La Cour des Comptes vient d’adresser « un référé » au ministre de l’Intérieur, M. Bernard Cazeneuve, qui pointe du doigt les dérives de la gestion des carrières des policiers et gendarmes.
Que peut y faire le ministre ? Pas grand-chose, puisqu’il hérite d’une situation créée voici plus de dix ans par un de ses prédécesseurs, dont l’une des préoccupations était de se mettre les syndicats de policiers dans la poche.
Dès lors, il fallait aussi accorder quelques douceurs aux gendarmes. Ce fut le PAGRE : mexicanisation de la hiérarchie de l’institution, source de démotivation des sous-officiers et consommateur inutile des deniers publics.
L’Adefdromil a souvent raison. Voici donc les extraits de cet article publié en novembre 2007 sur notre site.
Extraits de l’article publié sur le site de l’Adefdromil en novembre 2007
« Le plan de repyramidage des grades de la gendarmerie, appelé PAGRE : plan d’adaptation des grades aux responsabilités non complètement achevé à ce jour visait non pas à pourvoir des postes d’encadrement, mais à distribuer des galons au plus grand nombre pour contrebalancer les avancées policières en matière de rémunération.
L’objectif même du plan démontre son inanité. L’ADEFDROMIL en septembre 2005 avait fait connaître son point de vue. Que les lecteurs nous pardonnent de « faire du neuf avec du vieux ».
Le PAGRE, cristallisation des contradictions du système.
De fait, le PAGRE est le produit des contradictions du système actuel. Il pointe du doigt ses limites et conduit à une impasse.
Mais, de quoi s’agit-il ? Le « pagre » n’est évidemment pas un « plan d’adaptation des grades aux responsabilités », puisque sa mise en œuvre contribue au contraire à diminuer les responsabilités de chacun à grade égal, comme cela était décrit dans le numéro 364 de L’Essor de la Gendarmerie. En fait, ce sont les responsabilités qui vont être adaptées à l’inflation des grades et galons… Ses détracteurs pourraient également l’appeler « Mexgend » pour mexicanisation de la Gendarmerie.
Effets pervers ou bénéfiques ?
Les effets pervers si bien soulignés se font déjà sentir : dévalorisation des grades, perte de responsabilités, surcroît de la charge de travail des exécutants sur l’effectif desquels est gagée l’inflation des grades et galons. On peut dire ainsi que le progrès social (plus d’avancement pour plus de monde) repose sur le pari d’un gain de productivité à effectif moindre de l’outil de production (les gendarmes de base) ou sur celui d’une baisse de la demande sécuritaire (moins de délinquance). Le pari est évidemment risqué et faute de le gagner, on est en droit de s’inquiéter des conséquences de ces mesures.
Ainsi, on peut s’interroger sur la réalité de leur effet bénéfique sur l’institution prise dans sa globalité. Car, il n’est pas sûr que l’accès facilité à l’avancement d’un plus grand nombre de militaires tous grades confondus, donc à des indices budgétaires supérieurs, produise le résultat escompté…
On peut ainsi penser que l’ensemble des personnels aura beaucoup de mal à considérer que l’accès plus large aux promotions de grade constitue une avancée sociale maintenant une véritable parité avec la Police Nationale. Bref, comme cela apparaît sur plusieurs forums, il vaut mieux une amélioration de la grille indiciaire dans un grade ou un corps plutôt que des perspectives d’avancement améliorées qui souvent entraînent une mobilité imposée.
Dans le même temps, le rôle de sélectivité de l’avancement destiné à pourvoir les vacances d’emplois d’encadrement et de responsabilité va disparaître. La chaîne hiérarchique va ainsi être dévalorisée dans les esprits, et les personnels en auront une image dégradée. En d’autres termes, les gendarmes seront moins confiants dans leur hiérarchie et moins fiers d’appartenir à un corps qui distribue les galons à titre social. On le voit déjà avec la multiplication des généraux qui suscite beaucoup de commentaires parfois ironiques auxquels n’a pas échappé la création récente d’un emploi de général chargé de la reconversion des généraux, ce qui démontre en soi que certains sont manifestement moins utiles que d’autres !
