Actualisation de la programmation militaire pour les années 2015 à 2019

Actualisation de la programmation militaire pour les années 2015 à 2019

Vote solennel

M. le président. L’ordre du jour appelle les explications de vote au nom des groupes et le vote par scrutin public sur l’ensemble du projet de loi actualisant la programmation militaire pour les années 2015 à 2019 et portant diverses dispositions concernant la défense (nos 2779, 2816, 2806, 2804, 2803).

Explications de vote

M. le président. Dans les explications de vote, la parole est à M. Philippe Vitel, pour le groupe Les Républicains.

M. Philippe Vitel. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement, madame la présidente de la commission de la défense nationale et des forces armées, mes chers collègues, lorsque l’on a chez soi une table bancale, que fait-on ? Il y a deux solutions : soit placer un morceau de carton plié sous un pied et obtenir ainsi une stabilité relative et provisoire, soit tout simplement la jeter et en acheter une neuve, si possible parfaitement stable. Pour essayer de réparer votre loi de programmation militaire – LPM – bancale, monsieur le secrétaire d’État, c’est la première solution que vous avez choisie. Dans le milieu médical, on emploie parfois aussi l’expression : « mettre un emplâtre sur une jambe de bois. »

Monsieur le secrétaire d’État, il y a maintenant dix-huit mois, le groupe UMP avait, dans sa quasi-totalité, voté contre le projet de loi de programmation militaire que vous nous aviez présentée, car il nous semblait mettre tout simplement en grand danger notre outil de défense, et cela à un moment où il était évident que les menaces contre notre patrie et, de manière plus globale, contre l’Occident, étaient de plus en plus fortes. Nous nous étions opposés à ce projet de loi pour de multiples raisons. Nous ne comprenions pas votre proposition de réduire encore davantage le format de nos armées en ajoutant une déflation de 24 000 postes aux 54 000 suppressions déjà programmées, alors que cette même année 2013 nous avait amenés à engager nos valeureuses troupes, à qui je tiens à rendre ici un grand hommage, dans de difficiles opérations extérieures à haute intensité.

Nous ne comprenions pas que l’enveloppe financière de cette LPM ne soit pas en adéquation avec les objectifs stratégiques issus du Livre blanc de la défense nationale. Nous ne comprenions pas votre entêtement à vouloir compter sur plus de 6 milliards d’euros de recettes exceptionnelles, dont le caractère totalement aléatoire ne pouvait échapper à personne. Nous ne comprenions pas non plus que notre volonté commune de doter nos soldats, nos marins, nos aviateurs, de moyens matériels que l’intensité et la répétition de leurs engagements exigent, se heurte aux fourches caudines de la maîtrise comptable, froide et cynique, de Bercy.

Au lieu de définir les besoins par rapport aux opérations, votre approche avait été inverse : il fallait donner un contenu stratégique et opérationnel à un objectif de dépense ! A posteriori, cela peut donner froid dans le dos : aurions-nous été capables de déclencher en trois jours l’opération Sentinelle et de mobiliser 10 500 soldats dans un délai aussi court, si les attentats avaient eu lieu par exemple le 7 janvier 2017 ? Posons-nous la question !

Aujourd’hui, tout en engageant la procédure accélérée, ce qui nous a empêchés de travailler sérieusement sur le texte, vous annoncez aller dans le sens de ce que nous proposions il y a dix-huit mois. Mais vous y allez bien trop timidement ! Non, vous ne répondez ni aux enjeux ni aux menaces et n’êtes pas au rendez-vous du nécessaire réarmement de notre pays. Tous les spécialistes s’accordent à dire qu’il manque entre 10 et 15 milliards d’euros à cette LPM pour acquérir les matériels dont nos armées ont besoin et en assurer l’entretien programmé en même temps que la remise en condition opérationnelle des milliers de véhicules qui reviennent dans un état calamiteux des opérations extérieures que nos soldats mènent dans des territoires très hostiles. En effet, dans le projet de loi d’actualisation que vous présentez aujourd’hui, ce n’est qu’un bonus de 2 milliards d’euros qui y est consacré, et encore, en tenant compte de l’embellie d’1 milliard d’euros permise par des indices économiques particulièrement favorables. Non, monsieur le secrétaire d’État, le compte n’y est pas.

