S’il n’a disposé que de cinq minutes pour évoquer les crédits 2016 de la défense, François Cornut-Gentille n’a pas pour autant abdiqué dans sa mission parlementaire : c’est un imposant rapport de près de 350 pages qu’il a livré à la commission des finances, soit le plus volumineux document consacré à une mission de l’Etat.
Comme chaque année, ce rapport présente les grandes données du projet de loi de finances 2016 pour la Défense ainsi que l’analyse des programmes 144 et 146. Une attention toute particulière a été portée sur la nécessité de revisiter la stratégie du Ministère en matière de recherche. Pour les équipements, un travail de reconstruction des coûts de possession (au-delà des coûts d’acquisition) a été mené afin de mieux maîtriser l’emploi des crédits.
François Cornut-Gentille a jugé utile de faire précéder ces travaux d’une première partie sur les limites du débat budgétaire actuel. Certes, il ne s’agit pas d’un problème spécifique à la Défense mais celle-ci en constitue un exemple particulièrement éloquent avec notamment l’ampleur prise par la régulation budgétaire qui a pour conséquence un débat de plus en plus faussé sinon insincère.
À chaque automne, le rituel budgétaire monopolise l’ordre du jour parlementaire pendant de longues semaines. De multiples rapports, d’interminables commissions élargies mobilisent députés et sénateurs, leurs collaborateurs et l’administration parlementaire après avoir déjà mobilisé les services de l’ensemble des ministères pour produire tout au long de l’année des documents aussi fournis qu’inconnus du grand public que sont les RAP, PAP et autres réponses aux questionnaires budgétaires. Une fois cette suractivité automnale passée, le Parlement replonge dans la surproduction législative et oublie, au printemps, de débattre de l’exécution budgétaire lors de la loi de règlement. Ainsi, le rituel budgétaire persiste sans interrogation sur ses procédures alors que sa valeur ajoutée politique est de moins en moins évidente.
Pourtant, en 2001, à l’initiative de quatre parlementaires, une profonde réforme des lois de finances était engagée : la loi organique relative aux lois de finances (LOLF), adoptée au cœur de l’été, voulait redonner son sens à l’autorisation budgétaire, introduire plus d’évaluation et de contrôle sur la dépense publique. Force est de constater que cette modernisation n’a pas entraîné les effets attendus.
Pire, les dérives constatées dans le sillage de l’ordonnance de 1959 qui régissait jusqu’alors le droit budgétaire, se sont aggravées. Loin d’être un temps fort du débat politique, le vote du budget devient un acte mécanique dans lequel le respect formel des procédures ne suffit plus à garantir un contenu.
Cependant, cet échec de la LOLF n’est pas irréversible. Si le texte est perfectible, son remplacement n’est pas nécessaire. Encore faut-il avoir le courage collectif d’apporter des réponses à un certain nombre d’interrogations :
– La nomenclature budgétaire doit-elle être complétée par une présentation financière des priorités politiques telles que définies par les lois de programmation ?
– Faut-il réviser le rythme annuel des lois de finances et repenser l’information budgétaire aujourd’hui ponctuelle du Parlement ?
– L’administration peut-elle continuer à définir les indicateurs dits de performance permettant d’évaluer sa propre action ?
Au final, le Parlement est-il prêt à mener sa révolution copernicienne en matière budgétaire, en privilégiant le contrôle du réel aux déclarations d’intention ?
26 octobre 2015 — François Cornut-Gentille