Au total, on peut légitimement craindre que le « pagre ou mexgend » -au choix – n’apaise nullement les revendications latentes des personnels et que ses effets induits contribuent à maintenir un niveau critique d’insatisfaction.
Le PAGRE, expression de l’absence de marge de manœuvre de la direction générale.
Malheureusement, il était quasiment impossible de faire autrement sans mettre en péril le système actuel, c’est-à-dire le statut militaire de la gendarmerie que la hiérarchie veut préserver à tout prix, mais qui apparaît de plus en plus comme un frein archaïque à toute évolution réaliste. On touche véritablement aux limites du système.
Tout d’abord, il était impératif, pour le haut commandement de la gendarmerie de contrebalancer rapidement, voire d’anticiper les avancées statutaires des policiers. Ne rien faire aurait pu conduire à une nouvelle grogne probablement mortelle pour le statut militaire de la gendarmerie. Il fallait donc apporter sans délai un ballon d’oxygène au chevet de la convalescente.
Mais les contraintes imposées par le statut militaire réduisent considérablement les possibilités d’évolution. Ainsi, il ne peut être question de créer une échelle indiciaire spécifique aux sous-officiers de gendarmerie, source potentielle de demandes reconventionnelles des autres armées ou services. De même, une réforme radicale de la hiérarchie et de l’appellation des grades (les fameux prévôts..) se serait heurtée à la même rigidité des grandes directions du ministère : direction de la fonction militaire, direction de l’administration générale, etc. . et sans doute du ministère de la fonction publique et de Bercy. Autre contrainte limitant la liberté d’action : il ne fallait pas non plus, par des demandes excessives ou trop voyantes, donner des arguments à ceux qui estiment que les gendarmes sont déjà des privilégiés au sein du ministère de la défense et qui militent en faveur de leur rattachement statutaire au ministère de l’intérieur. Ainsi, sur le site de La Saint Cyrienne, le thème de l’adoption d’un statut civil pour la gendarmerie est celui qui a recueilli le plus de visites et suscité le plus de débats, dont la conclusion est.. de doter l’institution d’un statut civil. La Gendarmerie est donc bien « écartelée entre une Police Nationale dont les statuts des personnels sont en progrès rapide et constant et les armées évoluant plus lentement… ».
…..Ainsi, et contrairement à ce qu’a pu dire, Jacques CHIRAC, alors Président de la République en recevant le Conseil Supérieur de la Fonction Militaire au palais de l’Elysée en décembre 2004, « l’avenir de la Gendarmerie n’est pas entre ses mains », puisque son destin est essentiellement tributaire de facteurs qu’elle ne peut maîtriser.
Il faut donc regretter que les nombreux postes budgétaires (7000) ouverts depuis cinq ans –c’est-à-dire depuis 2002- aient été consommés dans la création de postes de gradés et d’officiers et n’aient pas été utilisés pour renforcer les unités de terrain qui s’essoufflaient. »
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Dix ans plus tard, un organe de contrôle du fonctionnement de l’Etat, la vénérable Cour des comptes, mesure enfin les dérives du système, contraires à l’intérêt public –c’est à dire sans bénéfice pour la sécurité publique – et couteuses pour les deniers du pays.
Qui osera réduire progressivement les effectifs budgétaires des corps de policiers et gendarmes, chargés de la sécurité et de l’ordre public pour « dépyramider » ?
Personne, bien évidemment ! Le train de l’Etat ne revient quasiment jamais en arrière et les deux bateaux « police » et « gendarmerie » ont désormais trouvé un nouvel équilibre.
Et, il est bien connu qu’il ne faut pas faire bouger les bateaux !