Harcèlement moral au sein du Service de santé des armées : Je suis sortie de l’enfer ! (par Katia Vignaud épouse Cauchois)

J’ai commencé ma carrière militaire en 1999 en tant que militaire du rang et pour occuper les fonctions d’auxiliaire sanitaire. Après mes classes, je suis mutée dans un régiment du matériel. D’emblée, mes chefs sont satisfaits  de mon travail et mon rêve est de devenir infirmière. Je suis fascinée par le monde médical et particulièrement motivée pour intégrer celui-ci.

La chance va rapidement me sourire. Donnant entière satisfaction dans mon emploi, je suis nommée sergent le 1er juin 2004 et  désignée par mes cadres pour présenter le concours d’entrée à l’Ecole du personnel paramédical des armées (EPPA) à Toulon. Après réussite au  concours j’effectue  quatre années d’études au terme desquelles le Diplôme d’Etat d’infirmière  m’est délivré. Le 5 janvier 2009, je suis mutée, conformément à mon choix,  au 3ème régiment médical de Beligneux,  Service Médical d’Unité (SMU) de La Valbonne.

Contre toute attente et sans aucune explication, à mon arrivée au camp de La Valbonne, je suis  dirigée sur le Centre de Formation et d’Instruction de Santé et de Secourisme (C.F.I.S.S). Ce changement d’orientation s’est sans doute fait après accord tacite entre le chef de corps du 3ème régiment médical et le médecin référent du Service Médical d’Unité puisqu’une infirmière du C.F.I.S.S a pris ma place au SMU. Longtemps après cette permutation j’ai eu confirmation que des personnels du SMU avaient visualisé mon dossier et intrigué pour m’échanger contre cette infirmière. Du fait de cette affectation au C.F.I.S.S. j’ai refusé le statut MITHA (Militaire infirmier Technicien des Hôpitaux des Armées). A partir de ce moment-là, je suis « baladée entre deux entités  du régiment médical, le C.C.L. et le H.M.C,  dont les commandants d’unité, sans me connaître, me jugent et me notent sévèrement… Etant une femme, bien évidemment je ne possède pas d’autorité naturelle ! Quant à  mon congé de maternité il se  traduit  dans ma notation par l’appréciation « son manque de disponibilité est préjudiciable au bon fonctionnement du centre d’instruction… »

Au bout d’un an et demi, je suis convoquée en urgence au centre médical des armées (CMA) de La Valbonne pour me voir signifier que je dois désormais travailler dans cet établissement. Aucune explication ne m’est donnée sur cette nouvelle affectation.

A mon arrivée, l’accueil est froid, voir glacial ! Employée en dehors de mon corps de métier à des tâches essentiellement administratives auxquelles je ne suis pas préparée, je remarque néanmoins rapidement de grosses accointances entre certains cadres et militaires du rang. Personnellement, je suis complètement en dehors de leur système et de leur façon de penser. Pour résumer, je ne fais pas partie de leur clan ! Je ne cherche qu’une chose : pratiquer mon métier d’infirmière sans déroger à la règle du Centre Médical.

Ma première notation dans ma fonction d’infirmier adjoint au responsable de la cellule OPEX au sein du CMA est mitigée. Mon investissement est souligné et je prends, selon le notateur juridique, « en compte les remarques qui me [lui] sont faites »

Cette embellie est  de courte durée car il y a au sein de l’entité un médecin principal adjoint (f) devenu médecin en chef qui fait « la pluie et le beau temps ». Je ne saurais vous dire pourquoi, mais je suis devenue son souffre-douleur jusqu’à sa mutation au PAM 2013. Agissant de manière sournoise pour ne pas dire perverse, ce médecin m’a totalement décrédibilisée vis-à-vis des autres cadres et des militaires du rang. Tout le monde me montrait du doigt. On me changeait de poste régulièrement en me faisant passer pour une incompétente. C’est ainsi par exemple que sur le « cahier de consignes Médecins » on peut lire l’inscription suivante : « Sgt Vignaud remis sur le poste contentieux devant l’incompétence à gérer la C.(Ellule)  Opex, reprise « de main de maître » par la CCH N….. ». Lorsque ce médecin faisait des réunions cadre, il m’humiliait et me rejetait de la pièce de réunion devant l’ensemble des cadres présents. Du soutien ? il n’y en avait pas ! Aussi bien au niveau de mes pairs que des cadres en général. J’ai compris la pleine mesure de la loi du silence.

