Question N° : 9914 de Mme Touraine Marisol ( Socialiste, radical, citoyen et divers gauche – Indre-et-Loire )
Texte de la QUESTION :
Mme Marisol Touraine attire l’attention de Mme la ministre de la santé, de la jeunesse et des sports sur les conséquences sanitaires des essais nucléaires, et sur les pathologies affectant certains personnels, civils et militaires, ayant été employés ou engagés sur les sites d’essais nucléaires de la France au Sahara et en Polynésie entre 1966 et 1996.
Les cancers, principale pathologie dont peuvent souffrir les personnes ayant travaillé sur les sites d’essais nucléaires de la France, ont pour la plupart été détectés plusieurs années après le séjour des intéressés sur ces sites.
La preuve d’un lien entre ces pathologies et les essais nucléaires est alors quasiment impossible à établir de manière absolue, d’autant plus qu’aucun travail épidémiologique n’a été mené.
La commission des affaires étrangères et de la défense du Sénat a auditionné le 9 novembre 2006 le délégué à la sûreté nucléaire et à la radioprotection pour les activités et les installations intéressant la défense.
Devant cette commission, celui-ci a admis la réalité de retombées radioactives. Si cela a constitué un progrès dans la reconnaissance des effets des essais nucléaires, cela n’a pas débouché sur la prise en charge médicale des personnes concernées.
Afin de résoudre cette difficulté, la Grande-Bretagne, L’Australie et les États-Unis ont reconnu la présomption d’un lien entre les pathologies des vétérans et leur présence sur les sites d’expérimentation nucléaire.
À l’image de ces exemples étrangers, ne serait-il pas souhaitable de mettre en place en France un dispositif analogue ? L’association des vétérans des essais nucléaires réclame la reconnaissance d’une présomption d’origine des maladies radio induites ainsi qu’un droit à pension pour les personnels civils et militaires via un fonds d’indemnisation, sur le modèle de celui créé par la loi n° 2000-1257 du 23 décembre 2000 pour les victimes de l’amiante. Alors que plusieurs tribunaux des pensions militaires ont d’ores et déjà accordé des pensions d’invalidité, cela aurait pour effet de débloquer une situation qui n’a que trop duré pour des personnes dont la santé est aujourd’hui gravement compromise. Seule la création d’une Commission nationale de suivi des essais nucléaires, composée de personnalités qualifiées, de représentants des associations de vétérans, de parlementaires et de membres ou de représentants du Gouvernement, pourra permettre de prendre toute la mesure des conséquences sanitaires des essais nucléaires et de leurs effets sur les personnels.
Texte de la REPONSE :
Le comité de liaison pour la coordination du suivi sanitaire des essais nucléaires français (CSSEN), créé en janvier 2004, a adressé son rapport final au ministre de la défense et au ministre de la santé, de la jeunesse et des sports, le 3 juillet 2007.
Ces documents sont consultables sur le site internet du ministère de la défense : www.defense.qouv.fr, à la rubrique « enjeux défense : politique de défense : suivi des essais nucléaires ».
Les travaux du CSSEN ont porté notamment sur les risques liés aux rayonnements et se sont donc attachés à définir les cancers et autres pathologies susceptibles d’être radio-induits.
Ces travaux se sont appuyés sur des données reconnues par la communauté scientifique internationale, tant pour ce qui concerne les études des effets des rayonnements ionisants sur la santé, que pour ce qui concerne les études épidémiologiques.
Dans le cadre de cette étude, le CSSEN a démontré que les niveaux de doses reçues par la population et les travailleurs sur les sites d’expérimentation étaient faibles et a constaté qu’aucun risque nouveau de cancers radio-induits n’avait été mis en évidence.
Il ne voit, pour le personnel civil, aucune raison objective de recommander l’extension d’un régime de présomption d’origine à d’autres maladies que celles auxquelles il s’applique déjà dans le cadre de la reconnaissance des maladies professionnelles, au regard du tableau des maladies professionnelles provoquées par les rayonnements ionisants (tableau n° 6, annexé au livre IV du code de la sécurité sociale).
S’agissant du personnel militaire, la mise en place d’un régime d’imputabilité par présomption d’origine n’apparaît pas nécessaire pour permettre une prise en compte, même tardive, de pathologies radio-induites, telle qu’elle est définie par le régime général de la sécurité sociale et ses systèmes complémentaires.
En effet, le code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de la guerre permet, d’ores et déjà, d’indemniser tout militaire qui, s’il ne peut bénéficier de la présomption d’imputabilité, a la possibilité d’utiliser la démarche d’imputabilité par preuve.
Celle-ci peut être admise par tout moyen et à tout moment, sans condition de délai, sachant que la jurisprudence du Conseil d’État admet que la preuve puisse être apportée par un faisceau de présomptions.
Ce dispositif permet, dans le cas d’une exposition prolongée à certaines substances, d’admettre l’imputabilité au service des affections en cause dans le cadre des pathologies énumérées sur les listes de maladies professionnelles.
Pour ce qui concerne la création d’un fonds d’indemnisation, son utilité ne se pose pas actuellement si l’on considère que les victimes ont droit à une pension, qui peut leur être versée par le régime dont elles relèvent.
Source : JO du 11/03/2008 page : 2150