Audition de M. Jean-Paul Bodin, secrétaire général pour l’administration, sur le projet de loi actualisant la programmation militaire pour les années 2015 à 2019 et portant diverses dispositions relatives à la défense (n° 2779)

Commission de la défense nationale et des forces armées

Jeudi 21 mai 2015

Séance de 9 heures

Compte rendu n° 61

Présidence de Mme Patricia Adam, présidente

La séance est ouverte à neuf heures.

Mme la présidente Patricia Adam. Nous accueillons M. Jean-Paul Bodin, secrétaire général pour l’administration, pour une audition sur le projet de loi actualisant la programmation militaire pour les années 2015 à 2019.

M. Jean-Paul Bodin, secrétaire général pour l’administration. Merci de m’accueillir au lendemain de la présentation du projet de loi en Conseil des ministres.

Je reviendrai sur des éléments financiers de cette actualisation, les mesures relatives aux ressources humaines (RH) et la création des associations nationales professionnelles de militaires, avant de conclure sur quelques points de vigilance – sachant que ce qui a été décidé pour la défense suscite de nombreuses interrogations dans les autres ministères, notamment en matière financière et de masse salariale.

Cette actualisation était prévue par l’article 6 de la loi de programmation militaire (LPM), qui fixait une première actualisation à la fin de l’année 2015 et précisait les sujets à examiner, comme l’activité des forces, les capacités opérationnelles, l’évolution des effectifs ou les conséquences des exportations, notamment du Rafale. Elle est devenue indispensable compte tenu de la situation sécuritaire et stratégique, du haut niveau d’engagement extérieur et intérieur et des incertitudes qui pèsent sur l’atteinte des ressources budgétaires, notamment des recettes exceptionnelles.

Dans ce contexte, le Président de la République a décidé d’accroître la dépense de défense, afin de donner à la France les moyens de mettre en œuvre un modèle d’armée apte à répondre à l’évolution des enjeux internationaux et au besoin de sécurisation du territoire national. Cet effort s’élèvera à 162,4 milliards d’euros pour la période 2015-2019.

Le conseil de défense a octroyé 3,8 milliards d’euros de crédits budgétaires supplémentaires pour 2016-2019 pour financer deux axes prioritaires : le nouveau contrat protection, pour 2,8 milliards, et les besoins capacitaires, pour 1 milliard.

Les crédits budgétaires vont donc augmenter de 600 millions d’euros en 2016, 700 millions en 2017, 1 milliard en 2018 et 1,5 milliard en 2019 par rapport à ce qui avait été arrêté en 2013.

À cet effort important, s’ajoute la mobilisation par le ministère des gains de pouvoir d’achat identifiés par l’Inspection générale des finances (IGF) et le Contrôle général des armées (CGA), qui doivent permettre de mobiliser autour d’1 milliard d’euros.

Par ailleurs, il a été envisagé de sécuriser les ressources. Les recettes exceptionnelles tirées de la cession des fréquences 700 mégahertz (MHz), qui devaient être inscrites sur le compte d’affectation spéciale (CAS), sont remplacées par des crédits budgétaires, ce qui est une garantie pour le ministère.

Dès l’année 2015 et pour les suivantes, les ressources de la programmation feront l’objet de crédits de la mission Défense et de recettes extrabudgétaires limitées, faites de produits de cessions immobilières et de produits de cessions de matériel. Ces dernières sont évaluées à 50 millions d’euros par an et semblent possibles pour des matériels d’occasion – plusieurs prospects sont en cours pour vendre d’anciens bâtiments de la marine ou des matériels terrestres. Quant aux cessions immobilières, elles devraient augmenter de 300 millions d’euros sur 2016-2019 par rapport à ce qui avait été prévu, car la vente de l’Îlot Saint-Germain a été décalée et nous avons des discussions sur la cession de l’emprise de Saint-Thomas d’Aquin. Les cessions réalisées l’ont en outre été à des montants plus importants que ceux prévus, comme le montrent les réponses à nos appels d’offres, notamment pour les cessions de Bellechasse et de la Pépinière. Nous souhaitons donc un appel d’offres pour Saint-Thomas d’Aquin, dont nous sommes convaincus qu’il peut rapporter davantage que la cession de gré à gré.

Nous avons par ailleurs réévalué les possibilités de cessions en province, pour lesquelles nous avons repris des discussions avec SOVAFIM, société qui possède un capital relativement important, a réalisé pour l’État des opérations d’envergure, notamment la restructuration des immeubles Ségur-Fontenoy, et pourrait récupérer un certain nombre d’immeubles en province.

La seule inconnue est l’Îlot Saint-Germain : des discussions sont en cours avec la ville de Paris à cet égard, notamment sur l’obligation que l’on aurait d’y prévoir des logements sociaux. Je rappelle qu’on a très bien vendu Bellechasse et la Pépinière parce qu’il n’y avait pas une telle obligation.

M. Jean Launay. Où en est-on sur l’Hôtel de l’artillerie ? Y a-t-il des discussions avec Sciences Po ?

M. Jean-Paul Bodin. Il y a en effet des discussions avec Sciences Po, mais alors que cet organisme préférerait une cession de gré à gré, nous préférons un appel d’offres.

La majoration de crédits résultant de l’actualisation de la LPM permet de financer les deux axes prioritaires que j’évoquais.

Le premier, qui a trait au nouveau contrat protection, prévoit une réduction de la déflation des effectifs à hauteur de 18 750 équivalents temps plein (ETP) de 2015 à 2019, afin notamment que les armées soient en mesure de déployer dans la durée 7 000 hommes des forces terrestres sur le territoire national – cet effectif pouvant monter jusqu’à 10 000 pendant un mois. 2,8 milliards d’euros vont permettre de financer cette moindre déflation et les coûts de fonctionnement.

Le deuxième axe prioritaire concerne le financement de l’équipement des forces, notamment une partie importante d’entretien programmé des matériels à hauteur de 500 millions d’euros sur la période, permettant la régénération des matériels soumis à de fortes pressions en opérations extérieures (OPEX). En sus d’une majoration des crédits budgétaires d’1 milliard d’euros par rapport à la LPM initiale au profit de l’équipement, 1 milliard d’euros est redéployé au bénéfice des opérations d’armement, du fait de l’évolution favorable des indices économiques depuis le vote de la LPM, pour financer plusieurs besoins : pour les hélicoptères, sept Tigre et six NH90 TTH ; pour le transport tactique et le ravitaillement en vol, la mise à disposition de quatre C-130, qui est à l’étude, et l’avancement de la livraison des trois derniers MRTT ; pour le renseignement, la charge utile ROEM pour le drone Reaper ; et pour la cohérence opérationnelle, l’acquisition d’un quatrième BSAH et celle d’un quatrième B2M, au profit de la marine.