Si la budgétisation pérenne des recettes exceptionnelles, lesquelles ne sont d’ailleurs pas au rendez-vous, comme nous l’avions prévu il y a dix-huit mois, est une bonne chose, il est bon de rappeler que, sans ce sauvetage de dernière minute, nos armées étaient en cessation de paiement au 30 juin. Quant à la limitation des déflations de personnels, elle n’est, là encore, que trop partielle. De plus, elle va poser d’énormes problèmes de ressources humaines dans la marine et l’armée de l’air et nous ne pourrons compter en 2019 que sur une armée de 261 161 professionnels, soit moins qu’en 1996, année où a été décidée, après la suspension de la conscription, la professionnalisation.

M. Christophe Léonard. Que s’est-il passé entre 2008 et 2012 ?

M. Philippe Vitel. Pour toutes ces raisons, monsieur le secrétaire d’État, les membres du groupe Les Républicains confirmeront dans leur très grande majorité leur vote de décembre 2013. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Folliot, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.

M. Philippe Folliot. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, madame la présidente de la commission, mes chers collègues, le métier de militaire est comparable à nul autre car l’engagement peut aboutir au sacrifice suprême, celui de la vie. À cet instant, je voudrais plus particulièrement rendre un hommage appuyé aux treize de nos hommes morts en opération en 2013 et 2014. Ils méritent la considération du peuple français et de la représentation nationale en particulier. Je tiens également à avoir une pensée pour nos blessés, qui se comptent par plusieurs dizaines et qui ont souffert dans leur chair du fait de leur engagement dans le cadre de ces opérations extérieures.

En 2013, monsieur le secrétaire d’État, le groupe UDI s’était opposé à la loi de programmation militaire parce qu’il avait relevé certains manquements : je pense notamment aux 23 500 suppressions de postes supplémentaires que vous aviez décidées et qui s’ajoutaient aux 54 000 prévues par les précédentes lois de programmation militaire. C’était là un effort de trop demandé à la défense.

M. Maurice Leroy. Tout à fait.

M. Philippe Folliot. Nous avions également fait valoir que les 6,1 milliards d’euros de recettes exceptionnelles risquaient de n’être pas au rendez-vous. Et d’ailleurs en grande partie, elles ne l’ont pas été !Nous avions ensuite souligné la vétusté d’un certain nombre de nos matériels, qu’il s’agisse des hélicoptères Alouette, des véhicules de l’avant blindé – les VAB – ou de certains patrouilleurs et ravitailleurs en vol, qui ont tous plus de cinquante ans d’âge. Nous avions insisté sur la nécessité de mobiliser des moyens suffisants pour que nos troupes puissent accomplir leurs missions dans de bonnes conditions.

Force est de constater que, depuis 2013, certaines incertitudes que nous avions pointées à l’époque n’ont pas été levées. Nous tenons aussi à souligner que les opérations extérieures, qu’il s’agisse de l’opération Sangaris, de l’opération Serval qui l’a précédée, de l’opération Chammal en Irak, ou maintenant de l’opération Barkhane dans toute la bande sahélo-saharienne, ont fortement mobilisé l’ensemble de nos hommes. C’est un point particulièrement important car il montre que la France tient sa place dans le concert des nations : membre permanent du Conseil de sécurité des Nations unies, elle assume ses responsabilités.