Pour m’humilier encore plus, ce médecin m’a noté en juin 2012 en tant qu’aide secrétaire alors que j’étais infirmière!  Inutile de préciser  qu’il se livre à un véritable massacre dans ma notation. C’est ainsi qu’à l’exception du critère « Discipline » indexé dans la case « Normal »,  34 critères sur 42 sont indexés dans la case « perfectible »  et que 7 seulement ne comportent aucune indexation !

Enceinte, je n’ai pas réagi à cette scandaleuse notation car stressée et sous pression, j’ai failli perdre mon deuxième enfant.

Plusieurs fois j’ai cherché à échapper à mes harceleurs en demandant à être mutée à l’hôpital Desgenettes afin de faire mon métier d’infirmière militaire. Chaque fois j’ai essuyé un refus !

Estimant ne plus avoir aucun avenir au sein de l’Institution militaire, le 3 mai 2012 j’ai adressé à ma hiérarchie un compte-rendu dans lequel je déclare me désister des épreuves du brevet supérieur de technicien de l’armée de terre (BSTAT) et vouloir, pour des motifs d’ordre personnel, m’orienter vers un détachement dans la fonction publique hospitalière. Par précaution, je ne fais aucune allusion au harcèlement moral que je subis….ma demande étant soumise aux avis hiérarchiques ! Concomitamment, je remplis une fiche de candidature pour un recrutement dans la fonction publique en 2012 au titre de l’article L.4139-2 du code de la Défense. Ma demande est transmise à l’agence de reconversion de la défense (ARD) avec un avis défavorable de la direction des ressources humaines de l’armée de terre (DRHAT) ! Bien évidemment, l’ARD n’agrée pas ma demande …et je décide de soumettre cette affaire à la Commission des recours des militaires.

Dans le cadre de la procédure, le mémoire produit par la DRHAT m’est communiqué. C’est un chef d’œuvre ! Selon la DRHAT « la spécialité « infirmier » est identifiée comme chroniquement déficitaire ». Mon départ « aggraverait davantage le sous-effectif (carence actuelle d’un sous-officier infirmier) avéré du CMA de La Valbonne, tel que le relève l’infirmier major dans son avis rédigé le 07 mai 2012 »…

Bien mieux ! La DRHAT poursuit : « le requérant est un militaire particulièrement qualifié dans sa spécialité puisqu’en sus d’être titulaire du diplôme d’infirmier d’état, il détient un certificat de capacité d’ambulancier, le brevet de spécialiste de l’armée de terre (BSAT) du domaine de spécialité « santé » filière «Mise en œuvre » et le brevet supérieur d’infirmier militaire. Il a par ailleurs suivi divers stages de formation au sein des hôpitaux d’instruction des armées (HIA)…Avec de telles références et une telle pénurie d’infirmières on est en droit de se demander pourquoi l’infirmière diplômée d’Etat est employée comme aide secrétaire ? Aurait-on menti à la DRHAT sur mon véritable emploi? On peut également s’interroger sur ma stagnation au grade de sergent durant plus de 10 ans, comme on peut aussi très justement se demander pourquoi, étant reconnue particulièrement qualifiée, aucun critère n’est indexé dans « fort » dans l’évaluation de mes compétences professionnelles ou techniques ? Pourquoi suis-je aussi mal notée ? Pourquoi ma hiérarchie a-t-elle trompé  la DRHAT et par voie de conséquence la commission des recours des militaires et le Ministre de la défense si ce n’est pour obtenir le rejet de ma demande d’intégration dans la Fonction publique hospitalière ? Je pensais très naïvement que le chef, à tous les échelons, devait veiller aux intérêts de ses subordonnés !

