Audition, ouverte à la presse, de M. François Chérèque, président de l’Agence du service civique 2

Commission de la défense nationale et des forces armées

Mercredi 18 mars 2015

Séance de 16 heures 30

Compte rendu n° 46

Présidence de Mme Patricia Adam, présidente

La séance est ouverte à seize heures trente.

Mme la présidente Patricia Adam. Je suis heureuse d’accueillir M. François Chérèque, président de l’Agence du service civique.

Comme vous le savez, la commission travaille sur la question d’un service de ce type au sein du ministère de la Défense. Nos deux rapporteurs, Joaquim Pueyo et Marianne Dubois, ont beaucoup avancé sur le sujet et un certain nombre d’annonces ont déjà été faites par le Président de la République.

M. François Chérèque, président de l’Agence du service civique. Il est vrai que le débat sur le service civique a repris de l’ampleur depuis les attentats de début janvier. En tant que président de l’Agence du service civique depuis début 2014, je peux en témoigner et m’en réjouis.

D’ailleurs, nous connaissons à nouveau une augmentation de nos moyens pour développer ce service. Alors que 35 000 jeunes ont effectué un service civique l’an dernier et que l’objectif qui nous était assigné cette année était de 45 000, il nous est demandé d’en obtenir 150 000 à 170 000 à la fin de 2016 et 70 000 en 2015 – sachant que les moyens nous sont donnés pour cela, ce qui montre une véritable volonté politique.

Je rappelle que le service civique, qui figure dans le code du service national, a pour objet de renforcer la cohésion et la mixité sociales. Il permet un engagement de la part de jeunes âgés de 16 à 25 ans, conformément à une loi qui avait été adoptée avec un large consensus à l’Assemblée nationale, à l’initiative de Martin Hirsch.

Ce service, qui est un engagement citoyen à l’appui des politiques publiques, doit être distingué des emplois aidés, auxquels il n’a pas vocation à se substituer, pas plus d’ailleurs qu’aux autres emplois.

Les jeunes engagés à ce titre sont représentatifs de la jeunesse de notre pays. Ceux qui ont un niveau en dessous du baccalauréat représentent ainsi près de 30 %. Cependant, les femmes sont davantage représentées, avec un taux de 58 % de l’ensemble en 2013 et 56 % aujourd’hui, ce qui s’explique par la prédominance des actions sociales et de santé. Mais comme nous sommes en train de promouvoir des actions dans le développement durable et le sport, un rééquilibrage est en cours.

Mon inquiétude n’est pas tant de trouver des jeunes voulant faire un service civique – ayant eu en moyenne annuelle entre 130 000 et 150 000 demandes de jeunes en ce sens ces dernières années –, que d’organiser leur accueil. À ce jour, 84 % des jeunes font leur service civique dans le monde associatif, mon prédécesseur Martin Hirsch s’étant au départ appuyé sur les grands réseaux associatifs, sachant que nous ne disposions pas des moyens de le développer dans le secteur public. Mais si on veut accroître le service civique, il faudra aller au-delà et que les services publics, notamment la gendarmerie et l’armée, puissent s’y associer.

Cela étant, il faudra d’abord répondre aux besoins des associations, à qui ont été refusés jusqu’ici 20 à 30 % de leurs souhaits. Je rappelle que nous délivrons des agréments nationaux pour les grandes structures nationales, tandis que des agréments territoriaux le sont par les préfets de région, qui sont les délégués de l’Agence, avec des délégués territoriaux dans les départements.

Pour développer le service civique dans les structures publiques, nous travaillons sur de grands programmes. Nous sommes ainsi en train d’œuvrer avec le ministère de la Santé pour développer ce service dans les hôpitaux – sans bien sûr remplacer les professionnels – pour l’orientation et l’accompagnement des malades. Nous développons aussi des actions dans les collèges, notamment dans les foyers socioculturels, de même qu’au ministère de l’Intérieur, par exemple dans l’accueil et l’accompagnement des étrangers ou au sein de la gendarmerie ou de la police, pour des actions de prévention essentiellement – comme la lutte contre l’alcoolisme, les addictions ou certains comportements sur la route. Nous menons également une expérimentation importante chez les pompiers, sachant qu’en zone rurale, 60 à 70 % des interventions sont réalisées par des pompiers bénévoles, dont le nombre diminue. On essaie dans ce cas d’adapter le service civique pour faire en sorte que les jeunes aient une période de formation, puis un accompagnement par des pompiers bénévoles ou professionnels, ce qui peut les inciter ensuite à vouloir exercer cette fonction.

