France Soir – Jeudi 14 novembre :
Une veuve lâchée par la Grande Muette.
Le 24 avril 1991 aura été fatal au sergent-chef Jean-Pierre Vidot. Ce jour-là, le sous-officier du 10e bataillon de commandement et de soutien (BCS) décharge des munitions, sur les quais de Djibouti. Il s’évanouit une première fois puis une deuxième. Ce n’est qu’alors qu’il est hospitalisé. Verdict du médecin militaire : épilepsie.
Trois jours plus tard, il tombe dans le coma dont il ne sortira jamais. Sa femme, Nadine, ne sera mise au courant que le 29 avril. Tout est exceptionnel dans cette histoire : il faut un ordre express de l’amiral Lanxade pour que l’homme soit rapatrié en métropole. Après un séjour au Val-de-Grâce, Jean-Pierre Vidot est transféré au centre héliomarin de Berck.
Commence alors le marathon, pour l’épouse : trouver un hôpital pour accueillir son mari. Pas de place dans les hôpitaux militaires.
Maigres économies.
Elle finira par trouver un centre de long séjour à Sens (Yonne), au prix de 36.000 F par mois. A ce tarif-là, les maigres économies du couple fondent rapidement : le traitement ne peut se poursuivre que grâce aux subsides du conseil général de l’Yonne. En juin 1993, Jean-Pierre Vidot meurt ; un deuxième calvaire commence pour sa famille. En 1997, sa femme obtient que le décès soit imputable au service. Mais le ministère de la Défense fait appel et gagne. Le Conseil d’Etat confirme la décision quelques mois plus tard. La famille Vidot doit donc rembourser 390.000 F !
En mai 2002, Nadine Vidot perd coup sur coup (en deux jours) son père, ancien légionnaire, et son beau-père. Témoignant d’une célérité peu commune, un huissier du Trésor public se rend chez elle, deux semaines plus tard, pour annoncer la saisie de l’héritage…
» Ce sont des vétérinaires qui se sont occupés de lui «
La voix cassée par l’émotion, Nadine raconte le drame peu commun que connaît sa famille depuis onze ans. Comment, à dix jours de la quille, son mari est tombé dans le coma et comment l’administration a pu encore, grâce à un acharnement insoupçonné, contribuer à accentuer le drame familial.
» Je veux que l’honneur de mon mari soit lavé. Sa maladie n’a pas été prise au sérieux, condamne-t-elle. Ce sont des vétérinaires qui se sont occupés de lui. Il aimait son métier, il respectait son arme, sa patrie « , se souvient-elle. » C’est grâce à mes trois filles (22, 16 et 11 ans aujourd’hui, NDLR) que j’ai pu tenir toutes ces années. C’est pour elles que je continue à me battre, pour qu’on leur reconnaisse ce titre de pupille de la nation, auquel elles ont droit. »
Surendettée, après avoir financé le traitement de son mari, atteinte d’une maladie incapacitante, Nadine a mené sa contre-enquête. Un docteur lui a confirmé que son mari a été « drogué » pendant son hospitalisation. Elle a aussi découvert de « faux extraits de registres de
constatations ». Les courriers se sont multipliés, « je n’ai jamais eu la moindre réponse ». Si, une pourtant : sa lettre, en juin 2002, adressée au président de la République trouve réponse, de la part du service des pensions des armées de La Rochelle, qui ne s’estime » pas compétent « .
Par un hasard de rencontre, Nadine Vidot finit par croiser la route du capitaine Bavoil, président de l’ADEFDROMIL (Association de défense des droits des militaires). Habitué à ferrailler avec le ministère de la Défense, habitué de Djibouti où il a séjourné pendant sa carrière, l’ancien officier se dit » indigné « , et son association va poursuivre en justice, aux côtés de la famille Vidot.
Pour l’instant, la mort de Jean-Pierre Vidot n’aura servi qu’à une seule chose : désormais, les blessés quittent Djibouti pour la métropole beaucoup plus rapidement.
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