Une inflexion était nécessaire à la suite des tragiques événements que notre pays a connus au mois de janvier, lesquels ont conduit au lancement de l’opération Sentinelle, qui a mobilisé 10 000 hommes, puis 7 000, sur le territoire national. Cette inflexion a lieu dans le cadre de ce projet de loi actualisant la programmation militaire : les 3,8 milliards d’euros programmés ne combleront certes pas tous les manques mais, en tout état de cause, ils permettront d’éviter à court terme la cessation de paiement du ministère de la défense, qui serait intervenue au mois de juillet si nous n’avions rien fait. Plus largement, les hommes et femmes qui combattent sous notre drapeau doivent disposer de tous les moyens nécessaires pour assumer leurs missions dans de bonnes conditions. Or nous nous interrogeons sur les moyens supplémentaires consacrés aux matériels : ils sont certes significatifs mais ne seront certainement pas à la hauteur.

Cela dit, nos débats nous ont permis de constater un certain nombre d’avancées sur des sujets auxquels l’UDI est très sensible, comme celui de l’Europe de la défense – je pense notamment à la révision du mécanisme budgétaire européen Athéna de financement des opérations extérieures. En effet, la solidarité des autres pays de l’Union européenne doit être également financière.

Au regard de l’engagement fort de nos troupes sur le terrain, il était indispensable de parer au plus pressé. Cette actualisation de la loi de programmation militaire ne répondra certes pas à tous les besoins ni toutes les demandes de nos hommes sur le terrain, mais il s’agit en tout état de cause d’une inflexion positive. Dès lors, et parce que le groupe UDI défend une position constructive, nous nous abstiendrons positivement sur ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants et sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

Mme Patricia Adam, présidente de la commission de la défense nationale et des forces armées. Très bien !

M. le président. La parole est à M. François de Rugy, pour le groupe écologiste.

M. François de Rugy. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, madame la présidente et rapporteure de la commission de la défense, mes chers collègues, à peine un an et demi après l’adoption de la loi de programmation militaire pour les années 2015 à 2019, nous examinons son actualisation, et nous le faisons dans un climat très particulier, marqué par les menaces bien réelles qui pèsent sur le monde, qui s’accroissent, et auxquelles la France n’échappe pas. Ce contexte oblige chacune et chacun à se placer à la hauteur de la gravité de l’enjeu, en faisant des propositions plutôt qu’en polémiquant. Alors que l’opposition essaie de perpétuer le mythe d’une puissance militaire globale que serait la France en essayant de faire croire que le budget militaire pourrait augmenter fortement, comme si la contrainte budgétaire n’existait pas, nous souhaitons, nous, adopter une approche pragmatique. Certes, ce texte comporte de petites inflexions, avec notamment une pause dans la baisse des effectifs et un petit coup de pouce budgétaire. Nous pourrions discuter à nouveau du fond de ces orientations mais elles se comprennent dans le contexte actuel.

Lors du débat, j’ai réaffirmé nos désaccords avec certains choix lourds de la loi de programmation militaire initiale votée il y a dix-huit mois, notamment la sanctuarisation tout à la fois politique et financière de l’arsenal nucléaire au détriment des forces conventionnelles. Nous continuons de penser que des choix plus clairs et plus marqués devraient être faits pour mettre en cohérence notre outil de défense avec les menaces d’aujourd’hui, mais aussi avec les priorités diplomatiques de la France. Ces divergences sont connues et aujourd’hui actées : elles doivent être intégrées mais elles ne nous empêchent pas d’avancer sur d’autres sujets, sur lesquels nos positions peuvent être plus convergentes. Et, il faut le reconnaître, cette actualisation comporte des propositions indispensables à la modernisation de nos armées : je pense au reformatage de notre modèle de ressources humaines et à la réduction du taux d’encadrement. Je l’avais appelé de mes vœux lors de la LPM initiale et je considère que les nouveaux outils d’incitation au départ vont dans le bon sens.