Si nous n’avons pas encore entamé le travail de fond avec le ministère de la Défense, j’ai déjà eu des contacts avec le cabinet du ministre. La question est de savoir si on peut trouver des missions classiques auprès des armées – actions d’information ou de sensibilisation notamment – ou plus spécifiques – nous avons par exemple rencontré l’état-major de la marine au sujet d’actions de développement durable sur certaines zones du littoral – et si certaines peuvent donner lieu à une adaptation du service civique.

Je ne suis en tout cas pas pour un service civique obligatoire, même si selon les sondages la majorité des Français y est favorable. Je rappelle que les jeunes sont moins en faveur de cette idée et ceux en service civique pas du tout, considérant que la valeur de ce service repose sur l’engagement volontaire. D’ailleurs, la plupart des missions de service civique ne sont possibles que si les jeunes sont volontaires, comme celles auprès des personnes âgées dans les hôpitaux ou les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD). Si je suis favorable au développement du service civique et au fait d’inciter davantage les jeunes à le faire, avec, à la clé, une reconnaissance utile dans leur parcours, le rendre obligatoire en modifierait la nature.

Je suis en outre en train de réfléchir à la question de savoir s’il serait possible de valoriser ce service dans les parcours professionnels. Nous travaillons d’ailleurs avec des entreprises sur ce sujet. On pourrait aussi imaginer que cette expérience soit valorisée dans les concours de la fonction publique.

Mais pour inciter les jeunes à avoir des parcours de citoyenneté, il faut aussi rappeler le rôle des familles – sachant que des actions sociales doivent être conduites à l’égard de celles qui sont défaillantes – et de l’école – avec la question de savoir si la semaine de la citoyenneté doit être développée, de même que les stages dans le monde associatif ou politique. Je rappelle aussi le rôle de la journée de défense et de citoyenneté (JDC), dont des représentants sont présents au sein de notre comité stratégique et qui pourrait être aussi une occasion de faire connaître et promouvoir le service civique.

Nous avons par ailleurs des jeunes en service civique dans les établissements publics d’insertion de la Défense (EPIDe) pour accompagner les jeunes en difficulté, ainsi que le service militaire adapté (SMA).

Il y a donc de multiples parcours de citoyenneté. Le service civique ne doit pas être la seule démarche en ce sens mais permettre à ceux qui l’ont effectué d’avoir un avenir différent des autres.

M. Joaquim Pueyo. Je pense aussi qu’il ne faut pas rendre le service civique obligatoire. Mais il pourrait y avoir un service citoyen ou civique de l’école à l’université dans les organismes accueillant des jeunes.

Par ailleurs, en tant que maire, je ne suis pas en mesure de savoir combien de jeunes font un service civique dans ma commune. C’est dommage car cela me permettrait de les rencontrer. Comment pourrait-on impliquer davantage les collectivités territoriales, en évitant que ces jeunes ne remplacent des fonctionnaires ?

J’en verrais bien pendant six mois à un an pour accompagner notamment des personnes âgées, en particulier les plus isolées. Cela étant, quel est le profil de ces jeunes ? En accueillez-vous en provenance de quartiers dits sensibles ? Sont-ils représentatifs ?

M. François Chérèque. Les collectivités territoriales accueillent 8 % des jeunes en service civique, ce qui est marginal, mais s’explique par la place prise au départ par le monde associatif – je pense à Unis-Cité notamment. Certaines mairies font de l’intermédiation : elles s’adressent à une association de ce type pour lui transmettre la responsabilité d’organiser la mission de service civique, moyennant financement. Dans les actions autour des centres communaux d’action sociale (CCAS), beaucoup de choses sont faites pour l’accompagnement des personnes âgées, qui est la mission la plus développée dans le service civique actuellement. Il y a eu à cet égard l’opération « Mona Lisa », dans le cadre du plan pauvreté, pour lutter contre l’isolement des personnes âgées et nous sommes en train de faire une évaluation dans le Nord et le Pas-de-Calais pour voir l’effet produit sur celles-ci.