En moyenne, la dotation annuelle consacrée à l’équipement s’élèvera à près de 17,6 milliards d’euros courants.

S’agissant des effectifs et de la manière dont sera conduite la nouvelle manœuvre RH, tout n’est pas complètement déterminé, notamment la répartition des effectifs entre grandes entités du ministère.

Le Président de la République a, on le sait, décidé une réduction du volume et du rythme de la diminution des effectifs.

Les 18 750 moindres déflations d’effectifs correspondent à plusieurs mesures : une décision du Premier ministre de créer 250 postes dans le domaine du renseignement ; la demande du Président de la République de mettre en œuvre le nouveau contrat opérationnel de protection du territoire national, soit 7 000 hommes dans la durée – et donc une augmentation de la force opérationnelle terrestre (FOT) de 66 000 à 77 000 hommes ; des « besoins nouveaux », à hauteur de 5 000 emplois, pour répondre aux exigences et priorités liées à l’aggravation du contexte sécuritaire – notamment le soutien aux nouveaux moyens alloués à la mission protection, le renforcement des capacités de cyberdéfense, de sécurité des systèmes d’information et de renseignement – et à la prise en compte du soutien aux opérations d’exportation ; enfin, la sécurisation des capacités opérationnelles, nécessitant d’annuler une partie des 3 500 suppressions de postes sur les 7 000 prévues dans le cadre des chantiers de transformation du ministère – on constate en particulier des tensions très fortes dans les services de soutien.

Initialement prévue à hauteur de 33 675 ETP dont 10 175 au titre de l’achèvement de la précédente LPM et 23 500 dans le cadre de l’actuelle, la déflation se poursuivra, mais sera ramenée sur l’ensemble de la période à 14 925, dont plus de 8 000 ont été réalisées en 2014.

La déflation, c’est-à-dire le solde entre créations et suppressions sera de l’ordre de – 6 918 postes entre 2016 et 2019. Ainsi, 4 500 postes seront supprimés en 2016, 3 149 en 2017, 3 018 en 2018 et environ 3 800 en 2019. En 2015, créations et suppressions seront équivalentes. Le solde sera en revanche positif en 2016 avec + 2 300 ETP compte tenu de la volonté d’atteindre les effectifs de constitution de la FOT en 2015 et 2016. Cela se traduira en 2015 par une augmentation du recrutement dans l’armée de terre, qui produira vraisemblablement des effets en fin d’année, et par un accroissement massif du recrutement en 2016, pour être sûr d’avoir en 2017 une FOT à 77 000 hommes.

La déflation des effectifs militaires entre 2014 et 2019 devrait être de l’ordre de 9 400 emplois. Les effectifs du personnel civil seront réduits de 5 500 postes, sachant que ceux des catégories A et B augmenteront afin de mettre en œuvre les renforts décidés, notamment dans le domaine du renseignement et de la cybersécurité. Parallèlement, le dépyramidage du personnel militaire va se poursuivre : le nombre d’officiers devrait être réduit d’environ 2 300 d’ici la fin de la LPM dont, en 2016, une réduction de 50, résultant de 830 suppressions de postes et de 780 créations. En effet, la FOT outre une grande proportion de militaires du rang et de sous-officiers, nécessite également de jeunes officiers – principalement du personnel contractuel.

Par ailleurs, l’armement des postes cyber ou en matière de renseignement ou de sécurité des systèmes d’information nécessitera un effort important de recrutement. Nous aurons donc une manœuvre assez compliquée à gérer puisqu’il faudra d’un côté recruter et, de l’autre, supprimer des emplois. L’année 2015 est caractéristique de cette manœuvre puisque 7 500 postes seront supprimés alors que, dans le même temps, 7 500 recrutements supplémentaires seront effectués – sachant qu’il n’y a pas de concordance entre ces deux types d’emplois, qui portent sur des missions différentes.

C’est pour cette raison que nous avons insisté pour que soient maintenus les leviers d’aides aux départs, qui sont un sujet de débat interministériel. La ministre chargée de la fonction publique s’est notamment demandé pourquoi maintenir ce dispositif alors que les effectifs diminuent moins que prévu. Reste qu’il ne s’agit pas des mêmes catégories de personnes.

Les mesures d’aide au départ en vigueur, mises en place en début de programmation, donnent sur le principe satisfaction à la population militaire, mais il faut les rendre plus efficientes et durablement efficaces en en modifiant les curseurs, afin d’élargir les viviers et d’augmenter la sélectivité. C’est pourquoi quelques ajustements ont été inclus dans l’actualisation de la LPM.

La promotion fonctionnelle (PF) permet de promouvoir au grade supérieur des officiers et sous-officiers, au vu de leurs mérites et de leurs compétences, pour occuper certains emplois pendant une durée de 24 à 36 mois, avant leur départ à la retraite avec droit à pension à jouissance immédiate ou leur admission en deuxième section. Mais le dispositif actuel s’avérant insuffisamment attractif – moins d’une centaine de personnes en bénéficiera en 2015 –, il est proposé d’en assouplir les règles sur deux points. D’abord, modifier la condition d’appréciation du droit à pension. Au lieu d’exiger un droit à retraite à jouissance immédiate à la date de la promotion fonctionnelle, il est prévu simplement une durée minimale de services de 15 ans, condition d’ouverture d’un droit à retraite. Pour les officiers comptant moins de 27 ans de services, la pension de retraite sera à jouissance différée, mais s’appliquera de façon plus souple. Le vivier des officiers pouvant bénéficier de ce dispositif passerait ainsi de 1 600 à 2 700. Cela nous permettra d’avoir un dialogue plus clair avec les officiers et de faire en sorte que nous réussissions à garder certaines spécialités. Deuxième point : porter à 48 mois la durée des fonctions exercées par les officiers généraux de la direction générale de l’armement (DGA), du service de santé des armées (SSA) et du service d’infrastructure de la Défense (SID), qui ont des limites d’âge plus élevées – 65 à 67 ans contre 59 ans pour les officiers des armes – et conduisent des missions de plus long terme.

Par ailleurs, la pension afférente au grade supérieur (PAGS) permet aux officiers et sous-officiers de prétendre à une retraite afférente au grade supérieur avec prise en compte des services que le militaire aurait accomplis jusqu’à sa limite d’âge. Les modifications proposées visent à étendre le vivier – s’agissant notamment du grade de commandant – et à rendre moins contraignante la mise en œuvre par les gestionnaires. Un abaissement de cinq à deux ans de la condition d’ancienneté dans le grade permettra d’augmenter de 46 % le vivier des officiers pouvant prétendre au bénéfice de ce dispositif et d’améliorer la sélection des candidats. En 2014, on a ainsi enregistré 235 PAGS pour un vivier de 2 763 éligibles, lequel pourrait être porté à environ 4 000. Il est aussi prévu de fixer dans l’arrêté de contingent annuel un volume global par grade – et non plus par grade et corps –, ce qui facilitera la manœuvre des gestionnaires et le dépyramidage souhaité dans le cadre de la LPM.

