Il est toujours très intéressant de lire le contrôleur général Duval, dont la connaissance approfondie de nos armées et services permet de décoder de trop nombreuses zones d’ombre.
Malheureusement seuls les esprits curieux, voire frondeurs, pourront bénéficier de son analyse puisque la très institutionnelle revue de la défense nationale a cru devoir en priver son lectorat de base, notamment les préparants et les stagiaires du contrôle général des armées et du collège interarmées de défense, c’est-à-dire les concepteurs de demain.
Oui et c’est grave, la spécificité militaire se dissout dans une nébulosité dangereuse.
Sur ce constat, que l’auteur veuille me permettre les trois commentaires ci-après.
Quant à la banalisation de l’état militaire dans le statut d’agent public, il convient de rappeler :
– que ce sont les agents civils et leurs commissions paritaires qui obtiennent des avancées sociales, lesquelles devraient en principe être immédiatement appliquées aux militaires ;
– mais que seule la fonction publique militaire bénéficie d’un dispositif indemnitaire applicable à la famille, notamment afin de compenser les charges militaires, dont les astreintes et la mobilité ;
– et qu’en revanche la notion de « temps de travail » n’existe pas pour les militaires, c’est d’ailleurs l’un des points qui fâche nos gendarmes par rapport à la police nationale.
Quant à l’interarmisation des soutiens, pour compléter le tableau dressé par le contrôleur général Duval, sont à signaler le décret et l’arrêté très récemment publiés portant création et attributions du service du commissariat des armées, qui prennent effet le 1er janvier 2010 prochain. Il n’est pas innocent d’observer que le statut unique des commissaires, en vigueur depuis le 1er janvier 2009, laisse perdurer trois corps distincts, Terre, Marine et Air.
Même interarmisé, à son très modeste niveau de gestionnaire soumis au commandement, le commissariat des armées va demeurer l’un des révélateurs d’une incohérence française :
– comment vérifier les comptes au nom du ministre, lorsque l’on est subordonné à l’armée contrôlée ?
– comment être tantôt vérificateur, tantôt administrateur actif en tant que commissaire d’unité ?
– comment exister enfin, avec la quasi-disparition du régime des dépenses dérogatoires ?
Quant à l’unification du ministère, il apparaît nécessaire de soulever la même incohérence française, au niveau nettement plus élevé du contrôle général des armées, tantôt contrôlant, tantôt exerçant de hautes fonctions de direction dans l’administration active du ministère.
Parmi ces postes clefs quasi-systématiquement occupés par des contrôleurs généraux, arrêtons-nous sur le secrétariat général pour l’administration (SGA), dont l’importance n’a fait que croître ces trente dernières années.
Dans un souci de cohérence administrative et d’économie des moyens notamment humains, il faudrait s’en réjouir ; citons notamment la direction des affaires financières (DAF), interlocuteur unique de Bercy, ainsi que la direction des ressources humaines du ministère de la défense (DRH-MD), en charge notamment des statuts, des rémunérations et des pensions de retraite et d’invalidité.
Toutefois, viennent largement tempérer notre optimisme les politiques inspirées et/ou suivies par cette véritable « énarchie militaire » qu’est à présent le contrôle général des armées.
Ainsi et en conclusion, je ne peux que rejoindre notre grand ancien le contrôleur général Duval : hélas et grâce notamment à nos contrôleurs généraux aux manettes, l’impôt du sang est très largement perdu de vue, l’état militaire est banalisé.
Or nos engagés volontaires et nos personnels de carrière doivent demeurer une armée de citoyens, avec tous les droits attachés à cette qualité, notamment celui d’adhérer à des associations professionnelles, sans toutefois bénéficier du droit de grève ni de celui pour lesdites associations de s’immiscer dans la conduite des opérations militaires, le devoir spécifique ultime du soldat étant de donner sa vie si nécessaire.
C’est pourquoi j’estime important d’inviter tous nos camarades partageant cette analyse à rejoindre l’Adefdromil, comme je l’ai fait moi-même après de nombreuses années d’hésitation déontologique.
Domisoldo Diez
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