Mais je pense surtout à la reconnaissance du droit d’association des militaires, qui constitue tout à la fois un progrès social et un progrès du droit. Sur ce sujet, mes chers collègues, nous pouvons nous féliciter d’avoir trouvé, au cours de nos débats d’abord en commission puis en séance, un point d’équilibre qui modifie sensiblement le texte initial du Gouvernement. Il garantira aux militaires le droit de faire entendre leurs légitimes revendications professionnelles dans des conditions sans nullement remettre par ailleurs en cause les spécificités de leur fonction. C’était là un défi majeur et nous l’avons relevé ensemble. Et je veux ici saluer l’attitude du ministre de la défense et de la présidente et rapporteure de la commission, qui nous ont permis d’avancer dans un esprit d’exigence, d’écoute et finalement de consensus.

Par ailleurs, les écologistes ont fait adopter plusieurs amendements visant à réaffirmer l’objectif de construction d’une Europe de la défense. En dépit d’une réalité de terrain malheureusement bien éloignée de nos espérances, cela répond aux attentes de certains de nos partenaires européens et de nos concitoyens et il était important de le réaffirmer politiquement dans ce projet de loi actualisant la programmation militaire.

Pour conclure, les écologistes entendent réaffirmer leur opposition de fond à la stratégie arrêtée dans le cadre du Livre blanc de la défense et de la sécurité nationale puis de la loi de programmation militaire initiale, mais veulent également saluer les avancées permises par le présent texte. Et c’est par une abstention que le groupe écologiste traduira ce positionnement. (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste.)

M. le président. Sur l’ensemble du projet de loi, le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à M. Jean-Pierre Maggi, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.

M. Jean-Pierre Maggi. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, madame la présidente de la commission, chers collègues, le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste soutient le projet de loi actualisant la programmation militaire pour les années 2015 à 2019, et ce pour plusieurs raisons.

Tout d’abord parce que cette actualisation était prévue. La loi de programmation militaire que nous avons votée en décembre 2013 dispose, en effet, que celle-ci ferait l’objet d’une série d’actualisations, dont la première devait intervenir avant la fin de l’année 2015. Nous constatons que, face aux événements du début de l’année et à la suite du Conseil de défense du mois d’avril, le Gouvernement n’a pas attendu cette échéance, ce que nous saluons.

Ces actualisations sont en effet nécessaires : elles doivent, d’une part permettre de vérifier la bonne adéquation des objectifs fixés par la loi aux réalisations, d’autre part d’affiner certaines des prévisions qui y figurent, notamment dans les domaines de l’activité des forces et des capacités opérationnelles.

Force est de constater que le contexte a évolué. D’une part, les dramatiques attentats perpétrés à Paris en janvier dernier ont démontré la nécessité d’un déploiement accru des forces sur le sol national, tant pour garantir la sûreté des populations que pour participer à la lutte contre le terrorisme. D’autre part, la multiplication des crises en Afrique et au Moyen-Orient a contraint l’armée française à déployer des moyens importants sur de nouveaux théâtres pour des opérations militaires de contre-terrorisme exigeantes.

Il est temps de tirer les conséquences des engagements intensifs de nos forces armées et des nouveaux besoins apparus depuis le vote de la loi de programmation militaire : cette actualisation est justifiée et urgente. Les 31,4 milliards d’euros des crédits de la défense qui seront sanctuarisés en 2015 et les 3,8 milliards de crédits supplémentaires alloués pour les quatre prochaines années permettront de faire face, tant en termes d’effectifs que d’équipements.

En termes d’effectifs tout d’abord : le nouveau contrat opérationnel de protection permettra le déploiement sur le territoire national, dans la durée, de 7 000 hommes des forces terrestres, cet effectif pouvant, pendant un mois, s’élever à 10 000 hommes. Des moyens adaptés seront accordés aux forces navales et aériennes. Le renforcement des effectifs de la Force opérationnelle terrestre, qui atteindront 77 000 hommes au lieu des 66 000 prévus dans la loi de programmation militaire initiale, va dans le même sens.

En termes d’équipements ensuite : cette actualisation permettra de renouveler et mettre à niveau les matériels. Dans le domaine des équipements critiques, elle bénéficiera à la capacité de projection aérienne tactique ou encore du renseignement.