Je ne cache pas que le niveau de contrainte sur la manœuvre RH reste très élevé. Si nous n’avons pas des mesures d’accompagnement, on aura des difficultés réelles à faire partir le personnel et à dépyramider, ce qui pèsera sur le titre 2, qui demeure calculé au plus juste. Comme nous aurons à recruter des militaires du rang, il faudra en effet qu’on parvienne à faire partir des personnels de carrière, notamment sous-officiers et officiers. Outre que nous ne sommes pas sûrs de ces départs, nous avons quelques interrogations sur certaines dépenses, comme les dépenses de chômage. En effet, nous avons actuellement un débat sur les durées de recrutement : je suis personnellement très réservé sur des durées courtes, car plus celles-ci sont brèves, moins les personnels acquièrent une expérience valorisable – sachant que se posent par ailleurs des questions d’attractivité.

L’adoption des dispositions relatives aux associations professionnelles nationales de militaires permettra de tirer les conséquences de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH), qui a condamné la France, le 2 octobre 2014, pour non-respect de l’article 11 de la convention européenne des droits de l’homme consacré au droit d’association. La Cour a en effet rappelé que les militaires ne pouvaient être exclus de manière générale du « droit de fonder… des syndicats et de s’affilier à des syndicats pour la défense de [leurs] intérêts ».

À la suite des préconisations du président de la section de l’administration du Conseil d’État, est proposée dans le présent projet de loi la création d’associations sui generis, dites « Associations professionnelles nationales de militaires (APNM) », strictement indépendantes du commandement, des partis politiques, des confessions religieuses, des organisations syndicales ou patronales, des entreprises ou des États étrangers. Ce projet de loi vise à concilier ce droit avec le respect des obligations de neutralité, de disponibilité et d’obéissance requises par l’état militaire. Sont également interdits à l’ensemble des militaires l’exercice des droits de grève, de manifestation et de retrait et, aux militaires engagés en OPEX, la conduite d’actions collectives ou individuelles pouvant porter à discuter de l’engagement des opérations.

Les APNM interviendront dans le dialogue social avec la hiérarchie militaire, en fonction de leur représentativité, notamment par l’intermédiaire de leurs représentants au Conseil supérieur de la fonction militaire (CSFM).

Chacune de ces APNM devra s’adresser à l’ensemble des catégories de militaires d’au moins l’une des forces armées ou formations rattachées.

Leur représentativité s’appréciera en tenant compte, non seulement des effectifs d’adhérents et des cotisations perçues, mais également « de la diversité des groupes de grades (…) représentés ». On cherche donc à avoir des associations qui soient les plus ouvertes possibles sur l’ensemble de la population militaire.

Ces associations siégeront à terme au sein du CSFM dans la limite du tiers du total de ses sièges. Par ailleurs, on envisage de conforter ce dernier et de distinguer les conseils de la fonction militaire qui traiteront des questions relatives à une armée et pourront traiter des questions évoquées en CSFM : on ne sera plus dans un mécanisme systématique de préparation des séances du CSFM en CFM.

Le CSFM, quant à lui, étudiera les questions relatives à la condition militaire, dont une définition sera donnée par la loi.

Ce droit d’association constitue une évolution importante des modes de fonctionnement, de concertation et de représentation du personnel au sein du ministère. Mais on ne peut pas dire comment les choses vont se passer, notamment si des associations seront rapidement créées. Je pense que cela aura un impact à terme sur le fonctionnement de la concertation au sein du ministère. Pour présider la seule structure où se retrouvent personnels militaires et personnels civils, qui est le Conseil central de l’action sociale, je vois bien que les formes de dialogue sont différentes avec les deux « familles » rassemblées par rapport au dialogue avec les syndicats d’un côté et le CSFM de l’autre.

Enfin, quelques points de vigilance me semblent devoir être partagés avec vous.

Le premier porte sur le coût des facteurs et les gains de pouvoir d’achat identifiés par le rapport de l’IGF et du CGA. Il faut consolider les gains prévus d’1 milliard d’euros, d’autant qu’ils seraient utilisés pour les dépenses d’équipement.

S’agissant de la manœuvre RH, j’aurai, en tant que responsable du pilotage de l’ensemble de la masse salariale du ministère, à en gérer la complexité. Cela nécessite la mise en place d’outils de suivi. On a commencé à avoir depuis le début de l’année des structures de pilotage des dépenses du titre 2 et de discussions avec les états-majors. Il nous faut très vite avoir une ventilation des effectifs entre armées, sachant qu’il y aura des réductions d’effectifs dans chaque armée et dans les services. Cela nécessite un dialogue interne très fort. Depuis que ces dispositifs d’autorité fonctionnelle renforcée et de pilotage du titre 2 sont en place, toutes les décisions sont prises collégialement.

Le troisième point de vigilance est la perception des réformes par le personnel au sein du ministère. Les enquêtes sociologiques, notamment celle faite par la direction des ressources humaines du ministère de la Défense (DRHMD) à la fin 2014 sur ce sujet, montrent une certaine inquiétude. Si les annonces du Président de la République permettent de rassurer, notamment sur l’évolution des effectifs, le personnel ne sera pleinement rassuré que lorsqu’il verra comment l’évolution des effectifs se traduira – sachant qu’il y a une inquiétude assez forte dans les services de soutien. Il faut donc être en mesure d’expliquer comment les choses vont évoluer dans les services et pourquoi, malgré la moindre déflation des effectifs, il est indispensable de continuer à faire des restructurations – lesquelles sont, au bout d’un certain temps, de plus en plus difficiles à admettre.

M. Jean-Michel Villaumé. S’agissant de la manœuvre RH, il est prévu notamment un recrutement exceptionnel de 5 000 militaires du rang d’ici la fin de l’année. Envisagez-vous un pilotage particulier du dispositif pour recruter et former les personnels ?

Concernant la manœuvre cyber, le pacte « Défense Cyber » a été annoncé par le ministre en février 2014, avec des objectifs ambitieux en termes de pôles d’excellence ou de recrutement. Mais la presse se fait l’écho de difficultés de recrutement de certains spécialistes : envisagez-vous le développement de formations internes pour répondre à ces besoins ?

Enfin, où en est-on du dispositif de remplacement du système Louvois ?

