Communication pentagonale – pour la défense et le progrès de la condition militaire

La communication pour la défense et le progrès
de la condition militaire s’articule sur cinq pôles :

l’opinion publique et ses médias,
la classe politique et les élections,
le chef de l’Etat et le gouvernement,
la technostructure civilo-militaire et ses organes d’information,
la corporation militaire et ses communautés d’intérêts.

1. L’OPINION PUBLIQUE ET SES MEDIAS

Dans sa très grande majorité, l’opinion attend
des pouvoirs publics qu’ils l’assurent "tous azimuts". Il
en est probablement de même pour la petite minorité pacifiste qui veut surtout qu’on "lui foute la paix", sans bourse délier ! Mais les rapports
de l’opinion avec l’assureur sur les risques extérieurs ne sont ni meilleurs ni pires qu’avec les autres assureurs publics ou privés
(retraite, maladie,
emploi, accident, vol, incendie, etc.) ; c’est-à-dire pas très bons !
En effet, l’opinion ne souffre pas qu’on l’inquiète avec la description des risques et encore moins avec le coût de l’assurance ; elle attend simplement d’être couverte le plus largement possible, mais au prix le plus faible. C’est pourquoi il est si facile de convaincre l’opinion de l’efficacité de son armée.

Tant mieux si de braves  militaires, nettement décalés
dans la société de leur temps, acceptent de se dépenser sans trop compter
tout en se privant de droits civiques que l’opinion juge indispensables
pour elle-même. Cette contradiction criante paraît tout à fait tolérable dans la mesure où elle contribue au confort des citoyens au moindre prix ! Pour
se vendre, il est bien naturel que les médias évitent d’éveiller l’esprit
de leurs lecteurs ou auditeurs à la réalité des risques extérieurs
et
surtout au coût d’une couverture adaptée.

Il n’est donc pas aisé d’amener les médias
à diffuser la part de vérité qui va à contre-courant des attentes de l’opinion.

L’entreprise est d’autant plus ardue que les pôles d’information qui jouent
le politiquement correct
disposent de moyens importants pour se faire
entendre de l’opinion ; le gouvernement a ses organes de communication
(SID et les porte-parole des ministères) ; il en va de même de la classe
politique
(partis, presse d’opinions) et de la technostructure
(DICOD, SIRPA d’armée et leurs réseaux).

Seule la corporation militaire demeure totalement privée
de moyens de communication externe autonomes. Il n’est donc pas étonnant que ses revendications concernant
la condition professionnelle ne puissent être entendues que du gouvernement
et de sa technostructure.
A la fois juges et parties, ces derniers se font un devoir d’éluder ou d’étouffer
ces revendications pour ménager les deniers de l’Etat.

La "neutralité" des médias et l’indifférence
de l’opinion publique sur cette question sont ainsi préservées de vaines tracasseries !

2. LA CLASSE POLITIQUE ET LES ELECTIONS

Pour faire oeuvre utile, la classe politique
doit accéder au pouvoir et donc séduire son public.
Cela explique que
ses priorités ne peuvent être définies que dans le cadre étroit de l’échéancier
électoral.
Il faut ménager les groupes de pression les plus "activistes",
ceux dont la capacité de perturbation du corps électoral est la plus élevée. Enfin, les élus de la majorité ne peuvent relayer de justes revendications
que si elles s’inscrivent dans les priorités gouvernementales. Or,
dans le dernier demi-siècle, la condition militaire a toujours été très éloignée de ces priorités, à une brève exception près, en 1974, avec le ministre Bigeard et les revalorisations qui ont suivi.

Les groupes de la minorité sont plus libres,
mais leur action a peu de chance d’aboutir. Ils doivent aussi jouer électoralement utile ; ce qui réduit doublement leur liberté d’intervention.

Les déflations qui se sont succédées
presque sans discontinuer depuis une quarantaine d’années ont toujours été présentées par d’habiles "plans médias" comme étant assorties
de modernisations qui rendaient notre défense plus "compétitive"
dans l’environnement géopolitique du moment ("plus petit, mais plus fort et plus rapide") et surtout à moindre coût.

Quelle que soit sa tendance, l’opposition
nationale n’a que rarement et plutôt mollement protesté.
Il est évident
que les réductions de format de nos forces répondaient aux attentes de l’opinion et qu’elles la rassuraient. Alors pourquoi revenir sur la condition professionnelle des militaires, d’autant plus qu’ils sont volontaires et qu’on ne les entend
que par la voix de leur ministre ou de leurs chefs, statutairement optimistes ?

3. LE CHEF DE L’ETAT ET LE GOUVERNEMENT

Le chef de l’Etat, chef des armées, impose ses choix au gouvernement lorsqu’il dispose du soutien d’une majorité de la représentation nationale. Dans le cas contraire, il se cantonne dans la formulation de voeux pieux, électoralement porteurs, dont les armées font rarement l’objet.

