Le jugement du Tribunal de Grande Instance de Paris

Le jugement du Tribunal de Grande Instance de Paris en date du 15 février 2000 peut être téléchargé ci-dessous

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TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE PARIS

lère
CHAMBRE – 1ère SECTION SOCIALE

JUGEMENT RENDU LE 15 FéVRIER
2000

DEMANDERESSE

– L’ASSOCIATION DES OFFICIERS DANS LES CARRIERES CIVILES (AOC)
dont le siège social est 8, rue Auber – 75008 PARIS.

Représentée
par :

Maître Pierre BLANDINO, avocat, D.636.

DéFENDEURS

– LE MOUVEMENT DES ENTREPRISES DE FRANCE (MEDEF) anciennement
CONSEIL NATIONAL DU PATRONAT FRANCAIS (CNPF) dont le siège social est 31, avenue
Pierre 1er de Serbie – 75116 PARIS.

Représenté par :

La SCP
DUPUY – DUVAL & Associés, avocats, P.61.

– L’UNION PROFESSIONNELLE ARTISANALE (UPA) 79, avenue de Villiers
– 75017 PARIS.

Représentée par :

Maître Jean-Michel LEPRETRE,
avocat, P.134.
(SCP RAMBAUD MARTEL)

– La CONFéDéRATION FRANçAISE DéMOCRATIQUE DU TRAVAIL (C.F.D.T.)
dont le siège est 4, boulevard de la Villette 75019 PARIS.

– La CONFéDéRATION FRANçAISE DES TRAVAILLEURS CHRéTIENS
(C.F.T.C.) dont le siège est 13, rue des Ecluses Saint-Martin 75483 PARIS CEDEX
10.

– La CONFéDéRATION FRANçAISE DE L’ENCADREMENT {CFE-CGC) dont le
siège est 30, rue de Gramont 75002 PARIS.

Représentées par :

Maître Henri-José LEGRAND, avocat,
A.105.

– La CONFéDéRATION GéNéRALE DU TRAVAIL 263, rue de Paris – 93100
MONTREUIL.

Représentée par :
Maître Paul BOUAZIZ, avocat,
P.215.
(SCP BOUAZIZ BENAMARA)

– La CONFéDéRATION GéNéRALE DU TRAVAIL FORCE OUVRIER dont le
siège est 141, avenue du Maine 75680 PARIS CEDEX 14.

Représentée
par :

Maître Gilbert FILIOR, avocat, 8.105.

– La CONFéDéRATION GéNéRALE DES PETITES ET MOYENNES ENTREPRISES
ET DU PATRONAT RéEL (CGPME) dont le siège est 10 Terrasse Bellini à PUTEAUX
92806.

Représentée par :

Maître Philippe MOUGEOTTE, avocat,
E.157.

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Madame TAILLANDIER,
Président,
Madame NESI, Juge,
Madame THOMAS, Juge.

GREFFIER

Madame MOREAU.

DEBATS :

A l’audience du 16 novembre
1999 tenue publiquement.

JUGEMENT :

– prononcé en audience publique

contradictoire
– susceptible d’appel.

