L’Inspection générale de la gendarmerie nationale qui effectue des enquêtes sur les dysfonctionnements supposés de l’institution est surnommée comme sa consœur, opérant dans la Police nationale : les bœufs carottes. Selon la tradition orale, ces services redoutés feraient mitonner les gendarmes ou les policiers pour mieux leur faire avouer leurs fautes, d’où leur surnom.
La réalité est tout autre.
Côté, police nationale, on attend toujours de connaître le sort réservé aux 52 kilos de cocaïne disparus des locaux du célèbre N°36 du Quai des Orfèvres à Paris. En souvenir de ce magnifique détournement de scellés, certains suggèrent malicieusement qu’on procède à une renumérotation des immeubles du Quai des Orfèvres pour que le n°36 devienne tout simplement le n°52 ?
Côté gendarmerie, ce n’est pas mieux.
Cour d’appel de Paris Mai 2015.
Tout récemment, un arrêt de la cour d’appel de Paris du 29 mai 2015, concernant un ex-gradé poursuivi pour des délits commis dans le cadre de diverses procédures est venu désavouer le travail de l’IGGN. L’histoire s’était passée dans le milieu des gens du voyage.
La décision de justice égratigne sévèrement l’action des enquêteurs :
« La cour, outre l’absence de préjudice effectif résultant des infractions retenues contre lui (l’appelant) constatera que les poursuites peu rigoureuses dont il a été l’objet paraissent traduire un acharnement étonnant de sa hiérarchie à son égard ».
Plusieurs motifs de prévention retenus en première instance sont écartés par la Cour. Et, finalement, la peine infligée en appel a été fixée à deux mois d’emprisonnement avec sursis sans inscription au bulletin n°2 du casier judiciaire, au lieu de 14 mois avec sursis et interdiction professionnelle en première instance. Beaucoup d’énergie et de potentiel humain ont donc été consommés pour un résultat modeste. Mais surtout, ce qui est dérangeant, c’est cet acharnement qui transparaît de la procédure et qui dénote un manque d’objectivité et de recul de la part d’enquêteurs supposés avoir été triés sur le volet.
Tribunal de Draguignan Janvier 2014.
Début 2014, c’était le Tribunal de Draguignan qui avait annulé une procédure diligentée contre un officier, ayant depuis quitté l’institution, qui était soupçonné d’avoir détourné près de 100 kilos de résine de cannabis, courant 2007.
Quatre ans de prison ferme avaient été requis le 18 octobre 2013 contre l’intéressé, cité à comparaître directement par le Parquet après 3 ans et demi d’enquête préliminaire, qui avait donné lieu à l’établissement de 134 procès-verbaux auxquels 6 autres cotes avaient été jointes, dont une copie de l’information judiciaire diligentée en Corse, comportant elle-même 1061 cotes. Les avocats du prévenu avaient notamment plaidé le non respect des règles de placement en garde à vue et des saisies.
Pour annuler l’intégralité de la procédure, le Tribunal était revenu « aux fondamentaux » de la procédure pénale en citant l’article 6 de la convention européenne des droits de l’Homme (« toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement…dans un délai raisonnable ») et l’article préliminaire du code de procédure pénale (« La procédure pénale doit être équitable et contradictoire et préserver l’équilibre des droits des parties …Les personnes se trouvant dans des conditions semblables et poursuivies pour les mêmes infractions doivent être jugées selon les mêmes règles… Elle a le droit d’être informée des charges retenues contre elle et d’être assistée d’un défenseur. »).
Il en avait tiré pour conséquence que « le respect de ces différentes dispositions s’impose non seulement lors de la procédure de jugement, mais également lors des phases antérieures et notamment lors de l’enquête. » ; et « qu’il appartient à l’autorité de poursuite, et aux enquêteurs agissant sous sa direction, de s’assurer que la protection des droits de la personne soupçonnée a été garantie »…
Certes, l’histoire ne précise pas quelle a été la contribution des enquêteurs à ce fiasco judiciaire et l’affaire n’est pas close, car le Parquet a fait appel de cette annulation. Mais, on voit mal la Cour d’appel revenir sur la décision du Tribunal aussi longtemps après les faits, au risque de se mettre en porte à faux avec les prescriptions de la Convention européenne.
Le 24 septembre 2011, la gendarme lyonnaise Myriam Sakhri avait été retrouvée morte à son domicile, tuée par balle, son arme de service à ses côtés. Elle était en souffrance morale et personne ne lui avait tendu la main. L’Adefdromil avait alors publié un article visant à faire prendre conscience de ce drame humain : « Qui a tué le gendarme Myriam Sakhri ? ».
Alors que de nombreux éléments pouvaient laisser penser que la jeune femme s’était suicidée, même si sa famille n’excluait nullement « d’autres hypothèses », un étui supplémentaire avait été curieusement retrouvé en avril 2012 par sa famille lors du déménagement de l’appartement de fonction, en théorie passé au peigne fin par les enquêteurs.
Selon les explications fournies, ce deuxième étui provenait de tirs effectués par un enquêteur du bureau d’enquêtes judiciaires de l’IGGN, dirigé par le colonel Besson. Dans le cadre des investigations, des coups de feu auraient été tirés dans l’appartement de fonction de la caserne Delfosse pour tester la perception de la détonation par le voisinage…L’enquêteur n’aurait pas été ensuite en mesure de retrouver l’étui adiré…Perte pour le moins fâcheuse qui avait rouvert l’hypothèse d’un homicide.
Harcèlement – Impartialité ?
Des victimes de harcèlement ont également rapporté à l’Adefdromil les pratiques curieuses de certains enquêteurs lors des auditions : souvent sans concession avec les plaignantes, ne reprenant pas volontairement tel ou tel mot supposé avoir été prononcé par le harceleur (s…, par exemple) au motif que « ça ne tiendrait pas devant le tribunal », minimisant les faits et leurs conséquences dans le procès-verbal de synthèse ou ne procédant à aucune analyse circonstanciée des éléments constitutifs de l’infraction. Bref, du grand art relevant plus de l’habileté littéraire, que de la rigueur procédurale, mais qui convient aux Parquets.
Régulièrement des procédures se terminent ainsi par des classements sans suite, bien préparés en amont. L’institution y trouve son compte ; les victimes, pas du tout.
L’accumulation dans le temps de ces divers incidents fait un peu désordre. Certes, l’erreur est humaine. Elle est donc permise à tout enquêteur. Sauf, que dans le cas de l’IGGN, police de la gendarmerie, on est en droit d’attendre de l’excellence, à défaut de la perfection.
Manifestement, il y a encore des progrès à faire. Alors, à quand les bœufs carottes de la gendarmerie dans Master Chief ?
18 juin 2015
Cette publication a un commentaire
Beaucoup de ce genre d’enquêteurs se croient investis de DROIT DIVIN. Les victimes passent souvent après l’institution . C’est le paradigme du moment . La victime n’a qu’a se taire !
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