Il y a peu, un Premier Ministre a dit que
le gouvernement était souvent condamné à agir ou plutôt à réagir dans l’urgence,
"comme les pompiers
". Les projets de réforme d’envergure dépassent
rarement la première année des législatures. Est-il permis de souhaiter que la détérioration catastrophique de notre défense s’accélère pour que la condition militaire grimpe dans l’ordre des priorités ?… Certes non ; nul n’a intérêt à pratiquer la politique du pire ! La Défense concerne en principe tous les citoyens, mais la condition militaire ne préoccupe vraiment que les 350
000 militaires et leurs familles ainsi que les retraités ;
c’est bien
peu pour inquiéter !

Dans ces conditions, il est confortable pour
les gouvernements de toutes tendances de pouvoir statutairement dissuader
ou au moins amortir les coûteuses revendications d’une fraction très marginale de la fonction publique de l’Etat.
Sans ce statut, largement dérogatoire
au droit commun, comment aurait-on pu renvoyer pendant les dernières décennies des dizaines  de milliers de militaires professionnels vers un marché de l’emploi très déprimé, en condamnant ainsi la majorité d’entre eux à une situation de gêne durable ? Comment, sans cette exception légale, pourrait-on faire
admettre aux militaires que la durée du travail, la mobilité, la disponibilité, la précarité de l’emploi de la plupart d’entre eux, la capacité d’adaptation professionnelle et les risques qui leur sont imposés puissent être moins bien rétribués que s’ils étaient exigés des agents civils ?

Il faut éviter que ces questions soient posées
puisqu’on ne peut pas y répondre ouvertement. Le bon sens impose de rappeler aux braves gens "qu’on ne peut faire mieux" et "qu’une
telle controverse nuirait gravement à la qualité du recrutement et à la fidélisation de personnels dont la formation est coûteuse".

Un ajustement des rémunérations et compensations
diverses aux normes admises pour les autres agents de l’Etat devrait avoir un coût très élevé, voire prohibitif, même avec le format très réduit de nos armées. Ainsi, par exemple, une semaine de service continu en campagne, à la mer ou en exercice aérien devrait être décomptée pour 168 heures de travail ou d’astreinte. Cela paraît irréaliste ; c’est pourtant ce qui s’impose aux salaires des civils (travail ou astreintes).

Les pouvoirs s’efforcent donc naturellement
de différer autant que possible l’octroi aux militaires de la liberté d’examen
contradictoire et de revendication publique pour ce qui concerne leur
condition professionnelle. Certes, cette liberté s’imposera-t-elle inéluctablement
sous la pression extérieure des effets de l’intégration dans les armées de l’UNION. Mais cela demandera du temps, des années et peut-être même une
ou deux décennies.

En attendant, pour éviter l’aggravation
des tensions internes,
la reconnaissance par les pouvoirs d’une coordination
autonome
assurant le recueil, la cohérence et la présentation publique
des revendications des militaires
pourrait constituer un compromis compatible
avec les contraintes spécifiques de la profession.

4. LA TECHNOSTRUCTURE CIVILO-MILITAIRE DE LA
DEFENSE

La technostructure, c’est à la fois l’administration
centrale et toutes ses ramifications hiérarchiques,
jusqu’aux bas échelons,
autrement dit : "le Commandement", avec tous les organes d’information
du gouvernement
sur le personnel (contrôle général des armées et inspections,
DPSD, CSFM, CFM et leurs réseaux locaux de commissions consultatives ou de représentation des catégories).

Un représentant de la technostructure ne
peut et ne doit être que l’agent d’exécution et l’informateur fidèle du gouvernement.

Mais dans nos armées dont le format a été divisé par trois (par cinq pour l’armée de terre) en une quarantaine d’années, la généralisation des moyens de traitement et de transmission de l’information permet à l’autorité politique
d’intervenir à tous les échelons du commandement dans des délais très courts.

Paradoxalement, la marge d’initiative décroît lorsque l’on va de la base vers le sommet. Les grands chefs de jadis, quasi omnipotents, sont devenus surtout
de grands exécutants.

Certes, pour sauver quelque peu les apparences
de ses pouvoirs anciens,
la technostructure dispose encore dans la gestion
individualisée des carrières
d’une marge d’initiative bien plus large
que ses homologues des administrations civiles de l’Etat ; mais cela demeure sans effet pour l’ensemble de la condition Militaire. Comme l’encadrement des entreprises privées, la hiérarchie peut tout au plus négocier quelques accommodements pour consolider, à coût constant, l’adhésion et élever le rendement du "système d’hommes".

Dans ces conditions, prêter à la hiérarchie
le pouvoir de défendre et a fortiori d’améliorer la condition militaire, c’est porter insidieusement atteinte à sa crédibilité et donc à son autorité puisqu’elle ne peut aboutir dans cette voie sans transgresser la règle.

5. CORPORATION MILITAIRE ET COMMUNAUTES D’INTERET

La "corporation" se différencie de la notion de "corps militaire" par le fait que tous les militaires en activité  ou sous contrat de réserve sont pris dans leur ensemble, sans considération de liens structurels, ni à la fonction, ni à la hiérarchie.

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