Hormis les quelques réserves que nous avons sur l’institution d’un droit d’association professionnelle des militaires qui aurait dû, selon nous, faire l’objet d’un recours devant la Grande chambre de la Cour européenne des droits de l’homme, nous soutenons ce projet de loi qui prévoit d’expérimenter un service militaire volontaire ayant pour ambition d’accompagner de jeunes « décrocheurs », âgés de dix-sept à vingt-cinq ans, sur le chemin de la socialisation et de l’emploi, en leur offrant une formation globale de six à douze mois au sein de l’armée de terre. Ce dispositif a déjà fait ses preuves outre-mer.

Ce projet de loi actualisant la programmation militaire pour les années 2015 à 2019 donne donc à la France les moyens de mettre en œuvre un modèle d’armée ambitieux, à même de répondre à l’évolution des enjeux internationaux ainsi qu’aux besoins de sécurisation du territoire national. Par conséquent, le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste le votera. (Applaudissements sur les bancs du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste ainsi que sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Candelier, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

M. Jean-Jacques Candelier. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, madame la présidente de la commission de la défense, chers collègues, faisons le bilan du débat relatif à l’actualisation de la programmation militaire pour les années 2015 à 2019. Le groupe Les Républicains a fait preuve de peu d’opposition, et pour cause : les évolutions en matière de défense sous François Hollande sont dans le droit fil de ce qui se passait sous Nicolas Sarkozy.

La privatisation de l’industrie de défense continue. La vente de notre patrimoine militaire – pour remplir, à courte vue, les caisses – est toujours d’actualité. Les restructurations et dissolutions ne sont pas remises en cause, pas plus que le partenariat public-privé avec Bouygues pour l’opération de Balard.

Après dix ans de baisse du budget, 3,8 milliards d’euros supplémentaires seront attribués à la défense au cours des quatre prochaines années, mais 2,5 milliards sont programmés après 2017, c’est-à-dire pour les années 2018 et 2019. Cet effort supplémentaire intervient surtout parce que la politique d’austérité ne permet plus de faire fonctionner l’armée au quotidien. Beaucoup trop d’équipements sont vétustes. L’entraînement des personnels comme la vie courante dans les unités font les frais de l’austérité.

Rappelons qu’entre 2008 et 2013, la précédente loi de programmation a supprimé 54 000 postes. Dès 2007, la France s’est alignée sur les positions des États-Unis, en réintégrant le commandement militaire de l’OTAN.

Les suppressions de postes continuent, même si leur ampleur est moindre. Si aujourd’hui les crédits attribués au ministère de la défense augmentent et si la baisse des effectifs subit un coup de frein, c’est pour assurer l’opération Sentinelle, lancée après les attentats de janvier, ainsi que les nombreuses opérations extérieures, notamment en Afrique et en Irak – dont on ne voit pas la fin. La France continue à se faire le gendarme de l’Afrique et à placer ses pas dans ceux des Américains.

Je commenterai trois points particuliers. Ce projet de loi contient une expérimentation portant sur le service militaire volontaire. Alors que de trop nombreux jeunes rencontrent de graves problèmes d’insertion, il sera créé un service militaire volontaire destiné aux jeunes âgés de 18 à 25 ans, et ce pour une durée variable de six mois à un an. Une formation militaire élémentaire, pour une durée d’un mois, au sein de l’armée de terre, leur apprendra le goût de l’effort et du dépassement. Cette expérimentation va dans le bon sens : 1 000 jeunes seraient concernés, ce qui est toujours bon à prendre, mais ce qui est trop peu.

