Dans un entretien exclusif accordé à Armee-Media, Paul MORRA (50 ans), Lieutenant de Gendarmerie, 28 ans de carrière, officier issu du rang ( OGR ) depuis 1 an, initiateur et porteur du projet de l’APNM ( Association Nationale Professionnelle de Militaire ADEFDROMIL-GEND ), répond à nos questions.
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Armee-Media: Quelle est votre motivation personnelle pour porter ce projet?
Paul Morra : Après 28 années de carrière dont 27 en tant que sous-officier, j’ai découvert comme beaucoup de camarades militaires ce que voulait dire en situation, l’esprit de corps, la cohésion, la camaraderie qui resteront pour moi, des expériences inoubliables.
A d’autres occasions, j’ai connu des événements traumatisants notamment en OPEX au Liban ou de par mon engagement dans le domaine de la police judiciaire. Parfois, je dois dire également, dans la gestion administrative de mon dossier individuel en matière de ressources humaines où j’ai été confronté à des dysfonctionnements et anomalies préjudiciables et contestables.
C’est à cette occasion que j’ai eu la chance de rencontrer en 2002 Michel BAVOIL ( Capitaine ER ) co-fondateur et premier Président de l’ADEFDROMIL. Mon engagement associatif a démarré à ses côtés à cette période. J’ai intégré le conseil d’administration de cette association en me déclarant officiellement en 2004 auprès de ma hiérarchie et du Ministre de la Défense. Par la suite, j’ai fait la connaissance de Jacques BESSY ( Colonel ER ) et Président actuel de l’ADEFDROMIL. Je leurs dois mon expérience associative et juridique.
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Armee-Media: Pourquoi avez-vous fait le choix d’une APNM interarmées?
Paul Morra : Comme vous le savez, l’État a été contraint de se conformer au droit européen, suite aux deux arrêts rendus le 2 octobre 2014 par la CEDH ( Cour Européenne des Droits de l’Homme ) dans les affaires ADEFDROMIL c/ France et MATELLY c/ France.
Consécutivement au rapport Pêcheur, la loi du 28 juillet 2015 a ouvert le droit d’association professionnelle pour les militaires. Néanmoins, pour agir efficacement compte tenu des contraintes fortes imposées par le législateur, seule une ANPM, voire une union ou une fédération de celles-ci, représentatives d’au moins trois forces armées et de deux formations rattachées pourront siéger au Conseil supérieur de la fonction militaire et ainsi, se faire entendre.
Pour avoir une influence significative, celle-ci sera mesurée en fonction de l’effectif des adhérents, des cotisations perçues et de la diversité des groupes de grades représentés.
Chaque militaire doit donc se sentir pleinement concerné et s’engager pour faire évoluer la condition militaire sinon, ce nouveau droit existera mais sera un droit mort pour l’avenir.
Le choix d’une APNM interarmées s’imposait à moi car la future APNM ADEFDROMIL-GEND émane de l’ADEFDROMIL association interarmées dès sa création en 2001. Je suis donc imprégné de ce milieu associatif interarmées, riche de ses différences et ses complémentarités.
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Armee-Media: Avez-vous des observations à faire quant à la loi n° 2015-917 du 28 juillet 2015 actualisant la programmation militaire pour les années 2015 à 2019 et créant le droit d’association professionnelle pour les militaires?
Paul Morra : Bien qu’il s’agisse d’une avancée historique en matière de droit pour les militaires, la pusillanimité du législateur n’a pas permis d’offrir à cette loi la portée qu’elle aurait du avoir.
Je fais mienne la phrase de Marie Recalde, Secrétaire nationale Défense, Députée de la 6e circonscription – Gironde :
« Devant les sacrifices consentis par nos soldats à l’étranger comme en France pour la protection des Français, du territoire et des intérêts de la France, améliorer leur condition et leur statut de citoyens n’est que justice ».
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Armee-Media: A l’heure où nous parlons, vous êtes le seul militaire d’active en France à porter un tel projet. N’avez-vous pas des craintes quant à votre engagement?
Paul Morra : Non. J’ai toujours été transparent avec mes supérieurs hiérarchiques. Même s’il m’est arrivé par le passé, de connaître des conflits d’intérêts, depuis une dizaine d’années, grâce aux actions des associations, la médiatisation des affaires, les réseaux sociaux, les mœurs et la culture militaire évoluent même si l’on constate encore des résistances.
Pour ma part, je n’ai jamais fait d’amalgame entre une institution et des comportements individuels qui parfois peuvent être critiquables voire remis en cause. Comme dans toute société, l’humain est perfectible. Dans ce dernier cas, l’information doit remonter et motiver des décisions fortes dans le seul intérêt collectif des militaires.
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Armee-Media: Comment envisagez vous votre relation avec les acteurs et les instances de concertation?
