 mars 2012 (Cf. Mon billet du 12 mars 2012). Le taux des fonctionnaires de catégorie A aura augmenté entre 2013 et 2016 de 11,5 à 17,5%. La PLF 2016 prévoit  la création de 410 postes. Le colonel Neyron de Saint Julien est donc bien gentil d’exonérer dans son article le ministre de la défense et son cabinet de toute responsabilité dans la civilianisation du ministère de la défense. Cette situation a été annoncée et elle est appliquée.

D’une civilianisation peu acceptable et dogmatique

« Il est demandé au militaire de justifier son existence et sa place au sein de son propre ministère ». Cette phrase du colonel Neyron de Saint Julien est partagée depuis des années par la communauté militaire. Or, le CGA Bodin défend « l’équilibrage » du personnel militaire et du personnel civil. Le dogme « 75% de militaires, 25% de civils » est devenu une référence pour les syndicats et le CGA Bodin, même s’il ne cite pas ce chiffre, alors que, depuis 2007, les 25% de personnels civils ne sont pas atteints. Le rapport demandé par le ministre de la défense au CGA, cité aussi comme référence par les syndicats, devrait faire le bilan des postes à civilianiser. Je ne crois pas qu’il aille dans le sens des militaires et que la civilianisation du ministère sera accrue au détriment de son efficacité.

Quant aux syndicats dont il faut lire l’audition – édifiante (Cf. Audition parlementaire du 08 octobre 2015), ils remettent en cause le fonctionnement hiérarchique, les mutations, l’absence de civils dans certains service, critiquent le CSFM  qui n’apprécierait par les civils. A les lire, cela n’est pas surprenant.

Remarquons enfin cette étude évoquée par le CGA Bodin sur la transformation de nos écoles militaires en école de formation de cadres pour aller dans les entreprises et dans les autres ministères. Il me semble avoir vu déjà une note cet été lançant ce projet pour l’ESM. Est-ce bien le rôle des armées de former du personnel civil ? N’est-ce pas une manière détournée à nouveau de civilianiser le corps des officiers, cette fois sous le pilotage des contrôleurs des armées, si je peux me permettre ce raccourci.

Il est bon maintenant de rappeler quelques chiffres du colonel Neyron de Saint Julien.

Les effectifs des officiers ont diminué de….

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