25 % des jeunes en service civique ont un niveau inférieur au baccalauréat, 32 % sont à ce niveau et 43 % ont une formation supérieure, ce qui est à peu près représentatif de la population. En outre, 17 % viennent des quartiers de la politique de la ville, alors que les jeunes de ces quartiers représentent 16 % de la population. Cette mixité sociale a été rendue possible par l’action des petites associations locales et de grandes associations comme Unis-Cité. Cela étant, je ne suis pas sûr que dans ces 17 %, on touche les jeunes les plus en difficulté. Nous allons essayer d’élaborer une charte avec le monde associatif pour qu’il soit notre relais vis-à-vis des jeunes – avec notamment la fédération des associations de clubs de prévention, afin que les éducateurs aillent davantage inciter les jeunes à faire un service civique.

M. Jean-François Lamour. Le débat de 2004-2005 sur le volontariat associatif a constitué le socle de réflexion ayant conduit à la création du service civique. Si cette première étape importante a malheureusement été dotée de peu de moyens, elle a dressé le cadre d’une action dont on voit encore les limites.

Plus vous demanderez une formation initiale à ces jeunes, plus leur action aura un impact sur le marché du travail. Je rappelle que ce sont les aides à domicile, qui bénéficient d’une formation initiale plus ou moins importante, qui s’occupent principalement des personnes âgées. Or dès que vous allez commencer à former vos jeunes dans le service civique, vous allez être confronté à deux problèmes : la durée de celui-ci – sachant qu’il faut au moins six à neuf mois pour avoir une formation de qualité et un retour sur investissement de celle-ci – et l’effet sur le marché du travail. Comment, dans votre montée en puissance, allez-vous faire la part des choses entre ce besoin de mixité et celui de générer de l’activité salariée au travers des aides à domicile ?

Par ailleurs, est-il important de faire réaliser aux jeunes un service civique là où ils habitent ? Unis-Cité, qui est à l’origine de ce service dans notre pays, a souhaité au contraire les sortir de leur milieu. Est-ce aussi votre recommandation ?

Enfin, avez-vous chiffré cette montée en puissance ? De quels moyens disposez-vous à cet effet ?

M. François Chérèque. Les missions de service civique sont d’une durée de six à douze mois, avec une moyenne de sept à huit mois.

Je rappelle que les missions auxquelles nous donnons un agrément ne peuvent se substituer à l’emploi et doivent être complémentaires de celles des professionnels – ce qui ne doit pas pour autant empêcher de donner aux jeunes l’envie d’embrasser ces professions. Dans les maisons de retraite, par exemple, les actions se font en accord avec les professionnels – la frontière avec leur activité n’étant d’ailleurs pas toujours évidente à cerner. Dans les hôpitaux, le jeune bénéficie d’un tuteur, généralement un professionnel, et doit réfléchir avec lui à son parcours après le service civique. Dans les deux hôpitaux de Créteil, par exemple, les jeunes des quartiers découvrent le monde de l’hôpital et du travail et certains restent ensuite pour suivre une formation d’aide-soignant, ce qui est profitable à tous. Il n’y a donc aucune substitution à l’emploi. D’ailleurs, il m’arrive parfois de refuser des agréments quand les tâches proposées sont trop proches de celles d’un emploi salarié.

Je partage l’approche d’Unis-Cité, selon laquelle les jeunes doivent faire leur service civique dans un autre quartier que le leur, même si cela est plus difficile dans les zones rurales et soulève un problème d’accompagnement. Je rappelle que les associations disposent de 100 euros par mois et par jeune. Reste que quand le service est organisé par les collectivités territoriales, celles-ci prennent en compte cet aspect. Le département de Meurthe-et-Moselle a par exemple bien compris que faire sortir les jeunes des quartiers est un élément d’action sociale susceptible d’éviter de mener ensuite des actions de prévention ou de verser un revenu de solidarité active (RSA).

Enfin, le coût pour avoir 150 000 jeunes en service civique serait de 600 millions d’euros. Aujourd’hui, nous disposons d’un budget de 173 millions d’euros pour 45 000 jeunes, avec une rallonge d’un peu plus de 60 millions, qui nous permettra d’en avoir 70 000 cette année.

Mme Geneviève Gosselin-Fleury. Une récente enquête de l’institut OpinionWay montre que 69 % des Français souhaiteraient que le service civique devienne obligatoire pour les jeunes de 18 à 25 ans. Pensez-vous qu’une majorité d’entre eux désirent une forme de restauration du service militaire ? Le développement de la réserve citoyenne et du SMA est-il une solution efficace pour l’apprentissage de la citoyenneté ?

