Question au gouvernement: Candidature du ministre de la défense aux élections régionales

Candidature du ministre de la défense aux élections régionales

M. le président. La parole est à Mme Isabelle Le Callennec, pour le groupe Les Républicains.

Mme Isabelle Le Callennec. Ma question s’adresse au ministre de la défense.

La France, monsieur le ministre, est en guerre. Vous devriez donc être concentré à 100 % sur l’objectif. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains – Protestations sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.) Or, depuis vendredi, vous êtes officiellement candidat aux élections régionales en Bretagne. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.) Vous êtes donc un ministre en campagne, exception gouvernementale et nouvel avatar de la République exemplaire de M. Hollande. Comme M. Bartolone, vous allez continuer à utiliser les moyens de l’État à des fins de propagande électorale. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains – « Non ! » sur de nombreux bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

Plusieurs députés du groupe socialiste, républicain et citoyen. Et Sarkozy ?

Mme Isabelle Le Callennec. À l’issue des élections, le Président de la République décidera de votre sort. Cette allégeance à celui dont la cote de popularité ne cesse de chuter, y compris en Bretagne, est totalement contraire à la capacité d’affirmation et au courage qui font la réputation des Bretons.

Mme Laure de La Raudière. Très bien !

Mme Isabelle Le Callennec. Et puis d’ailleurs, quelle est la raison profonde de votre souhait de briguer une troisième fois la présidence de la région ?

M. Jean-Claude Perez. Il va gagner !

Mme Isabelle Le Callennec. Celle-ci n’a cessé de décliner depuis onze ans que vous-même et vos amis en ont la responsabilité. Elle a pourtant d’immenses atouts, mais aussi de solides défis à relever, économiques, sociaux et environnementaux. Cette région, j’ose le dire, vous l’avez trahie (« Oh ! » sur de nombreux bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.) Au moment des redécoupages, le 6 mai 2009, vous étiez, selon vos dires, un acharné de la réunification ; le 18 janvier 2014, vous vous prononciez même pour la dissolution des Pays de la Loire. Chacun sait que, en vérité, vous avez milité pour le statu quo. Cela revenait à tirer une balle dans le pied d’une région déjà affaiblie par les crises à répétition. (Huées sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

Plusieurs députés du groupe socialiste, républicain et citoyen. Lamentable !

Mme Isabelle Le Callennec. Pourquoi, comme ministre breton, n’avez-vous pas défendu l’intérêt supérieur des Bretons ? (Mêmes mouvements. – Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Manuel Valls, Premier ministre. Madame la députée, s’il y a quelqu’un qui, dans cet hémicycle, confond le débat politique national et la campagne des élections régionales en Bretagne, c’est bien vous. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

M. Paul Molac. Très bien !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Vous avez salué le ministre de la défense, Jean-Yves Le Drian, et votre question est un aveu de faiblesse : vous redoutez le candidat Jean-Yves Le Drian en Bretagne. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et sur quelques bancs du groupe écologiste.)

Chacun, pour peu qu’il fasse preuve d’honnêteté intellectuelle, connaît et reconnaît les qualités de Jean-Yves Le Drian, les qualités non seulement humaines, mais aussi en tant que ministre de la défense. (Mêmes mouvements.)

M. Christian Jacob. Non, pas nécessairement !

M. Manuel Valls, Premier ministre. C’est un grand ministre de la défense, à 100 % engagé dans sa tâche, et reconnu par les militaires d’abord, car son abnégation a permis au chef de l’État de faire des choix importants en soutien à la défense nationale, confrontée aux dangers extérieurs et à la menace terroriste. (« Gardez-le, alors ! » sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.) Il a également le soutien des industriels, car c’est aussi grâce à lui que la France, sur un certain nombre de dossiers, a remporté des succès incontestables…

M. Sylvain Berrios. Gardez-le !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Je pense par exemple, M. Olivier Dassault en sera d’accord, à la vente des Rafale, que personne n’avait réussi à réaliser auparavant. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

M. Paul Molac. Très bien !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Jean-Yves Le Drian est aussi un ministre apprécié des Français parce qu’il est un bouclier, un homme d’État, et parce qu’il place l’intérêt général au-dessus des querelles politiques dont vous venez, madame la députée, de vous faire le chantre.

Comme d’autres sur ces bancs, lorsque vous étiez au pouvoir ou aujourd’hui dans cette majorité et ce gouvernement, il s’engage politiquement, pour la majorité comme pour la région Bretagne, qu’il porte au cœur, en dépit de vos reproches.

M. Dominique Dord. Comment fera-t-il pour faire les deux ?

M. Manuel Valls, Premier ministre. Il est Breton, et laissez les Bretons faire leur choix librement dans quelques semaines. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et sur quelques bancs du groupe écologiste.)

Enfin, il a déjà eu l’occasion de le dire, et nous l’avons nous-mêmes dit, avec le Président de la République : il y a des règles qui s’appliqueront au soir du second tour de l’élection, et chacun les connaît. Je ne doute donc pas des choix qui seront faits par Jean-Yves Le Drian.

M. Christian Jacob. Ce ne sont pas les mêmes règles pour lui !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Et ceux qui, aujourd’hui, prétendent nous donner des leçons sont les mêmes qui disent vouloir revenir sur le non-cumul des mandats, qu’ils accusent d’être une erreur. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.) Cette règle, nous l’appliquons et continuerons à l’appliquer en 2017 ; plus personne, contrairement à ce que vous racontez et à ce que raconte Nicolas Sarkozy, ne la remettra en cause, car elle représente un approfondissement de la démocratie souhaité par les Français. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et sur quelques bancs du groupe écologiste.)

Alors, madame la députée, cherchez d’autres querelles ; concentrez-vous sur les questions de fond, parlez de l’avenir de la France et de l’avenir de la Bretagne. Jean-Yves Le Drian, lui, gardera son esprit, sa vision de la France et de la Bretagne, car c’est un homme d’État : il faut savoir de temps à autre, madame la députée, se mettre à ce niveau. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen. – Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe écologiste.)

Source: Assemblée nationale ,Compte rendu intégral première séance du mardi 20 octobre 2015

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