Deuxième point : le texte prétend appliquer les arrêts rendus en matière de représentation professionnelle par la Cour européenne des droits de l’homme en octobre dernier. Là non plus, ce texte ne va pas assez loin. On peut s’attendre à l’ouverture d’autres contentieux qui aboutiront à ce qu’un jour les militaires aient le droit de se syndiquer. Je rappelle que les juges ont estimé que la liberté des militaires pouvait faire l’objet de restrictions légitimes, mais pas au point d’interdire, de manière pure et simple, de constituer un syndicat ou d’y adhérer. Or, cette interdiction subsiste. S’appuyant, de manière orientée, sur les règles de la discipline militaire, le texte propose, avec des associations professionnelles strictement encadrées, une réforme a minima. Il n’y a pourtant aucune incompatibilité entre la discipline militaire et le fait de défendre les conditions de vie et de travail. La position réactionnaire du Front national dans ce débat est à noter : il voudrait conférer un caractère expérimental aux associations professionnelles nationales de militaires, les APNM. Ce parti, qui prétend défendre les sans-grade et les petits, est hostile à toute réforme permettant d’améliorer les conditions de travail et de vie des militaires les plus humbles. Les militaires sont des professionnels qui connaissent les aspects opérationnels et savent qu’à l’instar d’autres professions, ils n’ont pas le droit de grève. Ils savent aussi ce que neutralité et discipline veulent dire.

Troisième point : en dépit de son inutilité, la dissuasion nucléaire reste malheureusement la clé de voûte de notre défense. Elle engloutira, pour la période 2015-2019, 19,7 milliards d’euros, contre 41,8 milliards dévolus à l’armement conventionnel. Toute perspective d’interdiction de cette arme, sur le modèle de l’interdiction des armes chimiques, a été écartée. La dissuasion nucléaire coûte chaque jour 10,8 millions d’euros à notre pays. L’austérité, qui détruit nos services publics, ne vaut donc pas pour l’armement nucléaire, dont l’impact pour les civils n’est pourtant pas à démontrer. Je ne cesserai de le répéter : la poursuite de la modernisation des composantes de la dissuasion nucléaire, qui prépare leur renouvellement, ne respecte pas les engagements que nous avons souscrits en signant le traité de non-prolifération.

En conclusion, ce projet de loi met un terme à certaines élucubrations comptables comme les sociétés de projets. Certaines recettes exceptionnelles sont transformées en crédits budgétaires, ce qui est positif. Mais la France reste prise entre le marteau de la politique d’austérité exigée par Bruxelles et l’enclume des missions confiées à nos armées. C’est toute la stratégie de défense, l’organisation de nos armées et de leurs équipements qu’il faudrait revoir.

Ce projet de loi, s’il n’est pas entièrement négatif, ne se conjugue pas avec une réelle politique de défense nationale au service du peuple français et de la paix dans le monde. Aussi les députés du Front de Gauche voteront-ils contre.

M. le président. La parole est à M. Christophe Léonard, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Christophe Léonard. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, madame la présidente et rapporteure de la commission de la défense nationale et des forces armées, chers collègues, le projet de loi actualisant la programmation militaire pour les années 2015 à 2019, sur lequel nous sommes aujourd’hui amenés à nous exprimer au nom du peuple français, est un texte nécessaire et ambitieux, que la représentation nationale a enrichi.

Il s’agit d’un projet de loi nécessaire, parce qu’il traduit, au lendemain des attentats de janvier 2015, la décision du Président de la République, chef des armées, de déployer nos soldats sur le territoire national au travers de l’opération Sentinelle. Il l’est également parce qu’il respecte l’article 6 de la loi du 18 décembre 2013 portant programmation militaire pour les années 2014 à 2019, qui prévoyait expressément cette actualisation pour s’adapter aux menaces extérieures comme intérieures.

Il est également nécessaire parce qu’il convient de tirer collectivement les enseignements des LPM 2002-2008 et 2008-2014. En 2004, notre armée de terre souffrait d’un sous-équipement de l’ordre de 6 000 équivalents temps plein, faute des crédits de rémunération nécessaires. Sur la période 2009-2012, comme l’a souligné la Cour des comptes, son budget n’a pas été maîtrisé : les recettes exceptionnelles attendues ne se sont pas réalisées, la masse salariale a augmenté de plus de 2 milliards d’euros, sans oublier un report de charges cumulé se montant à 3 milliards d’euros à la fin de 2012, et tout cela dans un contexte où la dette publique de la France doublait, passant entre 2002 et 2012 de 930 à 1 860 milliards d’euros, soit de 60 à 90 % de notre produit intérieur brut.

