Le prénom est un élément essentiel de l’identité d’une personne et le choix de celui-ci relève des parents.
La Cour européenne des Droits de l’Homme reconnait un droit au prénom fondé sur le droit à la vie privée et familiale de l’article 8 de la Convention Européenne de sauvegarde des Droits de l’Homme et des libertés fondamentales. Ce principe a notamment été rappelé dans l’arrêt Garnaga c/Ukraine (requête 20390/07).
Le droit national a opéré une double évolution, quant à la liberté du choix du prénom d’une part (I), et quant à la perte du caractère immuable de celui-ci d’autre part (II).
I. Le principe de liberté de choix du prénom
Sous le Consulat, la loi Germinal an XI limitait le choix des parents aux saints du calendrier et aux personnages historiques.
La loi du 9 janvier 1993 relative à l’état civil, à la famille et aux droits de l’enfant et instituant le juge aux affaires familiales, a consacré le principe de libre choix du prénom par les parents et modifié en conséquence le Code civil. L’article 57 du Code civil garantit aux parents : la liberté de choix du prénom de l’enfant.
Conséquemment à cette liberté, les prénoms originaux ont commencé à se répandre.
Des études ont souligné que des prénoms trop originaux pouvaient être source de source de souffrance et de moquerie, notamment dans les cours d’école.
Afin de prévenir ces dérives, une circulaire de 1993 est intervenue après la loi de 1993 afin de rappeler le principe posé en l’article 57 du Code Civil mais également de préciser les limites souhaitées par le législateur.
Le juge opère alors, un contrôle objectif des prénoms qui seraient contraire à l’intérêt de l’enfant et pour cela il a recours à des critères objectifs d’appréciations comme le caractère ridicule de celui-ci. Le contrôle du choix du prénom est dit a posteriori car il ne se fait qu’après l’inscription de celui-ci dans l’acte de naissance, par l’officier de l’état civil.
La Haute Juridiction a par ailleurs précisé dans un arrêt du 15 février 2012 que l’appréciation du prénom doit être faite in concreto et compte tenu de l’intérêt de l’enfant. Dans ce cas d’espèce, une famille avait choisi de prénommer son enfant « Titeuf » et la Cour de Cassation a confirmé l’arrêt de la Cour d’appel retenant que ce choix de prénom était contraire à l’intérêt de l’enfant.
Autrement dit, les parents sont titulaires d’un choix dans les limites imposées par la loi. La jurisprudence rejette régulièrement les prénoms fantaisistes. Les prénoms n’ayant pas une orthographe française sont quant à eux accepté dès lors qu’ils ne sont pas préjudiciables pour celui qui le porte.
Pour illustration, le prénom « Zébulon, » en référence au personnage du Manège enchanté, a pu être admis, parce qu’il « n’est pas d’apparence ridicule, péjorative ou grossière, qui n’est pas complexe, qui ne fait pas référence à un personnage déconsidéré de l’histoire ou de la littérature » (CA Besançon, 18 novembre 1999).
Le prénom et le nom associés de « Mégane Renaud », qui faisaient référence au modèle de véhicule du célèbre constructeur automobile, a été admis. La Cour d’appel avait motivé sa décision en retenant que les parents l’avaient choisi « sans arrière-pensée, même si, associé au nom patronymique, il évoque inévitablement un modèle de voiture, alors que cet inconvénient est appelé à disparaître et qu’un changement entraînerait pour l’enfant un trouble certain ».
Au contraire, le prénom « Joyeux » a été refusé, parce qu’il « serait de nature, en raison de leur caractère fantaisiste, voire ridicule, à créer des difficultés et une gêne effective pour l’enfant ».
Plus récemment, le 24 septembre et 17 octobre 2014, des juridictions ont pu rejeter les prénoms « Nutella »ou « Fraise. », retenant pour le prénom « Fraise » qu’il serait nécessairement à l’origine de moquerie notamment par l’utilisation de l’expression ‘ramène ta fraise’, ce qui ne pourrait qu’avoir des répercussions néfastes sur l’enfant ».
Parallèlement à ce libéralisme dans l’établissement du prénom le droit admet aujourd’hui que le prénom n’est plus immuable.
Dès lors, si certains prénoms ont réussi à échapper à la procédure de contrôle a posteriori, il reste la procédure de changement de prénom pour motif légitime.
Au-delà de ce contrôle a posteriori après que les parents aient choisi un prénom pour leur enfant, celui-ci peut quelques années plus tard … souhaiter voir modifier le prénom figurant sur son acte de naissance.
II. La fin du caractère immuable du prénom
Le prénom peut être modifié toutes les fois où l’intéressé justifie d’un intérêt légitime.
Cette demande de modification s’effectue à la demande du titulaire.
L’intérêt légitime à démontrer ne doit pas résider pour le demandeur en des allégations générales. Il est ainsi admis par les magistrats que « le seul fait de ne pas aimer son prénom ne peut constituer un motif d’intérêt légitime » (Cour d’Appel de BESANÇON, 5 février 2009).
En l’occurrence, l’intérêt est dit légitime lorsque la jonction entre le nom et le prénom est, par exemple, ridicule ou alors qu’il porte préjudice au demandeur. De la sorte, il a été ordonné la suppression ou la modification des prénoms « Folavril » (Cour d’Appel de RENNES, 4 novembre 1996) et « Patriste » (Cour d’Appel de MONTPELLIER, 4 octobre 2006).
L’intérêt légitime est également admis dans les cas où le demandeur souhaite franciser son prénom, ou le modifier pour motif religieux. Il incombe alors au demandeur, dans cette hypothèse, de démontrer que ce changement de nom favoriserait l’intégration dans le cadre d’un projet déterminé.
Il est également possible de demander l’adjonction ou la suppression de prénoms.
Quant à la procédure, celle-ci doit être introduite par devant le Juge aux Affaires Familiales près le Tribunal de Grande Instance.
La représentation par avocat est obligatoire.
L’article 60 du Code Civil dispose :
« Toute personne qui justifie d’un intérêt légitime peut demander à changer de prénom. La demande est portée devant le juge aux affaires familiales à la requête de l’intéressé ou, s’il s’agit d’un mineur ou d’un majeur en tutelle, à la requête de son représentant légal. L’adjonction, la suppression ou la modification de l’ordre des prénoms peut pareillement être décidée.
Si l’enfant est âgé de plus de treize ans, son consentement personnel est requis. ».
Dès lors, la requête en changement de prénom devra être déposée auprès du Juge aux Affaires Familiales du Tribunal de Grande Instance du lieu de naissance ou de résidence du demandeur.
La demande de changement de prénom est toujours soumise à l’avis du Procureur de la République. Le tribunal rend alors un jugement.
Lorsque ladite demande est acceptée, ce dernier va transmettre la décision de changement de prénom à l’Officier d’état civil qui détient l’acte de naissance.
Le changement de prénom sera dès lors mentionné sur les registres d’état civil et une fois l’acte de naissance mis à jour, les modifications des titres d’identités seront possibles.
Source: Site MDMH
MDMH
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