***

La Convention du 1er janvier 1994 relative à
l’assurance chômage comporte en annexe un Règlement dont l’article 50 est ainsi
rédigé : « le montant des allocations servies aux allocataires bénéficiant
d’un avantage vieillesse est réduit dans les conditions fixées par délibération
de la commission paritaire nationale. »
En exécution de cet article, la
commission paritaire nationale a pris le 11 janvier 1994, puis le 22 septembre
1994, deux délibérations numéro V fixant, pour les anciens militaires, les
règles de cumul entre les allocations chômage et la pension militaire à titre
viager et instaurant à partir de 50 ans une diminution progressive des
allocations par tranches d’âge allant jusqu’à 75% à partir de 60
ans.
L’A.O.C. a alors déposé le 11 février 1994 devant le Conseil d’état une
requête en annulation pour excès de pouvoir de l’arrêté du 4 janvier 1994 du
Ministre du Travail portant agrément de la Convention du 1er janvier 1994
relative à l’assurance chômage et du règlement annexé à cette Convention.
Par
arrêt en date du 12 juin 1996 cette juridiction a : »Sursis à statuer sur les
conclusions de la requête susvisée dirigée contre l’arrêté du Ministre du
Travail du 4 janvier 1994, jusqu’à ce que l’autorité judiciaire se soit
prononcée sur la validité de l’article 50 du règlement annexé à la Convention du
1er janvier 1994, relative à l’assurance chômage » et dit que
« l’association des officiers dans les carrières civiles (a.o.c.) devra
justifier, dans le délai de deux mois, à compter de la notification de la
présente décision, de sa diligence à saisir de cette question la juridiction
compétente ».
Estimant que l’article 50 susvisé, comme les délibérations
N° V prises pour son application sont non seulement discriminatoires mais
illégaux comme violant les principes généraux du droit et diverses dispositions
du Code du Travail qui sont d’ordre public, l’Association des Officiers dans les
Carrières Civiles (A.O.C.), par actes d’huissier des 4 et 6 septembre 1996, a
assigné le Conseil National du Patronat Français (C.N.P.F.), la Confédération
Générale des Petites et Moyennes Entreprises (C.G.P.M.E.), l’Union
Professionnelle Artisanale (U.P.A.), la Confédération Démocratique du Travail
(CFDT), la Confédération Française de l’Encadrement-Confédération Générale des
Cadres ( CCFE-CGC), la Confédération Française des Travailleurs Chrétiens
(CFTC), la Confédération Générale du Travail-Force Ouvrière (CGT-FO) et la
Confédération Générale du Travail (CGT) afin de voir :
-déclarer que
l’article 50 du règlement, ainsi que les délibérations N°V prises par l’UNEDIC
pour son application sont illégaux et donc privés de tout effet ;
-condamner
solidairement les défendeurs à payer à l’A.O.C. une somme de 10.000 francs en
application de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
Par arrêt
du 18 mai 1998 le Conseil d’état a annulé l’arrêté du 18 février 1997 portant
agrément de la convention du 1er janvier 1997 relative à l’assurance chômage et
du règlement annexé à cette convention, en tant qu’il agrée l’article 50 dudit
règlement, pour les motifs suivants :
« Considérant qu’il résulte de
ces dispositions qu’il appartenait au seul pouvoir réglementaire agissant par
voie de décret en Conseil d ‘Etat, de fixer les conditions et limites dans
lesquelles l allocation d’assurance peut se cumuler avec des avantages de
vieillesse, d’autres revenus de remplacement à caractère viager et des pensions
d’invalidité.
Que, par suite, les parties à la convention n’avaient pas
compétence pour prévoir à l’article 50 dudit règlement annexé à la convention du
1er janvier 1997, que le montant de l’allocation servie aux allocataires
bénéficiant d’avantages de vieillesse ou d’autres revenus de remplacement à
caractère viager seraient réduits dans les conditions fixées par délibération de
la commission paritaire nationale et que le montant de l’allocation servie aux
allocataires bénéficiant de certaines pensions d’invalidité serait égal à la
différence entre le montant de l’allocation unique dégressive et de la pension
d’invalidité ».
L’article 50 du règlement annexé â la Convention du 1er
janvier 1994 dont la légalité est contestée par 1a demanderesse au présent
litige étant rédigé en des termes identiques, le Tribunal, par mention au
dossier du 23 juin 1998, a ordonné la réouverture des débats et invité les
parties à conclure sur :
– la compétence des juridictions judiciaires en
l’espèce;
– la saisine éventuelle du Tribunal des Conflits;
– l’incidence
au fond de la décision du Conseil d’état.

