REORGANISATION : A terme, policiers et gendarmes devront apprendre à cohabiter au sein d’un même ministère de l’intérieur
L’année 2003 sera celle du transfert intégral de la gendarmerie sous la houlette du ministère de l’Intérieur, presque un non-évènement au regard des mutations que l’institution connaîtra d’ici la fin de l’année.
En premier lieu, les brigades seront réorganisées, là où elles sont les plus faméliques en effectifs en « communautés de brigades ». Ce dispositif permettra aux zones les plus isolées de regrouper leurs moyens sur un site unique ouvert 24 heures sur 24, les petites gendarmeries restant, elles, un point de contact diurne. Ce qui vise, pour Nicolas Sarkozy à contribuer à réduire la délinquance périurbaine et « campagnarde », la seule qui continue vraiment à progresse (malgré un fléchissement en 2002).
Les pelotons de sécurité et d’intervention de la gendarmerie (PSIG) sont parallèlement appelés à être renforcés, pour traquer le délinquant à l’heure où il travaille, notamment la nuit, et sur les routes départementales.
La lutte contre l’insécurité routière sera l’un des enjeux majeurs avec plus de radars et plus de moyens dans les airs : le directeur de la gendarmerie, Pierre Mutz, avait ainsi révélé en décembre un vaste plan pour redéployer ses 42 hélicoptères, « au plus près des besoins opérationnels, et notamment des routes à risques ».
Quant au rattachement au ministère de l’Intérieur, il concernera les équivalences de grades avec les policiers, une étude sur la durée de la carrière -contractuels, les gendarmes peuvent partir à la retraite avant la cinquantaine-, et la recherche de synergie sur les achats de véhicules et d’armes. Reste pour Nicolas Sarkozy à faire passer son projet qui, politiquement, a tout du chausse-trape : l’idée fera hurler la gauche, nombre d’associations et sans doute en interne au ministère. Désormais intégralement logés à la même enseigne, les policiers pourraient bien faire entendre leurs revendications. Et à l’inverse, les gendarmes s’ils perdent leur statut militaire pourront à l’avenir se syndiquer…
Des mutations en cascade et à très grande vitesse
Nouvelle tenue, nouveaux hélicoptères, nouvelles unités interdisciplinaires -les GIR-, nouvelles statistiques mensuelles et … nouveau patron ! En huit mois, les gendarmes en auront vu de toutes les couleurs avec le ministre de l’Intérieur, là où auparavant, ses prédécesseurs avaient préféré laisser les pandores à leur ministère de tutelle, la Défense.
Dès le début de l’année 2002, ce lieutenant-colonel de gendarmerie a vu « le changement arriver ». Sans trop savoir encore à quel saint se vouer. Mais en sachant déjà qu’il « finirait dans un grand ministère de la Sécurité intérieure.
Dans cette avalanche de nouveautés, les gendarmes ont senti souffler le vent du changement, et ont préféré hisser les voiles le plus tôt possible. Ils ont donc « joué à fond la carte des GIR, pénétré les offices centraux de la police nationale qui leur étaient autrefois interdit » explique un syndicaliste policier.
Et malgré des statistiques d’insécurité peu réjouissantes dans leur zone de travail, les gendarmes ont réussi à capitaliser : en travaillant d’arrache-pied, mais en le faisant savoir, surtout. « Sur le savoir-faire, on est pareils, mais sur le faire savoir, ils sont bien meilleurs que nous, enrage ce haut fonctionnaire de la police nationale en citant les dernières émissions spéciales de télévision consacrée à « la maison d’en face ».
Des images à même de faire oublier celles de pandores manifestant avec les voitures de service, au plus fort de la crise de l’institution, en novembre 2001. Pierre Steinmetz, le patron de la gendarmerie de l’époque a cédé son fauteuil -il est aujourd’hui directeur de cabinet de Raffarin- à un habitué du secteur, Pierre Mutz. Parachutiste (1962-1980), ancien de l’Intérieur (1986-1996), cet agenais d’origine a été chargé de faire passer en douceur le rapprochement police-gendarmerie. Comme le scorpion -son signe astrologique- le nouveau DGGN est réputé résister à tout.
Une volonté et un enjeu majeurs : instituer une culture de résultats à l’américaine
« Optimisation de l’emploi des effectifs au plus des besoins réels », « productivités des postes », « disponibilité et attribution du parc roulant » : ces expressions ne sont pas sorties d’un lexique pour cadre d’une « world company » mais de notes internes de la police urbaine de proximité, à Paris. Des indicateurs statistiques en phase avec les desiderata de Nicolas Sarkozy, qui souhaite faire de son administration un modèle, en matière de « culture de résultats ».
« Pourquoi ne récompenserait-on pas les résultats dans l’administration ? » questionnait vendredi le ministre de l’Intérieur avant d’annoncer qu’il traquerait « l’inactivité » des éléments dormants de certains services.
24 heures plus tôt, il avait tenu le même discours musclé à la Préfecture de Police de Paris, devant des commissaires médusés. Les problèmes sont évoqués tous les jeudis devant les commissaires de quartier, et les solutions appellent de très rapides solutions. Le ministre est allé plus vite que la partition prévue, puisqu’il n’a pas hésité à sermonner devant les mêmes commissaires le haut fonctionnaire chargé de l’approvisionnement. « Je veux une note sur tous les problèmes ce soir, et demain, tout sera réglé » a-t-il déclaré. Tout en gravant dans son cerveau le nom du malheureux, qui n’avait pas vu le coup venir.
Le ministre, en évoquant des primes pour les meilleurs, et une vie impossible pour les autres n’entend pas demeurer au stade du simple symbole, souhaitant même devenir une référence en terme de « culture de résultats » pour l’administration française.
A titre de simple méditation, il pourra se plonger dans l’exemple new-yorkais : les policiers sont presque trois fois plus nombreux qu’à Paris ; quant aux « paresseux », on les retrouve à faire la circulation… Quant au salaire, les policiers, outre-Atlantique, sont au moins deux fois mieux payés que leurs homologues parisiens.
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