Tout d’abord ,je tiens a préciser que lorsque je me suis engagé, je m’attendais à avoir un travail difficile et exigeant aussi bien physiquement que moralement mais cette idée me motivait. Je me sentais prêt. Je croyais qu’avec la professionnalisation des armées et mon métier de fusilier commando, je serais un maillon important dans la chaîne militaire. Hélas ! Après des années de bons et loyaux services, je me retrouve plus proche que jamais de la résiliation de mon contrat et je suis loin d’être le seul dans ce cas. Comment avons-nous pu en arriver la ?
Depuis des années, les différents services des bases aériennes sont en sous-effectif et manquent cruellement de moyens matériels et financiers.
Les MTA considérés soit disant comme des professionnels sont loin d’être traités comme tels. Nous connaissons très peu notre statut, le salaire n’est pas à la hauteur du travail et l’arrivée des filles dans la spécialité a favorisé les promotions « canapés ». Pour de multiples raisons, de nombreux MTA résilient leurs contrats ou arrêtent l’armée après 4 ans. Ils ne supportent plus les conditions de travail. Comment peut-on considérer une armée comme étant professionnelle si les effectifs sont constamment renouvelés et qu’elle ne dispose pas de matériel ?
Ces dernières années, les horaires de travail étaient par mois de plus de 260 heures pour un salaire de 6800 Francs soit à peu prés 22 francs de l’heure ou 3€35 ;il faut noter au passage qu’aucun d’entre nous n’a le même salaire ! Après s’être rendu compte de la quantité d’heures que l’on effectuait, le commandement a décidé de réduire notre temps de travail. Celui-ci est passé à environ 220h par mois mais avec des astreintes à domicile pour nous soulager ! Peine perdue ! Avec le manque d’effectif, on joue au « Yo-Yo » avec les horaires ; ça devient usant à la fin d’être constamment rappelé de la maison parce qu’un gars est malade ou absent pour prendre son service. De ce point de vue, la réduction du temps de travail est un échec ! Autant toucher sagement le SMIC a la maison.
J’ai remarqué que le statut variait aussi en fonction des bases. Un MTA Fusilier commando sur une petite base est payé autant que celui affecté sur une grande base alors que ce dernier effectue un travail plus important et donc plus d’heures de service. C’est ainsi que très souvent viennent se rajouter sur l’emploi du temps des convois nucléaires à escorter. Ces escortes sont considérées comme du travail normal ; il me vient alors à l’esprit une question simple : Pourquoi les pilotes qui font un métier certes extraordinaire et dangereux percevraient-ils une prime de risque en volant et que moi je n’en percevrais pas une pour les escortes de convoi ?.
Autres constats. Le rythme des départs en OPEX est plus soutenu sur les petites bases. Imaginez les réactions d’un caporal-chef effectuant son 3eme détachement vis-à-vis d’un aviateur qui en a déjà fait 2 et qui connaît la date de départ pour son 3ème avant même d’être rentré en France ?
Comment doivent réagir les MTA et les sous-officiers qui sont hébergés dans des bâtiments insalubres et non chauffés ? Que dois-je dire quand j’entends des sous-officiers se plaindre de l’armée moi qui suis en bas de l’échelle et considéré comme une « sous merde » ?
En supprimant le service national pour créer une armée professionnelle et en supprimant les appelés pour les remplacer par des MTA, l’Etat a voué son projet à l’échec non seulement par manque de matériel mais aussi par manque de personnels peu enclin à signer les super contrats proposés : 4 ans puis 6 mois puis 2 ans… Tous les banquiers se bagarrent pour proposer un crédit immobilier à l’engagé que je suis ! et grâce à la reconversion, je pourrais poursuivre le gardiennage dans le civil.
En conclusion j’ai la sensation de ne pas avoir évolué durant mes années militaires et d’avoir perdu mon temps. J’espérais pourtant trouver des solutions par le dialogue mais, à l’armée, on préfère le silence plutôt que de résoudre les problèmes. Alors continuez à bâtir une armée ridicule si ça peut vous faire plaisir mais poursuivez sans moi !