M. Francis Hillmeyer. Concernant le personnel affecté à la formation du matériel vendu à l’étranger, s’agit-il de matériel d’occasion ou de matériel neuf ? Et, dans ce dernier cas, l’industriel est-il concerné par le financement de ce personnel ?

M. Jean-Paul Bodin. Sur la manœuvre RH, nous avons en effet prévu un pilotage exceptionnel : il y a des discussions entre la DRHMD et la direction du personnel de l’armée de terre pour cadencer les recrutements. Ce dialogue est d’autant plus important que nous devons faire valider ceux-ci par le contrôleur budgétaire trimestre par trimestre. Nous nous interrogeons sur notre capacité à procéder à des recrutements aussi importants dans des délais aussi courts. L’armée de terre a prévu de panacher ces recrutements en prévoyant notamment un recrutement important dans l’année à venir dans la Légion étrangère, pour laquelle il y a de nombreux candidats. Les centres d’information et de recrutement des forces armées (CIRFA) sont par ailleurs fortement mobilisés pour augmenter ces recrutements, sachant qu’il faut veiller à conserver un taux de sélectivité suffisant – un taux trop faible posant des problèmes à l’entrée, mais aussi à la sortie des armées.

Mme la présidente Patricia Adam. Dans l’armée de terre, on a multiplié par dix le nombre de candidats, ce qui suppose un taux de sélection important.

M. Jean-Paul Bodin. Ce taux a en effet augmenté l’année dernière après avoir beaucoup baissé.

Mme la présidente Patricia Adam. Le général Bosser m’a indiqué qu’il envisageait de reprendre d’anciens militaires du rang, ce qui serait une bonne chose car ils ont déjà été formés.

M. Jean-Paul Bodin. L’armée de terre a effectivement essayé de rassembler l’ensemble des outils qu’elle pouvait mobiliser.

S’agissant de la manœuvre cyber, nous avons prévu d’augmenter le nombre de personnels recrutés dans le cadre du statut d’ingénieur contractuel – ICT –, de la DGA notamment, pour essayer d’avoir des capacités de recrutement plus attractives. La DGA a par ailleurs la volonté d’être ouverte à un maximum d’écoles et est très attentive au classement des écoles d’ingénieurs. D’où aussi pour elle la nécessité de recruter des contractuels, pour tenir compte des évolutions et récupérer des compétences en sortie de formation dans des domaines bien ciblés.

Concernant Louvois, nous avons eu hier une réunion sous la présidence du directeur de cabinet pour faire un point de situation. Je rappelle que quand nous avions des difficultés à payer le personnel dans le cadre de ce dispositif ou en corrigeant les données dans le cadre du cycle de solde, nous avions mis en place les dispositifs de contournement prévus dans le plan d’urgence du ministre. Or ce plan n’est quasiment plus utilisé. Nous arrivons à payer, le système parvient à détecter les corrections à apporter en cours de cycle de solde et nous sommes à peu près sortis des difficultés qu’on connaissait il y a un an.

Par ailleurs, nous avons engagé la campagne de récupération des trop-versés et les indus, qui représentent plus de 200 millions d’euros, commencent à rentrer. Un dispositif de relation avec le personnel et d’explication a été mis en place.

Quant au dispositif de remplacement, les discussions avec les industriels, qui sont pilotées par la DGA et la DRH, avancent bien. Le calendrier annoncé par le ministre est pour l’instant tenu. Il y aura un dispositif de bascule des armées les unes après les autres, la marine basculant en premier – avec tout un dispositif d’accompagnement –, suivie de l’armée de terre, de l’armée de l’air et des services.

Ce dispositif nous oblige malgré tout à maintenir Louvois pendant encore plusieurs années afin d’éviter d’importer dans le nouveau système des éléments de rétroactivité. En effet, les dysfonctionnements de Louvois ont commencé lorsqu’on a essayé d’y introduire plusieurs dizaines de milliers de paiements relatifs aux indemnités de service en campagne, qui n’avaient pas été traités avant la dissolution des centres territoriaux d’administration et de comptabilité (CTAC). Cette importation massive, avec des calculs rétroactifs de soldes, a déstabilisé le système.

Bien que contraignante, la mise en place du nouveau dispositif produit également des effets positifs, notamment en matière de modalités d’application des textes. Les directions du personnel et la DRH mènent ainsi un dialogue afin d’harmoniser les procédés des différentes armées ; des accords viennent d’être trouvés sur onze ou douze mécanismes divergents. Tirant les enseignements des difficultés passées, nous cherchons à réduire au maximum le nombre de grilles de lecture des primes et des indemnités.

Le centre d’appels téléphoniques de Rambouillet a été maintenu et reste très sollicité. Ce mois-ci, il a notamment reçu de nombreuses questions portant sur la fiscalité et le traitement des trop-perçus.

En matière de soutien aux opérations, le personnel du ministère peut être mobilisé, en liaison avec Défense conseil international (DCI), pour former des militaires étrangers dont les pays font l’acquisition de nos matériels. Dans le cadre des contrats à l’export du Rafale, nous devrions notamment accueillir dans le Sud-Ouest des pilotes qataris.

Mme la présidente Patricia Adam. Mais cette formation est rémunérée par le Qatar.

M. Jean-Paul Bodin. Oui, elle engendre des recettes. La dépense de formation entre dans le dispositif global d’exportation.

M. Nicolas Bays. Pourquoi ce type de missions n’est-il pas traité par DCI ?

M. Jean-Paul Bodin. Cela a trait à la répartition des tâches entre DCI et l’État.

Mme la présidente Patricia Adam. Le Qatar tient à cette relation d’État à État.

M. Jean-Paul Bodin. En effet, c’est une volonté de plus en plus fréquente dans ce domaine.

M. Philippe Vitel. L’avoir ignoré nous a freinés dans le passé et je suis heureux que nous l’ayons finalement compris !

Mme la présidente Patricia Adam. Nous avons un excellent ministre !

M. Nicolas Bays. Merci, Jean-Yves ! (Sourires)

M. Yves Fromion. À propos de contrats d’État à État – en l’occurrence, les Émirats arabes unis –, je rappelle toutefois que c’est ainsi que l’on a tué Giat… Mais restons souples ; si cette attitude permet de débloquer des situations, pourquoi ne pas l’adopter ?

Monsieur le secrétaire général, le fait que les recettes exceptionnelles soient remplacées par les dotations budgétaires apparaît très positif. Je m’interroge cependant sur plusieurs points relatifs aux effectifs et au budget. En 2015, l’armée ne connaît pas de déflation, le solde entre les départs et les recrutements étant nul. Néanmoins, la LPM 2014 prévoyait de supprimer 7 500 postes afin d’engendrer des économies sur le titre 2. Comment se passer de ces économies ? Si j’ai bien compris, sur les 2,8 milliards d’euros du contrat protection, 600 millions arriveront l’année prochaine et 700 millions en 2017, l’ensemble devant être consommé jusqu’en 2019 ; mais l’année 2015 risque bien de poser problème.