Paul Morra : Je n’ai aucune position dogmatique sur ce sujet. Je suis prêt à travailler avec ceux qui partagent la préservation et la promotion de la condition militaire. Nous pouvons tous agir de manière complémentaire. Nos intérêts sont communs en la matière.
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Armee-Media: L’intitulé de « APNM ADEFDROMIL GEND » a suscité quelques réactions et interrogations quant à l’association de gendarmerie pour « GEND » à association de défense des droits des militaires pour ADEFDROMIL ?
Paul Morra : Un logo doit être simple, exprimer un message visuel fort et ne peut malheureusement pas comporter tous les détails que chacun aimerait y voir. L’important me semble-t-il, est notre action pour l’intérêt des tous les militaires sans aucune distinction. J’invite tous les personnels des armées de Terre, Marine, Air, Gendarmerie et des Services de Soutien Interarmées : Direction Général de l’Armement, Service de Santé des Armées et Service des Essences des Armées à me rejoindre en prenant des responsabilités à mes côtés. Ils pourront ainsi s’exprimer conformément aux règles imposées par la loi pour défendre et faire évoluer la condition militaire.
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Armee-Media: Que pouvez-vous dire pour garantir l’indépendance de votre APNM ?
Paul Morra : Comme le stipule la loi, les APNM « sont soumises à une stricte obligation d’indépendance, notamment à l’égard du commandement, des partis politiques, des groupements à caractère confessionnel, des organisations syndicales de salariés et des organisations professionnelles d’employeurs, des entreprises, ainsi que des États ».Cette obligation d’indépendance est intégrée dans notre projet de statut mis en ligne.
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Armee-Media: La gendarmerie étant plus avancée en matière de libre expression que les autres armées, comment comptez-vous faire pour faire passer votre message auprès des autres forces armées?
Paul Morra : Par les différents médias ; sites associatifs, presse écrite, médias internet dont vous faite partie, radio, télévision, réseaux sociaux… Par tous les moyens. Je pense également lorsque le décret d’application sera publié faire des demandes auprès des autorités militaires ou à défaut auprès du Ministre de la Défense pour obtenir la possibilité d’intervenir au sein de chaque armée et service rattaché.
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Armee-Media: Certains commentaires font état de craintes quant au fonctionnement des associations où régneraient des différences entre les adhérents en fonction de leur grade par exemple. Que pouvez-vous nous dire pour rassurer les militaires qui pourraient avoir ce type de craintes?
Paul Morra : Pour ma part, je ne connais qu’un seul principe, celui de l’égalité de tous les citoyens consacré par notre constitution. Les militaires n’ont pas à y faire exception. Pour moi, le problème ne se pose donc pas.
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Armee-Media: Quelles relations envisagez-vous avec les autres associations de militaires?
Paul Morra : Cordiales, je l’espère. Je tiens à préciser que chaque association est légitime à défendre ses intérêts en relation avec l’objet de son statut. Pour ma part, je souhaiterais pouvoir fédérer des positions communes lors de thématiques présentant un intérêt commun pour les militaires. Cela a été le cas pour le décès de notre camarade, le gendarme Laurent PRUVOT blessé grièvement en service et décédé des suites de ses blessures. Les militaires au sens large, représentent pour moi qu’une seule famille. Je n’exclus pas la possibilité de partenariat.
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Armee-Media: La loi vous permet d’ester en justice contre les décisions individuelles portant atteinte aux intérêts collectifs de la profession. Pour les décisions individuelles n’entrant pas dans ce champ d’application avez-vous une réponse à apporter aux militaires qui seront confrontés à ce type de situation?
Paul Morra : En effet, la loi stipule que « les associations professionnelles nationales de militaires peuvent se pourvoir et intervenir devant les juridictions compétentes contre tout acte réglementaire relatif à la condition militaire et contre les décisions individuelles portant atteinte aux intérêts collectifs de la profession ». Pour la défense des droits individuels n’entrant pas dans ce cadre, des partenariats avec des associations d’aide aux victimes peuvent être envisagés.
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Armee-Media: Depuis vos premières publications sur le lancement de cette APNM, des retraités émettent des craintes quant à votre action. Que pouvez-vous leur dire pour les rassurer?
Paul Morra : Il n’ont aucun souci à se faire. Je suis déjà en relation avec des associations de retraités et nous entretenons de très bonnes relations. Par ailleurs, je rappelle que notre statut « offre à ceux qui quittent l’état militaire les moyens d’un retour à une activité professionnelle dans la vie civile et assure aux retraités militaires le maintien d’un lien avec l’institution ». Tôt au tard, nous serons tous des retraités. Il me reste un peu plus de 8 années en tant qu’actif. C’est le temps qu’il me reste pour passer le relais à la génération montante.
Pour conclure, j’aimerais si vous me le permettez dire quelques mots vous concernant,
Armée Média, le journal des citoyens en uniforme nous fait l’honneur de….
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