Par conclusions du 2 mars 1999 la Confédération
Générale des Petites et Moyennes Entreprises a demandé au Tribunal de se
déclarer compétent, de constater la parfaite régularité juridique des
dispositions critiquées par la demanderesse, de débouter cette dernière de
toutes ses prétentions et de la condamner à lui payer la somme de 10.000 francs
en application de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Par conclusions récapitulatives après réouverture
des débats signifiées le 10 mai 1999, la Confédération Générale du Travail Force
Ouvrière, sans s’associer à la demande d’annulation de l’article 50, a demandé
qu’il lui soit donné acte de ce qu’elle ne conteste pas les moyens de l’A.O.C.
en ce qu’ils visent à permettre aux militaires en retraite ayant ultérieurement
été involontairement privés de leur emploi dans le secteur privé à cumuler sans
abattement les indemnités de chômage et leur pension de retraite.
Elle
conclut au débouté de l’A.O.C. de ses autres demandes, notamment celle formée au
titre de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

La CFDT, la CFE-CGC et la CFTC ont demandé le 11
mai 1999 au Tribunal de retenir sa compétence, de dire et juger l’AOC mal fondée
dans sa demande d’annulation de l’article 50 du règlement annexé à la convention
d’assurance chômage du 1er janvier 1994 et de la condamner à payer à chacune
d’elles la somme de 10.000 francs en application de l’article 700 du Nouveau
Code de Procédure Civile.

La CGT a pour sa part conclu le 26 mai 1999 à sa
mise hors de cause en faisant valoir qu’elle n’était pas signataire du règlement
annexé aux conventions des 1er janvier 1993 et 1er janvier 1994, ni des
délibérations numéro 5 critiquées et a sollicité la condamnation de l’A.O.C. à
lui payer 15.000 francs au titre de ses frais irrépétibles.

Le 29 juin 1999 l’Union Professionnelle Artisanale
(U.P.A.) a conclu au débouté de l’A.O.C. de toutes ses prétentions et à sa
condamnation à lui payer la somme de 13.000 francs au titre de l’article 700 du
Nouveau Code de Procédure Civile.

Par conclusions récapitulatives du 13 septembre
1999, le MEDEF, anciennement CNPF, a soulevé l’irrecevabilité de la demande pour
défaut d’intérêt à agir et subsidiairement a conclu au mal fondé des demandes
et, en tout état de cause, à la condamnation de l’A.O.C. à lui verser une
indemnité de 5.000 francs au titre de ses frais irrépétibles.

*****

I- Sur la
compétence
:
Attendu
que l’ensemble des parties concluent à la compétence de l’ordre judiciaire,
considérant que l’arrêt du Conseil d’état du 12 juin 1996 s’est expressément
prononcé dans ce sens, en constatant l’existence d’une question préjudicielle et
en invitant les parties à saisir l’autorité
judiciaire ;
Qu’elles
font valoir que l’arrêt du 18 mai 1998 ne remet pas en cause la jurisprudence
antérieure du Conseil d’état aux termes de laquelle les accords relatifs à
l’assurance chômage sont des actes de droit privé signés par des personnes de
droit privé, et relève de la compétence exclusive des juridictions de l’ordre
judiciaire ;

Attendu
qu’il est constant qu’une convention d’assurance chômage conclue entre
partenaires sociaux, au sens des articles L 351-1 et suivants du Code du
Travail, de par sa nature contractuelle, est un acte de droit privé, signée par
des personnes de droit
privé ;
Qu’elle
peut acquérir la force exécutoire d’un acte réglementaire, aux termes de
l’article L 352-2 du même code, par l’effet de l’agrément du Ministre chargé du
Travail ;
Qu’elle
n’en acquiert pas, pour autant, le caractère d’un acte administratif, l’arrêté
d’agrément ayant pour seul effet d’en étendre le champ d’application à
l’ensemble des employeurs et des
travailleurs ;
Qu’il
existe, ainsi, en la matière, une dualité de compétence, les juridictions de
l’ordre administratif étant juge de la légalité de l’acte réglementaire que
constitue l’agrément ministériel et les juridictions de l’ordre judiciaire
conservant le contentieux de la licéité de la convention
elle-même ;
Attendu
que dans ces conditions, la présente demande étant relative à la licéité d’une
des dispositions de la convention du 1er janvier 1994, et non à la régularité de
l’agrément du Ministre compétent, seules les juridictions de l’ordre judiciaire
pouvaient en connaître et que c’est à bon droit que le Conseil d’état a constaté
l’existence d’une question préjudicielle et a invité les parties à saisir ce
Tribunal ;
Qu’il
convient, en conséquence de déclarer ce Tribunal compétent ;