Sur les 3,8 milliards d’euros de crédits supplémentaires, 1 milliard est destiné pour partie à l’entretien programmé des matériels, pour partie aux commandes de matériels nouveaux. Mais comment 1 milliard peut-il permettre de commander sept Tigre, six NH90, quatre C130, trois MRTT – sans compter le reste ? Les dates de livraison étant celles où l’on intègre le coût de l’opération dans le déficit budgétaire, doit-on s’attendre à un décalage correspondant des livraisons ? Remettre celles-ci aux calendes grecques compromet la capacité des armées à bénéficier de leurs équipements.

Un autre milliard d’euros viendrait du coût des facteurs ; il apparaît donc plus aléatoire. À quel moment ces deux milliards prévus au total pour l’équipement seront-ils réellement utilisables par les forces armées ?

Le dépyramidage semble relever d’une manœuvre compliquée. Avez-vous imaginé, pour les officiers en sureffectif, d’accroître la possibilité – offerte notamment par la loi 70-2 – d’intégrer la fonction publique d’État et éventuellement la fonction publique territoriale ?

M. Jean-Jacques Candelier. Madame la présidente, le projet de loi nous a été remis hier soir et le débat dans l’hémicycle doit se tenir le 4 juin ; étant donné l’importance du dossier, le délai pour en discuter apparaît particulièrement court.

L’actualisation de la LPM se traduit par une majoration de 3,8 milliards d’euros, dont 2,5 milliards en 2018 et 2019, soit après la fin de la législature actuelle. J’espère que cette majoration ne se fera pas, tôt ou tard, au détriment d’autres budgets !

En 2019, les effectifs seront d’environ 261 000 hommes ; comment les 18 750 postes épargnés seront-ils répartis entre militaires et civils ?

De quelle façon les services administratifs du ministère de la Défense évolueront-ils ?

L’autorisation des APNM représente une avancée, mais les syndicats resteront proscrits, alors qu’ils sont autorisés en Suède, en Belgique, en Allemagne et aux Pays-Bas. Cette situation risque de donner des idées à certains ; qu’en pensez-vous ?

La mise en place du service militaire volontaire commencera par une expérimentation pendant deux ans, qui concernera un millier de jeunes de dix-huit à vingt-cinq ans. Quels sont les crédits prévus pour cette opération ?

M. Jean Launay. Ma question – que je pose en tant que rapporteur pour la commission des Finances – complète celle d’Yves Fromion. Sur les 3,8 milliards d’euros, 2,8 milliards sont destinés au nouveau contrat protection et 1 milliard aux besoins capacitaires, dont 500 millions d’euros à l’entretien programmé des matériels et 500 millions d’euros aux « équipements critiques », également qualifiés d’« équipements à effet majeur ». S’agit-il de la même chose ?

M. Jean-Paul Bodin. Oui.

M. Jean Launay. La moitié du milliard d’euros consacré aux besoins capacitaires est destinée à la régénération, et l’autre aux équipements nouveaux dont vous avez dressé la liste. Le milliard d’euros supplémentaire, issu du gain sur le coût des facteurs, est-il également réaffecté aux équipements ?

M. Jean-Paul Bodin. Tout à fait.

M. Yves Fromion. Servira-t-il aux commandes d’équipements nouveaux ou à l’entretien et au maintien en condition opérationnelle ?

M. Jean-Paul Bodin. Je vais vous le préciser.

Pour ce qui est des effectifs, en 2015, on crée 7 500 postes et on en supprime autant. En 2016, il y aurait 6 800 créations et 4 500 suppressions de postes ; on se retrouve donc avec un solde positif de 2 300 postes, résultat de la montée de la force opération terrestre.

Mme la présidente Patricia Adam. On avait évoqué 5 000 recrutements supplémentaires dans la force opérationnelle terrestre, et vous mentionnez 7 500 créations de postes pour l’ensemble du ministère. Pouvez-vous expliquer ce différentiel ?

M. Jean-Paul Bodin. Pour l’ensemble du ministère, il y a cette année 7 500 créations et 7 500 suppressions de postes.

Mme la présidente Patricia Adam. Dont 5 000 pour l’armée de terre.

M. Jean-Paul Bodin. Ce que l’armée de terre récupère en plus pose un problème d’équilibre par rapport aux autres composantes des forces armées. Les créations de postes dans l’armée de terre sont forcément contrebalancées par des suppressions dans la marine, l’armée de l’air ou l’ensemble des services de soutien ; la manœuvre fait donc l’objet d’âpres discussions internes.

En 2016, il y aura 6 800 créations et 4 500 suppressions de postes, soit un solde de 2 300. En 2017, il y aura 819 créations et 3 419 suppressions de postes, et le solde sera donc négatif, la perte nette atteignant 2 600 postes. En 2018, le solde sera également négatif, à 2 800 postes, et en 2019, à 3 818. La question est examinée avec les états-majors, mais il me paraît difficile de réaliser ce qui est prévu pour 2017, 2018 et 2019 sans passer par des restructurations.

M. Yves Fromion. Dans le texte, il est indiqué qu’en 2014, la déflation concerne 8 007 postes ; s’agit-il du reliquat de la LPM précédente ? Les 54 000 suppressions de postes s’arrêteraient là, et ensuite on aborderait les 24 000 prévues dans la nouvelle LPM ?

M. Jean-Paul Bodin. Tout à fait, la précédente déflation a été terminée en 2014.

Mme la présidente Patricia Adam. Mais les déflations de la LPM précédente et de celle qui a suivi ont été lissées sur la durée.

M. Philippe Vitel. Fin 2014, on n’en était pas à 54 000 ! Le total des suppressions est de 30 324, alors que la LPM en prévoit 24 000 de plus. Il y a donc 6 000 de glissement.

M. Jean-Paul Bodin. En 2014, la LPM initiale avait prévu 7 881 suppressions de postes ; on en aura fait 8 700 en équivalent temps plein emploi (ETPE). En 2015, on doit en supprimer 7 500, mais l’on en créera également 7 500. Comme les deux opérations ne concerneront pas les mêmes domaines, elles ne s’équilibrent pas au sein du titre 2.

Dans la LPM initiale, le titre 2 pour 2016 était prévu à 10,618 milliards d’euros. Aux termes de l’actualisation, il passe à 11,38 milliards. Globalement, les crédits supplémentaires en masse salariale nécessaires pour la nouvelle trajectoire des effectifs sont estimés à 2,4 milliards sur la période 2016-2019. Sur les 3,8 milliards, 2,4 milliards vont donc au titre 2.

