Rappel jurisprudentiel de quelques principes relatifs au droit disciplinaire. Par Jacques BESSY, président de l’Adefdromil

Les sanctions disciplinaires constituent un domaine extrêmement sensible pour tous les agents publics, militaires ou fonctionnaires, car elles conditionnent la suite de la carrière du « puni ».

Ce sont les raisons pour lesquelles le juge administratif exerce un contrôle de légalité approfondi visant notamment : la matérialité des faits, leur qualification juridique et la proportionnalité de la sanction.

On retrouve régulièrement ces points dans les décisions de jurisprudence.

Contrôle de la matérialité des faits.

Le 17 juillet 2014, un officier de gendarmerie, est sanctionné de vingt jours d’arrêts aux motifs, d’une part, qu’il s’était fait prêter deux véhicules par un concessionnaire automobile sans autorisation de sa hiérarchie et, d’autre part, qu’il avait demandé, à l’issue d’une mission, le remboursement de deux repas fictifs ;

« Considérant qu’il ressort des pièces du dossier et qu’il n’est d’ailleurs pas contesté par le requérant que les faits ayant motivé la sanction sont établis.» CE N° 384697 du 11 mars 2015.

Contrôle de la qualification juridique des faits.

Dans la même espèce que celle visée ci-dessus, le Conseil d’Etat estime que « c’est à bon droit que l’administration a estimé que les faits qui lui étaient reprochés étaient constitutifs de fautes de nature à justifier une sanction disciplinaire. » CE N° 384697 du 11 mars 2015.

Dans une autre affaire, la haute juridiction, statuant comme juge de cassation, censure la Cour administrative d’appel, qui a omis de rechercher si les faits reprochés au MDL/Chef B étaient constitutifs de fautes, alors que  l’intéressé avait été sanctionné d’un blâme, le 7 septembre 2009, après avoir proféré des insultes et des menaces à l’encontre de plusieurs gendarmes.
« Considérant toutefois qu’il appartient au juge de l’excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l’objet d’une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction …; que, par suite, en se bornant à rechercher si la sanction litigieuse n’était pas manifestement disproportionnée par rapport aux fautes commises par M.B…, la cour administrative d’appel de Marseille a commis une erreur de droit. » CE N° 374225 du 23 juillet 2014

Erreur manifeste d’appréciation.

Le juge administratif doit contrôler la proportionnalité de la sanction prise avec les faits reprochés, eu égard aux fonctions exercées par l’auteur, sa manière de servir, etc. C’est le cas dans l’affaire de l’officier de gendarmerie déjà citée :

« Considérant qu’eu égard notamment aux responsabilités de M.B…, l’autorité disciplinaire n’a pas, en l’espèce, pris une sanction disproportionnée en lui infligeant vingt jours d’arrêt. » CE N° 384697 du 11 mars 2015.

Dans deux autres affaires ayant entraîné la radiation des cadres des militaires, les Cours administratives d’appel concernées ne manquent pas de contrôler la proportionnalité de la radiation des cadres par rapport aux faits reprochés.

« Considérant …que les manquements commis par M. B… dans le traitement des plaintes dont il avait été saisi les 16 janvier et 9 février 2009 constituent des manquements à ses obligations professionnelles de nature à justifier une sanction disciplinaire (qualification juridique) ; qu’eu égard à leur gravité et au comportement antérieur de l’intéressé, ils pouvaient, sans erreur manifeste d’appréciation, être sanctionnés par la révocation de l’agent ; que, par suite, c’est à tort que les premiers juges se sont fondés sur l’erreur manifeste d’appréciation qu’aurait commise le ministre de la défense pour annuler la décision du 31 décembre 2009 portant radiation des cadres de M.B. » CAA Nancy N°12NC00611 du 8 avril 2013.

« Considérant que les agissements de l’intéressée ci-dessus rappelés, qui motivent également la radiation des cadres, suffisent à constituer, même s’ils ont été commis dans la sphère privée, des manquements graves à l’honneur et à la probité, incompatibles avec les fonctions exercées par ce gendarme, dont la crédibilité vis-à-vis des autorités judiciaires comme de sa hiérarchie est gravement atteinte ; que, par suite, en estimant impossible le maintien de l’intéressée dans les cadres de la gendarmerie et en lui infligeant, conformément à l’avis majoritaire du conseil de discipline la sanction de la radiation, le ministre de la défense n’a pas entaché sa décision d’une disproportion manifeste avec les faits reprochés. » CAA Marseille N°11MA04670 du 9 octobre 2012.  

 

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