« Paris est tout petit pour ceux qui s’aiment d’un aussi grand amour ».
Jacques PREVERT ne s’y était pas trompé, Paris a toujours été le théâtre des plus folles passions.
Mais elle est parfois à l’origine même de querelles d’amoureux éconduits, à l’image de celle ayant donné lieu à l’arrêt rendu le 6 janvier 2015 par la Chambre commerciale de la Cour de Cassation, n°13-17108.
Les faits sont simples. Monsieur Zilberberg était titulaire depuis les années 1980 des marques françaises et internationales « I ♥ PARIS » et « J’♥ PARIS », surfant manifestement sur le succès rencontré par son célèbre homonyme américain « I ♥ NY » (datant de 1977) décliné, outre Atlantique, sur de multiples supports.
Cette qualité l’avait conduit à s’opposer quelques années plus tard au dépôt fait par la Société Paris Wear Diffusion de signes similaires, notamment « Paris je t’♥ » et « I ♥ la Tour Eiffel ».
En réplique, cette dernière avait argué de la nullité des marques « I ♥ PARIS » et « J’♥ PARIS », enregistrées au nom de Monsieur Zilberberg.
Par un arrêt en date du 8 mars 2013 (N° de RG : 11/22809), la Cour d’Appel de PARIS avait donné raison à la Société Paris Wear Diffusion et confirmé le jugement qui avait prononcé la nullité de ces marques, en considérant que celles-ci ne remplissaient pas la fonction essentielle d’une marque qui est d’indiquer l’origine d’un produit ou d’un service mais également de les distinguer d’autres produits et services de provenances différentes.
Pour la Cour d’Appel, en effet, « (…) un signe (…) doit conduire le public pertinent à penser, d’emblée, que les produits ou services en cause proviennent d’une entreprise déterminée ».
Ainsi le critère de « distinctivité » de la marque, tel que visé à l’article L711-2 du Code de la Propriété Intellectuelle, était ici érigé en critère autonome pour apprécier la validité de celle-ci.
En d’autres termes, la Cour d’Appel avait considéré que le consommateur moyen ne pouvait raisonnablement penser que les marques « I ♥ PARIS » et « J’♥ PARIS », étaient commercialisées par une entreprise en particulier.
Monsieur Zilberberg forma alors un pourvoi en cassation à l’encontre de cet arrêt.
Or, par l’arrêt susmentionné du 6 janvier 2015, la Haute Juridiction a confirmé cette décision en relevant notamment que :
« (…) le public pertinent est constitué des touristes d’attention moyenne en quête de l’achat de souvenirs afin de conserver une trace de leur passage à Paris (…) le contenu sémantique de ces deux [marques] en ce qu’il véhicule un message d’attachement à une ville particulière, conduira le consommateur à les percevoir comme des signes décoratifs dont il comprendra le sens, quelle que soit sa langue, et non pas comme des marques lui garantissant que les produits sur lesquels ils sont apposés sont fabriqués par la Société France Trading, licenciée de Monsieur Zilberberg (…) »
Désormais, chacun est donc libre d’arborer ces signes sur le support de son choix – étant précisé que cette solution apparaît transposable à d’autres villes – et de clamer ainsi son amour pour Paris sans risquer de se voir opposer une quelconque action en contrefaçon.
C’est de toute évidence la mise en œuvre de ce raisonnement qui a également conduit l’INPI (Institut National de la Propriété Industrielle) à refuser l’enregistrement des innombrables demandes de marques« Je suis Charlie » qui lui ont été soumises ces derniers jours. pour manque de distinctivité. Pour l’INPI « ce slogan ne peut être capté par un acteur économique du fait de sa large utilisation par la collectivité »….
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