M. Yves Fromion. Ma question concerne 2015. Vous ne supprimez plus de postes ; la déflation étant à zéro, il faudra bien trouver des recettes équivalant aux économies attendues de la suppression initialement prévue de 7 500 postes !

M. Jean-Jacques Bridey. Aurez-vous recours aux décrets d’avance ?

M. Jean-Paul Bodin. Oui, il faudra faire appel à ce type de dispositifs. Nous avons demandé à être exonérés de toute mesure d’économie budgétaire supplémentaire décidée en 2015 ; la levée de la réserve nous redonnerait également une marge de manœuvre. Nous avons prévu de demander un décret d’avance OPEX ; en revanche, la prise en charge des opérations intérieures (OPINT) fait l’objet d’un débat avec Bercy. Si nous rencontrons des problèmes avec le titre 2, le principe d’auto-assurance impliquera de les régler en gestion : comme chaque année, nous finirons hélas par prélever des crédits sur le programme 146. Or ce programme connaît des tensions de trésorerie : les recettes exceptionnelles qui devaient l’alimenter – liées à la cession des fréquences de la bande 700 MHz – sont transformées en crédits budgétaires, mais nous ne les recevrons que dans le cadre d’une loi de finances rectificative. Si, comme cela est probable, celle-ci n’est pas votée à l’été, nous ne les aurons qu’à la fin de l’année.

Mme la présidente Patricia Adam. Sauf si vous bénéficiez d’un décret d’avance.

M. Jean-Paul Bodin. Oui, c’est pourquoi on l’a demandé.

M. Philippe Vitel. Ces sommes s’ajouteront-elles au report de charges sur le programme 146 ?

M. Jean-Paul Bodin. Non, le décret d’avance permet d’éviter d’accroître le report de charges. En juin, nous réunirons un conseil de gestion et saurons exactement où en sont la trésorerie du programme 146 et l’ensemble des dépenses, notamment celles du titre 2. Si l’on sent que ces dernières vont à la dérive parce qu’on a du mal à obtenir les dispositifs évoqués, il faudra prendre des mesures de régulation sur les dépenses d’équipement et d’infrastructures dès le mois de juin.

M. Yves Fromion. Ce que vous dites est important et inquiétant !

M. Jean-Paul Bodin. L’année 2015 est compliquée. Nous sommes convaincus que l’armée de terre aura du mal à recruter massivement avant la fin de l’année, donc l’impact des recrutements sur le titre 2 ne se fera sentir que sur le dernier trimestre. En 2016, en revanche, il jouera à plein.

En 2016, le titre 2 passe de 10,6 milliards à 11,38 milliards, soit une augmentation de 420 millions d’euros. En 2017, sa hausse atteindrait quelque 615 millions puisqu’il était prévu au départ à 10,4 milliards, mais s’élèverait finalement à 11,073 milliards. Le titre 2 connaîtra donc bien un réajustement dans le cadre de l’actualisation, pour tenir compte de l’évolution des effectifs.

Le remplacement des recettes exceptionnelles par des crédits budgétaires se traduira par 2,2 milliards d’euros en loi de finances rectificative en fin d’année. Entrer en exercice 2016 avec ces ressources nous donnera une meilleure visibilité sur la période entre la fin 2015 et la fin 2016. La DGA s’organisera pour dépenser une partie de cette somme – plusieurs centaines de millions d’euros, voire un milliard – dans les derniers jours de 2015, comme elle le fait chaque année.

Sur le milliard d’euros faisant partie des 3,8 milliards de crédits supplémentaires, 500 millions d’euros sont bien destinés à l’équipement et 500 millions d’euros à l’entretien programmé des matériels. Pour couvrir les autres dépenses, nous comptons sur le milliard d’euros issu du coût des facteurs. Tous les contrats d’armement prévoient des clauses de révision de prix, fonction de l’évolution de toute une série d’éléments – coûts salariaux, cours des matières premières, charges sociales, impôts. La DGA procède périodiquement à un réajustement : chaque semestre, elle recalcule l’évolution des programmes pour déterminer la façon dont le contrat va s’exécuter et utilise cette projection dans ses discussions avec les industriels. C’est en considérant la variation des différents éléments entrant en jeu pour les clauses de révision des prix de tous les contrats existants que l’IGF et le CGA sont parvenus à cette économie. Il faut désormais la consolider programme par programme, en fonction des commandes ou des contrats en cours d’exécution, et la quantifier, afin d’en déterminer l’impact. L’IGF et le CGA assurent le suivi de cette évaluation du coût des facteurs, garantissant l’exactitude des chiffres. Bercy proposait évidemment une évaluation plus importante que nous ; on est donc, comme d’habitude, arrivé à une solution intermédiaire en se calant sur celle de l’IGF. Mais ce milliard d’euros est absolument indispensable pour remplir le carnet de commandes !

Mme la présidente Patricia Adam. Le ministère de la Défense est le seul à avoir obtenu de conserver l’économie du coût des facteurs.

M. Jean-Paul Bodin. En effet, il s’agit d’un élément important dans les discussions budgétaires actuelles. On demande aux autres ministères de réduire leur masse salariale d’au moins 1 % ; certains n’y arrivent pas, même avec le non-remplacement des départs à la retraite.

M. Yves Fromion. Notre commission pourrait-elle se pencher sur la question du coût des facteurs ?

Mme la présidente Patricia Adam. Je l’ai déjà notée ! Nos rapporteurs budgétaires se pencheront sur ce thème.

M. Jean-Paul Bodin. Le DGA vous donnera des éléments complémentaires plus techniques.

S’agissant du dépyramidage et du dispositif de l’article L. 4139-2 du code de la défense, en 2014, on aura procédé à 688 reclassements, contre 850 l’année précédente ; on se situe généralement entre 550 et 700. Augmenter ce chiffre paraît extrêmement difficile, les autres ministères étant confrontés à des réductions d’effectifs. On semble arrivé au maximum de ce qui est possible dans ce domaine et nous essayons de maintenir ce niveau, année après année.

Pour ce qui est des associations et des syndicats, il est vrai que d’autres pays possèdent un système différent. Mon homologue hollandais m’a cependant expliqué, il y a quelques mois, que l’existence des syndicats n’était pas sans poser des difficultés. Pendant notre entretien, il était ainsi préoccupé par les discussions en cours entre un syndicat de marins et l’administration centrale du ministère de la Défense hollandais sur l’envoi contesté d’un bâtiment de la marine en OPEX. Il a souligné que malgré l’instauration d’un dialogue avec les syndicats – pas toujours facile –, cette organisation avait des conséquences sur la capacité opérationnelle des forces. Il faut donc faire attention aux structures qui seront mises en place et à leur évolution.

