L’ETAT, MAUVAIS PAYEUR : DES VERTUS DU RÉFÉRÉ (SUITE…) (Par Colette LEVY, juriste et Me Aïda MOUMNI, avocat associé)

Une fois que la justice a statué, et qu’elle a suspendu l’exécution d’une décision administrative, l’exécution de cette décision peut soulever des difficultés.

Les juges du Conseil d’Etat ont profité de l’été pour préciser les contours des pouvoirs des juges des référés lorsque l’administration se montre récalcitrante pour exécuter les décisions du juge administratif.

En effet, deux décisions sont à mentionner :

Conseil d’Etat 27 juillet 2015 AP-HP n°389007
Conseil d’Etat 27 juillet 2015 M. B n°373057

Dans la première affaire, une praticienne hospitalière fait l’objet d’une mesure de suspension de fonctions à laquelle le directeur de l’AP-HP refuse de mettre un terme.

Le juge des référés du Tribunal administratif de Melun suspend la décision du directeur général et lui enjoint de réintégrer ladite praticienne dans ses fonctions dans l’attente du jugement à intervenir sur le fond.

Cette décision n’est pas suivie d’effet contraignant la requérante à saisir de nouveau le juge des référés.

Une nouvelle ordonnance est rendue dans le même sens fixant un nouveau délai.

L’administration a formé un pourvoi considérant que le juge ne pouvait pas statuer de nouveau sur les mêmes faits.

Le Conseil d’État a rejeté ce pourvoi et dit que le juge des référé n’avait pas commis d’erreur de droit, en regardant l’inexécution de la première ordonnanc-l’article L. 521-4 du code de justice administrative pour fixer un nouveau délai pour la réintégration de l’intéressé et assortir l’injonction d’une astreinte.

Dans ses conditions, l’absence d’exécution d’une décision de justice constitue un motif de recevabilité d’un procès au référé.

Dans la deuxième affaire, la commission de recours amiable de la Caisse des Allocations Familiales avait refusé l’Aide Personnalisée au Logement au requérant.

Le Tribunal administratif de Limoges annule cette décision, en relevant que l’intéressé est en droit de prétendre à l’avantage demandé, et le renvoie devant la Caisse des Allocations Familiales de l’Indre pour qu’il soit procédé au calcul de ses droits.

L’intéressé estimant que la Caisse des Allocations Familiales n’a pas pris les mesures aptes à assurer l’exécution de ce jugement, a saisi le juge des référés du Tribunal administratif de Limoges d’une demande formée en application de l’article R. 541-1 du Code de justice administrative, tendant à ce que cette caisse soit condamnée à lui verser une provision.

Le juge a fait droit à cette demande et a condamné l’administration à lui verser la provision sollicitée.

La Cour administrative d’appel de Bordeaux devait annuler cette décision au motif que la créance née du jugement du tribunal administratif ne pouvait être soumise à l’appréciation du juge des référés et que l’intéressé ne pouvait que saisir le juge de l’exécution du tribunal administratif des difficultés rencontrées pour assurer l’exécution du jugement le renvoyant devant la CAF de l’Indre pour qu’il soit statué sur le montant de ses droits.

Le Conseil d’État a cassé l’arrêt et jugé que la Cour Administrative d’Appel de Bordeaux a commis une erreur de droit.

On retiendra qu’en cas d’inexécution d’une décision du juge administratif, l’administration peut toujours y être contrainte grâce notamment aux procédures d’urgences devant le juge des référés.

© MDMH – Publié le 30 septembre 2015

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