M. François Chérèque. Beaucoup confondent service militaire et service civique, lequel est méconnu. Or, organiser celui-ci pour une classe d’âge de 800 000 jeunes conduirait à changer complètement de dispositif, qui devrait comporter une procédure de sanction. Les militaires nous disent qu’ils ne souhaitent pas revenir en arrière et que l’objectif de mixité sociale n’était plus respecté quand il y avait le service militaire, les jeunes des milieux les plus favorisés ne le faisant plus et ceux qui étaient les plus difficiles à encadrer étant généralement exclus. Je pense qu’il y a sans doute une sorte de « retour du refoulé » au sujet du service militaire.

Je souhaite que la réserve citoyenne favorise l’apprentissage de la citoyenneté et nous réfléchissons d’ailleurs à la constitution d’une éventuelle réserve des jeunes en service civique, pour aider par exemple la population civile en cas de catastrophe naturelle. Si je n’ai pas de diagnostic concernant une autre réserve citoyenne pour des interventions dans les collèges et les lycées, cela me paraît intéressant. En tout cas, lorsque les jeunes parlent aux jeunes, cela marche bien, qu’il s’agisse de la lutte contre les discriminations, contre le racisme, l’antisémitisme ou les addictions – alors qu’avec des adultes, cette action peut être perçue comme une leçon de morale.

M. Yves Fromion. Les responsables de l’Agence regrettent que la part des jeunes des quartiers prioritaires ne soit pas supérieure à 17 % et s’interrogent sur les moyens de faire en sorte que le service civique soit mieux ciblé sur eux.

J’ai également relevé dans vos rapports le manque de contrôle et de suivi des personnes morales agréées et il semble que, dans un certain nombre de cas, on ne soit pas certain que la façon dont ce service est réalisé corresponde à ce qu’on pouvait attendre. Avez-vous des réponses à apporter sur ce point ?

Le volontariat international en entreprise (VIE) est un peu assimilé au service civique : c’est une initiative très intéressante pour faire découvrir le monde aux jeunes ; elle me paraît devoir être encouragée.

Par ailleurs, nous avons d’énormes problèmes dans les logements sociaux : avez-vous développé une spécificité du service civique en liaison avec les bailleurs sociaux à cet égard ? Ne peut-on aller plus loin dans ce domaine ?

De même, avez-vous songé à favoriser le soutien scolaire ?

Enfin, l’accompagnement des personnes âgées me paraît constituer un gisement d’activité important.

M. François Chérèque. Nous avons l’objectif de faire passer la part des jeunes des quartiers de la politique de la ville à 25 %, sous réserve qu’ils aillent faire leur service ailleurs que chez eux. Mais il ne faut pas aller beaucoup plus loin si l’on veut maintenir l’objectif de mixité sociale.

S’agissant des contrôles, 20 % des structures sont contrôlées chaque année, ce qui constitue un taux assez élevé si on le compare à celui des contrôles d’autres politiques publiques. D’ailleurs, quand je donne un agrément pour une mission qui me paraît susceptible de soulever un problème, je demande à mon service de contrôle de vérifier ce qu’il en advient dans l’année qui suit. De même, nous effectuons des vérifications quand des jeunes nous signalent des anomalies. Mais nous allons de toute façon renforcer notre pôle de contrôle. Les salariés, fonctionnaires ou membres d’associations, n’accepteront d’encadrer les jeunes que s’ils ont la garantie qu’il n’y aura pas de substitution à l’emploi.

Concernant le VIE, j’ai été chargé de la mission de préfigurer une agence plus importante que l’actuelle, associant Erasmus+ Jeunesse et sport, qui porte sur l’engagement civique européen. Le secrétariat d’État à la francophonie travaille sur ce rapprochement et le Quai d’Orsay souhaite voir comment accueillir des jeunes du service civique dans les ambassades. Mais l’engagement à l’étranger est plus compliqué car il faut prendre en charge leur déplacement et leur accueil. Cela étant, de nombreuses municipalités organisent des déplacements de jumelages, auxquels ils peuvent participer.

S’agissant des logements sociaux, il n’est pas question de confondre nos jeunes avec les travailleurs sociaux. Mais nous organisons des actions sur le développement durable avec les sociétés d’HLM et des actions d’information sur l’accès au droit dans les quartiers avec les caisses d’allocations familiales (CAF).

