LANCEUR D’ALERTE : UNE PROTECTION BALBUTIANTE … (Par Colette LEVY, juriste et Elodie MAUMONT, avocat associé)

Les révélations de Mediapart et Wikileaks sur les écoutes des présidents français par la NSA interrogent quant au statut juridique des  » lanceurs d’alerte » en droit français.

Il convient ainsi de distinguer :

* les journalistes qui bénéficient d’une protection importante dans le cadre de leur activité,

*  des citoyens, qui, mus par les nécessités de l’intérêt collectif, osent dénoncer des situations dangereuses pour la société.

Traditionnellement les lanceurs d’alerte (ou « whistleblowers » chez nos voisins anglophones) sont considérés comme des « personnes soucieuses de tirer la sonnette d’alarme afin de faire cesser des agissements pouvant représenter un risque pour autrui » (Conseil de l’Europe).

Bien que leur rôle dans notre démocratie soit valorisé et que nombreux saluent le courage dont ils font preuve, la protection juridique des lanceurs d’alerte en France n’est que balbutiante.

Le retard français dénoncé par Transparency International serait dû à un syndrome « post Vichy » assimilant l’alerte à la dénonciation.

Aux  Etats-Unis,  le « US False Claims Act » a été adopté dès 1863 pour combattre les fraudes envers l’administration pendant la guerre de Sécession.

Au Royaume-Uni, une loi globale (dite PDA) a été votée en 1998. Elle détermine un large éventail d’alertes et protège les salariés des secteurs public et privé. Cette loi a été un modèle appliqué dans une dizaine de pays.

Le législateur français, loin de proposer aux lanceurs d’alerte un cadre légal harmonisé, a voté plusieurs lois éparses accordant des protections variables.

A titre d’exemple, bien que toute autorité constituée, tout officier public ou fonctionnaire qui, dans l’exercice de ses fonctions, acquiert la connaissance de la commission d’un crime ou d’un délit ait le devoir de le signaler au Procureur de la République en application de l’alinéa 2 de l’article 40 du Code de procédure pénale, la prudence est de rigueur.

Il est vrai que les lanceurs d’alerte ont souvent eu à subir des conséquences extrêmement dommageables pour leur carrière, voire leur vie personnelle.

Beaucoup se souviennent ainsi de l’affaire Philippe PICHON  et de ses dénonciations quant aux irrégularités du STIC (fichier dit « Système de traitement des infractions constatées ») ou encore des dénonciations portées par le Docteur Irène FRACHON quant aux effets néfastes du Médiator.

Le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 9 octobre 2013 à propos de la Loi relative à la transparence dans la vie publique n’a pas contrôlé l’article 25 de celle-ci sur les lanceurs d’alerte puisque lesdites dispositions n’étaient contestées. Certains en ont déduit une constitutionnalité probable de la notion de lanceur d’alerte.

Il est manifeste qu’un cadre juridique plus harmonisé devra être défini.

© MDMH – Publié le 7 juillet 2015

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