II- Sur la fin de non
recevoir
:
Attendu
que le MEDEF n’a pas évoqué ni développé dans les motifs de ses conclusions, y
compris récapitulatives, les raisons pour lesquelles il soulevait, dans son
dispositif, une fin de non recevoir pour défaut d’intérêt à
agir ;
Que
dans ces conditions ce moyen ne peut qu’être rejeté ;

III- Sur le fond du litige :

Attendu
que le système d’indemnisation des salariés privés d’emploi est fondé sur deux
régimes :
– un régime d’assurance chômage géré paritairement par les
partenaires sociaux qui fixent, périodiquement, par voie conventionnelle, les
règles de l’indemnisation ainsi que le montant des contributions patronales et
salariales nécessaires à son financement ;
– un régime de solidarité
financé par l’état qui intervient à titre subsidiaire pour les personnes sans
référence de travail ou ayant épuisé leurs droits à l’assurance chômage, le
bénéfice de ce régime étant subordonné à des conditions de ressources de
l’intéressé ;
Attendu
que le régime conventionnel de l’assurance chômage a été instauré par l’accord
national interprofessionnel du 31 décembre 1958, à travers une convention et un
règlement
annexe ;
Que
ses principes sont définis aux articles L 351-1 et suivants du Code du Travail,
les mesures d’application des dispositions légales étant arrêtées par voie
d’accords passés entre les employeurs et les
travailleurs ;
Que
des accords peuvent être rendus obligatoires par voie d’agrément ministériel
s’ils ont été négociés et conclus entre les organisations syndicales les plus
représentatives d’employeurs et des
travailleurs ;
Qu’en
l’absence d’accord ou d’agrément les mesures d’application des dispositions
légales sont fixées par décret en Conseil d’état ;

Attendu
que les partenaires sociaux ont délégué à la Commission Paritaire Nationale
instituée par la Convention relative à l’assurance chômage la responsabilité de
définir les conditions du cumul des allocations de chômage avec notamment des
avantages
vieillesse ;
Que
si l’article 31 du règlement annexé à la convention du 6 juillet 1988
n’envisageait de fixer les conditions du cumul que pour les allocataires âgés de
60 ans et plus, à partir de 1990, le règlement annexé à la Convention comporte
un article 50 ainsi
rédigé :
« Le
montant des allocations servies aux allocataires bénéficiant d’un avantage de
vieillesse est réduit dans les conditions fixées par délibération de la
Commission Paritaire
Nationale » ;
Attendu
que par délibération du 22 septembre 1994, la Commission Paritaire Nationale a
fixé les règles de cumul suivantes, applicables à tous les
chômeurs :
« Le
travailleur privé d’emploi qui demande à bénéficier des allocations du régime
d’assurance chômage, alors qu’il peut prétendre au versement d’un ou plusieurs
avantages de vieillesse, ou au versement d’une pension de retraite militaire,
direct(s) à caractère viager liquidé(s) ou liquidable(s), a droit à une
allocation de chômage calculée suivant les dispositions du règlement et de ses
annexes dans les conditions suivantes :
– avant 30 ans, 1’allocation de
chômage est cumulable intégralement avec l’avantage vieillesse ou la pension de
retraite militaire ;
– entre 50 et 55 ans, l’allocation de chômage est
diminuée de 25% de l’avantage de vieillesse ou de la pension de retraite
militaire ;
– entre 55 et 60 ans, l’allocation de chômage est diminuée
de 50% de l’avantage vieillesse ou de la pension de retraite
militaire ;
– à partir de 60 ans, l’allocation de chômage est diminuée
de 75% de l’avantage de vieillesse ou de la pension de retraite
militaire » ;