Quant aux actions en matière de soutien scolaire, elles marchent très bien. Une association comme l’AFEP, par exemple, mobilise 600 de nos jeunes ; Animafac mène une action comparable dans les facultés, les centres sociaux ou pendant les gardes périscolaires.

Je suis enfin d’accord sur le gisement important que constitue l’aide aux personnes âgées, notamment pour les aider à la promenade.

M. Jean-Michel Villaumé. Ne peut-on travailler davantage sur le volet d’insertion des jeunes ? Quel suivi propose-t-on aux jeunes sortant du service civique ?

M. François Chérèque. En 2013, 75 % des jeunes sortant du service civique se retrouvaient trois mois après soit dans un emploi, soit en formation. Si ce service n’est pas prévu pour cela, on ne peut cependant que se réjouir de ces résultats. Nous allons d’ailleurs actualiser ces données.

Je rappelle que le jeune a un tuteur et doit travailler avec lui sur un projet d’avenir. Le tuteur prend d’ailleurs souvent son rôle à cœur, au point d’aller jusqu’à l’aider parfois à préparer ses concours, par exemple.

Nous sommes par ailleurs en train de travailler avec des entreprises pour voir comment valoriser le suivi des jeunes après le service civique. Martin Hirsch a créé à cet égard l’Institut de service civique, dont l’objectif est d’avoir 1 000 jeunes volontaires, accompagnés dans leur parcours post-service civique comme la création d’emploi, avec des contrats avec les universités et des entreprises.

M. Daniel Boisserie. Vous avez uniquement parlé d’emplois dans la fonction publique. Or tous les gouvernements, de droite comme de gauche, ont tenté de vendre de l’illusion en proposant des emplois aidés ne débouchant jamais sur la vie professionnelle. Le SMA est plutôt mieux fait que le service civique à cet égard. Outre que notre système est trop cloisonné, je pense qu’il faut aller vers davantage de formation. La plupart des emplois d’avenir que j’ai dans ma ville sont ainsi formés pour aller dans le privé. Demain, s’il y a une reprise dans le secteur du bâtiment, nous serions incapables de pourvoir les postes, sauf à recourir à l’étranger, alors que nous savons bien qu’il n’est pas possible de multiplier le nombre de fonctionnaires par deux.

M. François Chérèque. Le service civique n’est pas un dispositif d’insertion professionnelle, même si d’autres pays ont fait ce choix, comme le Luxembourg. Il y a d’autres moyens pour cela : la formation, l’apprentissage, les emplois d’avenir.

Cela étant, dans mon agence, j’ai deux emplois d’avenir sur dix-sept salariés.

Quant au SMA, il s’agit d’un dispositif de formation professionnelle adapté aux territoires concernés. Je ne suis pas opposé à ce qu’il soit étendu à la métropole.

M. Daniel Boisserie. Pourquoi ne pas adapter en effet le SMA à la métropole ? Encore une fois, ce que je crains, c’est que lorsque vous faites appel à des jeunes et que vous leur dites que peut-être ils auront un emploi demain, dans leur esprit, ils l’ont déjà et on en fait finalement des déçus.

M. François Chérèque. Il y a certes des jeunes qui s’engagent dans un service civique parce qu’ils se trouvent dans une situation économiquement difficile, mais nous ne leur disons jamais qu’ils mettent un pied dans l’emploi, d’autant plus qu’ils n’exercent pas des missions correspondant à des emplois.

M. Christophe Premat. Pour amener certains jeunes vivant à l’étranger à la citoyenneté, le service civique serait un moyen assez adapté et il y a une demande en la matière, notamment en Europe, qui pourrait être satisfaite dans le cadre d’un service civique européen.

M. François Chérèque. Je suis tout à fait d’accord. Cela fait partie de nos réflexions et nous avons un programme européen avec les Italiens, les Anglais et les Lituaniens sur le service civique européen, d’autant qu’il existe dans d’autres pays comme l’Allemagne, l’Italie ou le Luxembourg un service civique similaire au nôtre. Pour la France, c’est France Volontaires qui porte cette expérimentation. Je précise en outre que la moitié des jeunes effectuant un service civique à l’étranger le font en Allemagne grâce, notamment, à l’Office franco-allemand pour la jeunesse (OFAJ), et que nous accueillons à notre tour de jeunes Allemands faisant leur service civique en France. Mais comme je l’ai dit, cela coûte plus cher.