Le service militaire volontaire doit bénéficier de quelque 40 millions d’euros de crédits dans le cadre de l’actualisation de la LPM. Le ministère s’engage à financer une expérimentation sur les deux années qui viennent ; au-delà, il faudra que les financements classiques, tels que ceux du service militaire adapté, prennent le relais.

M. Nicolas Bays. Ces 40 millions prennent-ils en charge la réhabilitation des bâtiments ou bien sont-ils uniquement destinés aux salaires et aux équipements ?

M. Jean-Paul Bodin. Ils couvrent le fonctionnement et les salaires.

Mme la présidente Patricia Adam. On utilise les bâtiments existants dont l’état permet d’accueillir les jeunes.

M. Jean-Paul Bodin. Comme il s’agit d’une expérimentation, nous avons choisi les emprises de façon à ne pas réaliser de dépenses d’infrastructures supplémentaires.

Enfin, l’organisation des services administratifs continuera à évoluer comme prévu. J’ai demandé un allégement de la déflation d’effectifs exigée du Secrétariat général pour l’administration (SGA), mais je ne sais pas si je serai entendu, la priorité devant bien entendu aller aux forces.

M. Olivier Audibert Troin. Depuis l’annonce à l’issue du conseil de défense du 29 avril, l’inquiétude grandit quant à la soutenabilité de cette nouvelle LPM. Vous avez évoqué les recettes exceptionnelles immobilières de près d’un milliard d’euros, mais en prenant soin de préciser que tout dépendra de la politique du logement. En effet, un texte voté il y a quelques mois permet des acquisitions pour un euro symbolique dès lors que les emprises foncières sont destinées à accueillir des logements sociaux. De même, rien ne garantit que l’année prochaine les conditions en matière de coût des facteurs ou de gains de pouvoir d’achat – les taux d’intérêt, le cours des matières premières, etc. – ne seront pas les mêmes. Cette volatilité est source de fragilité.

Vous avez dit que le nombre de postes civils de catégorie A et B devrait augmenter pour la période 2015-2019 ; mais quelle sera la déflation des emplois de catégorie C ?

Pouvez-vous confirmer que le coût budgétaire du sas de décompression est toujours inclus dans cette LPM ?

Le texte qui nous est soumis mentionne que les espaces d’entraînement s’appuieront sur des modalités nouvelles de soutien ; lesquelles ?

Quelle est la traduction budgétaire concrète de la vente des Rafale ? La précédente LPM indiquait que fin 2020, nous serions dotés d’un parc de 215 avions de combat ; dans la nouvelle LPM, ce nombre passe à 247. J’ai quelques difficultés à comprendre ce changement et surtout les implications budgétaires des exportations.

M. Philippe Vitel. D’après mes calculs, si l’on supprime au total 14 925 postes, dont 15 000 concernent des militaires, et qu’en même temps on en récupère 11 000 de plus pour l’armée de terre, on doit en enlever 25 000 ailleurs. Les effectifs hors armée de terre s’élevant à 200 000 personnes, cela représente une déflation de 12,5 %, qui limitera forcément nos capacités opérationnelles sur les autres armées.

Parmi ces 14 900 postes, 9 400 concernent des militaires et 5 500 des civils. J’attends les réactions des syndicats devant ce ratio, très différent de celui que nous avions tenté de leur faire admettre jusqu’à aujourd’hui ! Si, comme vous le soulignez, les catégories A et B doivent être renforcées, ces suppressions se feront au détriment des catégories de civils d’indice plus faible ; cela ne se traduira-t-il pas par une course effrénée à l’externalisation et donc par une augmentation des coûts ?

Notre pays affiche une belle ambition en matière de cybersécurité – domaine qui me passionne. Cependant le recrutement s’avère difficile : on n’attire pas des mouches avec du vinaigre et les professionnels compétents trouvent des salaires bien supérieurs dans le privé, ce qui nous oblige à recourir massivement à la réserve opérationnelle – coûteuse – ou citoyenne. Comment faire monter en puissance l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information (ANSSI) et les structures militaires de cybersécurité ?

La situation en matière d’action de l’État en mer m’inquiète également beaucoup. Il y a quelques années, Mme la présidente et moi avions commis un rapport définissant la dimension à donner à cette action non militaire de notre marine. Mais dans le projet Horizon Marine 2025, malgré quelques petits efforts sur les BSAH et les B2M, le compte n’y est pas, alors que les menaces maritimes – en particulier en Méditerranée – n’ont jamais été aussi fortes. Cela restreint mon enthousiasme vis-à-vis de cette LPM.

M. Michel Voisin. Comme Yves Fromion, je m’interroge sur les déflations et les passerelles avec la fonction publique, territoriale ou nationale. Pour aider les départs dans le privé, la loi de professionnalisation des armées avait institué le système du pécule ; existe-t-il encore aujourd’hui ?

Depuis la définition du format des armées, les réserves Terre, Air, Mer représentent 40 000 hommes ; cette LPM prévoit le même nombre, mais relève le coût budgétaire de 75 millions d’euros. Cela signifie soit que l’on augmente la rémunération des réservistes – peu probable –, soit que la budgétisation précédente ne correspondait pas aux effectifs.

M. Jean-Jacques Bridey. Sur les 2,8 milliards d’euros consacrés au coût du contrat protection, 2,4 milliards iraient au titre 2 ; le surcoût éventuel des OPINT – dont vous négociez le financement avec Bercy – représente-t-il les sommes qui dépasseraient ces 2,4 milliards ? Pouvez-vous aujourd’hui l’estimer ?

M. Jean-Paul Bodin. Le chef d’état-major des armées (CEMA) ou le DGA seront mieux en mesure de répondre à certaines questions. Ainsi, je ne dispose pas d’éléments sur les espaces d’entraînement ou sur le sas de décompression. Je vous enverrai en revanche un tableau représentant la ventilation par catégorie de la déflation des emplois civils sur la période 2016-2019. Aujourd’hui, on arrive à faire des projections par catégorie – officier, sous-officier, militaire du rang, catégorie A, B ou C – pour l’ensemble du ministère, mais non à les ventiler par employeur. Au demeurant, les discussions sont toujours en cours sur le sujet.

Monsieur Vitel, je ne saurais préjuger ce que vous dira Pierre de Villiers, mais la déflation dans les autres armées fait l’objet de débats en interne ; on peut essayer d’en deviner la trajectoire, mais rien n’est encore certain à ce stade. Quant à savoir si la réduction des effectifs de catégorie C risque d’entraîner une course effrénée à l’externalisation, la déflation de ces postes et de ceux des ouvriers de l’État est menée depuis plusieurs années sans que l’on constate un effet de ce type. Certes, nous externaliserons certaines fonctions, mais l’expression que vous employez me semble un peu forte.