Attendu
que pour conclure au caractère illégal de l’article 50 du règlement annexé aux
Conventions du 1er janvier 1993 et du 1er janvier 1994 et des délibérations
prises pour son application, l’A.O.C., dans ses dernières écritures
récapitulatives, soutient principalement, en se fondant notamment sur un arrêt
de la Chambre Sociale de la Cour de Cassation en date du 2 septembre 1999, que
les partenaires sociaux n’avaient pas le pouvoir de restreindre les droits que
les travailleurs privés d’emploi tiennent de la loi, laquelle ne prévoit aucune
réduction des allocations de chômage pour les allocataires figés de moins de
soixante ans bénéficiaires d’un avantage vieillesse ou d’une pension
militaire ;
Qu’elle
fait également valoir qu’aucun caractère interprétatif ni rétroactif ne peut
être conféré à la loi du 29 juillet 1998 qui a modifié l’article L 351-20 du
Code du Travail en donnant aux partenaires sociaux le pouvoir de fixer, par voie
d’accord, les conditions et limites du cumul entre les allocations d’assurance
chômage et les prestations de sécurité sociale ou d’aide
sociale ;
Qu’elle
conteste également que le principe du non cumul entre allocations de chômage et
avantage vieillesse ou retraite militaire puisse se déduire du fait que le
pouvoir réglementaire n’a pas pris le décret prévu par l’article L 351-20 du
Code du Travail dans sa rédaction antérieure à la loi du 29 juillet 1998 et
maintient que la pension militaire ne pouvait être considérée comme un avantage
vieillesse, au moins jusqu’à l’âge de soixante ans ;

Attendu
que le MEDEF, qui se fonde essentiellement sur l’article L 351-20 du Code du
Travail pour conclure au rejet des demandes, soutient pour sa part que les
partenaires sociaux étaient tout à fait en droit de fixer, par voie
conventionnelle, les conditions et limites d’un cumul que le législateur avait
confiées, par inadvertance, au pouvoir
réglementaire ;
Qu’il
fait valoir que le cumul n’était pas un droit puisqu’il a fallu une disposition
spécifique, en l’occurrence l’article L 351-20 du Code du Travail pour
l’instaurer, et que faute d’une définition des conditions et limites auxquelles
il était subordonné, il en est résulté, en fait, un principe de non cumul,
d’ailleurs induit par la notion même de revenu de
remplacement ;
Qu’il
estime en conséquence qu’en définissant des règles de cumul, même si elles
impliquaient une réduction des allocations de chômage, les partenaires sociaux
ont adopté des dispositions plus favorables aux travailleurs que celles
résultant de la loi en vigueur, et n’ont donc pas outrepassé leurs
pouvoirs ;
Attendu
qu’il considère en outre que dans la mesure où la loi du 29 juillet 1998 a
modifié la rédaction de l’article L 351-20 du Code du Travail pour le mettre en
cohérence avec l’article L 351-8 du même code qui confie aux partenaires sociaux
le soin de définir, par voie d’accord, les mesures d’application des
dispositions relatives au régime d’assurance chômage, elle a nécessairement un
caractère interprétatif, rétroagit à la date d’entrée en vigueur de la loi
interprétée et s’applique en particulier à toutes les instances en
cours ;
Qu’il
en déduit qu’aucune disposition législative ne venant limiter d’une quelconque
manière ce pouvoir des partenaires sociaux et l’article L 351-3 du Code du
Travail soumettant l’attribution de l’allocation chômage à des conditions
d’activité antérieure, rien n’interdisait aux organisations syndicales
représentatives de restreindre les droits des salariés privés d’emploi à l’égard
de l’assurance chômage lorsqu’ils bénéficient, comme en l’espèce, en raison de
leur activité antérieure, d’allocations ou de pensions de quelque nature que ce
soit ;