Ce projet de loi est aussi nécessaire car il renforce, enfin, la puissance militaire de notre pays, indissociable de toute puissance économique, comme en attestent la volonté de la France, depuis mai 2012, d’assumer ses responsabilités de grande puissance mondiale, et la présence de 7 000 de nos soldats en opérations extérieures.

Ce projet de loi a été, disais-je, enrichi par la représentation nationale. Il l’a été même si, par volonté polémique, les députés du groupe UMP, devenu depuis le groupe Les Républicains, ont déserté la réunion de la commission de la défense du 27 mai dernier, au cours de laquelle il était examiné, au motif de l’engagement de la procédure accélérée – à seule fin de faire aboutir rapidement l’examen du texte. (Exclamations sur de nombreux bancs du groupe les Républicains.)

Au regard des besoins de protection du territoire national et de l’état des menaces en Europe et dans le monde, tous les groupes politiques de cette assemblée sont convaincus de cette urgence, pour nos armées comme pour la sécurité des Français. Cet esprit de concorde républicaine s’est traduit concrètement, lors de l’examen du texte dans l’hémicycle, par le vote à l’unanimité d’un certain nombre d’amendements, issus de tous les groupes. Ces amendements visaient notamment à réaffirmer le rôle majeur de la France dans la construction de l’Euorpe de la défense ainsi que la nécessité de mettre en place un budget européen dédié à la politique de sécurité et de défense commune. Ils visaient également à garantir notre trajectoire d’investissements militaires, quelles que soient les conditions économiques futures, par l’inscription dans la loi d’une clause de sauvegarde financière, ou encore à assurer une meilleure représentativité des associations professionnelles nationales de militaires.

Ce projet de loi est ambitieux : il consacre une augmentation du budget de la défense de 3,8 milliards d’euros pour la période 2015-2019 et substitue des crédits budgétaires aux ressources exceptionnelles prévues dans la loi de programmation militaire initiale, pour un montant de 5 milliards d’euros. Il ramène également la déflation des effectifs militaires à 6 918 équivalents temps plein, contre 25 668 initialement prévus. Il institue un nouveau contrat de protection permettant de déployer dans la durée 7 000 hommes – effectif pouvant monter jusqu’à 10 000 hommes – sur le territoire national. Il acte également le renforcement des effectifs, d’au moins 2 000 personnes, dans le domaine du renseignement et de la cyberdéfense. Il prévoit par ailleurs un effort d’investissement en faveur de nos hélicoptères Tigre, de nos avions ravitailleurs et de transport militaires MRTT et C-130, de nos bâtiments multi-missions et de soutien, ainsi que de nos capacités satellitaires.

Ce projet de loi instaure parallèlement, à titre expérimental, un service militaire volontaire, et assouplit les conditions d’emploi des réservistes. Enfin, il met notre pays en conformité avec la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, établie par un arrêt du 2 octobre 2014, en reconnaissant aux militaires le droit d’association.

Dès lors, au nom des valeurs républicaines, au nom de la France, sachons unanimement nous rassembler, par le vote que nous allons exprimer dans quelques instants, derrière notre armée, les femmes et les hommes qui la composent, et soutenir ce projet de loi qui, pour la première fois dans l’histoire, augmente les crédits d’une LPM en cours d’exécution. (Exclamations sur les bancs du groupe les Républicains.)

Les Français nous regardent, nos soldats nous attendent : ils ne comprendraient pas que l’on puisse préférer la posture à l’intérêt supérieur de la nation. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

Vote sur l’ensemble

M. le président. Je mets aux voix l’ensemble du projet de loi.

(Il est procédé au scrutin.)

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 550
Nombre de suffrages exprimés 486
Majorité absolue 244
Pour l’adoption 291
contre 195

(Le projet de loi est adopté.)

Source: Assemblée nationale

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