M. Philippe Vitel. Le seuil que l’on atteint avec les nouvelles suppressions risque de nous y amener !

M. Jean-Paul Bodin. Tout dépend des organismes au profit desquels on externalise, notamment dans les ports.

S’agissant des réserves, nous n’atteignons pas notre objectif quantitatif parce que nous sommes obligés, année après année, de diminuer les crédits consacrés à la réserve. Si l’on prévoit d’augmenter ces derniers, c’est pour pouvoir atteindre cet objectif. Il nous est arrivé à plusieurs reprises, parce qu’il manquait des ressources sur le titre 2, de les prélever sur les réserves. Il est donc nécessaire d’avoir une vision de long terme.

Le pécule continue à exister, avec les mêmes modalités ; il concernera vraisemblablement le même nombre de bénéficiaires, même si celui-ci fait chaque année l’objet d’une discussion avec Bercy.

Pour ce qui est du surcoût des OPINT, le titre 2 prend en compte les dépenses relatives aux recrutements supplémentaires ; or en fonction de son niveau d’engagement, le personnel recruté peut percevoir des indemnités de service en campagne ou une indemnité relative à l’opération Sentinelle. Les dépenses de fonctionnement sont également variables. Enfin, les surcoûts OPEX et OPINT dépendent des dépenses relatives au matériel : par exemple, pour les OPINT, nous sommes amenés à louer des véhicules, voire à les acquérir si l’opération est appelée à durer. Nous devrons également assumer des dépenses d’hébergement. Aujourd’hui, le personnel est parfois hébergé dans des conditions discutables ; on prévoit, en région parisienne, de passer un marché pour l’achat de préfabriqués. Ces différentes dépenses concernent à la fois le personnel – le titre 2 – et le fonctionnement – le titre 3 –, voire l’équipement.

Je préfère laisser le délégué général pour l’armement – au fait de la traduction économique et financière des contrats – répondre à la question relative aux Rafale.

M. Olivier Audibert Troin. On prévoit trente-deux avions de plus d’ici 2020 ; comment sont-ils financés ?

Mme la présidente Patricia Adam. Le général de Villiers et le délégué général pour l’armement nous l’expliqueront.

Mme la présidente Patricia Adam. Le fonctionnement de la sous-direction des pensions, située à La Rochelle, va-t-il s’améliorer ? Cette administration a du mal à évoluer et accumule le retard dans le traitement des dossiers, même si ceux des blessés en OPEX sont traités en priorité. Cette absence de modernisation pose problème, ne serait-ce que pour le personnel concerné par les départs, qui a du mal à en comprendre les modalités.

M. Jean-Paul Bodin. La sous-direction des pensions ne fonctionne pas bien. Cette situation s’explique pour partie par des facteurs extérieurs : dans le cadre de la révision générale des politiques publiques (RGPP), le service des retraites de l’État devait reprendre l’intégralité du traitement des dossiers de pension en 2010. On a donc anticipé une réduction d’effectifs. Or, en 2015, le transfert n’est toujours pas fait. Depuis 2011, j’ai renforcé les effectifs de la sous-direction, stoppant la déflation et acceptant des recrutements de vacataires. Par ailleurs, le service a dû traiter plusieurs milliers de dossiers liés à la décristallisation des pensions, notamment à la révision de celles des anciens militaires des colonies et de leurs ayants droit.

Face à cette situation, une réorganisation du travail a été étudiée. Celle-ci s’est traduite par une taylorisation des tâches que l’on a compartimentées dans l’espoir d’augmenter la productivité. Le personnel, habitué à travailler avec un type de dossiers – la pension militaire d’invalidité (PMI), la pension de retraite du militaire ou de l’ouvrier de l’État –, a eu des difficultés à adhérer à cette réforme. Aujourd’hui, on revient sur ce point sans renier l’ensemble de la réforme qui nous a permis d’améliorer le suivi et la connaissance des dossiers. D’ailleurs, si l’on affiche des résultats en matière de délais et de stock de dossiers, c’est aussi parce que nous les connaissons mieux désormais… Aujourd’hui, le délai de traitement des PMI n’est pas acceptable et nous travaillons avec les armées pour parvenir à raccourcir ces délais. On analyse par ailleurs l’ensemble des procédures qui relèvent de la sous-direction des pensions, afin de les simplifier. Les retards sont également considérables en matière de contentieux des PMI et les procédures peuvent là aussi être allégées.

Fin 2015, nous devrions – je l’espère ! – voir un début d’amélioration et je serai prêt, à cette date, à vous dresser un état des lieux. Nous avons accordé la priorité au traitement des dossiers de pension de retraite et avons réussi à fournir au personnel militaire l’ensemble des informations sur ce point. Nous n’avons pas encore pu le faire pour le personnel civil, ce qui inquiète les organisations syndicales. Il y a deux ans, on avait envoyé des informations fausses ; mieux vaut s’abstenir de tout envoi tant que les choses ne sont pas stabilisées. En revanche, nous avons mis en place un dispositif de traitement des dossiers au fur et à mesure des départs du personnel, pour éviter les ruptures de paiement entre le salaire et la pension. La situation est préoccupante, mais je m’engage, fin 2015, à vous faire part des progrès réalisés.

Mme la présidente Patricia Adam. Monsieur le secrétaire général, je vous remercie pour vos réponses qui nous aident à comprendre l’articulation entre les questions budgétaires et la manœuvre RH.

La séance est levée à onze heures.

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Membres présents ou excusés

Présents. – Mme Patricia Adam, M. Olivier Audibert Troin, M. Nicolas Bays, M. Jean-Jacques Bridey, M. Jean-Jacques Candelier, M. Yves Fromion, M. Francis Hillmeyer, M. Joaquim Pueyo, M. Jean-Michel Villaumé, M. Philippe Vitel, M. Michel Voisin

Excusés. – Mme Danielle Auroi, M. Frédéric Barbier, M. Claude Bartolone, M. Philippe Briand, M. Jean-David Ciot, Mme Catherine Coutelle, M. Lucien Degauchy, Mme Geneviève Fioraso, M. Philippe Folliot, M. Yves Foulon, M. Sauveur Gandolfi-Scheit, M. Serge Grouard, M. Christophe Guilloteau, M. Éric Jalton, M. Jean-Yves Le Déaut, M. Frédéric Lefebvre, M. Bruno Le Roux, M. Maurice Leroy, M. Damien Meslot, M. Alain Rousset, M. François de Rugy, M. Stéphane Saint-André

Assistaient également à la réunion. – M. François Cornut-Gentille, M. Jean Launay

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Source: Assemblée nationale

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