Les militaires seront bientôt des citoyens ordinaires devant la justice. Le Tribunal aux armées de Paris (TAP) va disparaître. Ce survivant des tribunaux d’exception doit être fondu dans le tribunal de grande instance de la capitale (TGI). Les ministères de la justice et de la défense élaborent un texte qui devrait être soumis au Conseil d’Etat dans une quinzaine de jours, avant d’être présenté en conseil des ministres en avril, pour une possible première lecture au Parlement avant l’été.
La réforme, pilotée par la garde des sceaux Michèle Alliot-Marie, sera intégrée dans le projet de loi sur l’allègement de la procédure judiciaire, inspiré par le rapport réalisé en 2008 par le recteur Serge Guinchard. Il y aura un pôle spécialisé en matière militaire au TGI de Paris, un autre pôle étant chargé de traiter les génocides et les crimes de guerre. Le ministre de la défense, Hervé Morin, défendra son article 19 : la suppression du TAP.
Compétent pour toutes les crimes et délits impliquant des militaires français en mission à l’étranger, le TAP était l’héritier du Tribunal permanent des forces armées en temps de paix, supprimé en 1982. A cette date, la justice militaire n’avait été que partiellement normalisée, pour les seuls actes commis sur le territoire national : dans chaque cour d’appel, un tribunal de grande instance comporte une formation spécialisée. En 1999, la procédure pénale normale s’est appliquée aux militaires. Aujourd’hui, il est supprimé. « C’est l’aboutissement d’un processus. Il faut achever ce mouvement d’intégration de la justice militaire au sein du droit commun, pour lever toutes les suspicions, se défaire d’un regard qui tendrait à faire penser que les militaires jugent leurs affaires entre eux », explique-t-on à la défense.
Une institution curieuse
Le TAP est une institution curieuse : son procureur et son substitut, des magistrats professionnels, sont désignés par le ministre de la défense, administration où ils sont détachés (c’est-à-dire payés) et où ils prennent un grade. Les moyens du tribunal dépendent de la défense. Le TAP ne compte qu’un magistrat instructeur. Les juges sont délégués par la cour d’appel de Paris.
Le TAP ne compte que 28 instructions en cours – dont les dossiers concernant la responsabilité de l’armée française dans le génocide rwandais et l’assassinat des militaires français à Bouaké en Côte d’Ivoire en 2006. Chaque année, 1500 à 1800 enquêtes sont ouvertes par le parquet. Le tribunal rend 400 jugements par an. « Avec la fin de la conscription et la professionnalisation de l’armée, le volume des affaires s’est réduit, le tribunal aux armées de Paris n’a plus la taille critique pour fonctionner », explique-t-on à la chancellerie.
Il a pour l’armée l’avantage d’être discret. Ses audiences correctionnelles, sont publiques mais peu couvertes par la presse. Les militaires comparaissent en uniforme et gants blancs, saluant au garde à vous le président de l’audience. Deux spécificités procédurales sont maintenues : aucune poursuite ne peut être engagée dans une affaire impliquant la défense sans recueillir l’avis – consultatif – de son ministre. Et les victimes ne peuvent se constituer partie civile que devant le juge d’instruction, sans pouvoir citer directement l’auteur d’un fait devant le tribunal.
Pour faire passer la réforme…
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Source: Site Lemonde.fr