Attendu
que les autres défendeurs ont repris ces moyens principaux, F.O. faisant
également valoir que la notion de revenu de remplacement n’est pas exclusive de
l’existence d’autres revenus ayant une cause différente de celle du contrat de
travail résilié par l’employeur et contestant que la retraite des anciens
militaires puisse être assimilée à une rémunération au sens du salaire puisque
son versement n’est pas le corollaire d’un travail
actuel ;
Que
la CFDT, la CFE-CGC et la CFDT, concluant également sur la nature de la pension
militaire, ont soutenu que dans l’hypothèse où le Tribunal considérerait qu’une
pension militaire ne constitue pas une prestation de sécurité sociale mais une
rémunération différée afférente à l’activité au titre de laquelle elle est
attribuée, ses bénéficiaires n’auraient alors pas droit au versement des
allocations chômage, qui suppose la privation de l’emploi, et, implicitement
mais nécessairement, de la rémunération qui s’y
rattache ;
Que
l’U.P.A. estime quant à elle qu’au regard de l’article L1 du Code des Pensions
Civiles et Militaires la pension versée aux anciens militaires n’ayant pas
atteint l’âge de 60 ans doit être regardée comme constituant sinon un salaire
différé, à tout le moins une garantie de ressources qui ne peut donc se cumuler
avec l’allocation de chômage ;

Attendu
qu’il convient tout d’abord d’observer que l’A.O.C. ne peut se prévaloir de la
loi du 19 décembre 1996 qui n’a aucun caractère rétroactif pour soutenir qu’en
1993 et 1994, dates des règlements et des délibérations faisant l’objet d’une
demande d’annulation, la pension militaire ne pouvait être assimilée à un
avantage vieillesse avant l’âge de 60
ans ;
Qu’il
résulte au contraire d’une jurisprudence constante qu’en dépit de leur caractère
statutaire elles constituaient bien des avantages de vieillesse accordés en
vertu d’un régime spécial de sécurité sociale et étaient donc soumises aux
dispositions critiquées ;

Attendu
que l’article L 351-1 du Code du Travail pose le principe pour les travailleurs
involontairement privés d’emploi, aptes au travail et recherchant un emploi, du
droit à un revenu de
remplacement ;
Qu’en
vertu de l’article L 351-19 du même code, figurant à la section IV consacrée au
maintien des droits à remplacement, le revenu de remplacement ne cesse d’être
versé qu’aux allocataires âgés de plus de soixante ans justifiant de la durée
d’assurance requise pour l’ouverture du droit à pension de vieillesse à taux
plein, et, en tout état de cause, aux allocataires atteignant l’âge de 65
ans ;
Qu’en
revanche le législateur n’a prévu aucune réduction des allocations de chômage
pour les allocataires de moins de 60 ans même s’ils bénéficient d’un avantage
vieillesse ou d’une pension militaire ;

Attendu
que la prise en compte de conditions d’activité antérieure, visée à l’article L
351-3 du Code du Travail sert uniquement à déterminer les catégories de
travailleurs relevant du régime de l’assurance-chômage mais ne peut en aucun cas
être interprétée comme autorisant une réduction des allocations de chômage en
raison de pension ou d’avantages vieillesse résultant de cette activité
antérieure ;

Attendu
que certes l’article L 351-20 du Code du Travail envisage la coexistence de ces
deux types de revenus mais en posant le principe d’une possibilité de cumul dans
des conditions et limites qui à l’origine devaient être fixées par décret en
Conseil d’état et qui, depuis la loi du 29 juillet 1998, sont, en matière
d’assurance chômage, arrêtées par les partenaires sociaux par voie d’accord
conformément à l’article L 351-8 du Code du Travail ;