A l’issue de ma grossesse, j’ai alerté le médecin chef du CMA et la Direction régionale du service de santé. Je n’ai obtenu aucune réponse. Le médecin adjoint pouvait agir en toute impunité. Ma santé déclinant, j’ai consulté régulièrement mon médecin traitant qui m’encourageait à ne pas baisser les bras car pour lui, on cherchait à me faire craquer ! Ne désirant pas se mettre à dos le médecin adjoint, certains de mes pairs m’enfonçaient encore plus. Dans cette épreuve, je n’ai eu de soutien que de mon époux et de mes enfants ! Sans eux, je pense que j’aurais fini par faire une grosse bêtise. D’ailleurs, concernant mon mari, à l’issue de la commission de notation, l’ICS E… lui a clairement signifié qu’il avait été question de revoir ses notes à la baisse car il était marié avec moi et donc trop proche émotionnellement ». Cette ICS E. et son adjointe m’ont fait faire les pires choses afin d’être bien vues par la médecin adjoint. En plein été, alors que j’étais enceinte, l’ICS E. exigeait que j’aille faire sport à 16 h en pleine chaleur plutôt qu’à 7 heure car son adjointe préférait  faire son sport le matin, à la fraîche ! Il fallait aussi que je remplace son adjointe durant ses permanences infirmiers car celle-ci se rendait dans une clinique privée pour y travailler le soir avec l’aval de ses supérieurs mais pas du commandement.

Le harcèlement est insidieux et le harceleur arrive à faire douter. Quand on en arrive à  ne plus vouloir aller au travail ou à s’y rendre la boule au ventre ; à ne plus manger car cela ne passe pas ; à ne plus dormir car on passe et repasse en boucle sa journée ; à  aller voir son médecin traitant pour lui raconter ce que l’on subit, il faut partir ! Il faut mettre un terme à la carrière. C’est le choix que j’ai fait en cette fin d’année 2014 malgré l’arrivée d’une nouvelle équipe médicale qui a su me repositionner dans mon cœur de métier. Néanmoins, je n’arrive pas à faire le deuil de cette sombre période. Je quitte le service déçue et  épuisée moralement mais avec l’espoir de retrouver confiance dans mon métier d’infirmière que je compte bien exercer ailleurs puisque l’armée n’a pas su me gérer.

Je ne souhaite à personne ce que j’ai vécu !

 Mme VIGNAUD épouse CAUCHOIS Katia

Note de l’Adefdromil 

Malheureusement, le cas douloureux relaté par Madame Katia Vignaud est assez fréquent au sein du Service de santé des armées. Cette affaire s’est déroulée au Centre médical de La Valbonne. Une autre affaire de ce type fait actuellement l’objet d’une enquête de commandement au  Centre médical de Saint-Dizier. Des médecins demandent à quitter l’Institution et comble du comble, l’Adefdromil a eu à connaître, par le passé, du harcèlement d’un médecin psychiatre(f) harcelé par son chef de service… médecin psychiatre! 

De tous ces dossiers,il ressort un mode de management qui viole délibérément les règles élémentaires de la discipline. Le tutoiement allègrement en vigueur fait fi des barrières hiérarchiques, fausse les rapports entre les jeunes auxiliaires sanitaires, les infirmières,les médecins, les cadres de santé etc. Ce mélange des genres et cette proximité conduisent parfois à la formation de clans et à l’exclusion de celles ou ceux qui n’acceptent pas d’en faire partie avec toutes les conséquences relatées partiellement dans cet article.

Il est urgent de mettre un terme à toutes ces dérives qui nuisent à la réputation du Service de santé des armées et troublent son image.

Cette publication a un commentaire

  1. Anonyme

    Ce cas est l’exemple type du manque de respect des personnes au goulag de la défense.
    On passe des qualifications, des cons de concours on s’investit et on tombe sur des cons. Avec un peu de management humain et de souplesse, cette institution putréfiée qui pourrit sur patte, aurai le loisir de ne pas perdre ses meilleurs éléments par lambeaux. Il faut du courage pour endurer ce que cette personne a enduré. Ce courage est maintenant axé contre l’institution, merci à toute cette bande de bureaux INhumains et cette bande de planqués mondains. Merci aux chefs incompétents notoires indéboussollables et protégés par la hiérarchie. Avec cette bande d’eunuques, bienvenu en hollandie. Merci aussi à tous ces porteurs de « marocains », qui baignent dans leur jus de père en fils. Heureusement qu’il y a des femmes, car dans la défense, il n’y a plus d’hommes qui commandent il n’y a que des serpilliéres. C’est d’ailleurs une femme qui a dit que la république n’est pas une serpilliére, ce n’est pas un homme et surtout pas un de ces vendus qui vendraient pére et mére pour exister. Gloire au femmes.

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