France Volontaires, qui est membre de notre groupement d’intérêt public (GIP), nous aide bien à cet égard. Nous organisons des services civiques en Afrique et avons envoyé des jeunes en Haïti.

M. Christophe Premat. Nous pourrions avoir une action bilatérale avec les États pour partager les coûts.

M. François Chérèque. D’où l’étude que nous sommes en train de conduire pour développer ce type d’actions. Mais il faut trouver pour cela des structures associatives ou publiques, comme l’Office franco-québécois pour la jeunesse.

M. Bernard Lesterlin. Une majorité de Français pense en effet que si on rendait notre service civique obligatoire, on réglerait notre problème de cohésion nationale et de mixité sociale. Mais ce n’est pas possible, non tant pour des raisons budgétaires, que parce que le parallèle fait entre le service national et le service civique est intenable. Dans un cas, on dispose de l’armée avec toutes ses infrastructures – je rappelle à cet égard que l’appel sous les drapeaux n’a pas été supprimé, mais suspendu – alors que dans l’autre, il faut une structure d’accueil. Si on veut faire en sorte que 800 000 jeunes chaque année fassent un service civique, il faut d’abord convaincre la Nation tout entière – les élus locaux, l’État, les administrations, les établissements publics et le pan non marchand de l’économie sociale et solidaire – de proposer 800 000 missions et que chacun de ces acteurs ait une obligation à cet égard.

Dès lors, faudrait-il prévoir que les communes de plus de tant d’habitants doivent chaque année proposer tant de missions de service civique, avec des sanctions à la clé ? Je ne le pense pas.

Je crois plutôt qu’il faut que la Nation se sente mobilisée et qu’avoir accompli un engagement citoyen devienne une voie normale. On pourrait aussi prévoir que l’accès à un certain nombre de professions ou de concours soit conditionné par l’accomplissement d’un tel service, même s’il n’est pas obligatoire. Cela donnerait envie à beaucoup de jeunes de le faire, et ce, d’autant plus s’ils deviennent chez eux une référence.

Le service civique est une machine à fabriquer de l’employabilité. Reste que si les jeunes qui peuvent signaler cette expérience dans leur curriculum vitae ont beaucoup plus de chances de s’intégrer professionnellement, ce n’est pas l’objet premier de ce service, qui tend à accroître leur insertion dans la République. Il ne faut en tout cas pas confondre le service civique avec les emplois jeunes, même si j’aurais tendance à penser que des emplois aidés occupent peut-être des missions qui pourraient être exercées par des jeunes en service civique. Nous devons tous nous mobiliser pour faire passer le message selon lequel on ne peut pas laisser tomber nos jeunes devant le mur du chômage et il faut leur donner l’opportunité de s’engager – ce qu’il faudra peut-être formaliser dans une loi.

Mme la présidente Patricia Adam. Je vous remercie.

La séance est levée à dix-sept heures quarante-cinq.

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Membres présents ou excusés

Présents. – Mme Patricia Adam, M. Daniel Boisserie, M. Jean-Jacques Bridey, M. Yves Fromion, Mme Geneviève Gosselin-Fleury, M. Joaquim Pueyo, M. Jean-Michel Villaumé

Excusés. – Mme Danielle Auroi, M. Claude Bartolone, M. Sylvain Berrios, M. Philippe Briand, M. Jean-Jacques Candelier, M. Alain Chrétien, M. Jean-David Ciot, M. Lucien Degauchy, M. Yves Foulon, M. Serge Grouard, M. Christophe Guilloteau, M. Francis Hillmeyer, M. Éric Jalton, M. François Lamy, M. Charles de La Verpillière, M. Jean-Yves Le Déaut, M. Frédéric Lefebvre, M. Bruno Le Roux, M. Maurice Leroy, M. Alain Marty, M. Damien Meslot, M. Philippe Nauche, M. Alain Rousset, M. François de Rugy, M. Michel Voisin

Assistaient également à la réunion. – M. Jean-François Lamour, M. Bernard Lesterlin, M. Christophe Premat

Source: Assemblée nationale

Compte rendu au format PDF: https://www.adefdromil.org/wp-content/uploads/2015/01/CR-29.pdf

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