Attendu
que contrairement à ce que soutiennent les défendeurs aucun élément ne permet de
conférer à cette dernière loi susvisée un caractère interprétatif et donc
rétroactif ;
Qu’en
effet le législateur ne l’a pas expressément spécifié dans la nouvelle rédaction
de l’article L 351-20, et que ceci ne ressort pas davantage des travaux
préparatoires ni des débats
parlementaires ;
Que
la nouvelle disposition n’a pas pour objet de préciser un texte antérieur dont
l’application aurait été impossible ou sujette à controverse mais constitue une
véritable modification de la législation
antérieure ;
Que
dans ces conditions le fait qu’elle réponde à un souci d’harmonisation avec
l’article L 351-8 du Code du Travail ne peut suffire à lui reconnaître un
caractère interprétatif ;

Attendu
qu’il en résulte qu’à la date où sont intervenues l’article 50 des règlements
annexés les délibérations litigieuses, seul le pouvoir réglementaire était
habilité à fixer des conditions et limites au cumul sans que les partenaires
sociaux puissent s’y substituer, même en se fondant sur le principe général
d’une gestion paritaire du régime d’assurance chômage ;

Attendu
par ailleurs que le fait que le pouvoir réglementaire s’abstienne de prendre le
décret prévu par l’article L 351-20 ne saurait avoir eu pour conséquence, comme
le soutiennent les défendeurs, d’interdire tout cumul, ce qui équivaudrait à une
véritable paralysie de la volonté contraire clairement exprimée du
législateur ;

Qu’il
apparaît dans ces conditions qu’à la date des dispositions critiquées, les
partenaires sociaux n’avaient aucun droit à intervenir dans la mise en place des
règles de cumul pour restreindre les droits que les travailleurs privés d’emploi
tenaient de la loi ;

Qu’il
y a lieu en conséquence de faire droit à la demande de l’A.O.C. et de condamner
le MEDEF, la CGPME, l’UPA la CFDT, la CFE-CGC et la CFTC à lui payer, au titre
de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, chacun 3.000
francs ;
Attendu
que la CGT-FO qui n’a pas contesté la demande, ne sera pas tenue aux dépens ni
au paiement de l’indemnité allouée au titre de l’article 700 du Nouveau Code de
Procédure
Civile ;
Attendu
que la C.G.T. n’étant pas signataire des dispositions annulées, il convient de
la mettre hors de
cause ;
Que
pour des raisons d’équité il ne sera pas fait droit à sa demande au titre de
l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile sa présence ayant néanmoins
été utile aux débats ;

PAR CES
MOTIFS,

——————————

LE TRIBUNAL,

Se
déclare
compétent ;
Rejette
la fin de non recevoir soulevée par le
MEDEF ;
Annule
l’article 50 des règlements annexés à la convention d’assurance chômage du 1er
janvier 1993, du 1er janvier 1994 et à l’avenant n°2 à cette dernière
convention ;
Annule
en conséquence les délibérations V prises pour l’application desdits articles
50 ;
Met
hors de cause la
CGT ;
La
déboute de sa demande au titre de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure
Civile ;
Condamne
le MEDEF, la CGPME, l’UPA la CFDT, la CFE-CGC et la CFTC aux dépens ainsi qu’à
payer à l’AOC chacun TROIS MILLE FRANCS (3.000) au titre de l’article 700 du
Nouveau Code de Procédure Civile et admet la SCP BOUAZIZ BENAMARA et Maître
Gilbert FILIOR, avocats, au bénéfice de l’article 699 du N.C.P.C.

Fait et jugé à PARIS, le 15 FéVRIER 2000.

LE GREFFIER
signé M.Moreau
LE PRéSIDENT
signé
C.Taillandier

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