Question écrite n° 09486 de M. Jean Louis Masson (Moselle – NI) publiée dans le JO Sénat du 28/11/2013 – page 3420
M. Jean Louis Masson attire l’attention de M. le ministre de l’intérieur sur le fait que le Conseil d’État a jugé (7 octobre 2013, n° 356675) que les ordonnances liquidant les frais et honoraires des experts étaient à caractère administratif. De ce fait, ces ordonnances ne peuvent être utilisées comme titres exécutoires pour recouvrer les sommes dues à l’expert, ce qui conduit certains experts à retenir leur rapport aussi longtemps qu’ils n’ont pas été réglés. Il lui demande si un expert judiciaire peut retenir son rapport tant qu’il n’a pas été réglé.
Transmise au Ministère de la justice
Réponse du Ministère de la justice publiée dans le JO Sénat du 27/11/2014 – page 2647
Par arrêt du 7 octobre 2013, le Conseil d’État juge que l’ordonnance par laquelle le président de la juridiction ou le président de la section du contentieux du Conseil d’État liquide et taxe les frais et honoraires d’expertise revêt un caractère administratif et non juridictionnel et que le recours dont cette ordonnance peut faire l’objet est un recours de plein contentieux.
Dans le cadre des procédures administratives et des procédures civiles, les honoraires et frais d’expertise sont à la charge des parties.
Celles-ci doivent consigner une provision au greffe de la juridiction compétente aux fins de garantir le paiement en tout ou partie de ces frais.
Le versement de la consignation conditionne la désignation de l’expert par le juge.
Conformément aux dispositions de l’article R. 761-4 du code de justice administrative, le juge fixe par ordonnance les honoraires en tenant compte des difficultés des opérations, de l’importance, de l’utilité et de la nature du travail fourni par l’expert ou le sapiteur et des diligences mises en œuvre pour respecter le délai imparti, et arrête sur justificatifs le montant des frais et débours qui seront remboursés à l’expert.
L’article 284 du code de procédure civile dispose que dès le dépôt du rapport, « le juge fixe la rémunération de l’expert en fonction notamment des diligences accomplies, du respect des délais impartis et de la qualité du travail fourni.
Il autorise l’expert à se faire remettre jusqu’à due concurrence les sommes consignées au greffe.
Il ordonne, selon le cas, soit le versement des sommes complémentaires dues à l’expert en indiquant la ou les parties qui en ont la charge, soit la constitution des sommes consignées en excédent.
Lorsque le juge envisage de fixer la rémunération de l’expert à un montant inférieur au montant demandé, il doit au préalable inviter l’expert à formuler ses observations.
Le juge délivre à l’expert, sur sa demande, un titre exécutoire ».
La jurisprudence judicaire (Cour d’appel de Limoges, 30 avril 2013, 12/00829) précise que l’ordonnance de taxe revêtant la formule exécutoire constitue un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible (article 42 de la loi n° 91-650 du 9 juillet 1991) sur le fondement de laquelle peut être effectuée une saisie-attribution.
Ainsi, le titre exécutoire peut être délivré ultérieurement à l’ordonnance de taxe ou incluse dans celle-ci.
Dans le cadre des procédures pénales, les honoraires et frais d’expertises diligentées par les magistrats du parquet ou du siège sont considérés comme des frais de justice en application des articles R. 91 et R. 92 du code de procédure pénale et sont donc pris en charge par l’État.
Les régies des juridictions ou les services administratifs des cours d’appel versent les indemnités aux experts suite au dépôt de leur rapport et à la délivrance de l’ordonnance de taxe par le juge taxateur.
Au vu de ces éléments, il se déduit que les experts n’ont pas la possibilité, dans le respect des règles procédurales, de retenir leur rapport tant qu’ils n’ont pas été réglés de leurs frais et honoraires.
Le dépôt de leur rapport est la condition de délivrance du titre en vertu duquel ils seront payés.
Source: JO Sénat du 27/11/2014 – page 2647